Lacour Pensée économique BxIV 30/01/06 2ème cours
Cours du 30 janvier à Bordeaux IV de M. Lacour.
Suite de l'introduction.
Description de trois visions d'auteurs :
-celle de Cotta en 4 entrées
-celle de Baslé en 3² entrées
-celle du prof en 2 entrées
- Quatre grandes références dans le livre de Cotta :
- l'orthodoxie libérale
- le déterminisme révolutionnaire (Marx)
- l'hétérodoxie réformiste (Keynes)
- le positivisme institutionnel (Veblen)
-l'orthodoxie libérale : càd courants classique et marginaliste. Il y a trois mots-clé : invariance (question de l'optimisation), marché (marchés sont souverains, seule manière de réguler l'économie et la société), rationalité (idée de l'homo economicus)
-le déterminisme révolutionnaire : renvoie à Marx et aux économistes contestataires qui considèrent que l'économie est une certaine représentation de la société, voire un fétichisme, mais pas une science. C'est la question des classes et de la structuration de la société et de la détention du ou des pouvoirs.
Dans cette lignée, on peut dire que l'économie est une manière de gouverner (pour Marx, elle sert à faire la guerre).
- > aujourd'hui, pensée un peu en panne
-l'hétérodoxie réformiste : illustrée par Keynes. Idées qui semblent aujourd'hui un peu lointaines mais apparaissent sous un autre nom. Grinsfald dit qu'il n'y a pas de doctrine mais qu'il y a des instruments pour tâtonner, il n'y a pas de théorie mais de l'a peu près. Ici, l'Etat a sa place, les structures supranationales aussi (FMI, etc.). C'est l'idée que quelque part des décisions fortes sont prises, décisions qu'on ne peut pas laisser au marché.
Idée qu'il nous faut savoir compter, l'économie, c'est la science de la valeur, càd savoir donner de la valeur (ex : PIB, PNB) même si c'est difficile. Grinsfald donne des modèles économétriques qui sont des outils.
-le positivisme institutionnel : illustré par Veblen. Opposé au premier courant où on a un monde fini, une boite noire, on ne se pose pas de questions. Ici, c'est l'idée de réintroduire et comprendre les comportements de ceux qui sont dans la boite noire càd que l'institution, les organisations comptent.
Mots-clé : organisation, stratégie, système complexe
- >le monde est plus compliqué que ce que l'on croyait
Idée que la sphère économique et la sphère de la gestion ne sont que des éléments d'une sphère, de systèmes plus complexes (le système social par exemple). On a des objectifs, des contraintes mais aussi des pouvoirs, des ambitions, du mimétisme, etc.
- >lecture en terme de rationalité
- Lecture de Maurice Baslé en trois courants méthodologiques qui donnent lieu à trois "mondes" d'où le 3² :
-individualisme méthodologique : l'économie, c'est la science des choix individuels sous contraintes. Deux lectures des contraintes : celles stricto sensu comme une contrainte de revenu et celles politiques, environnementales, internationales, etc. -holisme ou lecture globalisante : l'économie, c'est la science des systèmes dont on cherche la régulation. On a des sociétés, des groupes de nations qui eux-mêmes ont leurs systèmes (douaniers, sociaux, etc.) dont on cherche la régulation. Comment gère t'on tout ça? Qui gère? Cela se fait souvent par des négociations et des normes.
- >économie de la négociation, du rapport de force, de l'inertie
-modèle intermédiaire : idée pas très bonne. L'économie, c'est la science de l'articulation entre les choix individuels et les choix sociaux.
De ces trois lectures, Baslé tire trois "mondes" :
- 1er monde : le monde des échanges. Lecture des échanges : quels mécanismes réels, souterrains?
- 2ème monde : l'économie des hiérarchies. Comment se hiérarchisent les sociétés? Nos propres choix? >classement de nos désirs, de nos choix.
- 3ème monde : l'économie du don et des transferts. Lecture bcp plus anthropologique ; il n'y a pas que des échanges marchands, il y a une économie de l'apparence, des règles sociales (cadeaux de Noël), des transferts sociaux.
Champ qui apparaît derrière : champ de la ou des justices, de l'équité.
- >champ qui avait été abandonné et qui revient très fort
- Troisième lecture, celle du prof, en deux regards :
- regards de nature épistémologique
- regards comportementaux
-regards comportementaux : tout ce qui se dit autour de la ou des rationalités.
L'économie a été la quête, la recherche de la rationalité ; c'est la manière dont les gens se sont libérés de multiples chaînes (chaînes pour Nietzsche = chaînes morales). Idée que la raison, la science doit pouvoir se libérer.
- >renvoie à L'Encyclopédie et à la philosophie des Lumières
Etre rationnel, c'est être utilitariste, c'est une question d'optimum : comment obtenir le maximum avec le minimum de peines? Les rationalités, c'est la manière dont l'économie, la gestion cherchent à comprendre comment on est, comment on fonctionne. On fonctionne avec des modèles de rationalité limitée (pensée de Simon : on fonctionne avec des informations limitées)
- >théorie des jeux
-regards épistémologiques : qu'est ce que la science économique? Pour quoi faire? Lectures multiples, dimension pour laquelle l'économie est une réflexion complètement abstraite faite de jeux mathématiques. La création scientifique est un modèle parfait :
- >travaux de Miller
De l'autre côté, il y a Amartya Sen ; réflexion plus philosophico-économique : il y a des inégalités et l'économie devrait s'en occuper.
