Cours complet 06-07 UE2 Larcade
Sommaire
- 1 Une réflexion autour du terme de Renaissance
- 2 La Tour de Babel de Bruegel
- 3 Le tableau de Henri Patenir
- 4 La Renaissance : le savoir et la science en question
- 4.1 I La mise en évidence d’une rupture
- 4.2 Un débat
- 4.3 La culture technique
- 4.4 Conclusion
- 5 Etudes de cas
- 6 Etude de cas seconde partie
Une réflexion autour du terme de Renaissance
Giorgio Vasari (1511-1574) écrivain peintre et architecte auteur de la Vie des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes (1550). Il est le créateur du terme de Renàscita, il l’utilise pour qualifier le renouveau des techniques et du savoir en Italie au XVIe siècle. Ce siècle est une rupture dont les contemporains ont eux mêmes conscience, c’est un nouveau départ. Plusieurs générations d’artistes en Europe ont la conviction que des temps nouveaux arrivent. Ils ont le sentiment de vivre une époque unique, singulière qui ne manque pas de susciter craintes, angoisses et terreur.
La Tour de Babel de Bruegel
Pieter Bruegel l’Ancien (1525-1569) peintre flamand.
La Tour de Babel 1563 (114 x 165). cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/image:Brueghel-tower-of-babel.jpg
C’est une peinture sur bois, elle s’inscrit donc dans la tradition médiévale (car la peinture de la Renaissance se fait sur toile).
Le thème est une référence à l’Ancien Testament. BABEL, roi de Babylone projette d’élever une tour gigantesque dont le sommet toucherait le ciel. Le châtiment divin s’abat alors sur les hommes pour avoir voulu être des égaux de Dieu. Ils sont punis. La malédiction qu’ils subissent les rend incapables de se comprendre désormais ils parlent une multitude de langages.
Ce tableau est une allégorie de l’époque. La tour de Babel représente d’une part la rupture avec la tradition et en contrepartie les risques physiques pour ceux qui s’aventurent dans cette voie Galilée, Bruno; on peut aussi penser aux grandes découvertes de ce siècle: le Nouveau Monde... qui en retour ont eu pour conséquence de rapporter la syphilis en Europe. D’autre part ce tableau fait référence à la ville d’Anvers une des grandes capitales du XVIe siècle et sans doute le plus grand port du monde. Les Pays-Bas sont à cette période en pleine prospérité et les deux côtés de la tour en portent témoignage. A l’arrière plan on distingue des digues et un port. Les marchandises sont empilées par catégories. On distingue aussi une grue or on sait qu’une grue de ce type existait à Anvers.
La partie supérieure de la tour est réalisée en briques et s’inspire du Colisée, la Rome Antique est à la Renaissance perçue comme un idéal de civilisation.
La Tour de Bruegel représente aussi les forces vives de la nation, les humbles métiers de tous les jours sont mis en valeur. À cette époque il y a redéfinition du système de hiérarchie et des valeurs. Les « Arts mécaniques » ont un statut très secondaire pendant tout le Moyen Age, technique et culture ne sont pas mélangés le domaine des techniques n’est pas considéré comme une discipline intellectuelle cela tend à changer à la Renaissance.
« Dieu a fait de l’homme une créature qui doit soumettre la nature ». Pour pallier les insuffisances de l’homme, Dieu l’a doté d’outils. St Augustin a théorisé cette hiérarchie des capacités de l’homme. Les scibilia (savoirs théoriques), les agibilia (la morale) et les factibelia (tâches de fabrication). Ces factibelia sont mal vues car elles recèlent des pièges le monde réel n’est qu’apparence et tromperie.
St Thomas d’Aquin reprend à son compte cette hiérarchie du savoir. Pour lui l’astronomie entraîne la divination, qui est une pratique en rupture avec l’orthodoxie ce qui équivaut à une hérésie. Valoriser les techniques c’est remettre en cause la base sociale de la société et la domination des élites traditionnelles.
A la Renaissance les techniques deviennent à la mode elles sont valorisées. Une catégorie d’intellectuels voit le jour appelée « les artistes-ingénieurs ». Mariano di Jacopo il Taccola 1381-1458 Francesco di Giorgio Martini 1439-1502 Léonard de Vinci 1452-1519
Ces savants sont conscients d’apporter une nouveauté, ils veulent restituer le savoir technique de l’antiquité. F. di Giorgio est la personnification d’un tournant dans la culture humaniste de l’époque .Il intègre intimement image et texte, il donne des plans techniques très détaillés. Ces ingénieurs-artistes sont un groupe caractéristique du XVIe siècle, ils appartiennent aux plus grandes cours des princes et sont au service de mécènes dont ils attendent gloire et fortune. Ils font sortir la technique de la tradition orale pour en faire un objet culturel. La livre imprimé met le savoir antique à disposition d’un public beaucoup plus large. La technique entre désormais dans le circuit littéraire les princes pensent en premier à la guerre (fortifications, canons…), ou à toute autre chose pouvant les grandir comme des objets de luxe, des peintures…De plus la technique devient un objet de conversation à la mode dans l’aristocratie.
Le tableau de Henri Patenir
La toile fut peinte entre 1525 et1527, c’est une peinture à l’huile sur bois elle faisait partie de la collection des Médicis, elle représente des mines de fer et rend hommage à l’activité métallurgique du Sud de l’Allemagne dans la première moitié du XVIe siècle. L’image est à la gloire des mines et à l’amélioration des techniques.
Au premier plan, on observe des ouvriers transportant du minerai et le lavant avec un patouillé. On distingue aussi une grande roue hydraulique qui sert à obtenir la chaleur nécessaire à la transformation de ce même minerais.
A gauche on remarque des forgerons, et à leurs côtés des maillets entraînaient par une série de cordes. On est en présence d’un système en deux temps : fonderie et affinerie qui permet une production en masse de fer aciéré.
La mécanisation est un fait de la Renaissance dans des domaines nombreux et variés la céramique, la verrerie…
L’armement en fer aciéré est une spécialité du Sud de l’Allemagne notamment à la ville de Solingen, on en trouve aussi à Brescia en Italie, dans le Tyrol, à Florence et même à Paris.
Cette technique fait l’objet d’ambitions politiques, Henri VIII fait venir des ingénieurs Normands pour qu’ils créent des hauts fourneaux en Angleterre.
La Renaissance : le savoir et la science en question
Au début du XVe la culture est encore essentiellement aristotélicienne. Le savoir est fondé sur un système de classification très stable défini par Aristote, c’est la taxinomie antique, il est le premier auteur à avoir entrepris le regroupement méthodique et hiérarchique des éléments qui composent le vivant dans son ouvrage Une Histoire des Animaux. Le système aristotélicien entre en crise entre les XVe et XVIe siècles pour plusieurs raisons : la découverte de textes partiellement contradictoires avec la pensée d’Aristote (notamment des textes appartenant au néoplatonisme). L’élargissement des horizons, qui est le résultat des grandes découvertes qui font apparaître des nouvelles espèces en botanique, géologie, zoologie… le développement d’applications pratiques aux mathématiques bouscule l’ordonnancement des sciences.
I La mise en évidence d’une rupture
A Les formes de la contestation
Ce qui sépare « ars » et « scientia »
- ars : savoir pratique / scientia : savoir théorique
- Un exemple : au début du XVe siècle, sur un chantier de cathédrale, les maçons s’en prennent aux architectes. Les maçons sont dans la logique d’un ars issu du Moyen Age. Les architectes ont des préoccupations d’hommes de la Renaissance, ils se définissent comme des « penseurs de la construction » c’est à dire des intellectuels, le métier d’architecte fait à la Renaissance l’objet d’une réflexion distincte. Pour les architectes « l’ars sans science est vide de sens ».
La légitimité, l’honorabilité des savoirs pratiques est un des enjeux de la Renaissance.
Universalité / Spécialisation
Ange Politien (1454-1492) Le Panepistemon écrit en 1491 Pic de la Mirandole (1463-1494) L’un des défis de la pensée de la Renaissance est de séparer le savoir universel du savoir spécialisé. L’humanisme de la Renaissance est une aspiration à un savoir universel face à cela s’oppose l’idée que l’on ne peut maîtriser qu’une seule part de tout ce savoir
Savoir public / Savoir privé
Par savoir privé on entend les secrets d’Etat, la science politique, les secrets de la nature, l’alchimie. Certains penseurs depuis l’Antiquité récusaient l’idée de communication de la science, ils préféraient participer à un mouvement d’initiation : ce sont les hermétistes. Pour eux la connaissance doit rester entre initiés. La tradition de livres secrets s’affirme au XVIe siècle, on y dévoile des secrets dans différents domaines. Mais en même temps à la Renaissance un certain soucie de rendre public le savoir scientifique se développe. Marsile Ficin, écrit en 1464 le Corpus Hermeticus, il désire mettre l’hermétique à portée de tous. On retrouve la même idée dans cet œuvre : Secreti, 1555 (l’auteur est un Piémontais). Ce genre d’écrit est marqué par la volonté de vulgariser les pensées secrètes, cachées, on casse les barrières du savoir privé. Pour d’autre au contraire comme John Dee, il n’était pas souhaitable de rendre accessible aux vulgaires des connaissances élevées comme l’alchimie.
Le légitime / L’interdit
- Ne pas faire de distinction est un défi des humanistes. J.Calvin considère que la vraie connaissance ne peut appartenir qu’à Dieu, vouloir l’égaler est un orgueil condamnable.
Arts libéraux / Arts mécaniques
- Arts libéraux : activités auxquelles pouvait s’adonner l’homme libre.
- Arts mécaniques : activités utiles mais déclassées socialement.
Les sept arts libéraux ont été formalisés par St Augustin et Boèce qui adoptent les conceptions antiques aux réalités du christianisme.
- le trivium : ce sont les matières nécessaires à l’éloquence : grammaire, rhétorique et dialectique.
- le quadrivium : ce sont les disciplines regroupant l’art des nombres, arithmétique, musique, astronomie et géométrie.
- Depuis le XIIe siècle, les programmes universitaires étaient censés être confiner dans ces différents découpages mais dans la réalité c’était différent.
Hugues de St Victor 1090-1141, il était professeur à l’école St Victor de Paris. Il avait commencé à perturber dans cette école les schémas traditionnelles d’enseignement en y en ajoutant l’apprentissage des arts mécaniques.
- Al Farabi, Al Kindi, et Ibn Sina ces philosophes arabes introduisaient dans leur enseignement des matières comme la physique et les sciences politiques.
