Larcade UE2 4ème cours 19/10/06
Sommaire
La Renaissance : le savoir et la science en question
Au début du XVe la culture est encore essentiellement aristotélicienne. Le savoir est fondé sur un système de classification très stable défini par Aristote, c’est la taxinomie antique, il est le premier auteur à avoir entrepris le regroupement méthodique et hiérarchique des éléments qui composent le vivant dans son ouvrage Une Histoire des Animaux. Le système aristotélicien entre en crise entre les XVe et XVIe siècles pour plusieurs raisons : la découverte de textes partiellement contradictoires avec la pensée d’Aristote (notamment des textes appartenant au néoplatonisme). L’élargissement des horizons, qui est le résultat des grandes découvertes qui font apparaître des nouvelles espèces en botanique, géologie, zoologie… le développement d’applications pratiques aux mathématiques bouscule l’ordonnancement des sciences.
I La mise en évidence d’une rupture
A Les formes de la contestation
Ce qui sépare « ars » et « scientia »
- ars : savoir pratique / scientia : savoir théorique
- Un exemple : au début du XVe siècle, sur un chantier de cathédrale, les maçons s’en prennent aux architectes. Les maçons sont dans la logique d’un ars issu du Moyen Age. Les architectes ont des préoccupations d’hommes de la Renaissance, ils se définissent comme des « penseurs de la construction » c’est à dire des intellectuels, le métier d’architecte fait à la Renaissance l’objet d’une réflexion distincte. Pour les architectes « l’ars sans science est vide de sens ».
La légitimité, l’honorabilité des savoirs pratiques est un des enjeux de la Renaissance.
Universalité / Spécialisation
Ange Politien (1454-1492) Le Panepistemon écrit en 1491 Pic de la Mirandole (1463-1494) L’un des défis de la pensée de la Renaissance est de séparer le savoir universel du savoir spécialisé. L’humanisme de la Renaissance est une aspiration à un savoir universel face à cela s’oppose l’idée que l’on ne peut maîtriser qu’une seule part de tout ce savoir
Savoir public / Savoir privé
Par savoir privé on entend les secrets d’Etat, la science politique, les secrets de la nature, l’alchimie. Certains penseurs depuis l’Antiquité récusaient l’idée de communication de la science, ils préféraient participer à un mouvement d’initiation : ce sont les hermétistes. Pour eux la connaissance doit rester entre initiés. La tradition de livres secrets s’affirme au XVIe siècle, on y dévoile des secrets dans différents domaines. Mais en même temps à la Renaissance un certain soucie de rendre public le savoir scientifique se développe. Marsile Ficin, écrit en 1464 le Corpus Hermeticus, il désire mettre l’hermétique à portée de tous. On retrouve la même idée dans cet œuvre : Secreti, 1555 (l’auteur est un Piémontais). Ce genre d’écrit est marqué par la volonté de vulgariser les pensées secrètes, cachées, on casse les barrières du savoir privé. Pour d’autre au contraire comme John Dee, il n’était pas souhaitable de rendre accessible aux vulgaires des connaissances élevées comme l’alchimie.
Le légitime / L’interdit
- Ne pas faire de distinction est un défi des humanistes. J.Calvin considère que la vraie connaissance ne peut appartenir qu’à Dieu, vouloir l’égaler est un orgueil condamnable.
Arts libéraux / Arts mécaniques
- Arts libéraux : activités auxquelles pouvait s’adonner l’homme libre.
- Arts mécaniques : activités utiles mais déclassées socialement.
Les sept arts libéraux ont été formalisés par St Augustin et Boèce qui adoptent les conceptions antiques aux réalités du christianisme.
- le trivium : ce sont les matières nécessaires à l’éloquence : grammaire, rhétorique et dialectique.
- le quadrivium : ce sont les disciplines regroupant l’art des nombres, arithmétique, musique, astronomie et géométrie.
- Depuis le XIIe siècle, les programmes universitaires étaient censés être confiner dans ces différents découpages mais dans la réalité c’était différent.
Hugues de St Victor 1090-1141, il était professeur à l’école St Victor de Paris. Il avait commencé à perturber dans cette école les schémas traditionnelles d’enseignement en y en ajoutant l’apprentissage des arts mécaniques.
- Al Farabi, Al Kindi, et Ibn Sina ces philosophes arabes introduisaient dans leur enseignement des matières comme la physique et les sciences politiques.
- Le curriculum de la faculté de Paris se complique, on se met à adjoindre les matières de la métaphysique, le philosophie naturelle aux disciplines traditionnelles. Dans les hautes facultés on enseignait la théologie, le droit…mais ce sont des spécialisations pour les étudiants les plus avancés.
L'essor d’un nouvel ordre de la connaissance
La promotion du quadrivium
Le succès des études humanistes qui insistent sur la grammaire, la poésie, les sciences morales, a contribué à donner une importance plus grande au quadrivium paradoxalement. A la fin du XIVe siècle, Caluccio Salutati (1341-1386) chancelier de Florence remet en cause les préséances entre facultés, d’autant plus facilement que courant XVe siècle des auteurs comme Pic de la Mirandole cherchent à opérer une synthèse entre tradition antique plutôt nourrie par la pensée de Platon avec la pensée d’Aristote qui a marqué l’époque médiévale, pour eux il fallait juxtaposer arts libéraux et arts mécaniques dans l’enseignement.
