Cours Mlle Le Mao M1 2011/2012
Cours Mlle Le Mao
M1BD3Y1
Chapitre 1
Sommaire
Les villes portuaires maritimes
Première approche
Le concept de ville portuaire pose dès son énonciation un problème de définition : qu'est-ce qu'une ville ? Qu'est-ce qu'un port et à quelle époque ?
Une ville est un centre d'activités économiques, un ensemble d'habitats groupés ceint de murs (Bordeaux, Saint-Malo), un lieu de pouvoirs et de fonctions : militaires, judiciaires (Parlement, Cour des Aides, Bureau des Finances, Sièges des bailliages), religieux (diocèses, archevêchés), administratifs (fiscales) et économiques (bourses, …).
Un port est « un poste de mer proche des terres, destiné au mouillage des vaisseaux, & qui y est plus ou moins propre, selon qu'il a plus ou moins de fond & d'abri. » (Louis de Jaucourt dans l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert), un lieu où la mer s'enfonce dans les terres, propre à recevoir les vaisseaux et à les tenir à couvert des tempêtes d'après Furetière dans le Dictionnaire de l'Académie (1694), il est présenté plus comme un lieu de mouillage, un abris naturel sans infrastructures (« il y a des ports que la nature à fait »). Un bon port est alors un port en eaux profondes, aménageable, un lieu de rencontre terre/mer, un refuge, un lieu entretenu mais qui reste dépendant des données initiales. « Anse ou avance d'une cote de mer qui avance dans les terres, qui a un fond suffisant pour le mouillage et le repos des vaisseaux pour y prendre leur chargement,y faire leur décharge ou pour s'y abriter ». Au XVIIIe siècle, cette définition n'évolue pratiquement pas. Les géographes actuels définissent le port comme une interface, une porte entre les économies et les sociétés de deux mondes bien différenciés (arrière et avant pays). Pour les historiens actuels, le port est un miroir de l'évolution des sociétés dans leur rapport à la mer, un observatoire sur la vie économique et ses innovations technologiques, un observatoire de groupes sociaux particuliers (pêcheurs, navigateurs de commerce, militaires, populations particulières …).
Ces définitions posées, la France a-t-elle un bon potentiel pour avoir des villes portuaires ? Elle possède environ 3300km de côtes que l'on peut répartir en 3 catégories : les côtes sableuses pour 35%, les côtes rocheuses pour 40% et les marais et vasières pour 25%. Ces chiffres sont totalement relatifs et variables selon les lieux (les côtes landaises sont sableuses à 98% tandis que celles de Provence le sont à 13%). Dans ce même ordre, la façade atlantique possède 40% de côtes sableuses, 30% de côtes rocheuses et 30% de marais et vasières alors que la façade méditerranéenne a 25% de côtes sableuses, 65% de rocheuses et 10% de marais. Les profils sont donc bien divers et variés.
Diversité des côtes françaises
A- Le littoral de la Manche
_ La plaine des Flandres, Flandre maritime, marais littoraux Calais et Dunkerque sont les seuls lieux d'implantation et possèdent une vaste surface facile à aménager, des rades protégées par des bans immergés procurant des eaux calmes, des grandes profondeurs à moindre distance. Un entretien et des aménagements permanents sont toutefois nécessaires et dût à la proximité de zones de marais.
_ La Boutonnière du Boulonnais, composée de falaises pouvant atteindre 130m de hauteur comme au cap Blanc Nez, en alternance avec des plages, des dunes, des marais et de petits estuaires. Boulogne, dans l'estuaire de la Liane, en est le port principal. Il subit de forts courants, des vents dangereux ainsi qu'une tendance à l'ensablement.
_ Le plateau Picard et la baie de la Somme qui n'autorisent que les ports en estuaire. Ceux-ci fonctionnent avec un système double entre la mer et le fleuve comme Saint-Valéry et Abbeville (deux ports liés faisant face à l'arrière pays pour l'un, à la mer pour l'autre).
_ Le Pays de Caux, composé de côtes rocheuses et de falaises découpées (à 120m pour Le Havre), où l'implantation portuaire est difficile à cause du relief accidenté de l'arrière pays ne laissant la possibilité qu'à des petits ports en estuaire de s'établir : Dieppe dans l'estuaire l'Arques, Le Havre/Rouen (à 120km de la mer mais au premier point de franchissement la Seine.
