Larcade UE2 7ème cours 23/11/06
Sommaire
La culture technique
Un contexte favorable
La reprise économique...
La reprise économique, démographique et la rurbanisation à la fin du Moyen-Age ont été des éléments incitatifs qui ont entraîné une demande en matière de technologie. Il fallait des machines pour remplacer les bras manquants suite à la grande peste et aux multiples guerres. On créait pour répondre à ce manque par exemple des dispositifs hydrauliques pour alimenter les foyers urbains. Sienne s’est caractérisée par la création d’un réseau bottini : ce sont des canaux souterrains qui vont pomper l’eau des nappes phréatiques en hauteur et à plusieurs kilomètres de la ville. On met aussi au point un système de puit artésien pour alimenter les fontaines, cette installation est directement liée à l’augmentation générale de la population de Sienne. La nécessité de se déplacer inscite à améliorer les voies d’eau qui s’imposent alors comme un moyen efficace et rapide d’accélération des échanges. Le XVe siècle est une époque où les princes ont des besoins de prestige, ils édifient des palais, construisent des bâtiments majestueux par exemple: la construction du dôme de la cathédrale Sainte Marie des Fleurs à Florence, l’architecte en charge de ce projet Brunelleschi utilise des grues comme on en a jamais vu par le passé. Il y a durant cette période une véritable émulation entre les princes et les villes, c'est àqui construira le plus beau palais... Les politiques ostentatoires des princes et les besoins militaires de ces derniers expliquent l’arrivée de nouvelles techniques.
La mise au point de réseaux
De nouveaux réseaux voient le jour, grâce aux artistes ingénieurs et à la circulation des savoirs.
Leonard de Vinci, en est un exemple éloquent, il apprend les mathématiques marchandes dans une école d’abaque. Son apprentissage est extrêmement polyvalent, puisqu’il étudie ensuite la sculpture mais aussi le dessin, la fonte des métaux et l’anatomie auprès du sculpteur Verrochio. Il faut aussi noter dans sa formation l’étude des machines, des outils de levages de Brunelleschi. Il a aussi reçu une formation livresque auprès de Paolo Toscanelli. Une partie de ses études se font grâce au développement de l’imprimerie, Vinci se constitue même une petite bibliothèque, on peut y trouver une des premières versions imprimées de l’Histoire Naturelle de Pline. A l'époque de Vinci, il y a une imbrication pratique des savoirs qui permet le mariage des traditions artisanales du Moyen Age et les savoirs humanistes de la Renaissance. Ces milieux humanistes et mécaniques collaborent ce qui permet au savoir antique d’être intégré. Au niveau européen on assiste à des transferts de savoir-faire. Le volontarisme d’un prince comme Henri VIII d’Angleterre permet un transfert de la technologie des hauts fourneaux alors très développés en Normandie vers l’Angleterre. Même chose de la part du tsar Ivan III mais dans d’autres domaines. Il y a aussi des transferts de technologie entre Brescia et la Catalogne pour la technologie des hauts fourneaux. A la Renaissance il y a une grande mobilité de la technique et les livres contribuent à favoriser ces transferts. Ainsi l’ingénieur Agricola écrivit sur les techniques minières: De la Metellica, en métallurgie c’est Biringuccio avec De Pyrotechnica (il y détaille les techniques de pointes qui sont utilisées dans ce secteur d’activité.) La Renaissance fournie aux ingénieurs et aux mécaniciens des possibilités nouvelles de financement, grâce aux nouvelles élites marchandes, aux nouvelles techniques bancaires, aux corporations...Les mines d’Europe centrale n’auraient jamais pu voir le développement d’un vaste complexe proto-industriel autour de zones d'exploitations des gisements sans l’organisation financière des Fugger (création de la monnaie Thaller qui donne confiance aux investisseurs).
La figure de l’ingénieur artiste
Entre 1400 et 1560, plusieurs générations d’ingénieurs artistes vont se succéder, ces générations ont apporté les éléments d’un progrès cumulatif.
