Larcade UE2 9ème cours 07/12/06

De Univ-Bordeaux
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Etudes de cas

Ambroise Paré vers 1510-1590

  • Rappel La médecine est une discipline aristocratique sanctionnée par un diplôme, les études sont livresques et en latin, l’apprentissage est uniquement théorique. La médecine est un monde de savants à la différence de la chirurgie. Cette discipline est elle au contraire dévalorisée car on y touche le malade, le chirurgien c’est celui qui tranche, découpe il est méprisé, ses connaissances sont uniquement pratiques, de plus il est mal payé.


Présentation

C’est un chirurgien, on le définit comme le père de la chirurgie moderne. Il est né près de Laval et s’initie à la médecine en s’installant auprès d’un patron : un chirurgien de la ville de Vitré, A.Paré est un chirurgien banal par sa formation. Il quitte sa province et vient faire carrière à Paris en 1529, il est alors engagé dans un établissement hospitalier, l’Hôtel Dieu. Il y est aide chirurgien barbier.


Les grandes phases de sa carrière

Il monte en grade, fait preuve de compétence et en 1536 devient maître chirurgien. Il exerce son métier à l’occasion des guerres d’Italie. En effet il entre au service du duc de Montejean qu’il suit jusqu’au siège de Turin, il impose la chirurgie comme une spécialité de la médecine à part entière. En 1537, à la bataille du Pas-de-la-Suse qui fut une boucherie, il fit merveille dans les différents types de plaies qu’il dut soigner. C’est le premier chirurgien à trouver une solution à une désarticulation des coudes. Une autre innovation décisive fut la mise au point d’un baume pour le soin des plaies qui jusque là s’effectuée au fer rouge ou à l’huile bouillante. Au cours de cette bataille on se mit à manquer d’huile, A.Paré utilisa une recette de grand-mère, à base de jaune d’œufs et de térébenthine (un alcool ce qui fut sa chance) pour soigner les plaies et ce fut un succès.
A la mort de son maître le duc de Montejean, il revient à Paris, se marie et rentre dans la corporation des chirurgiens barbiers. Il semble être revenu à un esprit de conformisme. Il tient boutique rue de l’hirondelle, son enseigne: trois bassins.


Mais rapidement A.Paré se lasse de cette vie, en 1542, il entre au service du comte de Rohan qui lance à ce moment là une expédition militaire autour de Perpignan. Il soigne de nombreux blessés dont un particulièrement important le maréchal de Brissac qui est quelqu’un qui appartient à une très grande famille. Il a reçu une balle dans l’épaule très mal placée. Il utilise une nouvelle technique pour l’extraire en effet il replace le blessé dans la position qu’il occupait au moment où il a été touché ce qui permet d’opérer le blessé plus facilement.
L’année suivante en 1543, il est avec l’armée du comte de Rohan en Basse Bretagne où l’on craint un débarquement anglais. A la Toussaint il assiste à la bataille de Landrecies. Il rentre ensuite à Paris.
A.Paré est un homme qui sait communiquer et raconter son expérience. Il rédige le récit de ses voyages, et le 20 août 1545 obtient le privilège du roi (c’est à dire qu'il est reconnu propriétaire de l'œuvre et qu'il a le droit de la faire imprimer), son livre : Méthode pour traiter les plaies faites par harquebutes et autres bâtons de feu et celles faites par flèches, dards et semblables.
Le livre soulève l’indignation de la faculté de médecine. Elle condamne cette ouvrage car Ambroise ne connaît pas le latin ni Gallien et en plus il rédige en langue vulgaire: en français.


Le succès d’A.Paré s’accentue vers 1547, après la mort de François Ier. Dans sa boutique il applique à sa clientèle les soins nécessaires à toutes sortes d’actes chirurgicaux : cataractes, fractures, problèmes de prostate (« opération de la taille »), les accouchements par césarienne...Il a le sens de la communication et des affaires. Il confectionne des emplâtres. En 1552, Paré suit l’armée du comte de Rohan et participe au siège de Danvilliers, il y met au point une nouvelle technique chirurgical, il doit à ce moment là pratiquer l’amputation d’un gentilhomme. L’opération est peu pratiquée car on craignait les hémorragies et on cautérisait au fer ce qui n’arrangeait pas la chose. A.Paré pense à ligaturer les artères du blessé, celui ci survit. A la mort du comte de Rohan, il est au service d’Antoine de Bourbon, un prince de sang, ce dernier vante auprès du roi les compétences d’Ambroise. Et finalement ce dernier est nommé chirurgien ordinaire à la cour d’Henri II. En octobre 1552, il est envoyé sous les ordres du duc François de Guise, celui ci se fait assiéger à Metz par Charles Quint. La ville est bombardée, il y a de très nombreux blessés et une forte mortalité dans l’hôpital, la démoralisation s’est installée. Henri II a envoyé Ambroise pour soigner bien sur mais aussi en raison de son charisme indéniable. Il est fait prisonnier peu après au siège d’Hesdin, il soigne l’un des vainqueurs: un officier et est renvoyé à Paris après le succès de son opération.


