Bouneau UE2 2ème cours 05/10/06

De Univ-Bordeaux
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L’économie de l’innovation au cœur de l’économie contemporaine

Introduction


Les théories économiques de Schumpeter sont articulées avec l’histoire économique et l’action économique car il fut ministre des finances en Autriche avant l’invasion nazi, d’ailleurs cet évènement le poussa à partir aux Etats-Unis où il étudia le capitalisme et le socialisme. Schumpeter est un économiste hétérodoxe. Il a une approche micro-économique par l’entreprise et macro-économique par un processus : l’innovation.

Munster P., L’Encyclopédie de l’Innovation


Les 5 catégories d’innovations :

  1. de produits
  2. de procédés
  3. d’organisations
  4. commerciales
  5. socioculturelles


  • Les innovations de procédés et de produits sont des innovations technologiques (le mot technologique désigne l’ensemble des systèmes techniques en rapport avec leur environnement, le terme de technologie quant à lui englobe en plus des aspects politiques et socioculturels).
  • Il faut distinguer les innovations radicales des innovations qui ne sont en réalité que des perfectionnements.
Une innovation de produit : le vélo
Une innovation de procédé : le puddlage pour obtenir de l’acier
  • Des innovations commerciales : la réclame, la publicité, le marketing… les innovations commerciales renvoient bien souvent au domaine de la communication.
  • Les innovations d’organisation, c’est le cas de la création de la grande entreprise multidivisionnelle apparut au XIXe siècle, l’entreprise est alors organisée en divisions et en services, le pouvoir est détenu par une nouvelle classe d’individus : les managers. A.Chandler «  la main visible du marché ». Le taylorisme est à la fois une innovation d’organisation et commerciale associée à un discours social.
  • Les innovations socioculturelles : ce sont les effets de modes par exemple le sportwear. Ce type d’innovation est généralement un phénomène descendant, des élites vers la masse.


Le modèle : Invention → Innovation → Diffusion ? En réalité le phénomène est moins linéaire.



I La dynamique des réseaux entretient l’histoire de l’innovation

  • L’école des Annales laissait une large place à l’histoire des techniques. Marc Bloch et Lucien Febvre ont largement intégré l’histoire des techniques et des réseaux dans leurs recherches « raconter le combat sans les armes, le paysan sans la charrue, la société entière sans l’outil, c’est assembler de vaines nuées ».
  • Aujourd’hui, il y a saturation de la technique et le terme d’innovation peut devenir un objet de mode, on le constate dans de nombreux discours politiques récents. Depuis la révolution industrielle l’innovation est étroitement liée à l’histoire des réseaux : le réseau c’est la transcription spatiale des systèmes techniques. Ce mot vient du latin retis : le filet, pendant la révolution industrielle le réseau ferroviaire s’est propagé sous forme de mailles. On retrouve actuellement cette même image de maille avec la téléphonie qui quadrille le territoire


Á la recherche de la gestion du territoire et des technique urbaines

  • Le lien réseau / innovation apparaît au XVIIIe siècle, l’innovation à cette époque passe par le contrôle des territoires, on réinvente le réseau routier ce phénomène est largement symbolisé par le corps d’ingénieurs de l’Ecole des Ponts et Chaussées en Prusse sous Frederik le Grand. L’objectif du despote éclairé était de maîtriser l’économie et la politique par le territoire. On commence à voir les routes comme un instrument de contrôle du territoire chose oubliée depuis les romains. La demande de routes provient aussi des militaires et des médecins pour qui l’existence d’un réseau routier dense était une chose essentielle.
  • Studeny auteur de l'ouvrage L’Invention de la Vitesse, pour lui elle se situe au XVIIIe siècle avant la révolution ferroviaire, elle est liée à la naissance des services postaux, mais aussi du télégraphe optique par Chape en 1794 (on utilise un système de drapeaux, de signaux, il y a des relais tous les 20km c’est autant une innovation de produit, de procédé que d’organisation.



L’âge d’or Saint-simonien

L’idéologie saint-simonienne croise les différents types d’innovations, son âge d’or se situe autour de 1850. A priori le saint-simonisme est une face du socialisme utopique en pratique il n’en est rien.

Ses disciples jouent un rôle fondamental dans l’économie française du XIXe siècle, les plus actifs sont :


  • M.Chevalier auteur du Système de la Méditerranée en 1837, il signe le traité de libre échange portant sur les céréales entre la France et l’Angleterre en 1860.


