Cours complet 09-10 UE7 Meyzie

De Univ-Bordeaux
Révision datée du 9 janvier 2010 à 22:40 par {{| (discussion | contributions)}}
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)


Sommaire

Cours n°1. Consommation et Histoire : XVI-XIX ème. [22 octobre 2009]

Introduction.

L’histoire de la consommation appartient à l’histoire de l’économie ; l’histoire de l’économie étant l’histoire de la production et de la consommation. L’histoire de l’agriculture, du commerce et des colonies est très étudiée, mais peu l’histoire de la consommation. Dans son ouvrage de 1998 (cf. bibliographie), D. Terrier inverse les perspectives et part de la demande et non de l’offre. L’histoire de la consommation est une histoire globale car la consommation est un objet historique à dimensions multiples : économique, sociale, culturelle. On consomme des objets (histoire économique) qu’on utilise (histoire des mentalités, culture) et dont on analyse la demande qui prend en compte la nécessité, la dimension du luxe, du plaisir… (histoire sociale). Toutes ses dimensions sont étroitement liées. La « Global History » se développe depuis une dizaine d’années. Dans cette sous-discipline, une transformation dans un secteur et un lieu du monde a des répercussions ailleurs en même temps. Par exemple au XVIIIème siècle, la naissance et le développement de la porcelaine anglaise est une reprise des techniques chinoises (transfert technique), conjuguée à un effet de la demande (à laquelle la production chinoise seule ne peut plus répondre). C’est un type d’histoire qui fonctionne bien pour l’étude des techniques par exemple car permet d’étudier le phénomène dans son ensemble et sur un espace non isolé. On parle également d’histoire connectée.

  • Objectifs :
    • comprendre les enjeux de l’histoire des consommations dans sa spécificité à l’époque moderne.
    • comprendre les rapports aux objets
    • comprendre la dynamique de l’histoire des consommations qui n’est pas une histoire figée mais une histoire de la longue durée. Entre le XVIème et le XVIIème siècle, il y a une a accélération, qui se solde au XVIIIème par l’émergence d’une consommation de masse qui se traduit par une accélération des échanges.

La façon dont les historiens ont abordé cette question est essentielle et multiple.

I.Le lien entre consommation et économie.

Le terme « consommation » apparaît à l’époque moderne, en 1745 en français. C’est « l’usage que l’on fait d’une chose pour satisfaire ses besoins ».

Petit à petit, remplacement de la hiérarchie sociale par le rang économique : il y a remplacement, de l’homo hierarchicus (évolution en fonction du rang social) par le développement de l’home economicus (réflexion en fonction de la fortune.)

A.Prise en compte de la demande (XVIII ème)

1. La demande est d’abord perçue par les économistes de la fin du XVII ème en Angleterre.

L’idée étant que la demande, la consommation est un moteur de l’économie est perçue par les économistes dès la fin du XVIIIème siècle en Angleterre.

  • Exemples :
    • dans le Nord de l’Angleterre, Barbon : « C’est grâce à la mode vestimentaire et à la vie urbaine que le royaume s’est enrichi ».
    • C’est une idée qui revient également chez les mercantilistes en France : la production de biens en métropole attire les métaux précieux. Citons par exemple Boisguilbert (1646-1714) qui montre que la demande des produits de luxe est liée à de l’afflux des métaux précieux. La diversité des besoins entraîne la diversité de la production. Le marché urbain est important car il constitue un débouché pour l’agriculture, où la productivité augmente, ce qui libère de la main d’œuvre rurale qui part vivre dans les villes et augmente la demande urbaine dans un cercle virtueux. Il y a l’idée d’une interdépendance des agents économiques dans ses travaux.
    • Les physiocrates du XVIII ème siècle, quant à eux, soulignent l’importance de l’agriculture : «  Tout homme est profitable à l’Etat par sa consommation » dit Quesnay. Le développement économique en parallèle du prélèvement de l’impôt aboutit à l’enrichissement de l’Etat.

2.Les philosophes réfléchissent également sur la consommation.

Chez les religieux par exemple, on constate un recul de la condamnation morale du luxe. Seul l’excès de luxe est condamné.
Cf. Voltaire, Le Mondain, qui valorise le luxe.

Seul Rousseau défend l’idée de nature et est le plus critique du luxe.

3.Les Anglo-saxons réévaluent la question de la consommation depuis une vingtaine d’années.

La question de la demande devient centrale pour eux qui ont réalisé en premier la 1ere Révolution Industrielle.