Il souhaite aller plus loin dans la reconnaissance de sa profession. Il veut être reçu docteur en chirurgie, or la faculté de médecine dresse des obstacles. Il faut l’appui du roi pour qu’il puisse recevoir le bonnet du collège de St Côme.
En 1559, il est appelé au chevet d'Henri II gravement blessé à la suite d’un tournoi, malheureusement Ambroise ne parvient à le soigner. Un deuxième échec survient peu après en 1560 lorsque François II décède malgré ses soins à une forme avancée de la tuberculose.
Le roi suivant, Charles IX continue à lui accorder sa confiance et le 1er janvier 1562 il est nommé premier chirurgien. Un mois plus tard il publie La méthode curative des fractures et plaies de la tête humaine. En 1562 au début des guerres de religion Ambroise est amené à soigner Antoine de Bourbon le père du futur Henri IV. Il le soigne et l’accompagne ensuite à Dreux. Là bas il soigne catholiques comme protestants et continue à perfectionner ses techniques. En 1564, il publie un manuel pour les chirurgiens de campagne, 10 livres De la Chirurgie avec le magasin nécessaire aux opérations. De 1564 à 1566, il veut jouer de son prestige pour aider Charles IX dans sa tentative de réconciliation des français, il l'accompagne ainsi que Catherine de Médicis dans un tour de France, mais c’est un échec. Il est appelé à nouveau à soigner des blessés à la bataille de St Denis en 1567 puis en 1569 à la bataille d Moncontour.


Ambroise doit faire face à un problème contre lequel on ne peut lutter : la vieillesse, son arthrose met en péril ses capacités. A l’avènement d’Henri III il est toujours premier chirurgien mais ne se déplace plus. Il en profite pour défendre des techniques nouvelles. C’est un militant du traitement des plaies sans huile bouillante. Il maîtrise le traitement des luxations et des trépanations. En 1568 il s’attache à comprendre le mécanisme de transmission des épidémies et publie la même année un Traité de la peste, de la petite vérole et de la rougeole, il insiste sur la notion de contagion mais c’est un échec dans la mesure où la faculté de médecine déclare ce texte contraire aux bonnes mœurs et le livre est brûlé en place publique. Mais Ambroise a l’appui du roi et en 1575 il peut continuer à faire paraître cette œuvre.

Conclusion

Ambroise Paré n’est pas un inventeur mais il a su perfectionner des techniques existantes. Il a un rayonnement, il impose la profession de chirurgien qu’il faut désormais considérer. Il a influencé la chirurgie pour les siècles suivants. Il a libéré cette discipline de son obéissance aux anciens. C’est un homme qui fut toujours convaincu que l’entente fraternelle entre les hommes était possible. A-t-il été huguenot ? Toute sa vie privée a toujours été réglée dans le strict respect de la foi catholique, il a fait baptiser ses enfants, il fut constamment au service de rois catholiques mêmes si on peut lui prêter des sympathies protestantes.


Bernard Palissy vers 1510-1589/90

Présentation et grandes étapes de sa vie

Né dans le diocèse d’Agen, il est considéré comme l’inventeur de la céramique, peut-être abusivement car d’autres ont travaillé sur l'amélioration des techniques sur les céramiques et de l’émail par exemple à Rohan, un potier Abaquesmes a travaillé avec les mêmes techniques que lui dans des ateliers de Rennes et Lyon.


B.Palissy est né pauvre et n’a reçu aucune instruction, il a probablement voyagé entre 1530 et 1540. Il s’est établi à Saintes où il s’est marié et a exercé son premier métier : celui de verrier. Au château d’Ecouen construit par le connétable de Montmorency il y a deux vitraux censé avoir été fabriqués par B.Palissy.

Le problème de Palissy est le contexte économique, il manque de clientèle. Il devient donc arpenteur géomètre. Il lève les plans du marais salant de Saintonge. Le roi a en effet le projet de réformer les impôts, il lui est nécessaire de connaître la production de sel. Et c'est ainsi qu'en 1541 un impôt sur le sel est mis en place c’est la gabelle qui est à l’origine de la révolte sanglante de 1545. Le connétable de Montmorency rencontre Palissy et lui commande une grotte en céramique en 1555. Pour réaliser cet ouvrage B.Palissy doit utiliser de nouvelles techniques car Montmorency est fasciné par la production italienne et notamment la faïence émaillée : les plats de majoliques or en France on n’avait pas le secret de ce type de coloration à l'époque. B.Palissy passe 16 années à mettre au point cette technique. Il a fait des observations de naturaliste, il a étudié la nature des sols, des eaux, les actions chimiques naturelles, il a planché sur des problèmes pratiques de combustion, pour alimenter son four il aurait même brûlé son plancher. B.Palissy est l’image même du savant fou.