_ Un pays de falaises dans la baie de Caen où la côte est découpée par les estuaires comme celui de l'Orne à Caen. Ce sont 32000 hectares de marais en Cotentin qui en forme l'arrière pays où Cherbourg profite d'une petite plaine littorale protégée par les hauteurs. Cette côte bénéficie d'une belle rade assez profonde,sans écueil et de points de passages vers les terres.
_ La baie du Mont Saint-Michel, vaseuse, située dans une zone dégagée et extrêmement sensible aux marées.
_ La Bretagne se compose d'une continuité rocheuse, de petits ports de pêches. Elle possède de nombreux sites d'abris mais subit des vents violents et dangereux (le noroît venant du N-O, le suroît venant du S-O) vers l'intérieur. Elle se caractérise par ses Abers (en celtique) ou Rias (en galicien), vallées de fleuve envahies par la mer, sa côte nord possède peu de ports de front de mer, comme Saint-Malo ou Saint-Brieuc, mais plutôt des ports repliés vers l'intérieur des terres, comme Dinan situé derrière Saint-Malo ou Landerneau et Morlaix. Les courants y sont violents, les chenaux sinueux et envasés. Des lieux de ports mais pas de villes portuaires.
B- Le littoral atlantique
Toujours en poursuivant sur la Bretagne, le principe de Rias se prolonge et les ports s'y installent parfois à son entrée, presque en front de mer comme Concarneau mais restent leplus souvent en retrait comme Lorient ou en fond de Rias comme Vannes.
_ En quittant la Bretagne les ports se raréfient à cause des marais en Vendéen : la Brière, le marais breton et le marais poitevin forment 205 000 hectares de zone marécageuse. Les quelques rares ports sont rapidement envasés : Bourgneuf, Brouage, Les Sables-d'Olonne. La Rochelle profite d'un petit secteur rocheux de la région surle front de mer mais abrité par les îles de Ré et d'Olérons, les pointes des Minimes et de Chef de Baie. C'est un vieux port enserré avec une baie profonde. Rochefort se situe à l’abri de l'île d'Olérons, sur la Charente mais entouré de marais malsains et délétères.
_ Nantes et Bordeaux sont les deux grands sites d'estuaires à l'abri, loin dans les terres. _ Les Landes sont sans ports, un lido de 260km, des côtes sablonneuses. Arcachon se situe dans une zone de marais et de dunes de 1 à 8 km de profondeur.
_ La côte basque, faite de falaises et de rias, de anses sableuses, trouve Bayonne en retrait sur l'Adoure encore sauvage.
C- Le littoral méditerranéen
_ Le Languedoc, constitué de 180km côte de sables, de montagnes (Mont Saint-Clair à Sète), d'étangs et de lagunes. Agde et Sète sont des exemples de villes portuaires maritimes entourées de ces éléments.
_ Le delta de Rhône inclus la Camargue et ses marécages sur 1700km² (paludisme), ses rivages instables. S'y trouve Narbonne en replis, Aigue-Morte, Agde à l'embouchure de l'Hérault, à l'abri des vents et Sète en 1666.
_ Après le delta se trouve une zone de falaises sujette à des tremblements de terre, des chaînons calcaires. C'est un paysage découpé où les liaisons sont difficiles (Est-Ouest, avant/arrière pays). Marseille et Toulon en sont les principales ports, le premier bénéficiant d'une rade de 40 hectares, profonde, d'un système de goulé (?), de petites plaines côtières, collines protectrices et îles, le second profitant d'une rade bien protégée formée (en trois niveau : entre la presqu'île de Giens et Saint-Mandrier, entre la Pointe du Bau Rouge/la Colle Noire et Saint-Madrier, entre les pointes de l'Aiguillette et de Pipady), d'un relief l'abritant du Mistral, d'une plaine alluviale d'est en ouest ainsi que des ïles d'Hyères.
Les critères de développement d'une ville portuaire : entre site et situation
A- L'importance du site
Les emplacements des ports nécessitent des caractéristiques similaires, des impératifs récurrents.
La sécurité : à l'abri des éléments et de l'ennemi.