- Le curriculum de la faculté de Paris se complique, on se met à adjoindre les matières de la métaphysique, le philosophie naturelle aux disciplines traditionnelles. Dans les hautes facultés on enseignait la théologie, le droit…mais ce sont des spécialisations pour les étudiants les plus avancés.
L'essor d’un nouvel ordre de la connaissance
La promotion du quadrivium
Le succès des études humanistes qui insistent sur la grammaire, la poésie, les sciences morales, a contribué à donner une importance plus grande au quadrivium paradoxalement. A la fin du XIVe siècle, Caluccio Salutati (1341-1386) chancelier de Florence remet en cause les préséances entre facultés, d’autant plus facilement que courant XVe siècle des auteurs comme Pic de la Mirandole cherchent à opérer une synthèse entre tradition antique plutôt nourrie par la pensée de Platon avec la pensée d’Aristote qui a marqué l’époque médiévale, pour eux il fallait juxtaposer arts libéraux et arts mécaniques dans l’enseignement.
- Les cours donnaient à Careggi mais aussi à l’université de Florence contribuent à donner de l’écho à leur entreprise.
Au XVIe siècle aux universités de Rome et de Bologne l’enseignement laisse de plus en plus de place aux enseignements humanistes. De nouvelles disciplines sont introduites en Europe. A Hildeberg vers 1540, St Münsten, un pionnier de la géographie pouvait enseigner la géographie librement. A la casa de Contratacion de Séville il y a des cosmographes qui donnent des cours de cartographie et de navigation. Une chaire de philosophie naturelle est fondée à Rome en 1513. A Padoue en 1533 une chaire de botanique est créée. A Londres est fondée en 1514 la Trinity House sous Henri VIII dans le but de d’améliorer la navigation. On assiste à une micro révolution académique. Les nouvelles disciplines sont perçues par tous comme nécessaires et en conséquent elles se multiplient.
L’apparition de ces disciplines nouvelles
- Deux grandes catégories :
- Les disciplines descriptives comme l’anatomie, et l’histoire naturelle en générale.
- Les disciplines qui relèvent de l’application des mathématiques :la dynamique, la statique, la mécanique.
Dans le domaine des sciences naturelles on disposait de quelques ouvrages de référence. L’histoire Naturelle de Pline. Les humanistes lancent contre cet ouvrage une approche critique. E. Barbaro 1454-1493 Castigatines Plananiae, 1493. C’est le premier à relever des erreurs dans l’ouvrage de l’auteur latin. Son travaille inspire le grand Conrad Gesner 1516-1565 auteur de Historiae Animalum 1551. Les contemporains de Gesner continuent à poursuivre son œuvre. Il a attaqué Pline sur la description des cétacés. P.Belon 1517-1564, La nature et la diversité des poissons, 1551. G.Rondelet,1507-1556, Histoire de la nature et des oyseaux, 1555. En matière de botanique s’imposait l’Histoire des plantes de Théophrastus, c’était un élève d’Aristote. Et en botanique c’était l’Herbarium de Dioscorides (Ier siècle p.C) Au XVe siècle on s’est mis à composer des herbiers, ceux ci révolutionnent l’approche antique de la botanique. L.Euchs écrit De Historia Stirpium, en 1542 il montre que les plantes décrites par Dioscorides n’existent pas en Europe du Nord. La vraie révolution vient de l’ouverture des champs d'études à de nouveaux continents, cela aboutit à montrer l’impossibilité des auteurs antiques à s’adapter aux nouvelles découvertes en science naturelles. G.Fernandes de Ovieda, en 1526, Natural Historia de las indias. Il a du mal a retrouvé tous les concepts d’espèces qu’utilise Pline. Ce dernier décrit le tigre comme le plus rapides animaux, pour rester fidèle à Pline Fernandes utilise le même terme pour désigner le jaguar. Certains auteurs pour faire évoluer la recherche font appel aux connaissances des indigènes. Monardes 1493-1588, il écrit deux livres sur le cacao, il parle du bois de Guaiac, espèce inconnue en Europe, il cherche à apporter des remèdes aux différentes maladies existantes en Europe. Il référence le tabac qui était une espèce inconnue de Pline. J.Gohory 1520-1576, il publie en 1572, un ouvrage consacré à « l’herbe petum » : le tabac. Les sciences de l’observation, botanique et géologie font des progrès foudroyants, c'est aussi le cas en anatomie et cela grâce à des auteurs comme Rondelet, Puré, Vésule…
La généralisation de l’abstraction mathématique
On découvre la capacité d’appliquer des comportements mathématiques à différents domaines. Or c’est contraire à la pensée antique pour qui les mathématiques ne pouvaient porter que sur le monde céleste car ce dernier est parfait et incorruptible. R.Grosseteste a commencé à réfléchir sur les règles de l’optique au XVIe siècles de nouveaux domaines d’abstraction apparaissent. Cela va de pair avec l’apparition de la figure de l’ingénieur artiste. L’étude en mathématiques des mouvements de la statique et de la dynamique est rendue nécessaire pour les machines de guerre. De même pour les progrès de la cartographie et de la géographie, c’est la demande militaire et politique qui pousse au perfectionnement de ces disciplines et encourage leur diffusion. Le monde de la Renaissance découvre que les mathématiques ne sont pas une discipline inférieure au trivium. La Renaissance c’est la période de révision du statut des sciences. L.Battiste Alberti, un architecte,auteur de Les ludimathématicarum. Il parle de la mesure des édifices, de la profondeur marine, de la détermination de l’heure, du pointage d’une pièce d’artillerie…
Un débat
Y a-t-il une science propre à la Renaissance ? Vinci , Copernic…ne connaissent pas ce terme, ils parlent de sciences sans avoir de visions générale de la science. La révolution scientifique existe par le regard rétrospectif. 1470-1560 est une période où s’élabore la révolution copernicienne mais est-ce si clair que cela qu’il s’agisse d’une révolution ? La pensée de Copernic est-elle vraiment significative, est ce une nouvelle façon de pensée propre à la Renaissance. Les savants du XVe siècle doivent beaucoup à la pensée antique. Malgrè tout la question de l’innovation se pose bel est bien dans tout un tas de domaines scientifiques. Il convient d'observer ce qui relève de la restauration ou de l’imitation de ce qui est vraiment nouveau,innovant là où les savants de la Renaissance dépassent leurs maîtres de l’antiquité.
A Reconsidérer les Anciens
Dans la bibliographie du palais Urbino, F. da Martefetro 1422-1482 s’est attaché à rassembler tout le savoir grec de l’antiquité, il a envoyé de scribes recopier ou acheter ces sources de l’antiquité. Le duc d’Urbain s’enorgueillissait de posséder la Géographie de Ptolémée, les Eléments d’Euclide. Côme l’Ancien 1384-1464 avait entrepris l’acquisition du même genre de collection, mais c’est surtout le petit-fils de Côme 1444-1492 qui s’illustre encore davantage dans cette passion bibliographique. Laurent le Magnifique engage 40 copistes pour engranger tous les savoirs du monde il veut s’assurer que ce précieux savoir sera sauvé. Il créait une salle, une sorte de musée pour y entreposer ses précieux manuscrits, les décors du plafond de ce musée le Lorenzo sont confiés au peintre Michel Ange. Rassembler et traduire les textes anciens et une priorité pour les hommes de la Renaissance.
- Le système aristotéloptolémaïque
Aristote IVe siècle av.J-C, dans sa physique il s’attache à expliquer pourquoi les choses sont telles qu’elles sont.
Le monde sublunaire | Le monde céleste | |
---|---|---|
Domaine du changement formé par 4 éléments la terre, l’eau, le feu, l’air | Domaines inaltérable où se retrouve la quintessence où l’éther : c’est un solide cristallin immuable et inaltérable | |
Les corps matériels sont composés des 4 éléments | Les étoiles et les planètes sont fixées à es sphères | |
Le mouvement : un processus de devenir dans lequel les corps cherchent à rejoindre leurs lieux naturels sauf s’ils en sont empêchés | Les rotations faites d’éther | |
Le mouvement sublunaire nécessairement fini | Le mouvement circulaire parfait et éternel |
Les lieux naturels sont répartis de manière concentrique de telle sorte que celui de la terre est au centre puis vient l’élément du feu, l’eau et enfin l’air. Aristote cherche à répondre à la question pourquoi les choses sont telles qu’elles sont ? Mais il ne répond pas à la question comment se comportent elles ? Au Moyen Age, Oresme puis Bradwardine au XIVe siècle se sont mis à élaborer une doctrine dite de « l’imperitus » c’est ce qui défini les corps, il s’agissait pour eux de mesurer les phénomènes de l’impetus. L’école des mécaniciens d’Alexandrie, son objectif est de détourner les forces naturelles pour faciliter la vie des hommes.
Ptolémée, dans son ouvrage l' Admageste , avait trouver une parade aux défauts du système aristotélicien : les épigeloïdes, cela donnait une cohérence à ce système physico-astronomique. C’est aussi la doctrine de la circularité, Aristote ne peut avoir tort. En 1524, Peter Apian, dans Cosmographicusliber, établit la défense de l’Admageste, il ajoute au monde céleste les anges pour compléter le système aristotéloptolémaïque.
L’hermétisme
Dès l’Antiquité, l’idée apparue que certaines doctrines étaient restées secrètes à cause de leur potentiel destructeur. La littérature du secret est un genre très vivace au Moyen Age cela se constate avec le succès du livre Secret Secreterum écrit par Aristote. Le Corpus Hermeticus, écrit dans le milieu gnostiques par un contemporain de Moïse qui aurait croisé la science grecque à la sagesse égyptienne. L’auteur serait Trismégriste (Hermès). A l’académie de Careggi (Pic de la Mirandole…) on y étudie la kabbale, le pythagorisme, le néoplatonisme. La kabbale est une philosophie juive selon laquelle Dieu a laissé un message caché dans le texte de la Bible pour invoquer les anges et remonter ainsi à Dieu.. Le pythagorisme est une harmonie du monde cela se rapporte aux mathématiques, à la numérologie. Le néoplatonisme : c’est un savoir occulte, il existe une grande chaîne des êtres qui les lie tous. (Etudier les effets d’écho ente le macro et le microcosme)
John Dee dessine des pentacles sur le sol dans l’espoir d’invoquer les anges et pourtant en alchimie c’est un esprit rationaliste.
Luca Patioli 1545-1617, il recherche dans le corps humain la perfection des mathématiques, Divina porpotione.
Paracelse recherche lui dans la signification des noms de plantes et des minéraux le moyen de soigner le corps humain (soigner des sympathies).