- Les cours donnaient à Careggi mais aussi à l’université de Florence contribuent à donner de l’écho à leur entreprise.
Au XVIe siècle aux universités de Rome et de Bologne l’enseignement laisse de plus en plus de place aux enseignements humanistes. De nouvelles disciplines sont introduites en Europe. A Hildeberg vers 1540, St Münsten, un pionnier de la géographie pouvait enseigner la géographie librement. A la casa de Contratacion de Séville il y a des cosmographes qui donnent des cours de cartographie et de navigation. Une chaire de philosophie naturelle est fondée à Rome en 1513. A Padoue en 1533 une chaire de botanique est créée. A Londres est fondée en 1514 la Trinity House sous Henri VIII dans le but de d’améliorer la navigation. On assiste à une micro révolution académique. Les nouvelles disciplines sont perçues par tous comme nécessaires et en conséquent elles se multiplient.
L’apparition de ces disciplines nouvelles
- Deux grandes catégories :
- Les disciplines descriptives comme l’anatomie, et l’histoire naturelle en générale.
- Les disciplines qui relèvent de l’application des mathématiques :la dynamique, la statique, la mécanique.
Dans le domaine des sciences naturelles on disposait de quelques ouvrages de référence. L’histoire Naturelle de Pline. Les humanistes lancent contre cet ouvrage une approche critique. E. Barbaro 1454-1493 Castigatines Plananiae, 1493. C’est le premier à relever des erreurs dans l’ouvrage de l’auteur latin. Son travaille inspire le grand Conrad Gesner 1516-1565 auteur de Historiae Animalum 1551. Les contemporains de Gesner continuent à poursuivre son œuvre. Il a attaqué Pline sur la description des cétacés. P.Belon 1517-1564, La nature et la diversité des poissons, 1551. G.Rondelet,1507-1556, Histoire de la nature et des oyseaux, 1555. En matière de botanique s’imposait l’Histoire des plantes de Théophrastus, c’était un élève d’Aristote. Et en botanique c’était l’Herbarium de Dioscorides (Ier siècle p.C) Au XVe siècle on s’est mis à composer des herbiers, ceux ci révolutionnent l’approche antique de la botanique. L.Euchs écrit De Historia Stirpium, en 1542 il montre que les plantes décrites par Dioscorides n’existent pas en Europe du Nord. La vraie révolution vient de l’ouverture des champs d'études à de nouveaux continents, cela aboutit à montrer l’impossibilité des auteurs antiques à s’adapter aux nouvelles découvertes en science naturelles. G.Fernandes de Ovieda, en 1526, Natural Historia de las indias. Il a du mal a retrouvé tous les concepts d’espèces qu’utilise Pline. Ce dernier décrit le tigre comme le plus rapides animaux, pour rester fidèle à Pline Fernandes utilise le même terme pour désigner le jaguar. Certains auteurs pour faire évoluer la recherche font appel aux connaissances des indigènes. Monardes 1493-1588, il écrit deux livres sur le cacao, il parle du bois de Guaiac, espèce inconnue en Europe, il cherche à apporter des remèdes aux différentes maladies existantes en Europe. Il référence le tabac qui était une espèce inconnue de Pline. J.Gohory 1520-1576, il publie en 1572, un ouvrage consacré à « l’herbe petum » : le tabac. Les sciences de l’observation, botanique et géologie font des progrès foudroyants, c'est aussi le cas en anatomie et cela grâce à des auteurs comme Rondelet, Puré, Vésule…
La généralisation de l’abstraction mathématique
On découvre la capacité d’appliquer des comportements mathématiques à différents domaines. Or c’est contraire à la pensée antique pour qui les mathématiques ne pouvaient porter que sur le monde céleste car ce dernier est parfait et incorruptible. R.Grosseteste a commencé à réfléchir sur les règles de l’optique au XVIe siècles de nouveaux domaines d’abstraction apparaissent. Cela va de pair avec l’apparition de la figure de l’ingénieur artiste. L’étude en mathématiques des mouvements de la statique et de la dynamique est rendue nécessaire pour les machines de guerre. De même pour les progrès de la cartographie et de la géographie, c’est la demande militaire et politique qui pousse au perfectionnement de ces disciplines et encourage leur diffusion. Le monde de la Renaissance découvre que les mathématiques ne sont pas une discipline inférieure au trivium. La Renaissance c’est la période de révision du statut des sciences. L.Battiste Alberti, un architecte,auteur de Les ludimathématicarum. Il parle de la mesure des édifices, de la profondeur marine, de la détermination de l’heure, du pointage d’une pièce d’artillerie…
Un débat
Y a-t-il une science propre à la Renaissance ? Vinci , Copernic…ne connaissent pas ce terme, ils parlent de sciences sans avoir de visions générale de la science. La révolution scientifique existe par le regard rétrospectif. 1470-1560 est une période où s’élabore la révolution copernicienne mais est-ce si clair que cela qu’il s’agisse d’une révolution ? La pensée de Copernic est-elle vraiment significative, est ce une nouvelle façon de pensée propre à la Renaissance. Les savants du XVe siècle doivent beaucoup à la pensée antique. Malgrè tout la question de l’innovation se pose bel est bien dans tout un tas de domaines scientifiques. Il convient d'observer ce qui relève de la restauration ou de l’imitation de ce qui est vraiment nouveau,innovant là où les savants de la Renaissance dépassent leurs maîtres de l’antiquité.