Mais c’est aussi un adepte de la réforme, un protestant déclaré, un membre fondateur de la communauté protestante de Sainte avec Philibert Mamelin. Palicy est poursuivi. En 1563 il n’échappe à une condamnation à mort que grâce à l’intervention de Montmorency et plus tard de Catherine de Médicis qui intervient pour le faire sortir de sa prison de Bordeaux.


Les aspects de son art

C’est un personnage reconnu à la cour. Il reçoit une charge sur mesure vers 1563 : le titre d’inventeur de « rustiques figulines » du roi. (le terme de figuline désigne les plats). Il sait communiquer, faire connaître, cette même année il signe un traité de vulgarisation scientifique, La Recette Véritable pour Devenir Riche, il y offre aussi ses services à Catherine de Médicis pour la décoration de son château de Chenonceaux pour la remercier de l’avoir fait libérer de prison. B.Palissy a aussi l’image d’un entrepreneur. S’ouvre à ce moment là la période la plus fructueuse de sa carrière.
Il travaille à Paris, il a des moyens de recherche satisfaisants, il est établi avec une équipe au château du Louvre, et a un équipement entièrement disponible pour ses travaux.
B.Palissy a trop d’idées pour les mener à bien. La grotte artificielle qu’il devait réaliser ne se termine jamais. Il rencontre des difficultés techniques puis politique, en 1572 c’est le massacre de la St Barthélemy, il est obligeait de fuir, il s’exile dans la principauté protestante de Sedan, il y reste 3 ans. Il publie au cours de cette période son Discours admirable de l’art de son utilité des émaux et du feu. Il y fait une apologie de son travail et de son métier de céramiste.
A partir de 1585 les guerres de religions prennent un tour de plus en plus dramatiques, c’est le temps de la montée de la ligue catholique. Palissy est à nouveau emprisonné en 1586 et en 1588. Paris tombe à ce moment là aux mains des ligueurs qui se constituent en République théocratique, c’est la période du gouvernement des 16.
B.Palissy passe deux ans à la Bastille, il semble y mourir en 1590 mais on a pu le libérer.


Deux axes :

l’œuvre du céramiste
l’action du publiciste, de vulgarisateur scientifique
  1. Sa spécialité ce sont les rustiques figulines et les poteries décorées de bas reliefs, d’arabesques, d’ornements il est aidé par N. de Palissy son fils. Ses pièces de céramiques sont remarquables du point de vu de la technique, il obtient un émail blanc ce qui était son rêve. Sa grande réussite fut d’obtenir un émail jaspé. B.Palissya pu vivre de son art de céramiste ce qui n'est pas une évidence. Il a mis au point de la vaisselle semi-utilitaire avec des techniques commercialement rentables. Sa grande idée : il a vendu des carreaux qui imitent le marbre (à destination des gens pas riches mais qui veulent sembler l’être). Il a aussi mis au point des moulages du Louvre, des reproductions en bas relief d’œuvres antiques. Il a le souci de valoriser son art. Il organise des conférences payantes. Parmi les gens de son public on trouve par exemple Ambroise Paré. Il sait faire de l’argent.
  2. Il est l’auteur de deux grands traités. Recette véritable par laquelle tous les hommes du royaume de France pourront apprendre à multiplier leur richesse. Sous la forme d’un dialogue B.Palissy y expose les principes d’une écologie rationnelle (mieux gérer les forets, comment obtenir de meilleur engrais...). Il rédige un manifeste protestant, une sorte de philosophie globale du monde, Discours admirable de la nature des eaux et fontaines de la terre...Paris, 1580, c’est une série de 11 traités présentés aussi ici sous la forme pédagogique d’un dialogue qui oppose le théorique et la pratique et c’est toujours pratique qui a le dernier mot. Ces traités concernent la céramique, la nature des eaux, l’art de construire les aqueducs, la technique des émaux, l’utilisation de la marne pour bonifier les sols...

C’est un disciple de Paracelse. Il défend contre les idées reçus de la scholastique médiévales les vertus de l’expérience.


Conclusion

B.Palissy a fait l’objet d’une historiographie particulière. Il a figuré au temps de la IIIe République au Panthéon des gloires nationales. Il a eu une grande importance dans les manuels scolaires d’Ernest Lavisse. Palissy y est décrit comme un héros légendaire à la dimension romantique et laïc, ce qui éclipse réellement ce qu’a été le personnage réel. B.Palissy c’est le symbole de l’indépendance d’esprit face au poids de l’autorité. Il a lutté contre les préjugés et l’ignorance. C’est un génie solitaire comme on les aime au XIXe siècle. Quelqu’un de la trempe de Gutenberg, un héros des temps moderne. B.Palissy a lui même contribué à cette légende. Ses deux traités narrent les souffrances de l’inventeur, il sait se vendre. Cette première image vient d’une sur-interprétation de son œuvre. Cette image du vieillard qui n’abdique pas provient d’un poète protestant (Livre IV des Tragiques). Pour les historiens K.Cameron et F. Lestringuants, le vrai B.Palissy est proche de Paracelse du point de vu de la technique et de Campanella sur le plan philosophique ( il y a chez lui l'idée que l’Apocalypse arrive).