La première génération
La première génération a un état d’esprit encore très marqué par l’époque médiévale. C’est le cas de:
- Conrad Kyeser 1366-1405
- Giovanni Fontana 1382-1455
- Taccola 1382-1453
- Brunelleschi 1377-1446
Ces hommes transcrivent des connaissances artisanales, traditionnelles (poulies, engrenages), mais en plus ils inventent une série de machines nouvelles. Deux types de réalisations :
- Guerrières : Kyeser et Taccola construisent des chars d’assauts, des canons plus performants mais aussi des dispositifs pour éventrer les quilles de bateaux.
- Civiles : la coupole construite sans échafaudages à Florence, la création du système de scie hydraulique.
La deuxième génération
Un des hommes qui peut illustrer au mieux cette seconde génération est sans aucun doute Francesco di Giorgio Martini 1439-1502. Il veut faire l’inventaire de ce qui est déjà connu. Il grave dans la pierre (bas reliefs) des découvertes, des inventions pour décorer le palais du pape Urbino. Il s’agit de faire face à présent aux défis de la révolution militaire en cours tout en étant efficace sur les chantiers civils. Les ingénieurs travaillent aux systèmes de fortifications. On créait à cette époque le bastion. L’apparition de l’imprimerie rend disponible la science des anciens comme les traités de Vitruve qui fut un grand architecte de l’antiquité. Les techniciens sont poussés à réduire en "art", c’est à dire à mettre en règle le savoir accumulé, c’est la justification de la rédaction des Codex par Vinci, ce sont des catalogues d’innovations, d’inventions, de techniques. L’idée de construire un savoir encyclopédique et raisonné se développe. On établit par exemple une typologie des différents types d’engrenages existants. Vinci ne se contente pas de recopier les dessins de ses prédécesseurs, son génie provient du fait qu’il sublime ces vieilles idées, il améliore les trouvailles anciennes, par exemple : la machine à terrassement pour creuser des canaux qui est une vieille invention mais qu'il remet au goût du jour, la perfectionne et celle-ci est utilisée en Italie à la Renaissance). On explore aussi des pistes totalement originales à partir de la simple observation de la nature. Les gens de la Renaissance sont obsédés par les mathématiques du réel Mise au point du roulement à bille, de l’ornithoptère...
La troisième génération
Les ingénieurs artistes de cette génération ont tendance à se spécialiser et à encore plus tirer parti de l’imprimé.
- Biringuccio, Agricola, Palisey. Ces ingénieurs artistes publient des écrits sur des sujets variés, les minerais, les techniques du feu…
- Nicola Tartaglia (1499-1557) théorise la balistique pour le duc d’Urbino
- Castriotto Fusto 1510-1563, écrit un traité de fortification, cette production imprimée à pour conséquence d’assurer le succès de l’école d’ingénierie italienne puisque celle-ci est copiée ensuite dans toute l’Europe.
Un bilan de l’ingénieur artiste
(?)
- Beaucoup de machines que l’on trouve dans les traités techniques de la Renaissance sont en réalités connues depuis longtemps. Par exemple la scie hydraulique est connue dès l’antiquité romaine. Les philosophes grecs de l’école d’Alexandrie avaient élaboré au IIe siècle p.C une théorie mécanique qui fait partie du bagage des artisans de la Renaissance. Cette théorie suppose que l’on pouvait réduire tout dispositif technique à l’assemblage d’un certain nombre d’éléments simples, comme la poulie, la roue, la vis, le levier... Ces machines permettent de détourner les lois de la nature au profit de l’homme. L’intérêt de la théorie des alexandrins et de ramener les problèmes d’ingénierie à des problèmes de mathématiques. Le Traité des Mécaniques du Pseudo Aristote. Les artistes ingénieurs ont fait connaître certains travaux mais m’ont-ils finalement rien inventé ?
Qu’a donc inventé la Renaissance ?
Les artistes ingénieurs ont apporté de réels changements sur les machines en travaillant sur les matériaux.
- La fragilité de certaines pièces difficilement façonnables comme les engrenages. Brunelleschi, Martini commençèrent par les renforcer de métal puis ont cherché à diminuer le frottement (Vinci, le roulement à bille). La véritable apport dans ce domaine dans ce domaine c’est la révolution de l’acier. Celle ci est le résultat d’une amélioration de la technique des hauts fourneaux qui permettent désormais d’obtenir différents types de flexibles (c’est-à-dire différents ressorts), cela sert à mieux emmagasiner l’énergie (arbalète), à actionner les horloges, les verrous. On arrive à rendre élastique durablement l’acier ce qui le rend infiniment supérieur au bois ou même aux nerfs d’animaux.