Selon la théorie classique, la modernisation de la production met en place une société de consommation. L’offre est un facteur explicatif. Il y a un renversement de cette théorie et l’on dit désormais que c’est parce qu’il y a un marché qu’il y a une diversification de la production. (cf. BREWER J., 1960’-70’). Celui-ci montre que les élites jouent un grand rôle dans l’émulation de la stimulation de l’innovation. Si l’on s’en tient à la révolution classique, il n’y a pas de révolution industrielle.


  • Exemples.
    • C’est avec le commerce colonial qu’est venu le goût pour de nouvelles boissons, la croissance de la demande a entraîné le développement du système de plantation dans les colonies.
    • C’est parce que Londres avait de gros besoins en produits agricoles que les domaines agricoles se sont transformés.

B.Une forte dimension sociale et culturelle.

Cf. Pierre BOURDIEU, la distinction, critique sociale du jugement : les choix ont une dimension sociale et culturelle (exemple de la consommation du caviar, que les élites consomment non pas pour le goût mais car c’est un élément de prestige).

Braudel : c’est une histoire totale car c’est une « histoire majoritaire » : toute la population est concernée par la consommation, et elle a une position centrale. L’approche socioculturelle de l’économie est nécessaire dans l’histoire des consommations.

1.L’histoire des consommations est l’histoire de la culture matérielle (Angleterre, Pologne, France)

La demande est mise en avant dès les années 1960 et 70 dans ces pays. En France, Daniel Roche invente l’archéologie du quotidien avec son ouvrage de 1988, La culture des apparences. Jusque là, c’était une histoire anecdotique qui devient alors un fait social global. Les biens matériels sont des indicateurs de rang : qui consomme quoi à quel moment.

  • Ainsi de nouvelles dimensions sont mises en exergue :
    • L’importance de la demande
    • il faut aborder l’ensemble de la société et pas que les élites
    • il faut se dégager de l’histoire anecdotique

Exemple : un domestique a moins d’argent qu’un artisan, mais il est en contact avec un autre mode de vie, d’autres références, il consommera donc différemment de l’artisan, en ayant plus rapports avec une consommation bourgeoise ou noble.

2.Il y a des éléments moteurs dans l’histoire de la consommation.

Ce sont là des concepts empruntés à la sociologie et à l’anthropologie.

a)Diffusion de la consommation.

Cf. N. ELIAS (sociologue allemand des années 30s, La société de cour, La civilisation des mœurs)

Il montre qu’à partir du XVII ème, il y a une curialisation de la noblesse : l’aristocratie se recentre à la cour, ce qui entraîne une adoption de mœurs plus raffinées qui se diffusent dans le reste de l’aristocratie puis dans l’ensemble de la société, comme par exemple ne pas utiliser la nappe pour s’essuyer mais une serviette.

Remarque : cependant, il n’existe pas de pôle unique pour les transformations. La diffusion ne se fait pas forcément du haut vers le bas. On a l’exemple de la pomme de terre qui se diffuse en même temps dans les pays ibériques et dans les Balkans.

b)Imitation sociale et mimétisme.

Exemple : Bordeaux : les élites du négoce veut consommer comme la noblesse parlementaire. Il ya une copie du groupe social juste au dessus qui pousse celui-ci à trouver toujours d’autres moyens de se démarquer.

c)Appropriation et acculturation.

Il y a une réinterprétation des modes de consommation. Quand un même produit est adopté, il n’est jamais utilisé de la même manière. Voir développement de l’exemple du café et du sucre en Orient et en Europe dans le cours n°4.

Les dynamiques sont donc multiples.

II.Besoins et superflu.

Remarque : L’Ancien régime (AR) est l’économie de la rareté. Au XVIIIème, on constate cependant une diversification des biens, et certaines choses deviennent alors essentielles.

A.Une économie de la rareté XVI-XVII ème.

1.Des contraintes pèsent sur les consommations :

Ce sont la faiblesse de la productivité, la lenteur des transports, l’autoconsommation qui impliquent que les produits ne passent pas par les circuits économiques. On constate des pénuries et des crises de subsistance entre 1695 et 1709. XIVème –XVI : augmentation de la consommation de viande car il y a eu une chute de la population due à la peste. Il y a ensuite une baisse de la consommation jusqu’en 1660. Ainsi, au bout de trois siècles, la production est la même mais la population augmente.

2.L’eau.