Les rias ou abers protègent les ports qui s'y trouvent des vents breton, Noroït et Suroït. Brest offre une belle rade (180km²) grâce au Goulet et aux archipels d'îles. Toulon possède une rade abritée sur trois niveaux (petite rade, grande rade, golfe, voir plus haut). Dunkerque et Calais ont également des rades abritées et protégées de la houle par des bancs immergés. La Rochelle profite d'une rade à plusieurs niveaux formée de l'île de Ré, du Pertuis Breton (détroit entre l'île de Ré et La Rochelle), du Pertuis d'Antioche (détroit entre l'île de Ré et l'île d'Oléron) puis de celle située entre la Pointe des Minimes et Chef de Baie. Lorient tire avantage d'une petite rade produite par l'île de Groix en face de son embouchure, d'une passe étroite et de vent modérés. Les ports sont des refuges relatifs sur une côte hostile comme le Cap d'Agde dans le Golfe du Lion. Les estuaires se caractérisent par des eaux calmes et un éloignement de l'ennemi. Rouen se trouve à 120km de la Mer, Nantes à 75km. Les cités portuaires sont des cibles qui doivent se protéger de l'ennemi : Rochefort, qui est situé le long de la Charente, derrière l'île d'Oléron et l'île d'Aix, est un arsenal. Des hauteurs sur les arrières font une formidable protection contre les vents et les troupes comme à Toulon et Marseille.
Cependant les solutions trouvées contre l'ennemi et les vents posent des problèmes d'accessibilités terrestre et maritime. Les axes fluviaux compensent largement l'éloignement de la côte, notamment pour la Loire, la Seine ou la Garonne, le Rhône restant trop sauvage, son delta n'étant pas stable. On a donc des données paradoxales entre l'accessibilité d'une ville portuaire et sa protection.
Un port à l'accessibilité maritime sur front de mer est difficile à protéger et subit les tourments des vents, des courants et du brouillard dont la toponymie garde parfois des traces (Baie des Trépassés près de Plogoff à la pointe de la Bretagne aussi appelée Enfer de Plogoff). L'accessibilité d'un port hors front de mer peut être bonne si le chenal qui y mène est profond comme le Goulet de Brest qui malgré son étroitesse atteint souvent les 20m de profondeur. Cette même accessibilité est relative selon les bâtiments qui s'y présentent, les vaisseaux de lignes, véritables forteresses flottantes, sont en effet de plus en plus lourdes car de plus en plus armées et demandent plus de profondeur pour pouvoir manœuvrer dans une rade. Cette évolution, en conjonction avec l'ensablement de l'estuaire de la Charente, causa bon nombre de problème à l'arsenal de Rochefort, les vaisseaux devant attendre la marée pour descendre le fleuve selon un tracé très particulier et encombrant, le chargement devait souvent se compléter à La Rochelle sur décision de l'intendant de Marine. Avec le XVIIIe siècle, les navires de commerces deviennent aussi de plus en plus gros et nécessitent un tirant d'eau (partie immergée du navire) encore plus important que les petits sites portuaires ne peuvent assurer, ce qui entraîne leur déclin. Certains ports y ont tiré leur succès comme Le Havre et Brest. L'accessibilité dépend également de la marée qui est quasiment inexistante en Méditerranée, modérée en Atlantique (<7m) mais forte dans la Manche et en Mer du Nord. Un fort marnage (différence entre la marée haute et la marée basse) est cependant synonyme de forte contrainte et de risque d'échouages car il faut suivre le flux et de reflux de la marée pour pouvoir entrer dans le ports et en sortir. Il faut parfois plusieurs marées pour entrer/sortir d'un port (7 marées pour descendre les vaisseaux de Rochefort).
En terme d'accessibilité, les fleuves sont un facteur variable.