- L’optimisation des machines est le simple résultat de cette banalisation, de cette diversification des engrenages. Les artistes ingénieurs ont eu en réalité le génie de la combinaison de petits dispositifs simples. Par exemple : le mécanisme de la bielle manivelle qui permet la transformation d’un mouvement circulaire en un mouvement linéaire périodique, c’est aussi la création de l’arbre à came, du mécanisme d’encliquetage pour faire fonctionner les horloges. Des systèmes d’automatisation simple comme le système de glissière ou d’échappement...
Des domaines d’excellence
La céramique, l’orfèvrerie...
La céramique, l’orfèvrerie, la fonderie, l’armurerie, la verrerie, la conception de machines de chantier, la teinturerie, les systèmes hydrauliques, la construction navale, la fabrication d’instruments scientifiques. B.Gilles « il y a quantité d’apports à la Renaissance ».
Le travail du fer
En matière de sidérurgie, des progrès nets sont réalisés. Il y a tout d'abord une multiplication des hauts fourneaux qui permettent la « réduction indirecte »: il s’agit d’obtenir des températures si élevées que le minerais de fer et le charbon de bois empilés en couches dans un four de 2 mètres de hauteur finissent par se liquefier et devenir ce que l’on nomme la fonte. Ensuite on décarbonise cette fonte pour obtenir de l’acier ou du fer aciéré par trempes et martelages. Les fours portant le fer à l’état liquide ne pouvaient fonctionner que grâce à des soufflets extrêmement puissants, il fallait savoir maîtriser l’énergie hydraulique comme la roue à aube qui actionnaient des soufflets gigantesques et des marteaux massifs. Les traités d’Agricola décrivent parfaitement ces machines. Beringuchio, le siennois dirigeait lui une armurerie, il utilisait du marbre pilé pour débarrasser le métal de ses impuretés. Le lac du Bourget était un haut lieu de production métallurgique, c’était un centre multiforme. Les villes de Milan, Brescia, Tours doivent leur développement à ce type d’activités proto industrielles. On peut à la Renaissance fabriquer en masse des objets jusque là rare, comme des corselets, des armures.
La production textile
Les innovations ne sont pas moindres dans ce domaine, on multiplie les machines nouvelles.Les « machines à la bolognaise » pour dévider la soie. Des machines à corder, à tendre les draps, à tisser (en utilisant les systèmes hydrauliques), le rouet à pédale. Vinci a décrit tout cela dans ses carnets car c’était un florentin or Florence était un haut lieu de la production textile. On dépose des brevets pour des engins inédits,des formules chimiques, de nouveaux fixatifs pour de nouvelles teintures à Venise, Florence, Bologne.
Conclusion
Apprendre quoi ?
Les nouvelles façons d'apprendre
Les transformations vont de paire avec de nouvelles façons d’apprendre. A la Renaissance la nécessité s’est imposée de classer autrement le savoir. De nouvelles encyclopédies remplacent les Sommes de l'époque médiévale comme celles établies par Vincent de Beauvais. Au départ ces nouvelles encyclopédies reproduisent simplement des classements propres au cursus universitaire et renouvelés par le savoir humaniste.
- G.Reisch 1477-1525 publie en 1563 un ouvrage encyclopédique.
- Margarita Philosophica, publie à son tour un ouvrage organisé en 12 livres et 4 parties: trivium/quadrivium/la philosophie naturelle/la philosophie morale.
- Conrade Guessner en 1445 écrivit Ordo librorum, il veut mettre à disposition du public, un outil bibliographique qui rend compte des 20000 livres dont il a eu connaissance, il y a 21 sections le trivium, le quadrivium, la poésie,l’astrologie, l’histoire, la politique,l'économie et les arts mécaniques.