  • L’eau sert à différents usages :
    • lavage
    • boisson
    • cuisine

L’eau est un bien rare. Il y a une économie marchande autour de ce produit puisqu’il rare d’avoir de l’eau salubre (pollution des déchets, des cimetières, des fosses). Le problème est posé par sa qualité.

Exemple : Paris, développement du métier de porteur d’eau. </br> NB : les usages sont définis par rapport à la catégorie sociale à laquelle vous appartenez. Les élites consomment ainsi de l’eau fraîche, de la glace et de l’eau minérale.

B.Lien entre dépense et consommation.

1.La question du budget est essentielle.

C’est une notion qui intéresse les contemporains de l’époque moderne :

  • Cf. G. KING, 1688, Tableaux des revenus et des dépenses des familles d’Angleterre. Cette étude se forme à partir de documents fiscaux arithmétiques. Elle porte sur le budget nécessaire à la survie.
  • Cf. VAUBAN, Projet d’une dîme royale, qui propose estimation d’un budget à la fin du XVIIème et début du XVIIIème siècle en France.

2.Il existe plusieurs modèles de budget.

  • De la nécessité : qui présente un équilibre fragile : au moindre aléa le système s’effondre.
  • Intermédiaire : qui est celui des boutiquiers et des artisans et qui sont sensibles à la conjoncture mais peuvent y faire face. Il vaut aussi pour les notables (exemple de la famille Surin (1604-1636), famille de petits marchands, qui a 6 postes de dépenses : tissus, épicerie, pâtisseries, matériaux pour la maison, cordonnerie et pharmacie.)

C.Consommation et ostentation.

C’est la recherche du superflu. </br> Avec un revenu d’environ 30£ par jour en Angleterre, la part du budget consacré à l’alimentation augmente et il en est de même pour les dépenses somptuaires. C’est le jeu des apparences. </br> Le superflu est une notion à géométrie variable : exemple du duc d’Osuna (Espagne) qui consacre 31% de ses dépenses pour son train de vie.

Le XVIII ème marque le début de la sensibilité au changement, par contraste avec le XVIIème, où l’on utilise des objets durables comme l’argenterie, par opposition à la porcelaine du XVIIIème. C’est le commencement des phénomènes de mode.

Des objets de demi-luxe apparaissent.


III.Les différents acteurs sur le marché de la consommation.

A.Producteurs et intermédiaires.

Nous sommes dans une économie de l’échange.

1.Du paysan au négociant.

On a un surplus de la production sur le marché.

2.Les boutiquiers et le petit commerce.

Ils assurent la diffusion des produits et contribuent à la diversification de la demande. IL y a une valorisation de ces marchands qui valorisent une économie du…

B.Le rôle de l’Etat.

Il y a tout à la fois incitation et contrôle.

1.La consommation de céréales.

L’Etat intervient sur la distribution et le contrôle des prix qui est inscrit dans la notion d’absolutisme. Il joue aussi un rôle de régulateur (greniers publics) </br> => On retrouve le principe d’une économie morale.

2.La consommation de luxe.

L’Etat veut contrôler celles-ci, par exemple avec les lois somptuaires. </br> Il y a des édits royaux qui limitent les dépenses. </br> Chacun doit consommer selon son rang (donné par dieu). </br> Il y a une volonté d’adéquation entre la situation sociale et la consommation.

C.Les consommateurs ?

1.Notion récente.

Selon Stanziani, elle apparaît en économie mi XIX ème et en droit fin XIX ème. La consommation est perçue à travers un groupe pas un individu.

2.La notion ne s’applique pas à toutes les échelles.

Cf. les travaux de Lavoisier sur le calcul de la consommation de Paris, du pays, de la ville, de la famille, du groupe, de l’individu.

3.Il n’y a pas de consommation de masse.

Ceci pour deux raisons : il n’y a pas de standardisation de la production et il n’y a pas de marché uniforme. La grande partie de la population ne participe pas à la consommation.


Conclusion.

Avant le XIX ème, il y a des consommations mais pas de révolution des consommations. La multiplication des objets, leur diffusion, la multiplication des échanges et la publicité font que le rapport à l’objet change. L’objet prend une dimension sociale et culturelle plus importante. C’est là la base de l’histoire globale.


Cours n°2. Les Enjeux de l’histoire de l’alimentation à l’époque moderne. [29oct-18nov]

Introduction

Paradoxe apparent : se nourrir est un acte vital, répétitif, courant, seulement, on en conserve peu de traces ce qui présente un problème pour l’historien. Cet acte a peu intéressé la recherche car il était considéré comme non scientifique.

