Meyzie UE7 6eme cours 08/11/07

De Univ-Bordeaux
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Les chantiers de l’histoire de l’alimentation à l’époque moderne

Les consommations alimentaires urbaines

La population urbaine constitue encore une minorité à l’époque moderne mais elle a un rôle moteur, elle lance les modes et innove.

L’approvisionnement des villes

C’est l’étude des aires d’approvisionnement, les circuits, les acteurs (publics/privés), les réseaux. Steve Kaplan qui a étudié l’aire d’approvisionnement de Paris en grain définit cette aire aux plaines autour de Paris en tant de paix, s’y ajoute les blés de la Baltique en temps de crise.

Paris et le marché national A l’époque moderne il y a une dilatation de la zone d’approvisionnement, la population passe à 600000 habitants. R.Abad, Le Grand Marché, il a travaillé sur l’ensemble de l’approvisionnement : la provenance, les itinéraires, les quantité, les intermédiaires, l’intervention publique. Le cas du poisson. Il est consommé pour des contraintes religieuses. Il y a une grande variété dans les sources d’apprivoisement. Du poisson de mer frais des ports de la Manche qu’on fait remonter par la Seine en bateau où par voituriers ce sont les chasses marées (en 24h). Le poisson peut très bien avoir été péché dans la Seine en amont ou en aval de Paris. Paris reçoit aussi des poissons de conserve séchés, salés, marinés, ils viennent de plus loin notamment de Terre Neuve et ils transitent par le Pays Basque. Ils se conservent longtemps et sont très populaires. Pour les élites la variété du poisson disponible est beaucoup plus importante. Il y a les carpes du pays de la Dombes qui sont transportées vivantes dans des tonneaux pour qu’à l’arrivée le poisson soit toujours frais. Les élites reçoivent aussi des huîtres fraîches apportées par les chasses marées. La consommation de poisson de manière générale varie selon la période l’année. A Pâques la demande connaît un pic et le marché s’adapte aux besoins.

Les menus denrées, c’est à dire tout ce qui n’est ni de la viande, ni du poisson, ni des légumes, cela peut être du lait par exemple par ailleurs ce dernier est de plus en plus consommé notamment à cause de l’augmentation de la consommation de café. Les fromages connaissent une diversification. Le Brie connaît alors un grand succès grâce au développement des transports avec sa région productrice. Les fromages sont de meilleur qualité, les spécialités régionales apparaissent plus clairement que par les passé (couchage en herbe du pays d’Auge, les fruitières du Juras). En conclusion on peut dire que le marché et l’approvisionnement de Paris s’adapte à la consommation des parisiens. De plus toutes les provinces fournissent leurs spécialités et il apparaît clair qu’à l’époque moderne les parisiens sont nourris par l’ensemble du royaume.

Le cas de la ville de Londres 1700 : 575000 habitants, 1800 : 950000 Londres a un rôle unificateur sur le marché anglais. La ville voit le développement de marchés spécialisés dans le royaume par exemple : les viandes de Bedford, les céréales de Farnham, les vergers du Kent, les oies et canards du Lincolnshire, les dindes du Norfolk et aussi et en son sein : les ventes de légumes à Coventgarden, le bétail à Smithfield mais on trouve aussi un marché pour les cerises, un pour les pommes…. Londres a un immense hinterland de plus elle contribue à la spécialisation régionale. Il y a marché national unifié.

Les métiers de l’alimentation en ville

C’est une histoire souvent abordés anecdotiques. Aujourd’hui elle est travaillée sous un angle sociale et sociologique. Qui fabrique ? Qui diffuse ?

A Bordeaux.

Cabaretiers : ils vendent du vin Pâtissiers : à la fois pâtisseries et gâteaux salés Rôtisseurs Traiteurs : ils préparent des repas complets soit dans un hôtels soit au domicile des clients Marchands de rue : ils vendent des petits pâtés, huîtres, châtaignes Toute la domesticité spécialisé

Capitation de 1762, 88 hôteliers et 63 pâtissiers 1780-90, on compte 1 pâtissier, 1 rôtisseur, 1 traiteur pour 1500 personnes. Ils se concentrent dans la grande ville car c’est là qu’on trouve les élites, il y a un milieu intermédiaire d’avocat, de parlementaires, des marchands, de plus c’est une ville qui accueille beaucoup de voyageurs. Ils sont concentrés dans certains quartiers, comme St Pierre, le Grand Théâtre et la place Dauphine ou encore dans une moindre mesure St Seurin. Ces différentes concentrations sont parallèles à la répartition des élites (noblesse et monde du négoce) dans la ville. Il y a aussi une spécialité des rues par quartiers comme les cafés dans les allés de Toruny de même il existe une hiérarchie dans le monde de la restauration le plus prestigieux de tous les restaurants est l’hôtel d’Angleterre on y retrouve des voyageurs de prestige comme A.Young. Dans les faubourgs on trouve des petites auberges à la cuisine simple avec une clientèle de voyageurs. Selon sa bourse chacun peut se trouver ce qu’il lui convient.