La médecine antique
- La tradition antique médecinale est plus connue sous le nom de théorie des humeurs, elle est issue, de la réflexion des auteurs grecs : Pythagore au VIe siècle a.C, Empédocle, Hippocrate au IVe siècle a.C. Cette théorie a été formalisée par Galien au IIe siècle p.C (théorie des humeurs ou théorie galénique). Selon lui toute maladie provient d’un déséquilibre des humeurs cardinales, ce sont les fluides à l’intérieur du corps. Les humeurs sont perturbées par les phénomènes climatiques externes, cela dérange la qualité des fluides internes, ce sont « des semences porteuses » propagées par l’air. L’autre cause majeure provient d’un mauvais régime, Gallien est un penseur systématique qui lie chaque humeur à une qualité associée à son tour à un organe.
Humeurs | Eléments | Qualités | Organes | Tempéraments |
---|---|---|---|---|
sang | air | chaud et humide | coeur | sanguin |
flegme | eau | froid et humide | cerveau | flegmatique |
bile jaune | feu | chaud et sec | foie | colérique |
bile noire | terre | froid et sec | rate | mélancolique |
- Selon l’âge, le sexe, la profession, l’équilibre hormonal varie, un vieillard sera mélancolique, la femme plus flegmatique. Il s’agit avant tout d’équilibrer les humeurs de différentes façons. On utilise aussi l’astrologie pour savoir sous quelle étoile est né le patient, cela permet de déterminer la nature de l’humeur de la personne.
- Il est possible d’expulser les humeurs trop présentes par des purges ou des saignées. Galien appelle mauvaise humeur « la materia peccans ». On peut donner des végétaux, des minéraux pour équilibrer les humeurs, c’est la doctrine de la correspondance (on donne du fer aux mélancoliques), mais la clé c’est avant tout la diététique, cela explique le flot d’ouvrages à la Renaissance sur ce sujet. Arnaud de Villeuneuve en 1514 Régime de Santé, en 1530 Thomas Elyot publie Castle of Helth. A cette époque l’ossature du savoir scientifique est le savoir antique, mais des avancées montrent la faiblesse de ce savoir antique, ses contradictions.
Des découvertes et des inventions
L’astronomie
Au milieu du XVe siècle rien ne laisse présager l’effondrement du système aristotéloptolémaïque. Tout est parti de la nécessité de particuliers à la Renaissance. On s’est plaint de l’inexactitude des tables astronomiques en vigueur ce qui empêchait de lire les horoscopes correctement et en plus on ne pouvait pas prévoir de manière précise les éclipses. On a mis ces erreurs du système aristotéloptolémaique sur le compte d’erreurs de copies. Les besoins de la navigation encouragent les astronomes, ils on besoin de tables exactes. Traditionnellement on s’appuyait sur les tables alphonsines.
4 personnages veulent corriger l’Almageste :
- Toscanelli 1397-1482
- N. de Cues 1401-1464
- O. Peurbach 1423-1460
- Regiomontanus 1436-1497
- Ce sont 4 astronomes expérimentés. Le premier problème qu’ils révèlent découle de l’utilisation de la méthode de la parallaxe qui sert à mesurer la distances des comètes. En 1472 et 1482 Regiomontanus découvre qu’une comète passe à côté des planètes, cela prouve qu’il y a des accidents dans le monde parfait d’Aristote, tout cela Regiomontanus l’écrit dans son livre Epitomé en 1496.
- N. de Copernic introduit la rupture la plus fondamentale, natif de Torùn (pologne germanisée. Il travaille dans un observatoire construit dans cette ville en 1513. C’est un humaniste, il a fréquenté les universités italiennes, il est savant en médecine et en mathématiques. Il est l’auteur de tables astronomiques extrêmement fiables. Il conclut que les étoiles ne montrent presque pas de parallaxe elles sont donc fort éloignées. Pour lui il faut reculer les frontières de l’univers connu. Le comportement de la Lune autour de la Terre lui suggère que le soleil doit être au centre du système et les planètes doivent tourner autour, et cela il le déduit simplement de son étude entre les rapports Terre/Lune. Ainsi, le soleil placé au centre du système permet d’expliquer le mouvement rétrograde des planètes. Il met aussi en évidence la relativité d’un observateur plaçé sur une de ces sphères en rotation qui ne peut percevoir à son échelle la rotation.Les tables établies selon la logique de Copernic fonctionnent parfaitement. Toutes ses idées lui paraissent néanmoins ridicules. Car cela va contre le sens commun et toute une série d’arguments ruinent ses théories.
- Pourquoi la Terre qui serait en mouvement n’est pas l’objet de vents extrêmement violents, ou encore de raz de marées.
- Si la Terre tourne pourquoi ne voit-on pas de décalages annuels des étoiles.
- Si les astres ne tournent pas autour de la Terre comment les étoiles peuvent elles influer sur la vie des hommes (l’astrologie est une « science » qui ne saurait être remise en doute).
- Copernic n’est pas sur de lui. Par peur du ridicule il renonce à rendre public ses travaux. En 1509 Georg Lauchen Dereticus publie une partie des travaux et devient célèbre. Le pape Clément VII trouve ses idées amusantes. Copernic trouve en lui l’énergie de publier l’intégral de ses idées, il voulait réaliser une œuvre à l’image l’Almageste, son livre est publié après son décès en 1543, De Revelitionnibus. Les collègues de Copernic sont très timides ils ne veulent pas remettre en cause le système établit par Aristote et Ptolémée.
En France seul Pautrus du Tyard 1531-1603 est d’accord avec les travaux de Copernic. En revanche en Angleterre les mathématiciens adoptent définitivement l’héliocentrisme : Thomas Recorde 1510-1558, John Dee, Thomas Digges. Ce dernier va même plus loin dans son livre publié en 1576 Prognostications , il soutient l’idée que les étoiles ne sont pas fixées sur une sphère immobile mais au contraire s’étendent dans toutes les directions. Il est le premier à avoir compris que nous n’étions pas dans un univers clos mais dans un univers infini. L’impact réel de la révolution copernicienne sur l’Europe est quasi nul. C’est seulement au XVIIe siècle seulement que les effets de ces découvertes se feront sentir.
Les sciences naturelles
Les carnets de Léonard de Vinci témoignent chez ce savant d’une passion pour l’observation, le vol des oiseaux, l’allure d’une cascade…tout le fascine et tout est l’occasion d’une leçon de la nature. Vinci n’est pas un cas isolé. L’alchimiste Paracelse dans les mines Fugger apprend à reconnaître les minerais, à mesurer les concentrations de métaux dans la roche. Vinci a lu Pline l’Ancien avant d’observer les montagnes. Léonard Fuchs 1501-1566, est un botaniste, il a appris Dioscoride. Les savants de la Renaissance ne réalisent pas qu’il y a de gros décalages entre ce qu’il y a dans les livres et dans la réalité. Les Anciens ont des principes intéressants mais ils n’ont pas pu avoir connaissance de tout. Fuchs refait l’inventaire du monde comme ses collègues Dodoens (1517-1585) et W.Turner dans le but de combler les oublis des anciens. On ouvre en Europe des jardins botaniques. Par exemple à côté de l’université de Padoue, mais aussi à côté de celle de Montpellier, on fait venir des plantes du nouveau monde. Il y a un flot de nouveautés qu’il faut intégrer, la zoologie change autant que la botanique.
P.Belon 1517-1564, étudie lui les oiseaux et les poissons. Konrad Guesner, 1558, L’Histoire des Animaux. Ces savants font découvrir la diversité du règne animal ils réfléchissent sur la notion d’habitat. Parallèlement à ces progrès, la conviction selon laquelle tout ce qu’ont dit les Anciens est vrai s’émousse. On commence à mettre en doute l’existence d’animaux fabuleux.
Le développement de l’imprimerie, de la gravure aide les zoologistes (ils ne sont plus obligés de voyager au bout du monde pour étudier certaines espèces), on reproduit désormais les dessins à l’identique avec des exigences de ressemblance. Fuchs demande que ses graveurs aient vu la plante qu’ils gravent (ce qui est en soi une nouveauté...). En matière d’anatomie, la dissection fait des progrès. Leonard de Vinci prétend avoir examiné plus de soixante cadavres, ses dessins analysent le fonctionnement de l’appareil digestif, ou encore celui de la reproduction…Ces illustrations sont un moyen d’investigation. De nombreux autres praticiens ont été d’excellents anatomistes. G de Rondelet a été le professeur de médecine de Rabelais à Montpellier et fut un fameux anatomiste. Aujourd’hui encore les structures découvertes par ces anatomistes portent leurs noms, Eustachio a donné son nom à la trompe d’Eustache. L’observation à ses limites que lui impose l’imagination. Vinci est ainsi convaincu que le sang est produit par le foie. Ce qui passe dans les deux ventricules du cœur c’est un mélange de sang et d’air destiné à produire les esprits vitaux qui sont ensuite diffusés dans tout l’organisme. Vinci veut créer pour attester de cela un mélangeur artificiel et il dessine des ports inter ventriculaires qui n’existent pas… Vésale est l’auteur De Humanis Corpore Fabrica, 1543, cet ouvrage est illustré par des graveurs de qualité. On ose critiquer Gallien car des vus de nombreux anatomistes le contredisent.
Dans le domaine de la pharmacologie on introduit des médicaments nouveaux. Paracelse fait la critique radicale de la théorie des humeurs. Cela repose sur une réflexion métaphysique complexe il s’appuie sur ses travaux personnels d’alchimiste. Il réussit avec ses méthodes à guérir la syphilis chez certains malades.
La naissance de l’esprit scientifique (expérimentalisme)
Ambroise Paré 1509-1590, il découvre comment soigner les plaies d’arquebuses en faisant plusieurs essais. Un soldat auquel on applique un baume cicatrisant et un autre auquel on applique le fer rouge, or c’est celui à qui on a appliqué le baume qui cicatrise le mieux. Jusque là, les études des médecins étaient livresques, le chirurgien est considéré comme un moins que rien. L’expérience ne s’impose pas du tout à la Renaissance, c’est une méthode considérée comme en bas de l’échelle. Pour remédier à cela des lieux commencent à être créés où les praticiens et les expérimentateurs peuvent se cottoyer. Les cours des princes italiens ont été ces lieux privilégiés. Leonard de Vinci a pu discuté à la cour de Milan avec Pietro del Monte un mercenaire chef d’armés, ils parlent de la chute des corps car en tant que guerrier Pietro a pu voir de nombreux hommes tomber de murailles, de tours lors d’assauts ou de sièges. Les carnets de Vinci révèlent des dessins sur la chute des corps. En 1509 Pietro del Monte dans De Veritate relate la discussion qu’il a eu avec Vinci, ils ont aussi parlé de « l’impetus », c’est une théorie d’Aristote selon laquelle le mouvement est entretenu par l’air, or a cette époque la véracité de cette théorie est vivement débattue. La cour des princes est celle de princes qui se font la guerre, on y fait des expériences sur la trajectoire des boulets de canon. Le prince d’Urbino fait appel à un ingénieur Tartaglia. En 1554, ce même Tartaglia, écrit Quesiti, il y remet en cause la physique d’Aristote car d’après ses expériences le boulet de canon suit une courbe et non un ligne brisée comme le supposait l’auteur antique.
