Categorie:Soutenances de thèses

De Univ-Bordeaux

université Bordeaux 3

                           PROCES VERBAL DE SOUTENANCE DU 22/11/2012 A 14h00
                                             ANNEE UNIVERSITAIRE 2012/2013
 Etudiant                 : M. JAN OLIVA                                              né le : 04/12/1971
 Version de diplôme       : Doctorat Histoire moderne et contemporaine
 Titre des travaux        : Les réseaux de transports tchécoslovaques dans l'entre-deux-
                             guerres : une approche historique multimodale
 Secteur de recherche     : sciences de l'homme et des humanités
 Ecole doctorale          : Montaigne-Humanités
 Formation doctorale      : DEA Histoire, économie et art, des origines des temps modernes au temps présents
 Section CNU              : 22 - Histoire/civilisations : mondes modernes
 Equipe de Recherche      : Centre d'études des mondes modernes et contemporains
 Directeur                : M. CHRISTOPHE BOUNEAU
 Codirecteur              : M. IVAN JAKUBEC
 Cotutelle                : Cotutelle avec l'université de Prague (République Tchèque) - codirecteur Ivan JAKUBEC
 Lieu de soutenance       : Salle Jean Borde - M.S.H.A. - Université Bordeaux 3
 La soutenance est publique.
 Résultat                 :
 Mention                  :
 Membres du Jury
  Nom                                  Qualité                 Établissement   R  
          
   M. CHRISTOPHE BOUNEAU               Professeur des         UNIVERSITE
                                       Universités            BORDEAUX 3 M. DE
                                                              MONTAIGNE
   Mme MARCELA EFMERTOVA               Professeur (université UNIVERSITE
                                       étrangère)             TECHNIQUE PRAGUE
                                                              (R.TCHEQUE)
   M. ALEXANDRE FERNANDEZ              Professeur des         UNIVERSITE
                                       Universités            BORDEAUX 3 M. DE
                                                              MONTAIGNE
   M. IVAN JAKUBEC                     Professeur (université UNIVERSITE
                                       étrangère)             CHARLES DE
                                                              PRAGUE
                                                              (R.TCHEQUE)
   M. BRUNO MARNOT                     Professeur des         UNIVERSITE
                                       Universités            BORDEAUX 3 M. DE
                                                              MONTAIGNE
   M. MICHELE MERGER                   Chargé de recherche    CNRS PARIS

Résumé long, Thèse J. Oliva


L’histoire des réseaux de transport constitue un champ de recherche traditionnel et constamment renouvelé en Europe à la fois sur le registre de l’intermodalité, de la mobilité et de la construction des territoires. Dans cette optique notre thèse intitulée Les réseaux de transport tchécoslovaques : une approche historique multimodale, se place résolument sous le signe de l’histoire économique contemporaine. Elle s’attache à analyser dans une approche croisée la mise en place et le développement des quatre modes de transport principaux de la Tchécoslovaquie de l’entre-deux-guerres : le transport par la voie d’eau, par chemin de fer, par la route et par avion. De façon génétique notre enquête est indissociablement liée à la formation géopolitique du nouvel État tchécoslovaque et, dans ce contexte, elle s’attache à mettre en évidence la formation d’un réseau de transport qui se déploie dans une trajectoire en partie originale d’une guerre mondiale à l’autre.

