Cadilhon UE4 12ème cours 25/04/08
Sommaire
Chapitre 2 suite
2. L’histoire est une affaire rentable.
Jean-Jacques Garnier est né en 1729, fils d’un laboureur, il étudie au collège de Laval. Il est remarqué par des professeurs de l’université de Paris. Il reste un modèle de l’ascension sociale au XVIIIeme siècle. Il étudie au renommé collège d’Arcourt à Paris puis devient professeur d’hébreu au Collège de France en 1759. Il est ensuite fait pensionnaire de l’Académie des Inscriptions et des Belles Lettres, ce qui lui octroie une rente versée par le roi.
En 1777, Garnier devient inspecteur du Collège de France (sorte d’équivalent de Président d’université) et historiographe de France (il rédige la biographie du roi). On peut estimer qu’il touche environ 5000 livres de rente à ce moment-là, bien plus que ce que lui prévoyait sa naissance.
Dans les années 1770, l’histoire devient rentable pour Garnier car il obtient des contrats d’édition grâce à son titre d’historiographe de France. Il a rédigé 2 types d’œuvre :
• Moralisantes et pédagogiques, hostiles aux philosophes en général. C’est un échec financier, avec peu de ventes.
• Historiques : c’est un succès car l’histoire attire des lecteurs. Le 20 mars 1766, il signe un contrat avec l’éditeur Saillant et touche 1500 livres par manuscrit pour traiter de l’histoire de France de l’instauration de la monarchie à Louis XIV.
En 1770, il a fait fortune et peut se faire ériger une maison de campagne.
3. Les lettres
Avant 1660, la poésie et l’érudition attirent beaucoup. A partir de 1660, la fiction et la frivolité connaissent un essor, en particulier le théâtre et les romans (au XVIIIème). Corneille, Molière ont du succès.
Marmonteil, dans ses Mémoires d’un père pour servir à l’instruction de ses enfants : « Le théâtre est la plus belle des carrières. C’est là qu’en un jour on obtient gloire et fortune ». C’est par exemple le cas de Voltaire, qui est d’abord connu comme auteur de théâtre, au début du XVIIIème siècle.
On estime à peu près à 14000 le nombre pièces originales parues en France au XVIIIè siècle. En rajoutant les réimpressions et les contrefaçons, ce chiffre s’élève à environ 190000.
Il y a 2 types de pièces de théâtre :
• Des œuvres quasi-officielles qui bénéficient de la protection et de la surveillance royales. Mais les règles sont très strictes très codifiées (voir Corneille, Théâtre revu et corrigé).
• Le théâtre populaire, ouvert sur la société, davantage débridé : Les noces de Figaro.
Au début du XVIIIè siècle, le roman offre une respectabilité alors que le théâtre offre de l’argent. A cette époque, la fiction est secondaire dans les romans, elle intéresse peu, hormis Les Aventures de Télémaque de Fénelon. Ce succès va développer l’écriture de fiction. A la fin du siècle, beaucoup de romans sont écrits mais ils apportent moins de respectabilité. La fiction vient beaucoup de l’étranger : Swift, Defoe, Goethe, Richardson. Les philosophes écrivent également des romans pour se faire connaître. Le livre licencieux ou pornographique apparaît également, par Sade ou Casanova. Enfin, à la fin du siècle, les utopies voient le jour. C’est la description d’une société imaginaire ; surtout à l’étranger (Grande-Bretagne, Espagne, Allemagne). En France, Louis-Sébastien Mercier écrit L’an 2440.
II. Les sciences
A la fin du XVIIIè siècle et au début du XIXè siècle, les sciences sont à leur apogée : tout le monde veut être savant, scientifique. Les amateurs éclairés comme les passionés lisent ces livres.