Leurs productions (cela permet de retrouver les goûts urbains) Ces productions peuvent être abordées par l’intermédiaire du journal Annonce Affiche et Avis Divers pour la ville de Bordeaux. On y voit des articles qui vantent les mérites d’établissements et qui mettent en avant leurs productions ( beaucoup de porcs car c’est une spécialité bordelaise et des volailles). On constate un savoir-faire propre à la région comme les confits. « juste prix » : c’est une conception morale du prix. Le système des corporations, ce n’est pas nécessairement une contrainte ou un frein au développement économique car elles garantissent des contrôles de qualité. Après trois ans d’apprentissage le maître pâtissier de Limoges réalise un chef d’œuvre il s’agit souvent d’un pâté de tripes, de carrelas. La production des maîtres hôteliers de Bordeaux entre 1758 et 1789 est destinée à une clientèle aisée, tourtes de pigeons, pâtés de chauds de cailles, queues de mouton. Avant la Révolution, les tourtes au citron font leur apparition, tout comme les frangipanes, il y a une nette orientation vers le sucré, seulement 35% des plats faits par les maîtres pâtissiers sont encore des plats de viandes. Le plat le plus fréquent c’est l’allonge de veau à l’estragon. Dans la ville il n’y a pas moyen de faire rôtir les pièces de viande c’est pour cela qu’on va voir un hôtelier. Les pâtissiers bordelais durant la première moitié du 18e siècle produisent des tourtes des volailles, des terrines de gibier, durant la seconde moitié du siècle ils se spécialisent sur le sucré même si la dénomination du métier reste la même la nature de celui-ci change profondément. De nouveaux lieux voient le jour, comme les cafés, le 1er apparaît à Paris le Procope, de nouvelles organisations, de nouvelles sociabilités sont créées. Au 18e siècle il y a un élargissement social, la clientèle est plus variée même si cela reste un lieu dédié aux élites. On note dans ces établissements un luxe et un soin particulier donné à l’aménagement, on y trouve des jeux comme des billards. A Bordeaux les premiers cafés ouvrent au début du 18e siècle, il y a le Café Bourgeois… Le restaurant apparaît lui aussi au 18e siècle et c’est une invention française. Dans les restaurants on propose des bouillons puis on commence à proposer des plats à la carte (avant il n’y avait qu’un menu unique). Le restaurant connaît son essor à Bordeaux à partir de 1790.

Les métiers de bouche sont à l’origine de la diffusion de nouveaux goûts. On dénote une capacité accru à répondre à la demande. Ce sont des intermédiaires culturels. Ils s’inspirent des élites mais on des clientèles plus variées, ils diffusent vers le bas de la société.

Alimentation et Innovation

L’alimentation est tout sauf immobile dans la longue durée. De plus on y décèle des innovations à différents niveaux (goûts, techniques les deux étant inséparables). Innovations est diffusion sont liés car cela réorganise le marché.

Les nouveaux goûts XVIe-début XIXe siècle

La « nouvelle cuisine » du XVIIIe siècle, abandonne les derniers restent de l’alimentation médiévale. On délaisse les théories humorales (c.a.d soigner les individus par l’alimentation avec le phénomène de compensation). Les épices reculent voire disparaissent complètement tout comme les acides et le ver jus, ainsi que tout ce qui est mélange sucré-salé. Menon, La cuisinière bourgeoise. C’est un best seller. Il explique comment préserver la saveur des aliments, auparavant on brouillait, les goûts. Les cuissons sont désormais plus courtes alors que par le passé on faisait bouillir puis rôtir. La consommation de beurre augmente tout comme celle des sauces douces et onctueuses. Le beurre jusque là était considéré comme une graisse rustique, au 18e siècle elle devient la graisse des élites. Les innovations ne sont pas toujours de haut en bas l’inverse est possible. Les aromates indigènes se diffusent comme l’oignon, le serfeuille, l’estragon… Les légumes verts rencontrent un réel succès, petits-pois, épinards, artichauts. On note aussi l’essor des viandes de boucherie, le bœuf connaît un succès croissant, car jusqu’à maintenant on considérait que cette viande était destinée aux travailleurs qui selon la théorie humorale avaient besoin de sang. Le milieu de cours est à la pointe du changement, puis les élites nobiliaires, marchandes et de manière géographique de Paris vers la Province puis vers les villes secondaires. Cette cuisine nouvelle rencontre un grand succès partout en Europe.