  • La consommation des aliments recouvre quatre éléments :
    • la provenance
    • le stockage
    • la préparation
    • l’utilisation des aliments préparés. (histoire des établissements)

Il est utile de remarquer ici qu’il n’y a pas de circulation organisée à l’époque moderne. Il n'y pas de lien entre l'offre et la demande. L’histoire de l’alimentation appartient donc à l’histoire des consommations et évolue de la même façon que l’ensemble des autres champs historiques. C'est un « fait social total » selon l'expression de Marcel Mauss. A partir de l’histoire de l’alimentation, on peut dessiner le point de départ de l’histoire de toute une société. BRILLAT-SAVARIN, en 1926, dans  La physiologie du goût " remarque : « Dis-moi ce que tu manges, je te dirais qui tu es. » L'alimentation est un « fait social total » (Cf. Marcel MAUSS). C’est un point de rencontres entre de multiples problématiques à partir duquel on peut observer une société.

I.De l’histoire de la gastronomie à l’histoire des consommations alimentaires.

  • Evolution de l’historiographie française :
    • XIX° : histoire locale et éruditions
    • 1950-1960 : tournant avec histoire quantitative
    • 1980 : histoire des mentalités.

A.Une histoire anecdotique (fin XVIII° à la 2° GM)

L’alimentation et la cuisine ont été un objet d’étude dès le XVIIIème siècle.


1.Approche de l’histoire alimentaire par le haut.

  • P. J. B. Le Grand D’aussy en 1782 écrit Histoire de la vie privée des François de l’origine de la Nation jusqu’à nos jours, Paris (3 vol.)

Il note une permanence de la cuisine française depuis les Gaulois : cuisine originale, modèle réputé. Grandeur de la France. Il se base sur des traités de civilité ; livres de cuisine notamment ceux du Marquis de Paulmy. Et son étude se présente sous forme de répertoire : histoire est faite aliment par aliment. Néanmoins, il traite surtout de l'histoire de la table des rois :on a donc une approche de l’histoire alimentaire par le haut.

  • C’est ce que l’on peut constater si l’on prend également l’exemple d’A. Franklin qui publie en 1889, La vie privée d’autrefois : les repas. (Paris).

L’idée est la même mais on constate un élargissement social puisque la cuisine bourgeoise (évolution des élites) est prise en compte. Son étude porte sur des menus comme ceux servis à Louis XV dans son château de Choisy (1751).

  • « Service à la Française » : il y a 3 ou 4 services pendant un repas, durant lesquels tous les plats sont posés sur la table en même temps. Il y a une symétrie des plats posés, l'agencement n'est pas laissé au hasard.La profusion est réelle mais les convives ne mangent pas de tout, en général entre 1 et 12. Ce genre de service perdure jusqu'en 1840-50 pour les repas d'apparat dans la société des élites.

2.Une deuxième approche est celle de l’histoire par le bas : celle des érudits locaux (1860-1880).

Ceux-ci s’intéressent à la cuisine régionale et mettent en valeur l’origine des produits. On accorde une dimension mythique aux aliments. C’est par exemple à ce moment que se forge la légende du Camembert du pays de l’Auge. (cf. Marie Harel transformée en camembert, 1920, une statue est même érigée à son effigie)

NB : Constatons qu’aujourd’hui encore l’histoire mythique des aliments reste présente dans le marketing notamment : utilisation des termes « produits du terroir », « cuisine ancestrale »… Cf. Poulain & Corbeau.

  • XIX° phénomène de patrimonialisation (recenser les produits et les cuisines locales ; idem pour vêtements, costumes régionaux…)
  • XX° ; phénomène de monumentalisation : on met en avant des produits locaux emblématiques. Ex : du Sud Ouest : dans les revues locales (ex : Bulletin archéologique et historique du Périgord) s’intéressent à la cuisine du SO : travail sur les menus mais les érudits locaux vont avoir le regard tronqué (repas pantagruéliques, âge d’or de l’abondance : discours nostalgique mais histoire décalée ne prenant pas en compte la réalité des choses).

Ex 2 : XX° le mouvement du Félibrige de Frédéric Mistral ou encore la France de Vichy (prônant la Révolution nationale) : même discours de nostalgie. Valorisation des produits du « terroir » : le but est de mettre en avant les produits en les associant avec des personnages célèbres : à Bdx, le Maréchal de Richelieu ; les terrines de perdrix de Nérac associées à Schopenhauer (1804) => construction de mythes gastronomiques.