1. Les livres de vulgarisation
Ils se découpent en 3 tendances :
• La traduction des œuvres des savants antiques, en particulier Hypocrate
• La spécialisation des textes, des ouvrages
• Le poids considérable de la conjoncture : ce qui est à la mode. Les sciences naturelles sont à la mode à partir de 1730 avec l’agronomie et les physiocrates (Le spectacle de la nature de l’abbé Pluche de 1732 a été réédité 20 fois en 40 ans), les découvertes géographiques ainsi que l’anatomie sont également à la mode.
2. L’économie politique
Cela consiste en expliquer la naissance des richesses, leur renouvellement, leur emploi et leur circulation. Elle est très prisée à la fin du XVIIè siècle, en particulier par les Britanniques. Cependant, la discipline reste confidentielle en France.
En 1740, changement avec le début du mouvement physiocratique et les salons littéraires consacrés à l’économie : chez la duchesse de La Rochefoucaud (où on trouve Quesnay, Mirabeau, Turgot, Condorcet), Mme Blondel, Mme de Marchais.
A partir des années 1760, les Académies de province s’intéressent beaucoup à l’économie et distribuent des prix, notamment à L’Eloge de Sully. Toutefois la diffusion est limitée, même à la fin du XVIIIè siècle, à 400 ou 500 exemplaires. La seule exception est le Compte-rendu au roi de Necker en 1781, tiré à environ 40000 exemplaires en France.
III. Les dictionnaires
Il y a prolifération à partir de 1740, avec un maximum entre 1770 et 1780. Cette diffusion marque profondément l’édition et ce goût pour le dictionnaire est très représentatif de l’esprit des Lumières, au-delà de la seule Encyclopédie.
Il existe une grande diversité de dictionnaires : de l’encyclopédie avec de nombreux volumes au dictionnaire le plus mince qu’on appelle le portatif. Les grands symboles sont :
• Le Dictionnaire de Furetières, édité 4 fois de 1690 à 1727
• Le Dictionnaire de Bayle, édité 9 fois entre 1697 et 1741
• Le Dictionnaire de Moréri, édité 23 fois entre 1674 et 1759.
A chaque fois, ce sont environ 2000 exemplaires qui sont édités. Dans les années 1740, l’éditeur parisien Coignard disait : « Je marie une de mes filles à chaque édition du Moréri ».
L’Encyclopédie de Diderot, éditée chez Le Breton, a rapporté 2,5 millions de livres. Apparition de nombreux petits dictionnaires (les portatifs) spécialisés, rédigés par des professionnels de la compilation. Certains auteurs sont spécialisés dans l’écriture de dictionnaires : François Aubert de la Chesnaye en publie 9 de 1645 à 1656, dont le Dictionnaire militaire, Dictionnaire de la noblesse, Dictionnaire du jardinage, Dictionnaire des aliments…
IV. Le livre de cuisine
Si le genre attire peu au XVIIè siècle, les éditions se multiplient au XVIIIè siècle. Au XVIè siècle, le plus gros livre de cuisine est celui de Bartolomeo Sacchi, Les 10 livres de l’honnête volupté.
En 1651, Le Cuisinier français lance la mode de la cuisine française avec les premières recettes indépendantes, originales mais surtout, l’art de la table.
Au XVIIIè siècle, La cuisinière bourgeoise de Menon est vendu à 93000 exemplaires (62 éditions). Il est le premier à utiliser le terme de « nouvelle cuisine ». Le livre est publié dans toute l’Europe. Il insiste sur la présence de légumes, la diminution du nombre d’espèces consommées (on pouvait manger du rat jusqu’alors), il remplace les graisses par le beurre. Les recettes sucrées sont renvoyées à la fin du repas. Apparition également des premières recettes avec une localisation régionale : langue de mouton à la gasconne, côtelettes de veau à la Guyenne, queues de morue à la Garonne…
Chapitre III:Libelle, crise politique et ambitions individuelles (XVIè-XVIIIè siècle)
I. L’héritage de la Ligue
Au XVIè siècle, l’information se fait par une série de bulletins à destination d’une clientèle curieuse, intéressée par les hauts faits, la vie des grands, les batailles et les évènements politiques.
