Coste UE2 11eme cours 11/12/08

De Univ-Bordeaux
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La révolution de l'astronomie à l'époque moderne

Introduction

L’astronomie est l’un des domaines où la science a le plus bouleversé les savoirs traditionnels. Mais c’est à relativiser : le commun des mortels n’en est pas informé et en reste aux visions traditionnelles proches de l’astrologie. Les débats agitent surtout la communauté scientifique et touchent au religieux, ce qui explique leur âpreté.

  • www.histsciences.univ-paris1.fr
  • Paul Couderc : Histoire de l’astronomie, 1974
  • Marie-Christine La Souchère : Une histoire de l’astronomie, 2005
  • Jean-Pierre Verdet : Une histoire de l’astronomie, 1990

I. L’héritage antique : le système aristotélico-ptolémaïque

A. Les principes d’Aristote et leurs commentaires

Toute étude du savoir de l’époque moderne conduit à Aristote, précepteur d’Alexandre au IXe siècle. Ses considérations se retrouvent dans la Physique et les Météores. Quand on s’intéresse à sa physique, on voit que son objectif est d’expliquer pourquoi les choses sont ce qu’elles sont. Il a élaboré un système cohérent fait d’évidences dégagées de l’observation. Il distingue deux mondes dans l’univers :

  • le monde sublunaire où l’homme évolue
  • au-delà, le monde céleste qui est parfait

Dans le monde sublunaire, chaque corps se compose de 4 éléments : la terre, l’eau, l’air et le feu. Chacun de ces 4 éléments dispose de ce qu’il appelle un « lieu naturel ». Celui-ci est l’endroit où l’élément doit aller immanquablement s’il n’en est pas empêché. Ces lieux naturels sont répartis de manière concentrique. Parmi les 4 éléments, 2 sont qualifiés de « graves » (lourds) : la terre et l’eau qui tombent, tandis que l’air et le feu sont des éléments « subtiles » (légers) qui ont tendance à s’élever. Les éléments graves vont vers le centres, les subtiles s’en éloignent. Chaque élément est ainsi animé par un mouvement naturel : c’est la volonté de l’élément de rejoindre son lieu naturel. Mais il y a aussi des « mouvements violents » provenant d’une course extérieure. Le mouvement naturel finit cependant toujours par l’emporter.

C’est une description des phénomènes physiques tels qu’ils sont perçus. Ces idées sont approfondies par de nombreux savants qui y puisent de quoi réfléchir sur le mouvement. Certains ont des spéculations pratiques, tandis que d’autres restent dans le domaine théorique. Les premiers appartiennent aux mécaniciens d’Alexandrie : ce sont des philosophes et savants de l’Antiquité hellénistique, parmi lesquels Héron et Archimède. Ceux-ci tâchent d’inventer des machines utilisant le mouvement naturel pour faciliter le travail de l’homme : roue, poulie, vis, levier. Et puis, au cours du Moyen-âge, des penseurs tentent d’approfondir sa réflexion et s’intéressent à l’ « impetus » (la vitesse). Ils essayent de calculer la vitesse, et orientent leurs réflexions sur la notion d’accélération, cela essentiellement au XVIIe siècle. Deux sommités de la pensée s’inscrivent dans cette démarche :

  • Nicole Oresme, professeur à Paris où il dirige le collège de Navarre, puis terminant sa carrière comme évêque de Lisieux, il a notamment écrit un Tractatus de configurationibus qualitatum et motum. Il s’est intéressé à l’accélération de la vitesse et à la manière de représenter graphiquement le mouvement. C’est un précurseur de la représentation par abscisse/ordonnée (qu’il appelle latitude/longitude).
  • Thomas Bradwardire, surnommé « the profund doctor », archevêque de Canterbury faisant partie des Oxford calculators qui travaillent sur l’étude de la vitesse.

B. La vision du monde de Ptolémée

Ptolémée, Grec du IIe siècle ap. J.-C. ayant repris les idées d’Aristote et les ayant utilisées pour élaborer sa vision du monde présentée dans l’Almageste. Pour lui aussi, le monde céleste est un monde parfait, immuable, dans lequel les astres se déplacent. Dans ce système, la Terre est au centre de l’univers, entourée par des cercles concentriques où circulent les planètes. Cercle parfait sur lequel il y a des astres et toutes les planètes connues, qui se meuvent selon des trajectoires régulières qui permettent de prédire certains faits météorologiques, de fixer le calendrier et de déterminer les horoscopes. C’est un système géocentrique qui pose des problèmes pour l’explication des phénomènes de précession (mouvement apparent d’astres donnant l’impression de revenir en arrière). Ptolémée en a donné une explication par la théorie des épicycloïdes. Pour lui, le fait qu’on voie des astres reculer vient du fait qu’ils tournent sur eux-mêmes autour d’autres astres. Le principe de la circularité parfaite est donc maintenu.