On améliore les instruments de mesure, horloges, astrolabes…l’amélioration des sciences se fait dans toutes les disciplines. Quant à Vinci, il travaille toujours sur des problèmes concrets comme l’urbanisme.
Les mathématiques nouvelles
Une partie des mathématiques de la Renaissance est en fait une redécouverte de l’antiquité. Les Eléments d’Euclide est traduit en latin en 1482. Le Traité des Coniques de Pappus. L’esprit pragmatique de la Renaissance produit une adaptation créative qui rencontre les besoins des hommes de l’époque. La géométrie euclidienne sert à Piero della Francesca (1439-1478), il a fait progresser l’étude de la perspective grâce à son ouvrage, De Porspectiva Pigendi. Dürer en 1525 utilise la géométrie euclidienne dans un de ses tableaux. Les mathématiques sont utilisées en architecture, pour la construction navale (méthode dite des trois arcs pour faire des plans de navire cela est expliqué par Mathew Baker en 1560). Fernando Oliveira publie en 1570 un livre Fabrica des Narvs portant sur la construction navale. Euclide est plus en vogue que jamais.
La trigonométrie d’Hipparque du IIe siècle p.C apparaît comme plus essentielle que jamais pour reconstituer des cartes perdues de Ptolémée. En 1464, le champ d’étude de la trigonométrie s’élargit au champ sphérique, l’inventeur du sinus est Regiomontanus. John Dee se sert de cette découverte pour dessiner des cartes des hautes latitudes. Mais les effets des mathématiques ne doivent pas être exagérés.
L’algèbre fait une percée significative à partir de 1460/70. C’est la science des problèmes arithmétiques avec inconnus. Les sciences développées par les philosophes alexandrins. Elle s’est épanouie dans le monde arabe auprès de savants tel Al Kwarismi ou encore Ibn al Haytham. Cette restauration se fait grâce aux livres arabes rapportés d’Orient par des marchands.
- En Allemagne et en Italie on a de gros besoins de comptabilité, on créait donc des écoles d’abaque. Ces deux pays (leurs villes ) sont les deux foyers du renouveau de l’algèbre. Luca Pacioli auteur célèbre de Summa de Arithmetica.
- La passion pour les mathématiques est certaines. Les mathématiciens se lancent dans une cournse pour résoudre des équations de plus en plus complexes. Il y a de véritables duels qui sont mis en place. Scipion del Ferro 1456-1526 / Ferrari 1522-1556. A émergé à cette époque à l'école algébrique allemande, les notions de racine carré et l’utilisation du x comme inconnu.
La culture technique
Un contexte favorable
La reprise économique...
La reprise économique, démographique et la rurbanisation à la fin du Moyen-Age ont été des éléments incitatifs qui ont entraîné une demande en matière de technologie. Il fallait des machines pour remplacer les bras manquants suite à la grande peste et aux multiples guerres. On créait pour répondre à ce manque par exemple des dispositifs hydrauliques pour alimenter les foyers urbains. Sienne s’est caractérisée par la création d’un réseau bottini : ce sont des canaux souterrains qui vont pomper l’eau des nappes phréatiques en hauteur et à plusieurs kilomètres de la ville. On met aussi au point un système de puit artésien pour alimenter les fontaines, cette installation est directement liée à l’augmentation générale de la population de Sienne. La nécessité de se déplacer inscite à améliorer les voies d’eau qui s’imposent alors comme un moyen efficace et rapide d’accélération des échanges. Le XVe siècle est une époque où les princes ont des besoins de prestige, ils édifient des palais, construisent des bâtiments majestueux par exemple: la construction du dôme de la cathédrale Sainte Marie des Fleurs à Florence, l’architecte en charge de ce projet Brunelleschi utilise des grues comme on en a jamais vu par le passé. Il y a durant cette période une véritable émulation entre les princes et les villes, c'est àqui construira le plus beau palais... Les politiques ostentatoires des princes et les besoins militaires de ces derniers expliquent l’arrivée de nouvelles techniques.
La mise au point de réseaux
De nouveaux réseaux voient le jour, grâce aux artistes ingénieurs et à la circulation des savoirs.
Leonard de Vinci, en est un exemple éloquent, il apprend les mathématiques marchandes dans une école d’abaque. Son apprentissage est extrêmement polyvalent, puisqu’il étudie ensuite la sculpture mais aussi le dessin, la fonte des métaux et l’anatomie auprès du sculpteur Verrochio. Il faut aussi noter dans sa formation l’étude des machines, des outils de levages de Brunelleschi. Il a aussi reçu une formation livresque auprès de Paolo Toscanelli. Une partie de ses études se font grâce au développement de l’imprimerie, Vinci se constitue même une petite bibliothèque, on peut y trouver une des premières versions imprimées de l’Histoire Naturelle de Pline. A l'époque de Vinci, il y a une imbrication pratique des savoirs qui permet le mariage des traditions artisanales du Moyen Age et les savoirs humanistes de la Renaissance. Ces milieux humanistes et mécaniques collaborent ce qui permet au savoir antique d’être intégré. Au niveau européen on assiste à des transferts de savoir-faire. Le volontarisme d’un prince comme Henri VIII d’Angleterre permet un transfert de la technologie des hauts fourneaux alors très développés en Normandie vers l’Angleterre. Même chose de la part du tsar Ivan III mais dans d’autres domaines. Il y a aussi des transferts de technologie entre Brescia et la Catalogne pour la technologie des hauts fourneaux. A la Renaissance il y a une grande mobilité de la technique et les livres contribuent à favoriser ces transferts. Ainsi l’ingénieur Agricola écrivit sur les techniques minières: De la Metellica, en métallurgie c’est Biringuccio avec De Pyrotechnica (il y détaille les techniques de pointes qui sont utilisées dans ce secteur d’activité.) La Renaissance fournie aux ingénieurs et aux mécaniciens des possibilités nouvelles de financement, grâce aux nouvelles élites marchandes, aux nouvelles techniques bancaires, aux corporations...Les mines d’Europe centrale n’auraient jamais pu voir le développement d’un vaste complexe proto-industriel autour de zones d'exploitations des gisements sans l’organisation financière des Fugger (création de la monnaie Thaller qui donne confiance aux investisseurs).
La figure de l’ingénieur artiste
Entre 1400 et 1560, plusieurs générations d’ingénieurs artistes vont se succéder, ces générations ont apporté les éléments d’un progrès cumulatif.
La première génération
La première génération a un état d’esprit encore très marqué par l’époque médiévale. C’est le cas de:
- Conrad Kyeser 1366-1405
- Giovanni Fontana 1382-1455
- Taccola 1382-1453
- Brunelleschi 1377-1446
Ces hommes transcrivent des connaissances artisanales, traditionnelles (poulies, engrenages), mais en plus ils inventent une série de machines nouvelles. Deux types de réalisations :
- Guerrières : Kyeser et Taccola construisent des chars d’assauts, des canons plus performants mais aussi des dispositifs pour éventrer les quilles de bateaux.
- Civiles : la coupole construite sans échafaudages à Florence, la création du système de scie hydraulique.
La deuxième génération
Un des hommes qui peut illustrer au mieux cette seconde génération est sans aucun doute Francesco di Giorgio Martini 1439-1502. Il veut faire l’inventaire de ce qui est déjà connu. Il grave dans la pierre (bas reliefs) des découvertes, des inventions pour décorer le palais du pape Urbino. Il s’agit de faire face à présent aux défis de la révolution militaire en cours tout en étant efficace sur les chantiers civils. Les ingénieurs travaillent aux systèmes de fortifications. On créait à cette époque le bastion. L’apparition de l’imprimerie rend disponible la science des anciens comme les traités de Vitruve qui fut un grand architecte de l’antiquité. Les techniciens sont poussés à réduire en "art", c’est à dire à mettre en règle le savoir accumulé, c’est la justification de la rédaction des Codex par Vinci, ce sont des catalogues d’innovations, d’inventions, de techniques. L’idée de construire un savoir encyclopédique et raisonné se développe. On établit par exemple une typologie des différents types d’engrenages existants. Vinci ne se contente pas de recopier les dessins de ses prédécesseurs, son génie provient du fait qu’il sublime ces vieilles idées, il améliore les trouvailles anciennes, par exemple : la machine à terrassement pour creuser des canaux qui est une vieille invention mais qu'il remet au goût du jour, la perfectionne et celle-ci est utilisée en Italie à la Renaissance). On explore aussi des pistes totalement originales à partir de la simple observation de la nature. Les gens de la Renaissance sont obsédés par les mathématiques du réel Mise au point du roulement à bille, de l’ornithoptère...
La troisième génération
Les ingénieurs artistes de cette génération ont tendance à se spécialiser et à encore plus tirer parti de l’imprimé.
- Biringuccio, Agricola, Palisey. Ces ingénieurs artistes publient des écrits sur des sujets variés, les minerais, les techniques du feu…
- Nicola Tartaglia (1499-1557) théorise la balistique pour le duc d’Urbino
- Castriotto Fusto 1510-1563, écrit un traité de fortification, cette production imprimée à pour conséquence d’assurer le succès de l’école d’ingénierie italienne puisque celle-ci est copiée ensuite dans toute l’Europe.
Un bilan de l’ingénieur artiste
(?)
- Beaucoup de machines que l’on trouve dans les traités techniques de la Renaissance sont en réalités connues depuis longtemps. Par exemple la scie hydraulique est connue dès l’antiquité romaine. Les philosophes grecs de l’école d’Alexandrie avaient élaboré au IIe siècle p.C une théorie mécanique qui fait partie du bagage des artisans de la Renaissance. Cette théorie suppose que l’on pouvait réduire tout dispositif technique à l’assemblage d’un certain nombre d’éléments simples, comme la poulie, la roue, la vis, le levier... Ces machines permettent de détourner les lois de la nature au profit de l’homme. L’intérêt de la théorie des alexandrins et de ramener les problèmes d’ingénierie à des problèmes de mathématiques. Le Traité des Mécaniques du Pseudo Aristote. Les artistes ingénieurs ont fait connaître certains travaux mais m’ont-ils finalement rien inventé ?