B.Les premières tentatives de construction d’une histoire scientifique. (1950-1970)

1.L’impulsion de l’Ecole des Annales.

  • Febvre 1938 ; article Répartition géo des fonds de cuisine en France: oppose France du Nord (beurre) à celle du Sud (huile ou saindoux)
  • Bloch 1954 article des Annales sur Les aliments de l’anciennes France : diffusion de nouveaux produits en Europe comme la pomme de terre => mais premières pistes sans lendemain.

Un tournant s'effectue dans les années 1960-1970 : enquête sur la vie matérielle et les comportements biologiques Braudel. Étudier les structures de l’alimentation : article en 1961 fondateur ; 1° à donner à l’histoire de l’alimentation sa pleine place dans la recherche historique. Insiste sur les structures et sur la longue durée (nécessité pour comprendre les comportements). L’enquête débouche sur un numéro spécial "Pour une histoire de l’alimentation" en 1970. On voit apparaître les problématiques de l’époque : ravitaillement, calcul des calories… primat de l’histoire quantitative, étude de l’alimentation selon les groupes sociaux, influence 1/3 mondiste (pb de la famine dans le monde) rejaillit sur la nutrition => cuisine et gastronomie, histoire de la conso des élites exclues car c’est des l’histoire anecdotique.

2.Recherches ponctuelles par le biais d’autres thématiques.

Grandes monographies de l’histoire rurale : Alsace étudiée par J.M Boehler Se nourrir : note la rareté des fourchettes, du porc, prépondérance des haricots. Travail sur la production agricole : Kaplan sur les approvisionnements en pain et en céréales à Paris au XVIII°. Dans histoire sociale 1966 : J. Meyer fait un travail sur la noblesse bretonne XVII°-XVIII° : consommation de beurre est importante ; importance du sel pour la conservation… Par l’histoire urbaine : J.C. Perrot (1975) Caen, genèse d’une ville moderne  (Approvisionnement : 1° études sur les réseaux et les aires d’approvisionnement : plusieurs cercles : maraichages, céréales, cidre, bétail, épicerie). NB : Il n’y a pas de problématique propre à l’histoire des consommations alimentaires ; c’est un moyen pour étudier un groupe social, l’histoire de la vie quotidienne jusque dans les années 1980.

C.L’alimentation : un champ de recherche à part entière dans les années 1980.

Gagne en légitimité et en autonomie.


1.Grâce à l’apport des autres disciplines : ethnologie et anthropologie.

  • 1960-1970 : influence de l’anthropologie et de l’ethnologie : Lévi-Strauss développe sa théorie et son principe de l’ « incorporation »apporte une signification à l’aliment, lui confère une valeur symbolique (cf. : oiseau= aliment noble car proche du ciel). Ce que l’on mange marque notre identité, a un sens.
  • Les influences extérieures : la géographie: inscrire la consommation alimentaire dans un espace. Zones frontières : mélanges ou originalité ?

Exemple: travail sur la châtaigne dans le Massif Central : implique l’existence d’une civilisation originale : forêts => influences sur les structures agricoles ; usages communaux des forêts. Le châtaignier est une « plante de civilisation ».

  • Apport de la sociologie surtout dans les années 1970 : influence plus décisive vient de Norbert Elias. A travers la société de Cour, étudie évolution des manières de table (« processus de civilisation ») : élites à partir du XVI° siècle vont se contraindre, maîtrise de soi => abandon des pratiques du M.A (développement des plats, des couverts et assiettes individuels).</br>

Pierre Bourdieu : « le repas est une cérémonie sociale », à table, il y a une hiérarchie des convives, on est en représentation. L’alimentation sert à se différencier des groupes sociaux : moyen de distinction des élites. Notion d’ « habitus » : en fonction de sa naissance, on a des habitudes sociales données par notre éducation (ex : manger du gibier chez les élites du XVIII° siècle).

  • Apport de la linguistique : travaux de Roland Barthes : alimentation considérée comme un métalangage : menu, repas comme autant de faits culturels riches de sens, on peut les analyser comme on analyse un texte.

2.Les premières études.

Développement des études sur l’histoire de l’alimentation, d’abord en histoire ancienne : cuisine du sacrifice (anthropologie historique, phénomène de l’incorporation).

=> A partir des années 1980, deux directions fondamentales :

  • L’histoire des goûts alimentaires (travaux de J.L Flandrin) fin des années 1970-1980 : selon lui, mise en avant de la dimension culturelle de l’acte de manger (perspective socioculturelle). S’appuie sur des livres de cuisine et des récits de voyage : note progrès des légumes chez les élites, à partir du XVII° : séparation sucre/sel).