Leur valeur négative concerne les sédiments, leur envasement, l'entretient nécessaire de leur chenal notamment sur les côtes de Vendée et de Charente, la baie de Bourgneuf, le port de Brouage (port à sel le plus important d'Europe au XVIe siècle aujourd'hui à 6km de la mer), le port de Saint-Valéry-en-Caux (vase et galets), le littoral du Languedoc où les alluvions des fleuves côtiers non évacués ont causé le déclin de Lattes (ancien port de Montpellier) ou de Narbonne (ancien grand port romain en fond de golfe). Leur valeur positive est un débit puissant qui dégage le port comme une chasse d'eau, l'effet étant accentué par des épis creusés sur sa longueur. A Nantes, un rapport de Jean-Rodolphe Perronet (1708-1794), ingénieur et architecte fondateur de l’École Nationale des Ponts et Chaussées, en 1770 signale que la Loire est trop sauvage et que personne n'y peut rien. Sont mis en cause les délestages abusifs (poids pour éviter le chavirement d'un navire jetés en mer lors du chargement d'une cargaison) en port comme dans la Loire et les embarcations non renflouées (épaves laissées au fond de l'eau) par leurs propriétaires. Brouage est fondée en 1555 en temps que ville portuaire, avant-port de Hiers, dans le golfe de Saintonge, sur une île. Port de sel, le plus important d'Europe, accueillant jusqu'à 200 bâtiments par jour, son influence s'étendant jusqu'à la Mer Baltique. Suite aux Guerres de Religions elle est faite ville royale. En 1586 les Rochelais y coulent des navires. En 1626 Brouage est habitée par 4000 personnes et sert de place de négoce. Richelieu en fait un port de guerre vers 1630-1640 mais le niveau de la mer baisse et l'absence de rivière sème la région de marais. En 1793, il n'y reste plus que 400 personnes.
Enfin la place disponible sur terre et sur mer entre dans le composition d'un bon site.
En terme de relief, un estuaire offre une zone plane, un front de mer une zone profonde au relief vigoureux. La Méditerranée forme ne plate-forme étroite : Marseille se situe sur une petite plaine côtière, Toulon un arrière pays escarpé. Le Havre s'adosse sur le plateau de Caux. En terme maritime c'est le nombre de bateaux que peut accueillir le port qui compte : Brest possède une surface d'accueil de 150km², Cherbourg 1500 hectares.
L'addition des trois éléments (sécurité, accessibilité, place) forme des sites exceptionnels :
_ Brest, une des plus belles rades du monde (derrière Dieo Suarez, Lisbonne, Rio de Janero, Sydney) car vaste, profonde, au goulet long (5,5km), étroit (1800m) et profond (40-50m).
_ Marseille, une rade vaste (40ha), profonde au goulet efficacement resserré, petite plaine côtière, collines protectrices, îles parfois fortifiées (château d'If) et à l'abri du Mistral et du Marin.
_ Toulon, une grande rade entre Saint-Madrier et Carqueiranne qui forme un mini golfe, profite d'un chaînon calcaire à l'abri du Mistral et d'une plaine littoral Est-Ouest.
_ Le Havre a pour seul avantage ses eaux profondes. Le plateau en arrière pays, les marais et le paludisme font que le site n'est pas tout.
B- Le rôle de la situation
La situation de la ville a son importance : c'est un point de passage. La proximité de Paris fait le succès de Dieppe (à 169km) et Fécamp (à 195km, 65km à l'ouest de Dieppe), la marée apportant des poissons de mer vivants dans des bacs d'eau salée.
Les villes portuaires sont des étapes sur les routes maritimes de trois espaces (la Manche, l'Atlantique et la Méditerranée) : Saint-Malo (port de front de mer à l'arrière pays inondable (grèves) peu commode d'accès, proximité de hauts fonds, courants vigoureux, marnage puissant (14m) qui ne doit son succès qu'aux Malouins), Bordeaux, Nantes, Auray (près de Vannes), Landerneau sur l'Elorn (près de Brest) sont des lieux de passages, souvent les premiers points de franchissement d'un fleuve (le premier endroit où le fleuve est franchit depuis la mer) [N.B. : Bordeaux ne se dote du Pont de Pierre qu'au début du XIXe siècle (1810-1822) mais le fleuve est franchit suffisamment facilement pour que la ville s'en soit accommodée].
La toponymie garde parfois une trace de ces premiers points de franchissement : Pontrieux (au dessus de Guingamp), Pont l'Abbé. Leur réussite vient du fait que c'est un lieu de croisement et de contact de plusieurs routes, un point de transbordement qui offre un débouché pour un axe fluviale sur le littoral ainsi qu'un point de passage terrestre. Le rôle de la route de commerce terrestre est décisif pour Bayonne par exemple ou Monaco (derrière le col de la Turbie), Nice (en amont sur la même route au débouché du Var), Saint-Valéry-sur-Somme (un gué entre Rouen et Boulogne).