Qu’a donc inventé la Renaissance ?
Les artistes ingénieurs ont apporté de réels changements sur les machines en travaillant sur les matériaux.
- La fragilité de certaines pièces difficilement façonnables comme les engrenages. Brunelleschi, Martini commençèrent par les renforcer de métal puis ont cherché à diminuer le frottement (Vinci, le roulement à bille). La véritable apport dans ce domaine dans ce domaine c’est la révolution de l’acier. Celle ci est le résultat d’une amélioration de la technique des hauts fourneaux qui permettent désormais d’obtenir différents types de flexibles (c’est-à-dire différents ressorts), cela sert à mieux emmagasiner l’énergie (arbalète), à actionner les horloges, les verrous. On arrive à rendre élastique durablement l’acier ce qui le rend infiniment supérieur au bois ou même aux nerfs d’animaux.
- L’optimisation des machines est le simple résultat de cette banalisation, de cette diversification des engrenages. Les artistes ingénieurs ont eu en réalité le génie de la combinaison de petits dispositifs simples. Par exemple : le mécanisme de la bielle manivelle qui permet la transformation d’un mouvement circulaire en un mouvement linéaire périodique, c’est aussi la création de l’arbre à came, du mécanisme d’encliquetage pour faire fonctionner les horloges. Des systèmes d’automatisation simple comme le système de glissière ou d’échappement...
Des domaines d’excellence
La céramique, l’orfèvrerie...
La céramique, l’orfèvrerie, la fonderie, l’armurerie, la verrerie, la conception de machines de chantier, la teinturerie, les systèmes hydrauliques, la construction navale, la fabrication d’instruments scientifiques. B.Gilles « il y a quantité d’apports à la Renaissance ».
Le travail du fer
En matière de sidérurgie, des progrès nets sont réalisés. Il y a tout d'abord une multiplication des hauts fourneaux qui permettent la « réduction indirecte »: il s’agit d’obtenir des températures si élevées que le minerais de fer et le charbon de bois empilés en couches dans un four de 2 mètres de hauteur finissent par se liquefier et devenir ce que l’on nomme la fonte. Ensuite on décarbonise cette fonte pour obtenir de l’acier ou du fer aciéré par trempes et martelages. Les fours portant le fer à l’état liquide ne pouvaient fonctionner que grâce à des soufflets extrêmement puissants, il fallait savoir maîtriser l’énergie hydraulique comme la roue à aube qui actionnaient des soufflets gigantesques et des marteaux massifs. Les traités d’Agricola décrivent parfaitement ces machines. Beringuchio, le siennois dirigeait lui une armurerie, il utilisait du marbre pilé pour débarrasser le métal de ses impuretés. Le lac du Bourget était un haut lieu de production métallurgique, c’était un centre multiforme. Les villes de Milan, Brescia, Tours doivent leur développement à ce type d’activités proto industrielles. On peut à la Renaissance fabriquer en masse des objets jusque là rare, comme des corselets, des armures.
La production textile
Les innovations ne sont pas moindres dans ce domaine, on multiplie les machines nouvelles.Les « machines à la bolognaise » pour dévider la soie. Des machines à corder, à tendre les draps, à tisser (en utilisant les systèmes hydrauliques), le rouet à pédale. Vinci a décrit tout cela dans ses carnets car c’était un florentin or Florence était un haut lieu de la production textile. On dépose des brevets pour des engins inédits,des formules chimiques, de nouveaux fixatifs pour de nouvelles teintures à Venise, Florence, Bologne.
Conclusion
Apprendre quoi ?
Les nouvelles façons d'apprendre
Les transformations vont de paire avec de nouvelles façons d’apprendre. A la Renaissance la nécessité s’est imposée de classer autrement le savoir. De nouvelles encyclopédies remplacent les Sommes de l'époque médiévale comme celles établies par Vincent de Beauvais. Au départ ces nouvelles encyclopédies reproduisent simplement des classements propres au cursus universitaire et renouvelés par le savoir humaniste.
- G.Reisch 1477-1525 publie en 1563 un ouvrage encyclopédique.
- Margarita Philosophica, publie à son tour un ouvrage organisé en 12 livres et 4 parties: trivium/quadrivium/la philosophie naturelle/la philosophie morale.
- Conrade Guessner en 1445 écrivit Ordo librorum, il veut mettre à disposition du public, un outil bibliographique qui rend compte des 20000 livres dont il a eu connaissance, il y a 21 sections le trivium, le quadrivium, la poésie,l’astrologie, l’histoire, la politique,l'économie et les arts mécaniques.
Les nouvelles encyclopédies apportent une réponse en créant de rubriques qui n'existaient pas jusqu'alors et en grossissant de volume. La connaissance à la Renaissance devient colossale. La volonté de construire un savoir universel conduit Agricola par exemple à faire un dictionnaire thématique, qui permet de retrouver rapidement un thème recherché, Aristote lui sert de modèle même si son Organon va plus loin il créait 10 catégories permettant de qualifier le monde sensible : substance, qualité, quantité, relation, espace, temps, position, condition, action et passion. Cette méthode est si bien acceptée que Camillio Agrippa (un maître d’escrime) l’utilise vers 1450 pour réduire en art tous les types de coups existant en escrime et indique à ses élèves la meilleure façon de tuer.
- Ph. Mélanchton en 1521 est l’auteur d’un dictionnaire spécialisé en théologie, les loci (les lieux communs).
- Th. Zwinger, écrit lui un dictionnaire orienté sur l’histoire et les sciences morales. Il établit des classifications dans un souci de clarté, le but est avant tout de rendre le dictionnaire plus facilement appréhendable.
La simplification graphique
Vers 1560, le besoin se fait sentir de réaliser des schémas, on schématise le savoir. La pratique n’est pas tout à fait nouvelle, cela avait déjà été fait à la fin du XIIIe siècle grâce à Ramon Lull auteur en 1297 de Arbor Scientiae, il voulait faire une arborescence pour retrouver les différentes catégories du savoir. A partir de la seconde moitié du XVIe siècle le succès de ce type de représentations est sans précédent. Pierre de la Ramé 1515-1572, c'est un penseur audacieux qui n’hésite pas à remettre en cause le savoir d’Aristote en entier dans deux ouvrages en 1543 et 1555. Il redessine la frontière entre logique et rhétorique, il souhaite imposer et revisiter la méthode dichotomique de Gallien et Platon en rejetant Aristote car selon lui celui-ci aurait commis trop d’erreurs. Il tire de Gallien et de Platon un souci d’exhaustivité et de clarté, il met au point une méthode de présentation dans laquelle les règles exposées seraient suivies d’exemples simples. C’est un pionnier dans la mathématisation du monde. Son entreprise réussit au-delà de ses espérances. Il est à l’origine de la présentation du savoir sous forme d’arborescence. Ses tableaux à doubles entrées bénéficient de la révolution de l’imprimé. On trouve ses tableaux pratiques. Entre 1560 et 1570 le système ramiste est appliqué en logique, en généalogie, en mathématiques (John Dee), en alchimie, en droit pour construire les plaidoiries, en escrime (Angelo Viggiani). (Il faut distinguer les savoirs dominants et les savoirs subordonnés).
Apprendre comment ?
Il y a encore peu de livres à la Renaissance donc on apprend par cœur, des dessins dans la marge servent à fixer la mémoire. On fait travailler sa mémoire différemment par rapport au Moyen-Age. La mémoire fait l’objet d’une réflexion technique. Cette discipline vient de l’Antiquité. Le spécialiste de la mémoire c’est Cicéron (De Oratore). Le système mnémonique fut créé par Quintilien. Le fonctionnement de la mémoire artificiel est mis au point dès l’antiquité Ad Herrenium,c'est un texte d’un rhétoricien. Pour se rappeler tous les 5 lieus on doit placer un signe respectif de taille moyenne pour ne pas être confondu avec une image. Ce signe doit rappeler des concepts, des idées... Ces techniques anciennes ne paraissent pas suffire à la Renaissance on assiste à la publication de nouveaux livres : Pierre de Ravenne qui publie un livre en 1791 Phénix Sive Artificiosa Memoria. C’est un traité de référence, il est copié dans toute l’Europe. Il perfectionne le système dans un autre ouvrage Ad herrericum. Ce livre est à l’origine d’un alphabet visuel avec animaux et objets.
La mémoire artificielle peut rendre service mais rien ne remplace l’étude. Apprendre par cœur ça n’a pas de sens. Le système de Pierre de Ramé correspond mieux aux exigences d’une époque dont on attend un savoir individuel, ce qui compte c’est d’avoir face au savoir à la fois une distance et une adhésion. Il vaut mieux savoir expliquer plutôt de que réciter .
Etudes de cas
Ambroise Paré vers 1510-1590
- Rappel La médecine est une discipline aristocratique sanctionnée par un diplôme, les études sont livresques et en latin, l’apprentissage est uniquement théorique. La médecine est un monde de savants à la différence de la chirurgie. Cette discipline est elle au contraire dévalorisée car on y touche le malade, le chirurgien c’est celui qui tranche, découpe il est méprisé, ses connaissances sont uniquement pratiques, de plus il est mal payé.
Présentation
C’est un chirurgien, on le définit comme le père de la chirurgie moderne. Il est né près de Laval et s’initie à la médecine en s’installant auprès d’un patron : un chirurgien de la ville de Vitré, A.Paré est un chirurgien banal par sa formation. Il quitte sa province et vient faire carrière à Paris en 1529, il est alors engagé dans un établissement hospitalier, l’Hôtel Dieu. Il y est aide chirurgien barbier.
Les grandes phases de sa carrière
Il monte en grade, fait preuve de compétence et en 1536 devient maître chirurgien. Il exerce son métier à l’occasion des guerres d’Italie. En effet il entre au service du duc de Montejean qu’il suit jusqu’au siège de Turin, il impose la chirurgie comme une spécialité de la médecine à part entière. En 1537, à la bataille du Pas-de-la-Suse qui fut une boucherie, il fit merveille dans les différents types de plaies qu’il dut soigner. C’est le premier chirurgien à trouver une solution à une désarticulation des coudes. Une autre innovation décisive fut la mise au point d’un baume pour le soin des plaies qui jusque là s’effectuée au fer rouge ou à l’huile bouillante. Au cours de cette bataille on se mit à manquer d’huile, A.Paré utilisa une recette de grand-mère, à base de jaune d’œufs et de térébenthine (un alcool ce qui fut sa chance) pour soigner les plaies et ce fut un succès.