L’adoption de nouveaux produits. Il y a une accélération au 18 e siècle. Il y a un vrai processus d’acculturation par exemple la dinde qui vient d’Amérique dès le 16eme siècle, on la trouve en 1650 dans la région de Toulouse puis au 18eme elle est courante en France et en Angleterre. Il y a une facilité d’assimilation car la dinde remplace l’oie au cours du 17eme chez les élites pendant que l’oie rentre dans les consommations populaires. Au milieu du 18eme l’oie est devenue l’emblème de la gastronomie française. Le haricot se retrouve en Languedoc à la fin du 16eme et il est vite adopté dans les consommations populaires. Le haricot vient sur le même registre que les pois, les fèves, il faut utiliser des méthodes de cultures identiques, par conséquent il entre vite dans les consommations locales et il remplace l’ancien haricot européen. Le sucre. Au 18eme sa diffusion est large en même temps la consommation explose. Il est originaire du Maghreb puis a été transporté aux Canaries avant d’arriver aux Antilles. Au M.A il est utilisé sous forme thérapeutique. A la fin du 17eme sa consommation s’élargie chez les élites et les catégories populaires. Partout en Europe sa consommation augmente c’est pour cela que se développe une économie de plantation. La transformation de la consommation a entraîné une transformation économique de grande ampleur. Les boissons exotiques. Elles sont variables selon les pays. Le café est largement répandu et est devenu une boisson courante. Originaire d’Arabie il a été développé dans le Nouveau Monde pour le marché européen (Café de Moka en dessous café de St Domingue puis en dernier le moins apprécié le café des Antilles). Quant au thé sa diffusion reste limitée aux élites en France à l’inverse de l’Angleterre où le thé est largement diffusée. Le chocolat connaît lui ne diffusion limitée en France, il est encore considéré comme un médicament alors qu’en Espagne il est apprécié et très consommé par les élites. Au sein de ces trois pays, les processus d’adoption sont très différents. Les processus d’adoption ne sont pas linéaires. Il y a des phases cycliques, en France le chocolat connaît un grand succès au sein des élites à la fin du 17eme ensuite jusqu’à la Révolution sa consommation ne cesse de décliner puis au 19eme il y a une remontée de sa consommation mais plus seulement au sein des élites. Dans certains cas des produits ne sont pas adoptés comme la tomate connue dès le 16eme siècle, car elle n’a pas d’équivalent en Europe dans sa mise en culture, il faut attendre le 19eme pour qu’elle commence à se diffuser. La pomme de terre, connaît beaucoup de résistances, car elle est passée en premier lieu consommée par des animaux, on pense qu’il y a des risques de maladies ce qui n’est pas faux car on la consomme encore crue ce qui entraîne des maladies.

Les transformations techniques

La spécialisation des pièces. La cuisine est de plus en plus un espace à part, les équipements se développent, l’hygiène est plus présente à partir du 18eme. Durant la même période la salle à manger voit le jour. On la trouve d’abord au sein des élites, c’est une pièce de réception. Auparavant on se servait du salon pour cela. L’ameublement se diversifie , les tables sur tréteaux se développent, ainsi que les fauteuils, les vaisseliers apparaissent ils ont pour but de mettre en évidence la richesse de la vaisselle de la demeure.

On note aussi des innovations dans les modes de cuisson. Le réchaud fait son apparition ce qui permet de faire passer la préparation des plats d’une position assise à une position debout. De plus avant les aliments étaient en contact direct avec le feu, au 18eme, le contact tend à disparaître on veut faire des cuissons plus douces. Le potager naît à son tour durant ce siècle.

