Cours complet 09-10 UE1 Lachaise

De Univ-Bordeaux

Les sources de l’histoire moderne et contemporaine

I.A la recherche des sources de l’Histoire

A.Les sources

Selon la définition du Larousse, les sources sont les documents, les textes originaux auxquels on a recours, comme origine d’un récit ou d’un œuvre.

Cette définition accorde une place privilégiée aux textes en particulier, à l’écrit en général. Le mot origine reste vague, a une portée très large. Cette définition n’est en effet pas particulière à l’historien.

Il faut faire bien attention à la différence qui existe entre sources et bibliographie, la seconde étant une liste de titres de références d’ouvrages, de périodiques etc. On a là une différence de niveau.

Marrou, un historien de l’Antiquité dans son ouvrage, De la connaissance historique, publié en 1954, propose une définition des sources spécifique à l’historien. Elles sont tout document, toute source d’information dont l’esprit de l’historien est capable de tirer quelque chose.

Cette notion s’est élargie au fil du temps :

  • Pour les historiens de l’Antiquité, elles sont les monnaies, les inscriptions, les textes littéraires, historiques, les monuments etc.
  • Pour les médiévistes, elles sont les monnaies (dans une moindre mesure), les textes littéraires, historiques auxquels s’ajoutent les actes administratifs législatifs, les chartes, les cartulaires etc.
  • Pour les modernistes s’adjoignent les sources notariales, les correspondances, l’Etat civil (créé par François Ier et développé par l’Eglise), les journaux.
  • Pour les contemporanéistes toute une batterie de sources nouvelles s’additionne aux anciens types telles les publications administratives, la presse (qui connait sur cette période un essor formidable), mais aussi les images (TV), les sons (TSF). Bref une abondance qui n’empêche pas que des problèmes d’accès persistent.

Document 1 (dossier1) : Les sources que l’on peut trouver au sein de ces diverses bibliographies de thèses nous apprennent les choses suivantes :

  • L’historien doit être mobile
  • On trouve une très grande diversité des sources. Les différents historiens ont fait une mise en parallèle de toutes les sources dont ils disposaient.
  • On remarque que les témoignages oraux apparaissent avec l’histoire contemporaine.
  • On note une importance significative des archives privées pour l’histoire moderne.
  • Il y a autant de types de présentations des sources que d’historiens.

Par exemple « l’institut Charles de Gaulle » dont B. Lachaise ou S. Guillaume ont utilisé les ressources présente un problème de statut. Les sources qu’ils y ont trouvé sont de type privé, ne reposent pas forcément sur son action d’homme public, mais le partage est parfois difficile.

B.Ensemble des sources

SOURCES ECRITES : Elles sont très volumineuses à partir de la période moderne et ce jusqu’à la fin du XXème siècle. Pour l’essentiel on les trouve dans les archives.

SOURCES IMPRIMEES : Les sources imprimées incluent la documentation législative (lois, arrêtés, débats parlementaires…) Les livres qui peuvent avoir le statut de source, par exemple les publications du XVIIIème siècle, témoins des Lumières, donc des documents produits à l’époque étudiée. Leurs lieux de conservation privilégiés sont les bibliothèques (la numérisation facilité énormément leur accès) Le corpus éditorial, c'est-à-dire la presse, les tracts, les brochures, les libelles, les mémoires d’acteurs de l’histoire.

SOURCES AUDIOVISUELLES : Elles ont connu une évolution considérable ces cinq dernières années, grâce en particulier au travail de l’INA qui a mis en ligne énormément de documents [www.ina.fr]

SOURCES ELECTRONIQUES : Cf. cours de Sébastien Laurent.