A la mort de son maître le duc de Montejean, il revient à Paris, se marie et rentre dans la corporation des chirurgiens barbiers. Il semble être revenu à un esprit de conformisme. Il tient boutique rue de l’hirondelle, son enseigne: trois bassins.
Mais rapidement A.Paré se lasse de cette vie, en 1542, il entre au service du comte de Rohan qui lance à ce moment là une expédition militaire autour de Perpignan. Il soigne de nombreux blessés dont un particulièrement important le maréchal de Brissac qui est quelqu’un qui appartient à une très grande famille. Il a reçu une balle dans l’épaule très mal placée. Il utilise une nouvelle technique pour l’extraire en effet il replace le blessé dans la position qu’il occupait au moment où il a été touché ce qui permet d’opérer le blessé plus facilement.
L’année suivante en 1543, il est avec l’armée du comte de Rohan en Basse Bretagne où l’on craint un débarquement anglais. A la Toussaint il assiste à la bataille de Landrecies. Il rentre ensuite à Paris.
A.Paré est un homme qui sait communiquer et raconter son expérience. Il rédige le récit de ses voyages, et le 20 août 1545 obtient le privilège du roi (c’est à dire qu'il est reconnu propriétaire de l'œuvre et qu'il a le droit de la faire imprimer), son livre : Méthode pour traiter les plaies faites par harquebutes et autres bâtons de feu et celles faites par flèches, dards et semblables.
Le livre soulève l’indignation de la faculté de médecine. Elle condamne cette ouvrage car Ambroise ne connaît pas le latin ni Gallien et en plus il rédige en langue vulgaire: en français.
Le succès d’A.Paré s’accentue vers 1547, après la mort de François Ier. Dans sa boutique il applique à sa clientèle les soins nécessaires à toutes sortes d’actes chirurgicaux : cataractes, fractures, problèmes de prostate (« opération de la taille »), les accouchements par césarienne...Il a le sens de la communication et des affaires. Il confectionne des emplâtres. En 1552, Paré suit l’armée du comte de Rohan et participe au siège de Danvilliers, il y met au point une nouvelle technique chirurgical, il doit à ce moment là pratiquer l’amputation d’un gentilhomme. L’opération est peu pratiquée car on craignait les hémorragies et on cautérisait au fer ce qui n’arrangeait pas la chose. A.Paré pense à ligaturer les artères du blessé, celui ci survit.
A la mort du comte de Rohan, il est au service d’Antoine de Bourbon, un prince de sang, ce dernier vante auprès du roi les compétences d’Ambroise. Et finalement ce dernier est nommé chirurgien ordinaire à la cour d’Henri II.
En octobre 1552, il est envoyé sous les ordres du duc François de Guise, celui ci se fait assiéger à Metz par Charles Quint. La ville est bombardée, il y a de très nombreux blessés et une forte mortalité dans l’hôpital, la démoralisation s’est installée. Henri II a envoyé Ambroise pour soigner bien sur mais aussi en raison de son charisme indéniable. Il est fait prisonnier peu après au siège d’Hesdin, il soigne l’un des vainqueurs: un officier et est renvoyé à Paris après le succès de son opération.
Il souhaite aller plus loin dans la reconnaissance de sa profession. Il veut être reçu docteur en chirurgie, or la faculté de médecine dresse des obstacles. Il faut l’appui du roi pour qu’il puisse recevoir le bonnet du collège de St Côme.
En 1559, il est appelé au chevet d'Henri II gravement blessé à la suite d’un tournoi, malheureusement Ambroise ne parvient à le soigner. Un deuxième échec survient peu après en 1560 lorsque François II décède malgré ses soins à une forme avancée de la tuberculose.
Le roi suivant, Charles IX continue à lui accorder sa confiance et le 1er janvier 1562 il est nommé premier chirurgien. Un mois plus tard il publie La méthode curative des fractures et plaies de la tête humaine. En 1562 au début des guerres de religion Ambroise est amené à soigner Antoine de Bourbon le père du futur Henri IV. Il le soigne et l’accompagne ensuite à Dreux. Là bas il soigne catholiques comme protestants et continue à perfectionner ses techniques. En 1564, il publie un manuel pour les chirurgiens de campagne, 10 livres De la Chirurgie avec le magasin nécessaire aux opérations.
De 1564 à 1566, il veut jouer de son prestige pour aider Charles IX dans sa tentative de réconciliation des français, il l'accompagne ainsi que Catherine de Médicis dans un tour de France, mais c’est un échec. Il est appelé à nouveau à soigner des blessés à la bataille de St Denis en 1567 puis en 1569 à la bataille d Moncontour.
Ambroise doit faire face à un problème contre lequel on ne peut lutter : la vieillesse, son arthrose met en péril ses capacités. A l’avènement d’Henri III il est toujours premier chirurgien mais ne se déplace plus. Il en profite pour défendre des techniques nouvelles. C’est un militant du traitement des plaies sans huile bouillante. Il maîtrise le traitement des luxations et des trépanations. En 1568 il s’attache à comprendre le mécanisme de transmission des épidémies et publie la même année un Traité de la peste, de la petite vérole et de la rougeole, il insiste sur la notion de contagion mais c’est un échec dans la mesure où la faculté de médecine déclare ce texte contraire aux bonnes mœurs et le livre est brûlé en place publique. Mais Ambroise a l’appui du roi et en 1575 il peut continuer à faire paraître cette œuvre.
Conclusion
Ambroise Paré n’est pas un inventeur mais il a su perfectionner des techniques existantes. Il a un rayonnement, il impose la profession de chirurgien qu’il faut désormais considérer. Il a influencé la chirurgie pour les siècles suivants. Il a libéré cette discipline de son obéissance aux anciens. C’est un homme qui fut toujours convaincu que l’entente fraternelle entre les hommes était possible. A-t-il été huguenot ? Toute sa vie privée a toujours été réglée dans le strict respect de la foi catholique, il a fait baptiser ses enfants, il fut constamment au service de rois catholiques mêmes si on peut lui prêter des sympathies protestantes.
Bernard Palissy vers 1510-1589/90
Présentation et grandes étapes de sa vie
Né dans le diocèse d’Agen, il est considéré comme l’inventeur de la céramique, peut-être abusivement car d’autres ont travaillé sur l'amélioration des techniques sur les céramiques et de l’émail par exemple à Rohan, un potier Abaquesmes a travaillé avec les mêmes techniques que lui dans des ateliers de Rennes et Lyon.
B.Palissy est né pauvre et n’a reçu aucune instruction, il a probablement voyagé entre 1530 et 1540. Il s’est établi à Saintes où il s’est marié et a exercé son premier métier : celui de verrier. Au château d’Ecouen construit par le connétable de Montmorency il y a deux vitraux censé avoir été fabriqués par B.Palissy.
Le problème de Palissy est le contexte économique, il manque de clientèle. Il devient donc arpenteur géomètre. Il lève les plans du marais salant de Saintonge. Le roi a en effet le projet de réformer les impôts, il lui est nécessaire de connaître la production de sel. Et c'est ainsi qu'en 1541 un impôt sur le sel est mis en place c’est la gabelle qui est à l’origine de la révolte sanglante de 1545. Le connétable de Montmorency rencontre Palissy et lui commande une grotte en céramique en 1555. Pour réaliser cet ouvrage B.Palissy doit utiliser de nouvelles techniques car Montmorency est fasciné par la production italienne et notamment la faïence émaillée : les plats de majoliques or en France on n’avait pas le secret de ce type de coloration à l'époque. B.Palissy passe 16 années à mettre au point cette technique. Il a fait des observations de naturaliste, il a étudié la nature des sols, des eaux, les actions chimiques naturelles, il a planché sur des problèmes pratiques de combustion, pour alimenter son four il aurait même brûlé son plancher. B.Palissy est l’image même du savant fou.
Mais c’est aussi un adepte de la réforme, un protestant déclaré, un membre fondateur de la communauté protestante de Sainte avec Philibert Mamelin. Palicy est poursuivi. En 1563 il n’échappe à une condamnation à mort que grâce à l’intervention de Montmorency et plus tard de Catherine de Médicis qui intervient pour le faire sortir de sa prison de Bordeaux.
Les aspects de son art
C’est un personnage reconnu à la cour. Il reçoit une charge sur mesure vers 1563 : le titre d’inventeur de « rustiques figulines » du roi. (le terme de figuline désigne les plats). Il sait communiquer, faire connaître, cette même année il signe un traité de vulgarisation scientifique, La Recette Véritable pour Devenir Riche, il y offre aussi ses services à Catherine de Médicis pour la décoration de son château de Chenonceaux pour la remercier de l’avoir fait libérer de prison. B.Palissy a aussi l’image d’un entrepreneur. S’ouvre à ce moment là la période la plus fructueuse de sa carrière.
Il travaille à Paris, il a des moyens de recherche satisfaisants, il est établi avec une équipe au château du Louvre, et a un équipement entièrement disponible pour ses travaux.
B.Palissy a trop d’idées pour les mener à bien. La grotte artificielle qu’il devait réaliser ne se termine jamais. Il rencontre des difficultés techniques puis politique, en 1572 c’est le massacre de la St Barthélemy, il est obligeait de fuir, il s’exile dans la principauté protestante de Sedan, il y reste 3 ans. Il publie au cours de cette période son Discours admirable de l’art de son utilité des émaux et du feu. Il y fait une apologie de son travail et de son métier de céramiste.
A partir de 1585 les guerres de religions prennent un tour de plus en plus dramatiques, c’est le temps de la montée de la ligue catholique. Palissy est à nouveau emprisonné en 1586 et en 1588. Paris tombe à ce moment là aux mains des ligueurs qui se constituent en République théocratique, c’est la période du gouvernement des 16.
B.Palissy passe deux ans à la Bastille, il semble y mourir en 1590 mais on a pu le libérer.
