Cadilhon UE4 2ème cours 27/01/06

De Univ-Bordeaux

Paris : capitale de l’érudition européenne

  • Après la Renaissance italienne, il y a un déplacement des centres de la culture européenne. Au début du XVIIe siècle, Paris et Prague prennent de l’importance. Prague de reste pas longtemps : seulement durant la guerre de Trente Ans. Paris s’impose et est reconnue comme capitale de l’érudition. Les intellectuels du XVIIe siècle avaient une théorie : celle des climats qui accorde une place importante au lieu de naissance du savant. Plus le savant venait d’une région obscure, plus il avait du mérite. Ces savants devaient tous se rattacher à Paris. En 1640, Paris était les « Champs Elysées du savoir ».


I/ Les centres du savoir

A/ Les universités

-VERGER (Jacques), Histoire des universités, Que sais-je ?, Paris, PUF, 1994, 126 p. -CADILHON (François) et MONDOT (Jean), Les universités et les institutions universitaires européennes au XVIIIe siècle : entre modernisation et tradition, actes du colloque international, Talence, Presses universitaires de Bordeaux, 1999, 280 p.

  • Elles sont héritées du Moyen Age. L’Université de Paris est reconnue dans toute l’Europe. Aux XVIe - XVIIe siècles, elle se sclérose, elle ne veut pas de modernisation : c’est le refuge du conservatisme. Il y a 4 sortes d’université : les arts (celle qui accorde le bac), la médecine (la plus prestigieuse est Montpellier), le droit et la théologie (la plus prestigieuse d’Europe est la Sorbonne).

A/ Les centres religieux

  • Les monastères au centre de Paris sont les principaux lieux de savoir au Moyen Age. Ils déclinent aux XVe - XVIe siècles. La Réforme catholique voit le jour au XVIIe siècle. A Paris, il y a :
    • Les oratoriens installées rue Saint Jacques.
    • L’abbaye de Port Royal au centre de Paris et Port Royal des Champs en banlieue : c’est un grand foyer janséniste.
    • L’abbaye de Saint Germain des Prés : abbaye bénédictine. Au XVIIe siècle, il y a une réforme qui crée une nouvelle branche de bénédictins : les bénédictins de Saint Maur. Cette abbaye est la véritable capitale intellectuelle de la France. A sa tête, il y a Mabillon (1632-1707). Son œuvre constitue un tournant dans l’histoire française : la Diplomatique (1681). Il voit l’histoire comme un procès. Il définie l’historien comme un juge chargé d’établir la vérité. Pour lui, les sources sont des témoignages que l’historien doit valider ou réfuter en fonction de leur degré de sincérité et non d’après le prestige de l’auteur. Il propose une méthode pour classer les archives :
  • Le support matériel :
    • Matière : papier, papyrus, parchemin
    • Instrument utilisé pour écrire : plume, roseau
    • L’encre
    • L’écriture utilisée : caroline, gothique
  • Les clauses formelles :
    • Les sceaux
    • Le style employé
    • Les formules employées
  • Pour Mabillon, l’Eglise devait se débarrasser des légendes qu’encombraient le dogme et les pratiques religieuses. Il a été utilisé par les philosophes au XVIIIe siècle. Il a été critiqué par l’Eglise catholique : il a été accusé de vouloir soumettre la foi à la raison.
  • Ces centres religieux sont très largement gagnés par le jansénisme donc le pouvoir royal a essayé de les contrôler. Cela a limité le développement du réseau savant de ces centres.

C/ La communauté savante

  • La naissance des académies et des savants se multiplie dans les années 1630.
    • Au XVIIe siècle, la plus prestigieuse de ces assemblées savantes est l’académie patéane créée par les frères Dupuy. Ils se réunissaient dans la bibliothèque de la famille de Thou. Ces 2 frères avaient été nommé garde de la bibliothèque du roi. Ils ont entretenus une correspondance avec tous les plus grands savants d’Europe.
    • L’académie Lamoignon est animée par un helléniste : Ducange.
  • Ces savants ont contribué au bouleversement de la science. Chaque théorie y était critiquée, enrichie. Le père Marin Mersenne réalisa les expériences de Descartes. En 1700, il y a 51 ateliers d’imprimeurs et 180 libraires concentrés dans la rue Saint Jacques à Paris et 29 à Lyon. On les trouvait aussi autour du Louvres et de la Sorbonne. Les familles Coignard et Le Breton sont de célèbres familles d’imprimeurs. Depuis Colbert, ces imprimeurs et ces libraires sont organisés en fonction du système des privilèges et monopoles qui avantageait les Parisiens. C’est à Paris où vivent les intellectuels, ce qui attire les imprimeurs. Les ouvrages les plus publiés à Paris sont les ouvrages jansénistes, les nouveautés.
  • La presse voit le jour à Paris au XVIIe siècle : la Gazette de Théophraste Renaudot qui devient la Gazette de France au XVIIIe siècle, le Journal des savants (1665) où on résumait tous les livres qui venaient de sortir, le Mercure de France.