A Reconsidérer les Anciens
Dans la bibliographie du palais Urbino, F. da Martefetro 1422-1482 s’est attaché à rassembler tout le savoir grec de l’antiquité, il a envoyé de scribes recopier ou acheter ces sources de l’antiquité. Le duc d’Urbain s’enorgueillissait de posséder la Géographie de Ptolémée, les Eléments d’Euclide. Côme l’Ancien 1384-1464 avait entrepris l’acquisition du même genre de collection, mais c’est surtout le petit-fils de Côme 1444-1492 qui s’illustre encore davantage dans cette passion bibliographique. Laurent le Magnifique engage 40 copistes pour engranger tous les savoirs du monde il veut s’assurer que ce précieux savoir sera sauvé. Il créait une salle, une sorte de musée pour y entreposer ses précieux manuscrits, les décors du plafond de ce musée le Lorenzo sont confiés au peintre Michel Ange. Rassembler et traduire les textes anciens et une priorité pour les hommes de la Renaissance.
- Le système aristotéloptolémaïque
Aristote IVe siècle av.J-C, dans sa physique il s’attache à expliquer pourquoi les choses sont telles qu’elles sont.
Le monde sublunaire | Le monde céleste | |
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Domaine du changement formé par 4 éléments la terre, l’eau, le feu, l’air | Domaines inaltérable où se retrouve la quintessence où l’éther : c’est un solide cristallin immuable et inaltérable | |
Les corps matériels sont composés des 4 éléments | Les étoiles et les planètes sont fixées à es sphères | |
Le mouvement : un processus de devenir dans lequel les corps cherchent à rejoindre leurs lieux naturels sauf s’ils en sont empêchés | Les rotations faites d’éther | |
Le mouvement sublunaire nécessairement fini | Le mouvement circulaire parfait et éternel |
Les lieux naturels sont répartis de manière concentrique de telle sorte que celui de la terre est au centre puis vient l’élément du feu, l’eau et enfin l’air. Aristote cherche à répondre à la question pourquoi les choses sont telles qu’elles sont ? Mais il ne répond pas à la question comment se comportent elles ? Au Moyen Age, Oresme puis Bradwardine au XIVe siècle se sont mis à élaborer une doctrine dite de « l’imperitus » c’est ce qui défini les corps, il s’agissait pour eux de mesurer les phénomènes de l’impetus. L’école des mécaniciens d’Alexandrie, son objectif est de détourner les forces naturelles pour faciliter la vie des hommes.
Ptolémée, dans son ouvrage l' Admageste , avait trouver une parade aux défauts du système aristotélicien : les épigeloïdes, cela donnait une cohérence à ce système physico-astronomique. C’est aussi la doctrine de la circularité, Aristote ne peut avoir tort. En 1524, Peter Apian, dans Cosmographicusliber, établit la défense de l’Admageste, il ajoute au monde céleste les anges pour compléter le système aristotéloptolémaïque.
L’hermétisme
Dès l’Antiquité, l’idée apparue que certaines doctrines étaient restées secrètes à cause de leur potentiel destructeur. La littérature du secret est un genre très vivace au Moyen Age cela se constate avec le succès du livre Secret Secreterum écrit par Aristote. Le Corpus Hermeticus, écrit dans le milieu gnostiques par un contemporain de Moïse qui aurait croisé la science grecque à la sagesse égyptienne. L’auteur serait Trismégriste (Hermès). A l’académie de Careggi (Pic de la Mirandole…) on y étudie la kabbale, le pythagorisme, le néoplatonisme. La kabbale est une philosophie juive selon laquelle Dieu a laissé un message caché dans le texte de la Bible pour invoquer les anges et remonter ainsi à Dieu.. Le pythagorisme est une harmonie du monde cela se rapporte aux mathématiques, à la numérologie. Le néoplatonisme : c’est un savoir occulte, il existe une grande chaîne des êtres qui les lie tous. (Etudier les effets d’écho ente le macro et le microcosme)
John Dee dessine des pentacles sur le sol dans l’espoir d’invoquer les anges et pourtant en alchimie c’est un esprit rationaliste. Luca Patioli 1545-1617, il recherche dans le corps humain la perfection des mathématiques, Divina porpotione. Paracelse recherche lui dans la signification des noms de plantes et des minéraux le moyen de soigner le corps humain (soigner des sympathies).