Fernandez UE5 2ème cours 14/02/08

De Univ-Bordeaux
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Pour une histoire comparée de l'économie politique et des réseaux urbains

Dans ces réseaux techniques, il faut entendre l’eau, le gaz, l’électricité, les transports. On exclut de l’étude le téléphone, dont le réseau est interurbain ; le ramassage des déchets qui dépend d’une économie différente, celle de l’administration municipale, demandant des techniques simples sans infrastructure spécifique, immobilisant peu de capitaux. A un stade postérieur de développement et à un degré plus élevé d’intégration, il faut distinguer les réseaux électriques puis vers les années 1960, les réseaux gaziers et les réseaux d’assainissement. Dans les années 1990, l’électricité échappe aux logiques locales et entre dans l’ère de l’interconnexion. On peut schématiser comme suit les principaux modes de gestion des réseaux techniques urbains:
-le gaz et l’électricité gérés à l’échelle nationale
-l’eau gérée au niveau local (besoin de proximité de la source) par des entreprises internationales parfois.
L’histoire des réseaux techniques urbains emprunte à l’histoire des ressources, des transports, de la santé publique, du confort, des institutions et des politiques municipales et enfin à celle des modes de gestion et de management.

Les champs de recherche

L’histoire comparée d’histoire politique et des réseaux urbains s’inscrit dans un mouvement de recherche plus ample :
Ex : l’histoire des équipements urbains dès la fin du XIX°siècle chez les érudits locaux (Camille Jullian pour Bordeaux).
Ex : l’histoire locale fin des années 1970-début des années 1980 : constitution d’un véritable champ de recherche avec J.P. GOUBERT qui a fait une thèse sur l’eau publiée en 1986 intitulée La conquête de l’eau, l’avènement de la santé à l’âge industriel ; ou encore A. BRODER en 1981 qui a travaillé sur le rôle des intérêts étrangers (Allemands, Belges, Américains) dans la croissance économique en Espagne à partir de 1793.
Ex : recherches sur l’étude du gaz (J. M. GIROUX à Lyon) et de l’électricité avec l’Association d’Histoire de l’Electricité Française (AHEF) avec des historiens de l’innovation comme F. CARON. Cette AEHF suscita des recherches dans les années 1980 : thèses d’Etat monographiques sur Lyon, Dijon, Rouen, Bordeaux, Paris avec la thèse d’A. BELTRAN sur l’électrification de la région parisienne des années 1880 à 1946. L’essentiel des recherches se fait hors du cadre local, des études régionales peuvent aussi être menées (cf : thèse de C. BOUNEAU).
Ex : parallèlement, et dans un autre champ de voire dans une autre discipline (politistes et économistes) se menait des recherches sur l’eau avec A. BARRAQUE et D. LORRAIN. En 1990, un numéro spécial de la revue Economie et Humanisme propose une analyse sur la longue durée des enjeux autour du mode de gestion et de distribution de l’eau.
Ex : dans les années 1980, des géographes comme G. DUPUY de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées organise avec son homologue américain Joël TARR, un colloque sous le titre Villes, systèmes et réseaux, le rôle historique des techniques urbaines, 1984 paru en France dans les Annales de la recherche urbaine et en 1988 aux E-U. Le champ de recherche est en construction, ils appellent à réaliser des études des réseaux techniques urbains. Il s’agit de comprendre comment entre la fin du XIX° siècle et la moitié du XX° siècle, les villes d’Europe et d’Amérique du Nord étaient passées du statut de pedestrian city à celui de networked city.

