SADHE P. Hertner 24/01/07

De Univ-Bordeaux

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Retrouvez le compte-rendu de la conférence de Peter HERTNER (Université de Halle) : « Les particularités du développement économique allemand » ici : SADHE 24/01/07.

Compte-rendu

La question de l’existence d’un « modèle allemand » amène à s’interroger sur les particularités du développement économique allemand.

Tout d’abord, la décentralisation qui caractérise l’Allemagne s’explique historiquement, puisque elle n’a été unifiée qu’en 1871. La « compétition » entre les différents Etats régionaux qui découle de ce système décentralisé a été très stimulante pour le développement économique du pays.

Ces Etats ont également joué un rôle fondamental sur le plan de l’éducation et de la formation : grâce à d’importants investissements, les écoles techniques se sont multipliées et ont fourni les cadres de la soi-disant « deuxième révolution industrielle » à la fin du XIXe siècle. L’Allemagne a aussi été pionnière dans la mise en place de certaines réformes sociales dans les années 1880 (assurance maladie, assurance vieillesse…), que Bismarck espérait utiliser pour combattre, la social-démocratie.

Le mouvement de concentration et de cartellisation qui touche le monde des entreprises à partir des années 1870 constitue une autre particularité de l’Allemagne. Pendant la soi-disant « Grande dépression » (1873-1896), la réduction de la concurrence est vue comme un moyen de garantir la stabilité du système (alors qu’à la même époque, les Etats-Unis adoptent une législation anti-trusts).

Le monde bancaire allemand, également, est très différent du reste de l’Europe. Alors que les banques anglaises, par exemple, sont très spécialisées, le système bancaire allemand est au contraire très unifié : les grandes banques allemandes sont des sortes de « bonnes à tout faire » qui servent les entreprises « du berceau à la tombe », ce qui aboutit à une symbiose relativement étroite entre les grandes banques et l’industrie. On observe, en outre, une tendance à la professionnalisation des élites économiques à partir de 1880, notamment avec le développement des écoles commerciales et techniques.

Durant l’Entre-deux-guerres, l’Etat est certes affaibli par la défaite, mais il ne se retire pas (un système d’assurance chômage est mis en place en 1927). Les banques, quant à elles, sont très touchées par l’inflation, tandis que les cartels survivent. On n’observe pas de grand changement parmi les élites économiques, et la symbiose entre la moyenne et la petite industrie est toujours aussi forte.

Alors que le secteur bancaire, en crise, fait l’objet d’une sorte de « nationalisation » à partir de 1931, les banques sont de nouveau « privatisées » en 1937-1938. Mais le poids de l’Etat est cependant beaucoup plus important qu’auparavant : le « nazi-boom » entre 1933 et 1939 est créé artificiellement par la course aux armements et par une prépondérance étatique dans l’économie. Les capitalistes ont dû se plier aux volontés de la dictature.

Durant la Seconde guerre mondiale, les banques restent ainsi étroitement contrôlées par l’Etat pour financer l’effort de guerre.

Après la défaite de 1945, le processus de transition à l’Est est accéléré par les réparations. La RDA abandonne la décentralisation au profit d’une planification centrale calquée sur le modèle soviétique. Le refus de prendre en compte les spécificités de l’Allemagne de l’Est (un Nord sous-développé face à la région la plus industrialisée d’Allemagne, la Saxe), ainsi que la dissolution du système de petites et moyennes entreprises de la Saxe au profit de grands « combinats », ont été catastrophiques sur le plan de l’innovation.

L’Allemagne de l’Ouest, quant à elle, qui disposait d’un gros avantage, la Ruhr, a bénéficié de l’effort de modernisation entrepris par les Etats-Unis, aidés de la Grande-Bretagne. Si une législation anti-cartels est introduite en 1957, le système décentralisé a, lui, été renforcé. L’économie capitaliste renaît avec la création de la RFA, et dès le milieu des années 1960, l’économie ouest-allemande est déjà très puissante. Mais, à partir des années 1970-1980, l’Etat social, le système éducatif et l’organisation fédérale semblent rencontrer leurs limites, et le succès de la Réunification et de l’intégration économique de l’Est reste incertain.