  • Les frères Pereire Emile et Isaac pendant le second Empire. Dans les années 1830 ils sont employés par la banque Rothschild, puis ils acquièrent leur autonomie vers 1840, ils créaient alors un grand groupe d’affaire qui cumule tous les types d’innovations. Ils ont contrôlé trois des grands réseaux de chemins de fer sur six (comme la Compagnie de chemin de fer du Midi), ils sont les inventeurs de l’obligation ferroviaire qui est une innovation financière globale, ils créaient des obligations : c’est un emprunt de l’entreprise ce titre donne un revenu fixe à la différence de l’action qui elle entraîne un risque car la rémunération (les dividendes) dépendent des résultats de l’entreprise. Les frères Pereire sont aussi à l’origine d’une invention touristique majeur avec l’aménagement du Bassin d’Arcachon.
    • Une innovation agricole : la création de la forêt des Landes
    • Une innovation maritime, en effet ils créaient la CGT, la compagnie générale transatlantique.
    • Ils appliquèrent complètement l’idéologie saintsimoniste car ils ont intimement liés l’innovation et le social autrement dit le progrès économique et le développement social. Ils ont eu une vision universaliste et même messianique ils croient en un progrès de l’humanité.


La diversification des modèles de réseau

  • Cette diversification des réseaux apparaît suite aux enchaînements des révolutions industrielles. Avec la seconde révolution industrielle un nouveau modèle de réseau apparaît il est lié à l’électricité, la diffusion de cette forme d’énergie génère une seconde industrialisation. C’est à ce moment là que se créaient les grandes entreprises chandleriennes. On électrifie le territoire pendant tout le premier tiers du XXe siècle, les compagnies qui électrifient ont un immense pouvoir car elles génèrent l’industrialisation et celle-ci entraîne une logique de la demande et pousse à la consommation.
  • Avec les réseaux électriques on passe aux abonnés (jusque là le client était un usager il se transforme en abonné), cela marque naissance du consommateur. L’abonné est captif mais il peut toujours jouer sur la tarification et la concurrence. Les grandes compagnies d’électricité ont acquis à cette époque un véritable pouvoir, les marchés financiers de l’époque étaient sous leur contrôle.



L’innovation et les débats sur la coordination

  • A partir du milieu du XIX e siècle, on réfléchit sur les coûts de transaction, on cherche le meilleur moyen de maximiser les profits, l’utilisation des réseaux en est un moyen voire la meilleur forme.

Les réseaux ne sont pas une hiérarchie classique mais une solidarité entre les différentes divisions de l’entreprise. En politique, l’utilisation des réseaux permet d’augmenter le profit il faut pour cela augmenter ses liens interpersonnels (pratiquer le lobbying avoir à sa cause les parlementaires), le stade au dessus c’est la collusion et encore au dessus la corruption. Penser à la construction du canal de Panama qui est gréée de problèmes de corruption.


  • M.Callon a travaillé sur la sociologie de l’innovation. Il montre que dans les mécanismes d’innovation les relations sont horizontales, c’est différent d'une hiérarchie classique où les relations sont verticales.
Le réseau est un outil de coordination et de compréhension de la complexité, c’est à la fois l’entreprise et le système technique qui gère le territoire c’est le cas des grandes compagnies des chemins de fer.



Les grands débats de l’histoire de l’innovation

La critique d’une vision exclusivement évolutionniste

  • Cette vision est une vision classique de l’histoire positiviste : l’innovation vertueuse et ses réseaux, elle est aussi territoriale, le système d’innovation est d’abord local puis régional, puis national et enfin international. Les réseaux sont un instrument positif de solidarité du territoire.
  • F.Caron « il n’y a aucune évolution irréversible du local vers l’international même dans un domaine technologique strict ». Chaque innovation a un ou plusieurs berceaux qui ensuite remettent en cause la mondialité.
Exemple le tramway en 2006 qui est égal à 1/8 du réseau des années 30, et l’alimentation par sol est une technologie inventée à la fin du XIXe siècle, de même la taille du réseau de chemin de fer en France ne correspond qu’à 1/3 de sa taille dans les années 30.