Les nouvelles encyclopédies apportent une réponse en créant de rubriques qui n'existaient pas jusqu'alors et en grossissant de volume. La connaissance à la Renaissance devient colossale. La volonté de construire un savoir universel conduit Agricola par exemple à faire un dictionnaire thématique, qui permet de retrouver rapidement un thème recherché, Aristote lui sert de modèle même si son Organon va plus loin il créait 10 catégories permettant de qualifier le monde sensible : substance, qualité, quantité, relation, espace, temps, position, condition, action et passion. Cette méthode est si bien acceptée que Camillio Agrippa (un maître d’escrime) l’utilise vers 1450 pour réduire en art tous les types de coups existant en escrime et indique à ses élèves la meilleure façon de tuer.
- Ph. Mélanchton en 1521 est l’auteur d’un dictionnaire spécialisé en théologie, les loci (les lieux communs).
- Th. Zwinger, écrit lui un dictionnaire orienté sur l’histoire et les sciences morales. Il établit des classifications dans un souci de clarté, le but est avant tout de rendre le dictionnaire plus facilement appréhendable.
La simplification graphique
Vers 1560, le besoin se fait sentir de réaliser des schémas, on schématise le savoir. La pratique n’est pas tout à fait nouvelle, cela avait déjà été fait à la fin du XIIIe siècle grâce à Ramon Lull auteur en 1297 de Arbor Scientiae, il voulait faire une arborescence pour retrouver les différentes catégories du savoir. A partir de la seconde moitié du XVIe siècle le succès de ce type de représentations est sans précédent. Pierre de la Ramé 1515-1572, c'est un penseur audacieux qui n’hésite pas à remettre en cause le savoir d’Aristote en entier dans deux ouvrages en 1543 et 1555. Il redessine la frontière entre logique et rhétorique, il souhaite imposer et revisiter la méthode dichotomique de Gallien et Platon en rejetant Aristote car selon lui celui-ci aurait commis trop d’erreurs. Il tire de Gallien et de Platon un souci d’exhaustivité et de clarté, il met au point une méthode de présentation dans laquelle les règles exposées seraient suivies d’exemples simples. C’est un pionnier dans la mathématisation du monde. Son entreprise réussit au-delà de ses espérances. Il est à l’origine de la présentation du savoir sous forme d’arborescence. Ses tableaux à doubles entrées bénéficient de la révolution de l’imprimé. On trouve ses tableaux pratiques. Entre 1560 et 1570 le système ramiste est appliqué en logique, en généalogie, en mathématiques (John Dee), en alchimie, en droit pour construire les plaidoiries, en escrime (Angelo Viggiani). (Il faut distinguer les savoirs dominants et les savoirs subordonnés).
Apprendre comment ?
Il y a encore peu de livres à la Renaissance donc on apprend par cœur, des dessins dans la marge servent à fixer la mémoire. On fait travailler sa mémoire différemment par rapport au Moyen-Age. La mémoire fait l’objet d’une réflexion technique. Cette discipline vient de l’Antiquité. Le spécialiste de la mémoire c’est Cicéron (De Oratore). Le système mnémonique fut créé par Quintilien. Le fonctionnement de la mémoire artificiel est mis au point dès l’antiquité Ad Herrenium,c'est un texte d’un rhétoricien. Pour se rappeler tous les 5 lieus on doit placer un signe respectif de taille moyenne pour ne pas être confondu avec une image. Ce signe doit rappeler des concepts, des idées... Ces techniques anciennes ne paraissent pas suffire à la Renaissance on assiste à la publication de nouveaux livres : Pierre de Ravenne qui publie un livre en 1791 Phénix Sive Artificiosa Memoria. C’est un traité de référence, il est copié dans toute l’Europe. Il perfectionne le système dans un autre ouvrage Ad herrericum. Ce livre est à l’origine d’un alphabet visuel avec animaux et objets.
La mémoire artificielle peut rendre service mais rien ne remplace l’étude. Apprendre par cœur ça n’a pas de sens. Le système de Pierre de Ramé correspond mieux aux exigences d’une époque dont on attend un savoir individuel, ce qui compte c’est d’avoir face au savoir à la fois une distance et une adhésion. Il vaut mieux savoir expliquer plutôt de que réciter .