SOURCES ORALES : C’est une notion relativement récente en France où elles ne sont utilisées que depuis le début des années 1970. Ce sont, en effet, les historiens anglo-saxons qui ont mis en place cette oral history. Ce développement a été possible suite au travail effectué sur la Seconde Guerre Mondiale pour lequel on a recueilli de très nombreux témoignages d’acteurs de la guerre. Cette tâche a été amorcée par le Comité d’Histoire de la Deuxième Guerre Mondiale qui avait un fonctionnement quelque peu artisanal, sans méthode particulière. C’était, en effet, avant tout un ouvrage de collecte. En 1979-1970, le Comité est remplacé par l’Institut d’Histoire du Temps Présent (IHTP). En France, le Temps Présent débute après la Seconde GM, en somme une période où les acteurs sont encore vivants. Cela-dit, les historiens ont peu utilisé les sources orales avant la fin des années 1970 et le début des années 1980 du fait d’une sanctification de l’écrit de laquelle découle une réticence à s’en servir. En France, la première grande recherche s’étant basée sur ce type de sources se situe au niveau d’une thèse d’Etat, celle de Sylvie Guillaume [cf. doc.1]. Le second travail est celui d’Olivier Wieviorka, historien de la Résistance, qui publie en 1993, Nous entrerons dans la carrière : de la Résistance à l’exercice du pourvoir, qui est une série de 14 entretiens avec des hommes, acteurs de la Résistance, qui ont mené à la suite de la Guerre des carrières politiques ou syndicales. L’ouvrage se présente volontairement de manière très brute : une introduction dans laquelle il expose sa démarche, puis la publication des entretiens sans aucun commentaires les accompagnant, uniquement des notices biographiques des personnages interrogés. Il s’agit pour l’auteur de « définir le poids du passé dans la décision de ces personnages ». Cette démarche a suscité un débat passionné : fallait-il publier ainsi, de manière sèche, le contenu de ces entretiens ? De plus en plus, dans les colloques d’histoire contemporaine on fait appel à de grands témoins. Parfois l’acteur lui-même objet de la réunion scientifique intervient (ex : Valérie Giscard D’Estaing)

Les sources orales présentent plusieurs intérêts notables :

  • Elles sont particulièrement utiles quand les autres sources sont inaccessibles
  • On peut ainsi travailler sur les motivations de l’individu interrogé : son engagement, ses choix (vie, carrière, décisions…). Un apport conséquent est amené sur la considération du rôle joué dans ces processus par les réseaux, les fréquentations, les relations (celles qui sont plus discrètes, plus anciennes, donc moins évidentes au premier abord).
  • L’apport est également particulièrement significatif dans la compréhension des prises de décisions de l’individu.

Les sources orales nécessitent une méthodologie très particulière qui diffère quelque peu de celle appliquée aux sources écrites. Des règles ont été définies par Florence Descamps :

  • Définir des buts à la constitution d’un corpus oral (dans quel objectif)
  • Multiplicité des sources orales : « polyphonie des points de vue »
  • Bien délimiter et adapter le corpus : travail très important d’élaboration d’un questionnaire. Dans cette tache il faut porter une attention particulière à bien se renseigner sur la personne interrogée, bien connaître son sujet.
  • Instaurer un pacte d’entretien avec la personne à interroger : force de la confiance, du contact. Le premier contact ne doit jamais être direct, téléphone bannit, mais doit prendre la forme d’un courrier écrit (pas de mail) dans lequel il faut expliquer qui l’on est, notre objectif, ne surtout pas oublier les formules de politesse ; faire attention à notifier les modalités d’enregistrement de l’entretien, il est, en effet, nécessaire d’obtenir l’accord de l’individu interrogé sur la forme et aussi l’usage qui en sera fait
  • Obtenir l’autorisation d’utiliser le témoignage. Ceci passe par une lettre, il faut avoir des traces écrites de ce genre d’accord. *Dire à la personne qu’une copie de l’entretien lui sera transmise et qu’une possibilité de modification lui est permise.

Pour résumer ceci, une citation : « savoir se taire, apprendre à écouter sans a priori, celui qui donne audience à ses souvenirs », Marguerite Yourcenar.

II.Parmi les sources des archives

[cf. définition des mots d’archives p3] Les archives ne sont pas la propriété des historiens et ne sont pas destinées qu’à eux. L’ensemble des citoyens est à même de les consulter. Elles sont classées et conservées pour l’éternité. Les archivistes travaillent pour le long terme. Le travail effectué diffère selon l’âge des archives :

  • Archives courantes : elles sont celles dont l’utilisation est habituelle, courante, pour ceux qui les produisent (administrations…). Théoriquement elles sont placées sous le contrôle des Archives de France. Ce sont les plus récentes.
  • Archives intermédiaires : leur intérêt est moins immédiat mais elles ne peuvent pas encore faire l’objet d’élimination ou de tri.*
  • Archives définitives : les documents qui ont subit un tri et une élimination et qui sont prévus pour durer. Ils doivent être versés dans les archives publiques.