Deux axes :
- l’œuvre du céramiste
- l’action du publiciste, de vulgarisateur scientifique
- Sa spécialité ce sont les rustiques figulines et les poteries décorées de bas reliefs, d’arabesques, d’ornements il est aidé par N. de Palissy son fils. Ses pièces de céramiques sont remarquables du point de vu de la technique, il obtient un émail blanc ce qui était son rêve. Sa grande réussite fut d’obtenir un émail jaspé. B.Palissya pu vivre de son art de céramiste ce qui n'est pas une évidence. Il a mis au point de la vaisselle semi-utilitaire avec des techniques commercialement rentables. Sa grande idée : il a vendu des carreaux qui imitent le marbre (à destination des gens pas riches mais qui veulent sembler l’être). Il a aussi mis au point des moulages du Louvre, des reproductions en bas relief d’œuvres antiques. Il a le souci de valoriser son art. Il organise des conférences payantes. Parmi les gens de son public on trouve par exemple Ambroise Paré. Il sait faire de l’argent.
- Il est l’auteur de deux grands traités. Recette véritable par laquelle tous les hommes du royaume de France pourront apprendre à multiplier leur richesse. Sous la forme d’un dialogue B.Palissy y expose les principes d’une écologie rationnelle (mieux gérer les forets, comment obtenir de meilleur engrais...). Il rédige un manifeste protestant, une sorte de philosophie globale du monde, Discours admirable de la nature des eaux et fontaines de la terre...Paris, 1580, c’est une série de 11 traités présentés aussi ici sous la forme pédagogique d’un dialogue qui oppose le théorique et la pratique et c’est toujours pratique qui a le dernier mot. Ces traités concernent la céramique, la nature des eaux, l’art de construire les aqueducs, la technique des émaux, l’utilisation de la marne pour bonifier les sols...
C’est un disciple de Paracelse. Il défend contre les idées reçus de la scholastique médiévales les vertus de l’expérience.
Conclusion
B.Palissy a fait l’objet d’une historiographie particulière. Il a figuré au temps de la IIIe République au Panthéon des gloires nationales. Il a eu une grande importance dans les manuels scolaires d’Ernest Lavisse. Palissy y est décrit comme un héros légendaire à la dimension romantique et laïc, ce qui éclipse réellement ce qu’a été le personnage réel. B.Palissy c’est le symbole de l’indépendance d’esprit face au poids de l’autorité. Il a lutté contre les préjugés et l’ignorance. C’est un génie solitaire comme on les aime au XIXe siècle. Quelqu’un de la trempe de Gutenberg, un héros des temps moderne.
B.Palissy a lui même contribué à cette légende. Ses deux traités narrent les souffrances de l’inventeur, il sait se vendre. Cette première image vient d’une sur-interprétation de son œuvre. Cette image du vieillard qui n’abdique pas provient d’un poète protestant (Livre IV des Tragiques).
Pour les historiens K.Cameron et F. Lestringuants, le vrai B.Palissy est proche de Paracelse du point de vu de la technique et de Campanella sur le plan philosophique ( il y a chez lui l'idée que l’Apocalypse arrive).
Etude de cas seconde partie
Jérôme Cardan
Né le 24 septembre 1520 à Pavie, fils illégitime de Fasio Cardano, un juriste, il a une culture encyclopédiste et c’est un bon mathématicien, il meurt en 1576 laissant une partie importante de son œuvre manuscrite.
Sa formation
Son père s’occupe au départ de son apprentissage. Cardan a été formé en mathématiques, en grec, en latin et en astrologie, il participe aux voyages d’affaires de son père. C’est le parcours classique d’un humaniste, il étudie à Padoue et à l'université de Pavie. Il est doué dans tous les domaines mais se décide à étudier la médecine davantage, il devient docteur en 1526. Il cherche à devenir enseignant et acquiert sa licence pour enseigner à Milan en 1529. Sa renommée grandit, il obtient sollicitation et richesse. Il reçoit même des offres du pape Paul III, de François Ier, du roi du Danemark mais il préfère rester professeur.
L’œuvre de Cardan
Il appartient aux grandes figures des savants et humanistes de la Renaissance. Son succès est rapide et ses travaux sont réactualisés juste après sa mort. Les opinions sont partagés à son sujet, elles expriment bien la dualité du personnage : brillant mais influençable. Il est apprécié comme mathématicien mais déprécié comme philosophe.
Une série d’inventions :
- La sustentation dite de cardan basée sur 3 anneaux concentriques, capables de se déplacer sur 3 plans perpendiculaires et de coupler deux arbres tournants. Cette invention existait déjà sur les bateaux de l’époque et servait à garantir l’horizontalité de la boussole.
- La résolution des équations du 3eme degré et il a aidé à résoudre les équations du 4eme degré dont on attribue la résolution à son disciple Ferrari mais peut-être serait ce lui même qui aurait trouvé la solution.
- Il introduit la multiplicité des valeurs de l’inconnu (c’est à dire la représentation des quantité réelles par nombres : les nombres complexes). De plus il a utilisé tout au long de sa vie une méthode de mathématiques uniforme.
- Il a théorisé le jeu de dés, et a conduit à introduire les données statistiques dans les mathématiques, c’est le premier à proposer la représentation de la probabilité sous forme de fraction. En 1525 il écrit Liber de Luedoala où il y fait l’inventaire d’une série de fréquences dans les jeux de hasards et reconnaît l’importance des combinaisons.
Sa personnalité
Il aime à se faire appeler le médecin milanais. Il travaille sur les mathématiques, sur les applications techniques, il est très attiré par les phénomènes d’aimantation, il a l’intuition de l’électromagnétisme, il s’intéresse au poids de l’air et a ici aussi l’intuition de l’existence de l’oxygène. Il réduit à trois les éléments de base présents sur terre: l’eau, la terre et l’air, le feu n’est selon lui qu’un état de la matière. Il n’hésite pas à remettre en cause certaines convictions de ses contemporains. Enfin il est habité par des préoccupations d’ordre ésotériques.
En 1550, il publie De Subtilitate. C’est une encyclopédie universelle. Cette œuvre plaide pour l’utilité des sciences mais aussi de l’ésotérisme. Les propos sont de nature positiviste et il donne pour sur l’existence des démons. Il veut intégrer les monstres et autres prodiges dans une organisation intelligible. Il a aussi la volonté de remettre en cause le cadre chrétien traditionnel. Il trouve matière à cela dans Aristote et Cicéron. Ses travaux ne sont pas toujours reconnus.
Devenu docteur en 1526 il a pratiqué à Padoue pendant 6 ans. Lorsqu’il a voulu devenir professeur à Milan les choses n’ont pas été faciles. Le corps des médecins a refusé de l’intégrer car c’est un fils illégitime. Ce prétexte cachait en réalité le fait que l’on était inquiet de sa notoriété grandissante. Mais malgré tout son acharnement lui sourit et il est admis en tant que médecin. Son travail fut celui d’un solitaire marqué par un certain isolement.
Il a eu une controverse avec Tartaglia le mathématicien sicilien. Cardan souhaite lui soutirer les éléments de résolution d’équations. Tartaglia avait en effet trouvé la solution a la résolution des équations du 3eme degré. Cardan le fait venir à Milan et lui demande de révéler sa technique lui promettant de ne jamais la révéler. Tartaglia les lui livre en 1539 mais pour cultiver un certain mystère, il les lui remet sous forme de vers. Cardan se rend compte peut de temps après que Tartaglia a en réalité copié un autre auteur Scipione del Ferro. Cardan recopie tout et va même plus loin, il trouve une solution générale à la résolution de ce type d'équations. Tartaglia est dépassé et ce dernier l’accuse de plagiat et de trahison. Cardan publie cela dans son ouvrage Ars Magna. Cet épisode illustre bien le climat de rivalité et de compétition entre les scientifiques de l’époque. Loin de partager le savoir, ceux ci cultivent le secret et l’isolement.
Cardan est presque un exclu, un marginal, en plus des soucis avec ses collègues il doit faire face à l’Eglise qui traque les déviances dans l’interprétation de la Bible. Or Cardan publie un horoscope du Christ et fait l’éloge de Néron. En octobre 1570, il doit démissionner et est traduit devant l’Inquisition qui le condamne a verser 1800 écus d’or puis le met en prison, il est aussi interdit de publication. Son œuvre fut longtemps marquée par le discrédit mais il fut réhabilité après sa mort. Ses travaux ont montré l’ampleur de ses connaissances. Liber de propriavita, De rerumvarietate. Cette réputation fut largement acquise après le décès de Cardan.
Cardan fut mis en vedette car il a laissé des écrits autobiographiques, on l’a comparé pour cela à Montaigne. Il y a au XIXe siècle une captation du personnage par les romantiques . Balzac a fait de Cardan un de ses héros Louis Lambert en 1833, il est dépeint comme un humaniste qui explore la science malgré les obstacles religieux. Nerval en est aussi un admirateur, pour lui c’est un grand maître cabalistique, de la même trempe que Paracelse ou encore Cornelius Agrippa. Après les romantiques c’est au tour des psychiatres de s’intéresser à Cardan dans la 2eme moitié du XIXe siècle. Césare Lambroso, un criminologue dresse un portrait de Cardan, selon lui c’est un cas clinique, il aurait été atteint de troubles psychiatriques sévères. Sa personnalité est révélatrice : c’est un psychopathe.
Mais Cardan c’est avant tout quelqu’un qui a fait rebondir la recherche dans plusieurs domaines. Sir Thomas Brown, un grand médecin anglais du XVIIe siècle, il utilise Cardan comme référence, comme point d’appui même si c’est pour le critiquer. L’œuvre médicale de Cardan permet de reformuler certaines affirmations. Guy Patin 1601-1672 a un correspondant C.Spon, ce dernier veut publier les œuvres de Cardan, il lui explique que Cardan est quelqu’un de génial mais dont l’œuvre est aussi plein de bêtises, qu’il lui faut trier, cela aboutit à la publication de 10 volumes in folio ! La réflexion philosophique de Cardan a été un tremplin, on a fait de lui un héros à cause des récits qu’en ont fait les protestants tel Beroalde de Verville et P.Bayle(1647-1706), ce dernier à contribuer à faire de Cardan un grand opposant à l’Eglise, il le considère comme le père de la lutte contre l’obscurantisme religieux dans son dictionnaire critique. J.Bodin 1530-1596, il reproche à Cardan d’être un sorcier.
Cardan a été une indéniable référence en mathématiques et en technique mais son œuvre a toujours été en danger.
Mercator G.C
Vie et oeuvres
Mathématicien et géographe, originaire de Flandres, né le 5 mars 1512, il a commencé sa formation au Pays-Bas puis à l’université de Louvain en 1530 où il y suivit une formation dans les humanités et en philosophie.
Après l’obtention de son diplôme, il a des doutes religieux qui le pousse au voyage. Il va développer au cours de ses périples un profond intérêt pour la géographie.