Ces idées perdurent, si ce n’est quelques précisions. En 1524, le géographe allemand Peter Appien publie le Cosmographicus liber où il reprend la vision de Ptolémée en rajoutant quelques anges au milieu des astres. Ptolémée n’était pourtant pas le seul : une théorie concurrente avait été portée par Aristarque, géographe grec du IIIe siècle av. J.-C. qui a essayé de calculer la distance de la lune à la Terre, de la Terre au Soleil, le diamètre de la lune, celui du Soleil. Même en se trompant, il a trouvé que le Soleil est bien plus grand que la Terre et en a déduit que la Terre tourne autour du Soleil, les petits corps devant tourner autour des gros. Déjà fortement critiqué pour ses calculs, sa théorie est passée aux oubliettes.

II. La Renaissance : une époque de découvertes controversées

A. les premières remises en cause du système aristotélico-ptolémaïque (SAP)

C’est au XVe siècle que les milieux scientifiques et marins sont insatisfaits par le savoir traditionnel du SAP. Il existait des tables astronomiques calculées au Moyen-âge pour donner la date des équinoxes, dans le monde rural comme dans le domaine religieux (pour le calcul de la fête de Pâques) et pour les astrologues, les plus célèbres étant les tables alphonsines du XIe siècle.

A l’usage, on y a trouvé des erreurs, notamment pour bien fixer la date de l’équinoxe. Aristote ne pouvant se tromper, les erreurs furent attribuées aux copistes. Mais on tâcha de les corriger en faisant de nouvelles observations, dès la moitié du XVe siècle. Parmi les observateurs, il y a Paolo Toscanelli, Nicolas de Cues, George Peuerbach et Regio Montanus. Ce-dernier s’intéresse à ce que dit Aristote concernant les comètes : il les considérait comme des accidents appartenant nécessairement au monde sublunaire puisque le monde céleste est considéré comme parfait. Or, Montanus découvre que l’une des comètes observées est passée dans le monde céleste. Il indique sa découverte en 1496 dans l’Epitomé, ce qui porte un coup au ciel idéal et parfait.

B. La révolution copernicienne

Nicolas Copernic, Polonais, est né en 1473 à Torun. C’est un chanoine s’intéressant à l’astronomie, parti plusieurs années en Italie, notamment à Bologne où il suit les cours de l’astronome Dominico Mara Novaro. De retour en Pologne vers 1513-15, il édifie un observatoire à Frombork où il multiplie les observations. Homme déterminé, très doué, il calcule un grand nombre de tables astronomiques et un certain nombre de parallaxes pour déterminer la distance entre les planètes. Il arrive à des conclusions stupéfiantes. D’abord, il n’arrive pas à calculer l’éloignement des étoles. Il en déduit que si sa méthode est valable pour les planètes, c’est que les étoiles sont trop lointaines pour être calculées : l’univers est très vaste. En observant les mouvements de la lune, il en arrive à l’idée que le géocentrisme est moins logique que l’héliocentrisme. Le mouvement circulaire parfaire des planètes demeure toutefois dans sa pensée. Ce système permet de comprendre le phénomène de la précession : la Terre étant un point d’observation mobile dont la position est relative.

Copernic lui-même trouve son système ridicule, il n’y croit pas, il est perplexe et ne dévoile pas ses résultats dans un premier temps. La théorie se heurte à nombre d’intérêts dominants de l’époque. Cette théorie suppose que la Terre tourne autour du Soleil, donc que la Terre tourne sur elle-même pour expliquer le mouvement du jour et de la nuit. Il s’interroge : pourquoi dès lors la Terre n’est-elle pas bouleversée par des vents violents et des raz-de-marée ? Si le Soleil est au centre de l’Univers, comment se fait-il que les planètes plus petites, attirées par lui, ne lui tombent pas dessus ? Ses idées remettent en cause l’astrologie, les astres ne tournant pas autour de la Terre ne pouvant pas exercer d’influence sur elle (l’astrologie était liée à l’anthropocentrisme, donc au géocentrisme).

Copernic en parle toutefois à ses amis, notamment à l’Allemand Rheticus. Celui-ci publie en 1540 Narration prima où il fait référence à cette théorie. L’ouvrage ayant un bon accueil, Copernic décide de faire connaître son œuvre en 1543, mais celle-ci ne paraît que quelques mois après sa mort : De revolutionibus orbitum celestum. La préface de l’éditeur présente cette thèse comme spéculative et sans aucun fondement. La plupart des autres astronomes ne reprennent pas ses idées tout en utilisant les tables astronomiques qui sont à l’origine de leur éclosion, comme Tyard. Ce n’est qu’en Angleterre que certains s’enthousiasment et réfléchissent à cette théorie de l’héliocentrisme : Robert Recorde, John Dee et Thomas Digger. Ce-dernier élabore en 1576 dans Pronostications everlasting la théorie de l’héliocentrisme, approfondissant la réflexion et prétendant que les étoiles ne sont pas fixes dans des sphères lointaines mais qu’elles se meuvent, et cela dans toutes les directions ; ce qui suppose un Univers immense qui s’étend. La découverte de Copernic n’a donc pas un impact majeur immédiat.