Ces villes sont aussi intégrées à des plans militaires et stratégiques de surveillance comme Cherbourg ou Calais. Elles ont des rôles économiques en fournissant des richesses de l'arrière pays (des fleuves et immédiats) comme Rouen avec le lin et le rouissage (teinture à l'herbe à rouiller, devenant la spécialité de la ville, ces tissus portent le nom de rouenneries) qui ne se met pas en concurrence avec Le Havre. Marseille a pâti de cette absence et a été obligée de se protéger. Les zones en marge ont eu du mal à se développer comme Brest.
Cette vision est relativement statique et nécessite un dynamisme chronologique.
Les villes portuaires, un réseau hérité ?
A- Le réseau antique
Les sources que nous disposons sur le période sont faibles :
_ Strabon et Ptolémée sont à réinterpréter (récits de voyage et ambitions géographiques) _ la Table de Peutinger ou Itinéraire d'Antonin (copie du XIIIe) Celles-ci présentent des difficultés toponymiques auxquelles l'archéologie trouve des réponses : Massalia est une colonie Phocéenne fondée vers 600 a.-C. que confirme Aristote ou Polybe. Elle contribue à la fondation d'Agde, de Nice, d'Antibes, de Monaco, à l'Est de l'embouchure du fleuve côtier comme une tête de pont, un relais au cabotage. Elle repose sur un système crique/acropole comme à Monaco.
Durant la période romaine, l'implantation se fait à Béziers, à Narbonne, cette dernière étant remarquable d'après Strabon comme étant le plus grand port de commerce et recevant un apport coloniale italien en 118, à Fréjus sur l'Argens, à Arles. Sous Auguste l'implantation romaine se développe depuis Marseille à l'ouest avec Arles, Agde, Béziers, Narbonne, à l'est avec Frejus, Nice et Monaco et Tauroeis (actuel Le Brusc) dans l'arrière pays, Olbia en Corse.
Sur les côtes de la Manche, Boulogne est fondée par César lors de la préparation de l'invasion de la Bretagne comme port principale de la Classis Britannica (Flotte Britannique) que Claude utilise en 43 p.-C.
Quimper est une fondation gauloise qui devient gallo-romaine sous Auguste. Bordeaux, Nantes, Carentan (entre Caen et Cherbourg), Rouen, Vannes sont des capitales de Civitates. Etaples (au sud de Boulogne) est une attache de la flotte romaine au Ve siècle.
B- L'époque médiévale
Henri Pirenne (1862-1935), historien médiéviste belge, pose la question de la continuité entre ces deux périodes. Les villes sont à relier aux pouvoirs seigneuriaux et ecclésiastiques : Saint-Brieuc, Tréguier, Saint-Pol(-de-Léon), Quimper, etc, sont des évêchés depuis le milieu du IXe siècle. Saint-Malo apparaît au milieu du XIIe siècle comme siège épiscopale, Saint-Valéry-sur-Somme n'est que le sanctuaire de Saint-Valéry jusqu'en 1066 où Guillaume le Conquérant en part, Dieppe et Caen prennent leur essor au Xe siècle grâce au duc de Normandie, Dinan est en partie rachetée par le duc de Bretagne, Calais est fortifié aux Xie et XIIIe siècle, Cherbourg est mentionné dans la Table de Peutinger mais c'est Richard III, duc de Normandie, qui la fortifie au XIe siècle.
Deux théories sur cette période, incastellamentum et l'enchapellement, soulignent un regroupement de l'habitat qui créé des besoins et favorisent les échanges et le commerce entre les villes.
La Rochelle apparaît vers l'an Mil dans les écrits avec ce nom en parlant de « ville » au XIIe siècle, ce qui indique la présence d'une enceinte, et connaît un développement rapide car c'est l'une des premières cités de l'ouest atlantique. L'activité portuaire y est importante au regard du nombre de moulin le long de la côte (importation de bled) et l'Ordre des Templiers s'y installe vers la mer, dans la paroisse de Saint-Nicolas (patron des gens de mer), au bord de la côte. La Charte de Cluny y indique une affluence « d'indigènes, d'étrangers de divers pays du monde par terre et par mer ». Le témoignage d'Al Idrisi (~1100-1165) en 1154 rapporte que La Rochelle est « une ville peu considérable située sur le bord de la mer ». Vingt-cinq ans plus tard, Richard le Poitevin, un moine clunisien du XIe siècle, en dit que c'est « un bourg admirablement construit de nouveau avec un port convenant bien à ceux qui par mer et où une multitude de navires arrivent chaque jour de divers pays pour y faire commerce ».