[tout ceci ne concerne que les archives publiques]

Organisation des archives en France :

Elles ont une organisation très centralisée. La tête en est les Archives de France (D.A.F) créées pendant la Révolution française (1794). Trois régimes sont particuliers et constituent trois secteurs indépendants :

  • Les archives diplomatiques, qui dépendent du ministère des affaires étrangères
  • Les archives du ministère de la Défense
  • Les archives de la préfecture de police de Paris (P.P.P)

Les archives de France contrôlent les Archives départementales, elles-mêmes contrôlant les archives municipales. On trouve des archives municipales dans les grandes villes très anciennement organisées. Celles-ci sont très liées à la cité dont elles sont un service clé (autrefois il s’agissait de conserver les droits et les privilèges de la ville, l’écrit ayant une valeur probatoire). Depuis les lois de décentralisation les Archives départementales dépendent du Conseil Général qui gère à la fois les locaux et le personnel.

Le volume des archives nationales est tel qu’il est réparti en quatre sites :

  • Paris, qui est le lieu historique, dans le quartier du Marais, site qui regroupe les archives datant d’avant 1958.
  • A l’exception des archives d’Outre-mer qui sont conservées à Aix en Provence.
  • A Roubaix où l’on trouve les archives relatives au monde du travail.
  • Fontainebleau regroupe les archives émises depuis 1959 ce qui représente 190km d’archives.

Les missions des Archives :

  • Collecter les archives (à quel que niveau que ce soit), aussi bien les versements obligatoires (en provenance d’institutions publiques) que les archives privées, donc soumises à la volonté de ceux qui les produisent et requiert de ce fait un travail de persuasion (le service a même un budget pour en acheter). Il y a le cas également des dations dans le cadre d’héritages où les familles peuvent payer l’Etat en nature pour recouvrir les droits de succession (ex : Picasso, Pompidou…)
  • Classement : cf. p5, 6, 7
  • Conserver : travail de tri et d’élimination, également conservation physique
  • Communiquer afin que les archives puissent être utilisées par les citoyens. Deux restrictions à cela : l’état du document et les problèmes liés à la législation pour la communicabilité des archives ; la première loi en la matière date de 1979 et est considérée comme plutôt libérale, la deuxième loi date de 2008

Les archives peuvent être communiquées au bout de trente ans saut dans le cadre de protection de la vie privée et de la sûreté de l’Etat et dans ces deux derniers cas les délais sont beaucoup plus longs : 60ans, 100ans (état civil, documents fiscaux, notariaux), 120 ans pour les dossiers de personnel, 150 ans pour les dossiers médicaux. Ceci-dit des dérogations pouvaient être demandées et environ 90% d’entre elles étaient accordées.

Dans d’autres pays la communication est plus généreuse, comme aux Etats-Unis. La situation est en revanche nettement plus fermée au Vatican même si en 2006 le Saint Siège a accepté l’ouverture des archives sur Pie XI. Les archives sur Pie XII (à partir de 1939) restent, elles, inaccessibles.

En France, on trouve des cas particuliers. Lionel Jospin a décidé en 1997-1998 d’ouvrir les archives de la Deuxième Guerre Mondiale avant l’expiration des délais. La même chose a été décidée pour la guerre d’Algérie ainsi que pour les archives diplomatiques pour 1989 à l’occasion du 20ème anniversaire de la chute du Mur de Berlin. Ces décisions correspondent à des attentes mémorielles très fortes de la part de l’opinion publique.

III.L'historien et les sources

Conseils pratiques et méthodologiques :

  • Le travail de collecte demande de l’ouverture d’esprit et de la curiosité.
  • Le dépouillement des sources doit être le plus rigoureux possible, chaque information référencée avec son origine.
  • Il faut effectuer un travail de croisement des sources.
  • La façon dont on va rendre compte des sources dans le mémoire de master doit être le plus précise possible. Une justification systématique des sources utilisées par des notes de bas de pages doit être faite.