III. Les progrès décisifs de l’astronomie au XVIIe siècle

A. Galilée

Certains astronomes tentent d’abord de concilier le SAP avec le système copernicien. C’est le cas de l’astronome danois Tycho Brahé (1546-1601) qui se construit son propre observatoire à la fin du XVIe siècle à Uraniborg sur une île du détroit du Sund. Il présente le système géo-héliocentrique dans De disciplinis mathematicis. La Terre y est immobile au centre de l’Univers, le Soleil tourne autour de la Terre et les autres planètes tournent autour du Soleil, l’Univers n’étant pas infini. C’est le compromis.

Ces questions restent sensibles parce que, comme beaucoup d’autres institutions de l’époque, l’Eglise avait fait sienne les théories d’Aristote, d’une part parce que la Terre y était placée au centre de l’Univers, et d’autre part parce que des passages de la Bible s’y trouvaient expliqués. Giordano Bruno, qui avait affirmé l’existence d’une multitude de soleils dans l’Univers a été brûlé en 1500, mais davantage pour d’autres positions hérétiques.

Galilée s’intéresse beaucoup à l’astronomie, multipliant les observations à l’aide d’une lunette astronomique plus performante qu’il a mis au point. Il publie en 1610 Sidenius nuncius (Le messager céleste). Cet ouvrage est révolutionnaire. Il présente l’intérêt majeur de sa lunette astronomique, fait une description détaillée de la lune, évoque l’idée que la voie lactée est un amas d’étoiles impossibles à dénombrer et annonce avoir découvert 4 satellites autour de Jupiter, confirmant l’idée que, comme le supposait Copernic, la lune tourne autour de la Terre. Il confirme donc la vision de la lune comme satellite de la Terre et s’engage sur le terrain théologique, indiquant qu’il n’y a pas de contradiction entre les Ecritures saintes qui donnent la voie pour aller au Ciel mais non le fonctionnement du mécanisme de celui-ci. Le Saint-Office est saisi du dossier. Galilée dispose pourtant d’appuis, notamment du cardinal Bellamin qui lui conseille la prudence et de présenter le système de Copernic comme une simple hypothèse de travail et non comme une vérité scientifique. En 1616, l’œuvre de Copernic est mise à l’Index, le contexte n’est pas favorable. Le pape Urbain VIII lui conseille aussi la prudence et de présenter les deux systèmes (aristotélico-ptolémaïque et copernicien) comme des hypothèses sans en privilégier aucune. Mais en 1632, Galilée publie le Dialogo en prenant manifestement position pour Copernic. Les soutiens disparaissent, il doit se désavouer publiquement et finit sa vie dans une résidence surveillée, affligé par une vue qui baisse. Il laisse un nombre considérable de manuscrits derrière lui.

En fait, l’hypothèse copernicienne n’est pas démontrée précisément, elle ne l’est finalement qu’au début du XIXe siècle. La sanction et la rétractation de Galilée en font le succès et assurent sa diffusion, notamment en France Gallicane, non soumise aux décrets pontificaux. Marin Mersemme, en relation avec Pascal, traduit en français des passages du Dialogo.

B. Les autres découvertes

Parallèlement, beaucoup d’autres astronomes apportent leur pierre à la connaissance de l’Univers, comme Johannès Kepler, élève de Tycho Brahé qui lui a légué toutes ses observations. Il s’intéresse au mouvement des planètes. Dès le début du XVIIe siècle, il explique que les planètes ne décrivent pas des cercles mais des ellipses autour du Soleil. Il le présente en 1609 dans Astronomia Nova et en 1619 dans Harmonices mundi.

On découvre les nébuleuses, galaxies lointaines, avec la lunette. En 1610, Nicolas Fabri de Periers découvre la nébuleuse d’Orion. En 1612, Simon Marius découvre Andromède. En 1610, David Fabricius observe les taches solaires, d’où il déduit que le Soleil tourne sur lui-même et il calcule sa vitesse de rotation. En 1647, Hevelius publie la première carte de la lune dans Selenographia. Le Jésuite Giovanni Riccioli publie en 1651 une réfutation de Copernic : l’Almagesta novum. Son ouvrage est illustré par les gravures du Jésuite Francesco Grimaldi. La lune y est ainsi représentée, on commence à attribuer des noms aux cratères et aux montagnes qu’elle contient et qui sont observées : on utilise pour cela les noms provenant de la géographie terrienne, des caractéristiques humaines, en utilisant une nomenclature latine. En 1655, le Hollandais Christian Huygens et l’Italien Cassini annoncent la découverte des anneaux de Sature. Dans les années 1670 est construit l’observatoire de Greenwish, Newton présente les lois de la gravitation universelle sur le mouvement des astres et la chute des corps en 1687.

Conclusion

Les débats de l’époque moderne sont marqués par de profonds bouleversements scientifiques.