De retour à Louvain il travaille sous la direction d’un astronome Gemma Frisus et s’initie à la représentation du globe terrestre. A partir de 1535 il se lance dans la fabrication d’instruments pour fabriquer précisément des globes terrestres et célestes ainsi que des cartes. Il réalise une carte de la terre sainte puis une autre du monde en 1538. Cette première réalisation permet à Mercator d’être présenté à Charles Quint qui devient à partir de là son commanditaire. En 1540 il réalise pour celui-ci une carte des Flandres qui est alors la zone la plus économique dynamique d’Europe. En 1541, Mercator créait pour C.Quint un globe terrestre et céleste.
Différents éléments vont ralentir ses publications.
En 1544 il est condamné pour hérésie et passe 7 mois en prison pour avoir adhéré à la fois protestante. Il s’installe ensuite Duisbourg où sa foi est mieux tolérée, il y ouvre un atelier de cartographie. La publication de ses cartes est un succès. Il créait en 1554 un planisphère de l’Europe ce qui fonde sa réputation de meilleur cartographe. Il publie ensuite une carte de la Lorraine et des cartes de navigation.
L’année 1554 enclenche une nouvelle phase dans sa carrière. Il travaille pour le duc de Clèves en cosmographie. Il utilise le principe de projection. En 1569, il réalise une carte complète du monde à l’usage des marins. Il s’agit de cartes en 18 feuillets qui sont à l’origine de sa très grande renommée. Cette reconnaissance scientifique s'accompagne d'une réussite matérielle. L’éditeur humaniste Plantin lui achète 18 paires de globes ce qui permet à Mercator de terminer sa vie de manière satisfaisante. A partir de 1578 il met à jour les cartes de Ptolémée. Il commence à travailler à la réalisation d’un atlas à partir de 1585 avec des cartes détaillées de la France de la Hollande et de l’Allemagne. Cet atlas est complété à partir de 1589 par des cartes des Balkans et de Grèce. Il laisse à son fils Romuald la tâche de compléter son travail ce qui est fait un an après sa mort.
Conclusion
Mercator est un personnage représentatif du savant imprégné d’humanisme comme Copernic ou Cardan. Il était animé de soucis pratiques et concrets : son but ultime était de permettre aux marins de se repérer. Son autre objectif majeur était de mettre au point une carte plane qu’on pouvait plier et utiliser facilement, ce fut aussi ici un succès puisque Mercator maîtrisa parfaitement la technique consistant à représenter un globe sous forme de planisphère.
- Jean le Fort, L’aventure cartographique, Belin 2004 où il y est décrit l’évolution cartographique du IVe siècle a.C à nos jours
- M.Waslet, Gérard Mercator Cosmographe, Anvers, 1994
- Max Prade, Mercator, le père de la géographie moderne, 2005
Giordano Bruno
Les grandes étapes de la vie de Bruno
De son vrai nom Philippe, il est né en janvier 1546 à Nola dans une famille à revenus modestes. Il entre à l’université de Naples où il découvre l’art de la mémoire : la mnémotechnie qui devient l’un de ses domaines de prédilection. En juin 1585 il entre chez les dominicains, change de prénom en hommage à son professeur de métaphysique. Etudiant en théologie, il est ordonné prêtre en 1573, il entame alors une carrière d’universitaire en devenant lecteur en théologie en 1575.
L’année 1576 marque une rupture dans la vie e Giordano puisqu’il rompt avec l’Eglise romaine à cause différends profonds avec sa hiérarchie ecclésiastique. Il a un goût prononcé pour la magie ce qui déplait à ses supérieurs. De plus ses lectures humanistes et ses convictions le place en conflit avec le dogme catholique du XVIe siècle.
Commence alors pour Bruno une période d’errance à travers l’Europe. Il est resté deux ans en Italie même s’il est en apostat, ce qui précipite son départ c'est la peste qui touche la péninsule. De 1576 à 1578 il n’arrête pas de bouger, on a des traces de lui à Montpellier, Toulouse, Paris, Londres, Oxford, Wiesbaden, Prague, Francfort...
A Genève il est chez les calvinistes, on le pousse à se convertir, il accepte mais il est excommunié en août 1578, car il a remis en cause le professeur titulaire de la chaire de philosophie.
Il trouve refuge en France, il se rend à Lyon, à Toulouse, va à la cour d’Henri III qui est très accueillant envers les écrivains italiens. Il écrit durant cette période son ouvrage de référence en mnémotechnie Clavis Magna. C’est à Toulouse qu’il se concentre sur ses travaux en philosophie et en théologie. Avec la protection d’Henri III, Bruno est introduit à la cour, à « l’académie du Palais » où il y poursuit en toute tranquillité ses réflexions. G.Bruno dédie à Henri III le résultat de ses travaux. De rembris iolearum. Henri III lui donne la charge de lecteur extraordinaire au collège des lecteurs royaux (ancêtre du Collège de France). C’est la période heureuse de la vie de Bruno. Il écrit même une pièce satirique en 1582, Le chandelier.
En 1583 il va en Angleterre, il est invité par des professeurs d’Oxford pour débattre du système copernicien. Le problème est qu’on n'est pas ravi d’accueillir en Angleterre une personne si sulfureuse. De plus à Oxford son intransigeance intellectuelle lui vaut d’être rapidement haï de tous. Il est obligé de se réfugier à l’ambassade de France. Il reste néanmoins à Londres et publie 6 ouvrages entre 1584 et 1585 dans lesquels il reprend les thèmes qui lui sont cher, théologie, philosophie et science. Il prend un malin plaisir à bousculer les idées reçues. Il défend l’existence de mondes infinis.
En octobre 1585, il rentre en France en pleine guerre de religion, Henri III est en mauvaise posture politique et Bruno déplait aux ligueurs, ils arrivent à soutirer au roi le départ de Bruno. Il est exilé, il va alors chez les luthériens à Wittenberg où il y a un grand centre universitaire allemand et une fois encore il entre en conflit avec la hiérarchie luthérienne, il est excommunié mais reste en Allemagne.
Il accepte en 1591 l’invitation de Giovanni Hacenigo. C’est un personnage de la haute noblesse vénitienne, passionné par la philosophie et la mnémotechnie, il explique à Bruno sa position et sa puissance ce qui rassure ce dernier et l’incite à se rendre en Italie. Bruno voulait devenir professeur à l’université de Padoue or il y a une chaire de mathématiques de disponible, il compte sur l’appui de Giovanni pour l’obtenir. Le problème est qu’il se brouille avec son hôte, celui-ci menace de le dénoncer à l’Inquisition s’il ne se calme pas. Bruno ne veut rien entendre et le 26 mai 1592 son long procès commence. Tout au long de ces sept années de procédures Bruno ne se reniera jamais, même après avoir été questionné, torturé à maintes reprises. L’Eglise le fait transférer à Rome pour le juger ce qui montre sa dangerosité. Bruno ne demande jamais le pardon et ne reconnaît pas sa faute. Finalement c’est la peine de mort qui est prononcée. Il meurt sur le bûcher le 17 février 1600 sur la place du Campo del Fiori à Rome.
L’œuvre de Bruno
Son œuvre pose problème, en effet comment un homme ayant reçu une formation catholique, dans une famille et une ville catholique a pu devenir si dérangeant pour l’Eglise au point d'être excommunié par toutes les Eglises d’Europe ? De plus son œuvre est extrêmement vaste et très hétérogène aussi bien dans le fond que dans la forme. Certains écrits sont en latin d’autres en italien. Il a aussi plusieurs registres d’écriture, il fait des exposés scientifiques conventionnels : De la lampe combinatoire de Lulle. Mais il écrit aussi des dialogues, Le souper des cendres. Il s’exprime sur des sujets extrêmement variés, la mnémotechnie, la physique, la cosmologie : De l’infini, de l’univers et des mondes. En mathématiques, De nomade numera. La variété de ses ouvrages provient autant de ses maîtres à penser que de ses propres réflexions. Il est inspiré par St Augustin, ce qui l’amène à être très critique envers l’aristotélisme. Il se réclame de Platon, il est aussi un lecteur de St Thomas d’Aquin ce qui lui donne une culture et une exigence encyclopédique.
Bruno est un penseur engagé, la philosophie doit être soucieuse de construire le monde physique et religieux, la réflexion philosophique induit la réflexion scientifique.
Sa postérité
Pourquoi est ce un homme dangereux ?
La Terre n’est plus le centre du monde, l’Eglise n’est plus le centre de la société. Mais ce refus, ni Dieu, ni maître le condamne comme quelqu’un d’intolérable.
Bruno en son temps est caractérisé par une évidente solitude intellectuelle. A la Renaissance, c’est un problème d’être original. Les sciences de la nature renvoient à des principes difficiles à remettre en cause. Bruno appartient à une génération marquée par le souci de destruction, de remise en cause où se mêle anarchiquement nouveauté et tradition. Le problème pour Bruno c’est qu’il a été moins prudent que Galilée et Copernic mais en même temps il a été très loin dans l’audace intellectuelle. En physique il est très proche de Galilée, en philosophie de Campanella, en astronomie il est au niveau de Kepler.
On a affaire à un personnage qui a eu une postérité très importante. Sa pensée hardie a été stigmatisée au XVIIe siècle par les théologiens comme une forme d’athéisme. Le père Mersenne illustre bien ces critiques. Les libertins ont fait eux de Bruno une figure de référence, il a eu droit à l’admiration de Cyrano de Bergerac (un scientifique libertin du début du XVIIe siècle qui refuse toute forme de religion). Bruno a été une source d’inspiration pour Spinoza, dans sont ouvrage de 1670, L’éthique.
Au XVIIIe siècle il y a un regain d’intérêt pour la pensée et l’œuvre de Bruno, il devient un thème à la mode on en discute dans les salons, il trouve un défenseur John Tolmd, c’est un philosophe anglais créateur du panthéisme. C’est un théoricien de l’athéisme et il est très lu dans les salons, il voyage beaucoup et est protégé par Eugène de Savoie.
C’est surtout au XIXe siècle que Bruno reçoit sa consécration philosophique grâce à Hegel, ce dernier analyse son œuvre et en fait un précurseur du matérialisme et insiste sur sa vision naturaliste. Entre 1834 et 1836 on réédite les œuvres latines de Bruno. A la même époque il connaît sa réhabilitation en Italie. Il est le symbole de l’état d’esprit italien du XIXe siècle, lors de la période de la naissance de la nation italienne car cette construction se fait contre l’Eglise romaine. L’Italie moderne décide même de construire une statue à Rome pour célébrer le martyr de Bruno.