Les troubles du temps (incursions sarrasines, expédition de Charles Martel) ont une influence sur les villes portuaires du sud :
_ Toulon est déserté au Xe siècle ;
_ Maguelone (actuel Villeneuve-lès-Maguelone) ne se relèvera pas ;
_ Saint-Tropez est un site occupé dès le Ve siècle a.-C. qui supporte mal les incursions sarrasines et les luttes des seigneurs locaux (lieu déserté). La ville est refondée en 1470 par charte sur la base de privilèges octroyés aux nouveaux habitants, création d'un port et établissement d'un système de défense.
La création d'Aigue-Mortes est le fait d'initiatives royales :
_ la tour Matafere est construite par Charlemagne ;
_ Louis IX veut y assurer le transport de ses troupes en 1240 pour la Septième Croisade car Marseille est au roi de Naples, Agdes au comte de Toulouse et Montpellier au roi d'Aragon. Il fait construire des routes, des fortifications. La ville est restée en l'état.
Le réseau urbain est peu à peu structuré en place, une approche cumulative le met en valeur mais beaucoup de sites ont déclinés voire disparus : Quentovic (près d'Etaples, au sud de Boulogne) est envasé et n'est plus mentionné à partir de 864, Etaples ayant pris le relais.
C- L'époque moderne:un réseau figé ?
On constate peu de création de villes à l'époque moderne. Selon Claude Nières, pour la Bretagne, il y aurait une soixantaine de villes dont 4 fondées durant l'époque moderne, 2 sur des sites préexistants : Brest et Port-Louis, 2 créées ex nihilo : Lorient et Le Palais (sur Belle-Île, en face de Vannes).
A l'échelle du pays, la plupart des créations de villes répondent à la défense du royaume : sur la frontière Est et sur les côtes. Une fonction uniquement militaire ne suffit pas à la réussite d'une fondation ex nihilo :
_ Le Havre n'est réellement fondée que par François Ier en 1517 par une charte de fondation de son port et l'octroie de privilèges par le roi (rôle économique et militaire).
Sous Louis XIV, Colbert (1619-1683) prend la décision de créer une puissante marine de guerre ce qui entraîne des modifications urbanistiques en 1665 et en 1705. Le plan d'ensemble de Louis Nicolas de Clerville (1610-1677), ingénieur militaire, prévoyait la création d'une ville à l'installation d'un arsenal (Brest, Lorient, Rochefort) ou l'agrandissement d'une ville ancienne (Dunkerque, Marseille, Toulon) pour lier le rôle militaire à une activité économique conséquente.
_ Le port de Sète et le canal du Midi, qui forme un lien entre le Ponant (l'ouest) et le Levant (l'est) par lequel circule des équipements militaires maritimes (goudron et canons d'un coté, poudre de l'autre), fait l'objet d'une tentative d'installation entre 1596 et 1605 par Pierre d'Augier (~1625-1674). Un établissement réel se fait en 1666, après la fermeture des graux de Frontignan en 1623 et des Aresquiers (à 5-10km de Frontignan) en 1663.
Les différents déclins de l'époque moderne de villes portuaires maritimes sont liés aux aléas de l'histoire et à la transformation radicale des sites :
_ Saint-Valéry-sur-Somme s’appelait Saint-Valéry-sur-Mer et a subit le déplacement de l'embouchure de la Somme.
_ Aigues-Mortes n'était liée à la mer que par des graux qui ne cessaient de s'ensabler malgré la percée du Grau-du-Roi par Henri IV en 1580.
Conclusion
Les littoraux français se caractérisent par leur longueur, leur diversité en terme d'implantation de villes portuaires. Dans le détail, les points d'implantations restent limités, les longs rivages bas et rectilignes restent peu intéressants pour la navigation dangereuse, le peu d'abris, les marécages et le sable qu'ils offrent. Les côtes rocheuses sont rares et propices. Il est cependant des cas où les lois de la Nature ont été contraintes quand cela valait le coup, ce qui donne naissance à les villes portuaires particulières.