  • A Paris est organisé en 1881 l’exposition internationale de l’électricité sur les champs Elysées , il y a 1754 exposants. Même si les français sont majoritaires ce n'est pas d'eux dont proviennent les innovations les plus bouleversantes. L'homme du salon c’est Thomas Edison qui fait passer le système technique de la marge au centre. Il a la vision d’un système : « the system first » il pense le commercial, le profit. Son objectif est de relier son invention majeure la lampe à tingstène et le contrôle de la production d’électricité. Il a une vision globale puisqu’il travaille l’opinion, verse des pots de vin aux journaux pour qu’ils vantent son système, c’est un homme médiatique. Le système à grande échelle est développé par les allemands, ce sont les concurrents d’Edison : la famille Siemens. Werner Siemens installe un tramway électrique de son invention, durant l’exposition sur l’électricité, il relie la place de la Concorde au Palais de l’électricité.



Le débat sur les résistances à l’innovation

  • L’innovation n’est pas une fin en soi, il n’ y a pas de légende dorée. Elle peut susciter débat oppositions, résistances mais il ne faut pas assimiler cela à un archaïsme, ces résistances peuvent naître de réflexions politique et sociales. C’est le cas des corporations, les métiers désirant sauvegarder leurs emplois, ils dénoncent le machinisme, le remplacement de l’homme par la machine, la mécanisation, l’automatisation. A la fin du XVIIIe siècle des hommes détruisent des équipements en Angleterre c’est le phénomène du luddisme, au départ contre le textile puis ce phénomène s’est étendu.
De même l’opposition gaziers/électricité.
L’innovation génère en permanence des tensions.



Un secteur décisif pour l’innovation : les applications énergétiques et la formation d’une économie de l’énergie

Des perfectionnements de la machine à vapeur à la mécanisation et à l’automatisation

  • La machine à vapeur a été inventée par Watt au XVIIIe siècle, elle est le moteur de la première révolution industrielle. Elle est en permanence améliorée, on diminue la quantité de charbon nécessaire pour produire un cheval vapeur. On développe des machines à hautes pressions qui viennent des Etats-Unis, les américains ont une supériorité nette pour la fabrication des machines outils. L’apparition des turbines améliore l’efficacité des machines à vapeur, cette innovation se répand pendant le début de la seconde révolution industrielle grâce à la généralisation de l’utilisation des machines outils.



L’avènement de l’automobile et de l’aéronautique

  • Grâce à l’invention du moteur à explosion on réduit un goulot d’étranglement. A savoir comment concevoir un système de circulation autonome et suffisamment léger. Jusqu’au début du XIXe siècle la concurrence est vive entre les différents types de véhicules. Aux Etats-Unis jusqu’en 1902 on construit surtout des automobiles électriques et même à vapeur. Le moteur à combustion interne a été inventé par le belge Lenoir en 1860, il faut attendre les innovations allemandes des années 1880 et surtout l’invention du moteur à diesel en 1897 par Diesel pour que l’automobile puisse véritablement voir le jour.
  • Dans le domaine de l’aéronautique, l’invention majeure vient de Clément Ader qui projette de faire voler un appareil plus lourd que l’air, il a été aidé par les militaires, son premier avion décolle en 1897 à Satory, c’est le début de l’aéronautique. L’avion est ensuite développé par les frères Wright, les français jouent un rôle important à partir de 1907 notamment avec les vols de Louis Blériot (traversée de la Manche en 1907). Au même moment, les dirigeables se perfectionnent grâce à l’action du comte Von Zeppelin, en 1897 il lance son premier dirigeable et à partir de cette date leur taille ne va cesser de croître.




L’influence des NTIC (aujourd’hui TICE)

  • Les NTIC et TICE ont complexifié l’innovation. Les innovations sont fondées de plus en plus sur l’immatériel.
M.Castel, La société en réseau : l’ère de l’information, 1996 cette dynamique de l’innovation est née selon lui dans les années 60.
M.Mcluhan, War and Peace in the Global Village, 1969. Il montre que la globalisation par l’information est au delà de la vitesse, on recherche à l'heure actuelle l’ubiquité.
  • Ces NTIC amènent une critique sociale :
elles reproduisent et accroissent les inégalités sociales c’est la question de la fracture numérique et de la saturation de l’information amenée par les NTIC, on est constamment sollicité par des informations venant de tous les canaux. Quel doit être l’attitude du citoyen ?


Conclusion


  • L’histoire de l’innovation rencontre en permanence une dimension spatiale. La grande difficulté est de pouvoir articuler en permanence les différentes échelles le local / le régional / le national / et l’international, lorsqu’on met en œuvre les 5 grandes catégories d’innovations schumpétériennes. En Aquitaine l’échelon régional est le moins évident.