Les verres et les manières de boire. Au 18eme il y a des progrès nets dans la manière de fabriquer le verre, on utilise désormais du charbon ce qui donne des verres plus résistants, ainsi les verres à boire se multiplient. Dans le S.O entre 1700 et 1750 dans les inventaires après décès il y avait dans 13% des cas des verres à boire cette proportion passe à 68% entre 1750 et 1800. Dans le passé au cours d’un repas, les verres et les gobelets n’étaient pas déposés directement sur la table, chaque convive devait se retourner pour se faire servir un verre. Désormais le verre a toute sa place sur la table cela va de paire avec l’essor des bouteilles en verre. Dans les caves on trouve au 18eme plus de bouteilles que de barriques de vin par exemple le duc d’Aiguillon, il possède 300 bouteilles et 3 barriques, un siècle plus tôt cela aurait été l’inverse. Grâce à la bouteille en verre on peut pratiquer le vieillissement du vin. L’évêque de Limoges en 1786, possède des vin de Bourgogne de 1781, des Graves de 1765, des Jurançons de 1760. La bouteille en verre préserve la qualité du vin, de plus se développe le bouchon en liège. A cause du développement du bouchon en liège on est obligé d’inventer le tire-bouchon. C’est autant une révolution technique qu’une révolution des goûts. Les tastes à vin voient le jour pour goûter et analyser le vin. Il existe bien un lien entre innovation technique et goûts alimentaires. L’innovation ne se fait pas sans demande, il faut ainsi prendre en compte le poids particulièrement fort de la demande des élites car pour celles-ci les manières de boire sont un moyen d’affirmer son identité.

Alimentation et identité

La notion d’identité renvoie à la question de l’originalité et donc au problème de la comparaison. Dans une identité il y aussi la notion de conscience, l’influence des regards extérieurs. La plupart du temps les identités sont plurielles. Selon les circonstances l’identité peut subir des modifications, l’identité des consommations n’est pas fermée, elle bouge et évolue.

L’identité sociale

Il s’agit d’étudier les consommations alimentaires d’un groupe social comme le clergé et de définir ses caractéristiques, son originalité. Ce groupe connaît des contraintes, les jours maigres, le temps de Carême, de l’Avents, le vœu de pauvreté, la vie en communauté implique des repas collectifs. Les contraintes forgent l’identité de la consommation du clergé. Mais attention les contraintes affichées ne sont pas nécessairement les contraintes réelles. Les Feuillants ont fait vœu de pauvreté, mais sur les factures individuelles on trouve des consommations d’huîtres, de terrines…cela est très éloigné de l’idéal de l’ordre. On note l’importance des laitages, sous forme de lait ou de fromage. La place importante du poisson. Par exemple à l’abbaye de Flaron, les dépenses en poisson sont égales à 20% des dépenses, on a affaire à une véritable gastronomie du maigre. Le clergé consomme aussi beaucoup de fruits secs, car ils sont très énergétiques et cela correspond bien à leurs besoins et s’adapte à leur style de vie. La consommation de chocolat est assez importante, car le chocolat est apaisant au contraire du café qui donnerait des mauvaises idées.

Exemples. Les chanoines bretons ne vivent pas en communauté mais possèdent des maisons individuelles avec des cuisines équipées, de l’argenterie, une salle à manger, des confitures. Un chanoine de Cadillac, lors d’un repas on trouve des dindes glacés, un gâteau de truffes, on est très loin de l’idéal d’austérité. Mais à l’inverse il y a des religieux très respectueux.

En réalité il y a une très grande diversité des situations si on considère le clergé séculier au moins autant qu’au sein de la noblesse qui elle veut se démarquer des autres groupes sociaux et notamment du peuple. Les élites se démarquent par la fréquence et le nombre d’objets comme les sauciers, les cafetières, les couteaux. De plus l’art de recevoir est prégnant dans l’identité nobiliaire ce qui explique leurs énormes réserves de vaisselles et de serviettes. Ils consomment aussi beaucoup de mets hors saisons, ce qui est un signe flagrant du luxe (cerise en mars, glace en été). La noblesse est aussi à la pointe des modes, nouveaux produits, nouveaux desserts… Le noble est un mangeur pluriel et sa consommation varie selon le moment, il y a un différence comme on peut l’imaginer entre le repas de fête et le repas quotidien (fait d’une soupe et de viandes très simples), c’est un écart dont il faut tenir compte.

L’identité culturelle

Voir le libre de Capatti sur la cuisine italienne. L’identité du S.O est au-delà de la différence sociale. C’est la synthèse de l’ouverture et de l’enracinement. L’identité se construit à travers des préparations spécifiques, son ouverture à des produits nouveaux. (truffe, jambon de Bayonne).

Conclusion

Les consommations alimentaires sont complexes et ne peuvent se résumer au seul acte de se nourrir, c’est un fait social total (identité), économique (autoconsommation, rôle du luxe et de la demande) culturelle (jours maigres). La découverte du Nouveau Monde, la fin de la famine, les progrès de l’alimentation montre un Ancien Régime en mouvement car la consommation est le terrain d’échange de l’économie.