II/ Le contrôle royal

A/ Les académies royales

  • L’académie française est fondée en 1635 par Richelieu. Elle devait déterminer les règles de la langue française et élaborer un dictionnaire. Le 1er est publié en 1694. Elle devait institutionnaliser et contrôler le mouvement académicien. Dans les 1ers membres, il y avait des poètes (Voiture, Maynard), des grammairiens (Vaugelas), des hommes d’Etat (Séguier chancelier de Louis XIII)…
    • Sous l’initiative de Colbert qui voulait mettre en avant la monarchie française, Louis XIV a créé d’autres académies. Ces académies ont pour objectif d’attirer les savants et les grands artistes avides de connaissances. C’est un instrument de contrôle de la vie artistique et littéraire.
  • L’académie royale des sciences est créée par Colbert en 1666 et inspirée par la Royal Society de Londres. Il y a deux groupes : les mathématiciens (astronomes) et les physiciens (chimistes et biologistes). Colbert voulait écarter tous les partisans des nouveaux systèmes. Il élimine tous les astrologues. Il a orienté les travaux des académiciens vers des domaines susceptibles de recevoir une application directe (guerre et marine). Il fonde l’Observatoire de Paris (1672) pour faire en sorte que les astronomes trouvent une méthode de calcul de la longitude. Ainsi, les navigateurs pourraient se diriger plus facilement.
  • L’académie des inscriptions et belles lettres permettait de regrouper toutes les individualités de la littérature et de l’histoire.

B/ La police du livre

  • Un contrôle strict de l’imprimerie est mis en place par Colbert : la direction des lettres. Il développe la propagande royale pour attirer les nouveaux talents. Cette direction devait faire le trie entre les bonnes et les mauvaises idées : jansénisme, libertinage… Ex : Pour le libertinage : Gabriel Naudé, bibliothécaire de Mazarin et chantre du cynisme politique. Colbert crée la censure pour contrôler ces publications : l’Académie des Dames est censurée car il a trop d’images. En 1699, le bureau de la librairie est mis en place pour organiser le système de la censure. Voltaire est même embastillé pour ça en 1726.


III/ L’érudition ou la raison

A/ Les Anciens et les Modernes

  • C’est une querelle qui débute à partir de 1670 jusqu’en 1715. La république des lettres se divise en 2 :
    • Boileau, La Fontaine qui défendent les goûts antiques. Pour eux, on ne peut qu’imiter les auteurs grecs et latins.
    • Les modernes : Charles Perrault (on peut dépasser les auteurs anciens), Fontenelle (1657-1757) : « A mesure que la raison se perfectionnera, on se désabusera du préjugé grossier de l’Antiquité ».

A l’académie des inscriptions et belles lettres, les Anciens étaient majoritaires. Dans la 2ème moitié du XVIIIe siècle, le goût pour l’Antiquité n’a jamais été aussi fort. Pourtant, ce sont les Modernes qui ont gagné.

B/ Le Collège de France

  • C’est le Collège royal qui a été fondé par François Ier au début du XVIe siècle dans le cadre du mouvement humaniste. Au début, on ne devait étudier que les langues anciennes. Petit à petit, les cours se sont étendus à toutes les disciplines nouvelles. Au début du XVIIe siècle, il y avait 18 chaires : ex : Gassendi pierre qui en 1645 prend la défense de Copernic et Galilée.
  • A partir de 1660, le Collège de France décline car les professeurs appelés lecteurs royaux avaient un grand esprit d’indépendance. Cet esprit s’accordait mal avec la monarchie absolue. Le Collège de France était situé sur le Collège de Treguier. Il n’était pas entretenu car le gouvernement royal ne donnait pas d’argent. Les professeurs recrutés étaient parfois ou souvent incompétents notamment dans les langues orientales. Les places de lecteurs royaux étaient destinées à récompenser les amis du secrétaire du roi à la maison du roi. De plus, les lecteurs étaient très mal payés.
  • Au début du XVIIIe siècle, le Collège de France décline de manière sensible. Les chaires étaient transmises de père en fils. Ex : les Fourmont (archéologues), les Capperonnier… Les cours étaient suivis par très peu d’élèves.

En 1770, le Collège de France est rénové. JJ Garnier a su faire attribué une partie des revenus de l’Université au collège de France. Il a réussi à faire reconstruire le Collège (façade de Chalgrin imitant un temple grec). Il a réussi à introduire de nouveaux savoirs. A 2 moments, le Collège de France a failli disparaître :
-1727 : le Collège doit fusionner avec la bibliothèque du roi.
-1788 : projet d’éclatement du collège entre le jardin du roi et l’Université de Paris.

  • Mais Garnier a réussi à éviter cela. Il introduit la littérature française, la chimie, l’histoire nationale. En 1793, lorsque les révolutionnaires suppriment les universités, le Collège de France est maintenu.

Garnier avait une bibliothèque de 1544 livres.

Nature des livres % des livres
Théologie 3,5
Droit 7,3
Sciences et arts 17,4
Belles lettres 19.5 19,5
Histoire et géographie 52,5
Dates des livres % des livres
XIIIe - XVe siècles 0,2
XVIe siècle 13,3
XVIIe siècle 25,6
XVIIIe siècle 59,9
XIXe siècle 1
Langues % des livres
Latin 32,2
Grec 9 9
Français 55,8
Autres 3
  • C’est un érudit, il ne vit pas totalement dans son siècle. Il a :
    • Montesquieu : l’Esprit des lois mais il n’a pas les Lettres Persanes
    • Il n’a pas Diderot donc pas l’Encyclopédie
    • Voltaire : Commentaire sur le théâtre de Corneille (seul ouvrage de l’auteur qu’il possède)
    • Rousseau : Le Contrat social.
  • Ses livres ont été vendus par sa famille au début du XIXe siècle. Il n’ont gardé qu’un seul ouvrage : le Contrat social car il y avait dessus des annotation de Garnier (très sévères envers Rousseau).