La naissance à l’issue de la Grande Guerre de l’État tchécoslovaque, désigné, dès cette époque, par le vocable d’« État successeur » (nástupnický stát) en référence à la disparition de la monarchie austro-hongroise, tout en étant soudaine, n’a pas moins été préparée à l’intérieur par une lente maturation politique, sociale et économique depuis au moins un siècle. Les risques liés à la configuration géopolitique de l’Europe de l’après-Guerre, car on ne connaissait en 1918 qu’une Grande Guerre, étaient immenses car de nombreux facteurs de stabilité disparaissaient de sorte que l’évolution future était dans une large mesure imprévisible. Les risques politiques d’instabilité extérieure et intérieure étaient accompagnés de risques économiques et sociaux majeurs, à savoir la possible incapacité des nouveaux États d’Europe centrale, pour ne parler que d’eux, de tout simplement subsister, et donc de garder leur indépendance si douloureusement acquise. À cette époque « révolutionnaire » qui, par définition, amenait avec elle autant de risques que d’opportunités de changements les plus radicaux, le spectre était large en ce qui concernait le choix du système politico-économique allant d’un capitalisme libéral extrême avec une forte présence de capitaux étrangers jusqu’à la transformation du pays en une république socialiste. Finalement la position intermédiaire s’imposa – la Tchécoslovaquie devint un État avec une économie de marché capitaliste, mais avec une forte proportion de capital public dans certaines grandes entreprises, voire la nationalisation de quelques secteurs jugés stratégiques comme celui de l’armement ou des transports publics de masses. Les contours de l’architecture économique du pays commençaient à se dessiner au cours des deux dernières années de la guerre. Un plan économique élaboré principalement par A. Rašín, le futur Ministre des Finances, et J. Preiss, déjà directeur de la Banque de l’entreprenariat (Živnostenská banka), dans l’hypothèse de la fondation d’un État indépendant, nourri par des discussions secrètes au sein d’un petit cercle d’hommes de confiance, eut pour conséquence d’orienter la politique économique du pays (dont celle des transports) dans un sens déterminé – vers la construction d’un État national centralisateur avec tendance socialisante au niveau des grandes entreprises, relativement tolérant vis-à-vis des minorités linguistiques et culturelles et animé par un puissant esprit démocratique. Il n’est guère de cadre chronologique plus classique en études historiques que « l’entre-deux-guerres ». La plus importante raison de consacrer notre recherche à cette période est peut-être celle de contribuer par un travail universitaire sur les réseaux de transport à faire mieux connaître une période historique essentielle pour les peuples tchèque et slovaque. Cette période revêt une importance capitale dans la construction identitaire de ces deux peuples pour une triple raison : il s’agit de l’histoire encore relativement récente qui se déroulait dans le cadre géopolitique proche de celui d’aujourd’hui et dans un contexte politique et économique de relative liberté, par opposition à la monarchie austro-hongroise, à l’occupation nazie et au totalitarisme communiste. Ces trois facteurs donnent corps à un modèle auquel on peut se référer, voire s’identifier, ce que, depuis la « Révolution de velours » de 1989, les Tchèques et les Slovaques ne manquent pas de faire, parfois à mauvais escient, de sorte à susciter une série de travaux critiques (notamment en histoire) afin de jeter une lumière juste sur cette « Première république » (První republika). De plus, sur un plan plus concret, il nous paraissait intéressant de consacrer notre étude de réseaux de transport à une entité politique entièrement nouvelle, dont la première page d’histoire restait à écrire et la configuration territoriale à confirmer, pour laquelle un cadre économique viable devait être créé. Cette adaptation ne s’était certes pas faite sur un terrain vierge. Le contraire était vrai. Les Tchèques et les Slovaques hésitant sur l’attitude et le vocabulaire à adopter lorsqu’il s’agissait d’aborder le passé austro-hongrois, durent bâtir leur unité à partir de ce passé, qualifié de « lourd » ou « difficile ». Malgré le voisinage géographique, du fait de la coupure administrative entre la Cisleithanie et la Transleithanie, les deux peuples étaient restés seulement des cousins éloignés dans la grande famille des Slaves, peu conscients de liens linguistiques, culturels ou raciaux qui pouvaient les rapprocher. Le regroupement en un seul État à l’issue de la Grande Guerre devait avoir nécessairement pour conséquence le remodelage de la carte de tous les réseaux, politiques, sociaux, économiques et techniques et parmi ces derniers, des transports. Les différents modes de transport, les « anciens » comme les chemins de fer et la navigation ou les « émergents », comme l’automobilisme et l’aviation, furent ainsi