En France, des historiens comme F. CARON organisent un colloque où sont examinés les différents réseaux techniques : Paris au XIX° siècle : Paris et ses réseaux, naissance d’un mode de vie urbain XIX°-XX° siècle publié en 1990 par la Bibliothèque de la Ville de Paris. Le but du colloque est de mettre en évidence la pression sociale et les réponses techniques créant autant de réseaux que de besoins en portant son analyse sur la voirie, l’eau potable, l’assainissement, le gaz et l’électricité. La conclusion du colloque est plurielle. Dans un premier temps, elle porte sur les différents modes de gestion envisagés au XIX° siècle à Paris par exemple, où on avait préféré la gestion ou l’exploitation par des entreprises privées plutôt que par l’administration publique et municipale. S’inscrivant dans la problématique dite des « cheminements technologiques », ces études relevaient le jeu des héritages et des innovations. Elles permettaient de voir que les techniques avaient des succès différents. La deuxième conclusion qui peut être tirée est celle de l’irréversibilité des techniques (path dependency) que le sociologue Paul DAVID a mis en lumière avec les choix techniques des machines à écrire.
Ex : l’histoire urbaine prend ses limites avec le localisme et l’érudition à partir des travaux faits en Italie par Donatella CALABI qui s’est penchée sur la naissance d’un socialisme municipal conduisant à une municipalisation de la plupart des réseaux.

La logique urbaine s’inscrit dans le cadre d’une logique spatiale et d’une logique économique : la demande sociale, les sollicitations techniques, les problèmes générés par la gestion de ce type d’activité impliquent un certain type d’économie régulée entre pouvoirs publics/ locaux ; entreprises ; usagers ; consommateurs et électeurs. Ces types d’activités plus complexes qu’il n’y paraît aboutissent à la notion de service public local, construite au début du XX° siècle. Ainsi tous les réseaux et logiques techniques et économiques ne sont pas les mêmes, ni au même niveau que certains autres domaines, il existe des services urbains par excellence : le tramway et le métro n'existe qu'a l'échelle d'une ville par exemple. En fait l'intérêt général est la justification des services publics, qui justifient la régulation, ainsi la tarification est un des éléments de distinction avec les éléments de libre concurrence. Un tarif n'est pas ajustable en fonction de l'offfr et de la demande contrairement au prix.

Les principales étapes historiques de la constitution des réseaux techniques urbains.

On peut distinguer, selon les pays, selon les villes, des chronologies différentes.

Une phase primitive (1840’-1860’)

Durant laquelle apparaît l’expression de besoins sociaux (not. approvisionnement en eau potable) correspondant à une nouvelle phase dans le processus d’urbanisation (assainissement, éclairage). Des entrepreneurs individuels, des compagnies spécialisées entrent en contact avec les municipalités : initiatives privées pour le gaz à Bordeaux (1832) ou à Bilbao (1840’) ; initiatives plus souvent publiques pour l’eau. Mais qu’elle soit privée ou publique l’initiative ne préjuge pas de la gestion future. Dans les années 1860’-1865, une économie de l’édilité de met en place, elle se constitue grâce aux effets structurants forts : entreprises de travaux publics, matériels de canalisations (Pont à Mousson) ; en aval, équipement domestique avec l’industrie des robinets… L’historien anglais R. MILWARD a compté qu’entre 1870 et 1930, le problème fiscal urbain est l’élément le plus dynamique de l’économie britannique et correspond à ¼ de la formation brute de capital fixe.

Deuxième période (1900-1910)

L’économie politique des réseaux urbains connaît une phase de maturité malgré des inégalités socio-spatiales. C’est l’époque de la diffusion des grands établissements techniques, de l’éclairage au gaz, de la distribution d’eau à domicile. L’électricité est l’élément essentiel et constitutif de l’économie urbaine. C’est aussi l’époque où la municipalité se dote d’instruments administratifs nouveaux. La gestion est faite directement par la municipalité, se développe alors un socialisme municipal, fréquent en GB où de nombreux organismes publics municipaux administrent directement l’eau et le gaz, en Allemagne ; plus occasionnel en Italie du Nord, en Belgique, en Suisse. C’est rare dans le cas de l’eau, encore plus rare pour le gaz et l’électricité en France, en Espagne et au Portugal.