Sommaire
Qu'est la science qui nous intéresse?
I/ Regards épistémologiques
1) Grands paradigmes
- Un paradigme, c'est l'ensemble des idées dominantes à un moment donné et dans une société donnée (idée de Kuhn).
Dans toute société, il y a un certain nombre d'idées fortes, des "valeurs" qui a un moment sont retenues comme existantes, elles forment une toile de fond. Aujourd'hui, les valeurs qui s'expriment sont celle de l'économie de la connaissance. Lien avec l'idée que la connaissance est un facteur fort de production. L'Europe ne peut s'en sortir que grâce à la connaissance, pas avec la main d'œuvre par exemple.
- >paradigme dominant aujourd'hui : nous ne nous en sortirons que par la connaissance.
Il y a une préoccupation politique centrale : idée de pauvreté (abandonnée il y a dix ans mais elle est chez nous aujourd'hui) qui nous interroge sur nos capacités à piloter.
Autre paradigme : comment améliorer la répartition des richesses? Est-ce que l'économie c'est fait pour construire une science ou est-ce que c'est de la gestion politique?
- Exemple de deux modèles empruntés aux sciences dures, aux maths et à la physique. L'économie a essayé de s'inspirer de ces sciences dures.
Redondance | Complexité |
Répétition | Variété |
Symétrie | Asymétrie |
Homogénéité | Hétérogénéité |
Dégénérescence | Spécificité |
Non-spécificité | Différenciation |
Non-différenciation | Différences |
Identité | Individualité |
Interchangeabilité | Caractère inattendu des choses |
Répétition dans le temps |
-modèle de redondance : modèle de la physique avant 1900, loi de la gravitation ; pour une même opération répétée dans les mêmes conditions, on obtient le même résultat ; modèle de la symétrie (action-réaction) ; modèle d'homogénéité.
>modèle de laboratoire, modèle clinique
-modèle de la complexité : apparu avec prise en compte des problèmes d'environnement avec le problème de l'épuisement des ressources (on ne peut plus répété une même opération à l'infini). Donc les enjeux ne sont plus de même nature. Modèle de la théorie du chaos, du battement d'aile du papillon >caractère inattendu des choses
- Illustration de cela avec quelques réflexions :
- Pertinence d'une validation : quand est-ce qu'on est certain qu'une science est valide? Thématique de la réfutabilité : on est en présence d'une science si c'est contestable (pensée de Popper, de Kuhn).
Ricardo est le fondateur de l'idée de mondialisation, théorie des avantages comparatifs. L'échange est globalement favorable à tout le monde mais pour cela, on doit le valider. Ricardo s'oppose au XIXième siècle à l'école historique allemande qui pense que l'échange ne marche pas pour l'Allemagne mais seulement pour la Grande-Bretagne.
- Une science parfaite sur le plan scientifique n'est pas forcément utile, elle peut avoir aucun intérêt. A l'inverse, une science bancale peut être tout à fait opérationnelle.
Il y a aussi des modes en économie.
Par exemple, aujourd'hui, ce qui est à la mode :
-éco. de la connaissance
-on peut se passer de l'Etat
-la mondialisation, c'est pas trop mal
-la mobilité
-la fin de l'agriculture et la suppression de la PAC
Et en parallèle, ce qui n'est pas à la mode :
-s'interroger sur le sens de l'expression "économie de la connaissance"
-le facteur terre : le foncier détermine d'énormes pb
-la régulation
-la question de la pauvreté
- La place de l'économétrie : vieux problème. Elle réinvente un débat bien connu, débat du XIXième siècle entre Ricardo et Smith.
Deux tendances :
- ce qui était hier des stats, de la comptabilité, internet, ce sont des instruments, des outils qui ont pour but de faciliter la réflexion, d'argumenter, de valider un certain nombre d'hypothèses. Pb : qui pose les hypothèses?
- c'est les stats, la comptabilité, internet qui disent ce qu'est la science.
- Lecture de Veblen : économiste américain de la fin du XIXième s., agacé par la volonté des économistes américains d'implanter le marginalisme. Il rappelle que les institutions, ça compte : la famille, l'environnement professionnel, la commune, la Nation, la propriété, la sécurité, etc. Après, on théorise une certaine efficacité, le capitalisme américain en oubliant les effets pervers (ex. crise de 29).
2) Regards retenus
Quatre regards sur l'économie et la gestion:
- science pure
- science morale et éthique
- économie politique
- science "biosphérique"
- Science pure
Construction d'un champ que l'on maîtrise complètement, cf. modèle de Walras ; construction à partir d'hypothèses très simples : l'homme agit et a un but, donc il agit pour obtenir ce but. Il a une référence (l'optimum), il réagit avec une situation qui est l'équilibre et il a des modalités (échanges et marché).
Sur ces hypothèses, on va construire l'homo economicus dont la version la plus élaborée apparaît en 1870 et s'affine ensuite.
- => lecture de praxéologie (Von Mises) : tous les individus sont identiques de ce point de vue.
On construit un modèle qui tient compte de ces hypothèses simples et qui les raffine. Tous les individus sont strictement égaux, ils ont la même intelligence.
- >économie sans problèmes raciaux, sans pb de pauvreté, etc.
Idée d'une science pure qui n'a pas à être confrontée à la réalité et qui est une science parfaite.