aussitôt appelés à jouer un rôle de premier ordre, ajoutant à leur fonction économique classique, des fonctions politique, sociale, voire stratégique, avec pour mission de contribuer à créer et à harmoniser un espace politique et économique cohérent dans lequel la nouvelle république pourrait confirmer vis-à-vis de l’étranger le bien-fondé de sa demande d’autonomie et de sa raison d’être. Dans le contexte international, les différents modes de transport jouèrent un rôle non négligeable lié à la « visibilité » de l’État. Ils furent chargés de missions diplomatiques et technologiques et servirent en retour de baromètre indiquant le degré de notoriété internationale du pays. En effet, il y eut durant l’entre-deux-guerres, une sorte de course à la reconnaissance sur la tribune politique et économique européenne et mondiale à laquelle tous les acteurs de la vie civile participaient. Cela se reflétait dans le domaine des transports par exemple par l’organisation des expositions ou des congrès internationaux, la participation active aux organismes internationaux et à leurs structures dirigeantes, à l’élaboration de traités bilatéraux ou multilatéraux de communication, de transport ou plus généralement de commerce. Bien que la majorité de ces actions ne fût pas particulièrement spectaculaire, elles apportèrent néanmoins d’importantes pierres à l’édifice de la conscience et de la confiance nationales. Chaque « succès » sur la tribune internationale était largement repris et commenté par la presse générale ou spécialisée, nourrissant naturellement l’esprit patriotique. Enfin, du point de vue technologique, la période de l’entre-deux-guerres correspondait à une modification dans le rapport de forces entre les modes de transport, une sorte de guerre intermodale. Elle tirait sa source d’une part de la renaissance du transport routier grâce à la massification de la force motrice des moteurs à explosion, avec à la clé la relance, après un siècle de stagnation, de grands travaux dans ce secteur et, d’autre part, de l’émergence d’un nouveau mode de transport, ajoutant à l’action et à la pensée de l’Homme littéralement une nouvelle dimension : l’aviation. En parallèle, les chemins de fer et la navigation, modes de transport plus anciens arrivés à un degré de maturité organisationnelle et d’emprise spatiale élevée, parfois maximale, connurent à leur tour un certain renouveau grâce aux mêmes apports de l’innovation technologique. Les tensions qui ne manquaient pas de se produire entre les différents modes de transport font aussi l’objet de notre étude. Cependant, notre démarche a trouvé plusieurs limites dans son application. Tout d’abord, il faut différencier clairement notre approche « multimodale » d’une approche « intermodale » au sens moderne du terme dont le déficit sur le plan de travaux historiques est encore plus important. En effet, nous avons examiné quatre modes de transport pour une période historique donnée, en tenant compte lorsque cela était possible de leurs interactions, leurs influences réciproques, leurs affinités ou au contraire, leurs mises en concurrence. Mais nous n’avons pas pu approfondir ces aspects suffisamment pour déboucher sur une véritable étude intermodale. Conscients de la difficulté de la tâche, nous avons prévu d’emblée de limiter notre travail à une étude multimodale. Celle-ci se base la plupart du temps sur un examen mode par mode, le seul véritablement à propos en cette période historique. Ce n’est pas tant que des expériences de passerelles intermodales n’avaient pas existé. Pour certaines, elles étaient même largement antérieures au début du 20e siècle. Mais, l’étude de l’intermodalité prise stricto sensu aurait débouché sur une plongée en profondeur dans quelques domaines très pointus, forcément marginaux, au détriment d’un balayage et d’une compréhension d’ensemble qui manquait dans les travaux historiographiques actuels. Mais cet approfondissement de la problématique peut et doit constituer de futurs axes de recherche. Nous nous sommes par conséquent limité à lister les lieux et les conditions de croisement modaux. En effet, la généralisation de l’approche multimodale débouche forcément dans le vaste fleuve de l’histoire de la mobilité dont la constitution non pas comme une discipline nouvelle, mais plutôt comme un « programme » a été amorcée récemment. Des travaux qui se réclament de l’histoire de la mobilité doivent obligatoirement posséder une dimension synthétique reposant sur une approche multimodale, interdisciplinaire et transnationale. Cependant, étant donné que l’histoire de la mobilité constitue une sorte d’aboutissement d’une somme de travaux antérieurs émanant de disciplines variées et d’un nombre de pays suffisant pour permettre justement la généralisation des conclusions, elle doit en amont disposer de corpus contextualisés, en premier lieu à l’échelle spatiale des États-nations. Nous espérons que notre thèse apporte ici une contribution utile.