Parallèlement à la phase rayonnante du socialisme municipal, les opérateurs privés ont en même temps évolués. Des compagnies spécialisées ont consolidé leurs positions en s’adaptant aux innovations (du point de vue technique et économique), aux évolutions des marchés en élaborant une stratégie de croissance (fusion, absorption). Ce cycle s’accélère- encore plus pour l’électricité- entre la naissance de l’électricité au début du siècle et sa phase de diffusion : en 1904 : 12 entreprises d’électricité à Bordeaux, puis plus que 2.

On constate aussi un phénomène d’intégration technique ; les services techniques urbains, mais plus souvent les sources énergétiques, sont mis au service du développement industriel.

Troisième période (1945-1970)

Après la Seconde Guerre Mondiale, affaiblissement relatif des communes et des institutions municipales. En France et en GB, le gaz et l’électricité qui relèvent du secteur de l’énergie passent sous le contrôle de l’Etat via une société nationale. En Espagne, l’énergie électrique est encore aux mains de sociétés privées, mais en parallèle, l’Etat crée une société électrique publique. Même dans le cas où le socialisme municipal était triomphant comme en Allemagne, en Italie du Nord, on assiste à un double mouvement de regroupement à des niveaux supra-communaux (Länders) et à une évolution vers la transformation des entités publiques en véritables entreprises autonomes (les Stadtwerke : entreprises de ville). Là où il y avait une administration municipale, on va avoir une entreprise municipale de plus en plus autonome, gérée comme une entreprise privée.

Quatrième période (1970-1980)

Les communes sont sollicitées par l’expansion des besoins sociaux dans toute une série de nouveaux domaines confrontés aux problèmes des moyens techniques et financiers pour mettre en œuvre ces techniques. Parallèlement, la demande sociale s’est accrue. Les compagnies spécialisées ont alors mis à profit la période précédente (1950’-1960’) avec son lot d’urbanisation et d’augmentation de la demande pour accumuler du capital, du profit et surtout du savoir-faire. Cela leur permet d’apparaître comme les mieux armées par rapport aux municipalités pour faire face aux exigences nouvelles. A la fin des années 1970, les compagnies sont dans une position favorable face aux institutions publiques car justement elles sont privées, ce qui dans l’esprit du temps est vécu comme un point positif (cf : grand retournement idéologique des années 1970-1980) : tout ce qui est de l’ordre du privé serait plus à même d’appliquer ces tâches.

Cinquième période (1990-XXI° siècle)

Phase marquée par la dérégulation des monopoles lancés aux E-U dans les télécommunications et en GB. On privatise de nombreux secteurs comme l’électricité, l’eau les chemins de fer… Phénomène très fort en France et en Espagne mais moins fort en Allemagne où les entreprises étaient locale, régionales. En parallèle, se met en place un phénomène de concentration ; les grandes compagnies spécialisées sont devenues des entreprises multiservices (1990’)=> phénomène de concurrence. Les secteurs dits dérégulés se cartellisent, les monopoles sont remplacés par des oligopoles.

L’économie urbaine voit l’arrivée à maturité d’un nouveau type de demande sociale partie d’Europe du Nord, mouvement de consommateurs portés par les classes moyennes qui ont favorisé les grandes entreprises. A chaque fois que celles-ci démontrent qu’elle sont les seules capables de préserver le cahier des charges proposé par les classes moyennes, elles sont sûres de garder leurs positions et de renforcer leur profit en augmentant leurs tarifs.

Ex : l’eau : idée que c’est un bien gratuit début XX°siècle, idée encore largement diffusée dans les années 1960-1970. Puis naissance d’un discours environnementaliste : eau = bien rare = à protéger d’où la nécessité de payer. Evolution des mentalités, il est devenu normal de payer l’eau.


90.55.17.82 15 février 2008 à 11:44 (CET)Amandine, 15 février 2008.