Un changement se produit sous François Ier, avec la mise en place d’une propagande royale et des enjeux religieux croissants. Pendant les guerres civiles et de religion, grande propagande politique à Paris, à l’époque de la Ligue. Au départ, ce sont des chansons ou des courtes pièces. Mais très vite, cela devient des pamphlets systématiques.
En 1575, premiers pamphlets politiques, France-Turquie écrit par le dénommé Morel, de la Ligue. Ce texte s’oppose à l’absolutisme d’Henri III et à l’impôt.
A la fin du XVIème siècle, les pamphlets se multiplient à Paris : 17 en 1585, 21 en 1586, 78 en 1587, 362 en 1589, 48 en 1591.
La présentation de ces pamphlets est brève : peu de pages, sur un papier de qualité médiocre pour diminuer les coûts. Les titres sont essentiels : « défaite » n’est jamais utilisé. Le choix des mots est important : « effroyable », « hypocrite » reviennent souvent. Les textes sont fréquents en vers, et en français afin d’être compris du plus grand nombre. Cependant, ces textes deviennent rapidement improbables : appel à la sorcellerie, à l’astrologie, aux prodiges… On peut retrouver également des images, mas sur lesquelles on ne voit jamais le roi mais toujours la famille de Guise.
Sous Henri IV, les pamphlets politiques sont plus mesurés, restent dans des bornes plus ou moins fixées. Après la mort d’Henri IV, les antagonismes se font plus forts. Les pamphlets sont couverts de grossièretés mais pas forcément destinés au grand public car peu de français savent lire, et il est fait de nombreuses références à l’histoire grecque ou latine.
Au XVIIè siècle, les pamphlets ne sont plus imprimés à Paris mais en province, dans des zones mal maîtrisées par le pouvoir royal (Sedan, Angers, La Rochelle, Montauban…), ou carrément à l’étranger, notamment en Allemagne du Sud.
Souvent, les pamphlets sont au service d’un parti. Ainsi, Richelieu a engagé de nombreux polémistes.
II. Les mazarinades
Les mazarinades sont une manière d’écrire l’histoire (Hélène Duccini, Faire voir, faire croire : l’opinion publique sous Louis XIII). De 1648 à 1652, le roi est mineur et la régence est assurée par Anne d’Autriche mais contestée par les grands du royaume qui voudraient y être davantage associés.
A cette époque, une série de révolte, de mouvements éclate : La Fronde. Pendant cette période, explosion des pamphlets, des libelles (il y en a sûrement au plus que pendant la Révolution). Ce sont les mazarinades. François Davant dénonce un « déluge de libelles diffamatoires » alors que lui-même en a écrit beaucoup. Environ 5200 mazarinades sont imprimées, sans compter les manuscrits.
Christian Jouhaud, La Fronde des mots
Hubert Carrier, La presse de la Fronde.
On retrouve deux types de pamphlets, correspondant aux deux phases de La Fronde :
• Mazarinades parlementaires (1648-1649) : elles sont plus spontanées, naïves
• Mazarinades condéennes (1649-1652) : beaucoup plus dures, plus violentes.
Les mazarinades parlementaires représentent environ 34% de l’ensemble, les condéennes environ 38%, les mazarinades gouvernementales (réponse à partir de 1651) 11%, 7% sont indépendantes et 10% n’ont pas de contenu politique.
On retrouve également des satires pornographiques. Dans l’ensemble, la majorité est de qualité médiocre, dans l’écriture comme dans le papier, pour réduire les coûts. L’apogée arrive en 1652 avec des appels ouverts au meurtre de Mazarin.
La plupart des auteurs sont inconnus sauf quelques-uns comme Louis Machon, Dubosc. Souvent, ce sont des clercs ratés, des auteurs sans succès, des hommes poursuivis par la justice.
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