Article fondateur en 1983 : « diversité des goûts… » article programmatique : idée de la variation des goûts selon les pays, les groupes sociaux, les époques.

  • Histoire de la culture matérielle nous parle de l’objet (habitat, meuble, nourriture). Michel Vovelle parle d’une histoire de « la cave au grenier ». L'histoire bénéficie des progrès de l’archéologie et d’une nouvelle grille de lecture :

Daniel Roche utilise les inventaires après décès pour l’étude des vaisselles… Cette histoire permet l’élargissement social des perspectives : accéder à l’alimentation du peuple, comparaisons sociale : « permet de mettre en évidence les topographies sociales », voir quels sont les comportements, les modes de consommation d’un groupe à l’autre. Il faut voir les circulations et les échanges : élites -> peuple / civilisation américaine -> civilisation européenne. Histoire de la culture matérielle : « confrontation des coutumes et des novations selon des pratiques socialement différenciées ». Etudes se multiplient sur les groupes sociaux et les villes, espaces mais rarement limitées à l’alimentation.

=> Histoire le l’alimentation à la croisée des problématiques, des disciplines, des sources => phénomène complexe. Légitimité de cette histoire reconnue en 1996 : bibliographie annuelle de l'histoire de France apparaît l’entrée « gastronomie » dans l’index.

II.L’Histoire de la consommation : une histoire totale

Histoire de l’alimentation : point nodal où se regroupe plusieurs disciplines. C’est une histoire qui dépasse la simple étude des aliments.

  • Flandrin, Histoire de l’alimentation qui « occupe une position stratégique dans le sujet de vie et de valeur des diverses sociétés. Elle offre la possibilité à partir de ce lieu central, d’embrasser d’un coup d’œil toutes les variantes possibles »

A.Alimentation et économie.

  • Étude de produits : alimentation et économie sont liées par l’histoire des produits de même que sont liées l’alimentation et l’agriculture. Elles sont aussi liées par la diffusion des produits économiques qui varient dans l’espace et le temps. Elles sont aussi liées par étude du marché alimentaire : comment fonctionne-t-il ?
  • Pratiques alimentaires : problématique de l’autoconsommation (tout ce qui n’est pas acheté) c'est-à-dire l’auto production, le vol, le don alimentaire…

Élites dominent le marché et l’autoconsommation : position de supériorité : forts moyens financiers (chasse, pêche, métayage, droits seigneuriaux : céréales, volailles, sucre…), + pratique du don : lorsqu’on est invité, on porte du gibier, du rôti…

  • Mécanismes du marché :on étudie les mécanismes de l’offre et de la demande. Chez les élites : nouveaux goûts pour de nouvelles formes de consommation (thé, boisson à la mode  développement du commerce, stimulation de l’économie, développement des plantations…)

Exemple : En Angleterre, relecture sociale et culturelle de l’histoire économique de l’Ancien Régime.

NB : Économie de l’alimentation ne peut peut-être réduite aux circuits commerciaux.

B.Alimentation, culture et société.

Tendance forte de l’historiographie française.

1.Livres de cuisine et évolution de la gastronomie

Gastronomie : apparition dans la langue française début XIX°, art de bien manger, consommation distinguée.

  • Etude matérielle des livres : réflexion dans le champ de l’histoire culturelle et intellectuelle (forme des livres et des contenus : usage plus ou moins quotidiens.
  • Etude du contenu : Le cuisinier royal et bourgeois de Massalot (1705, 1691 pour la 1° édition) : un livre destiné aux professionnels -on note recul des épices mais développement des aromates indigènes (oignons, ciboulette…) ; essor des viandes de boucherie entre le XVII° et le XVIII°. XVIII° : certaines parlent même de « nouvelle cuisine » (1750-1760). Pas de mesures de temps ni de quantités car livres adressés à des professionnels : des cuisiniers des gens du métier.

Grâce à ces études, des synthèses sont possibles. On peut savoir quels sont les produits en expansion, en diminution dans la consommation ainsi que les différents types de cuisson.

2.Histoire de l’acculturation.

Ex : Etude du Livre de Platine : De honesta voluptate et valitudine (XV°), traduit du latin à l’italien. Abandon du langage technique et digression savante : on en fait un livre pratique à usage quotidien. 1505 : traduit en français : c’est encore une adaptation (influence de la culture alimentaire française : évocation des fromages français…)

3.Histoire des représentations :

Évoque les récits de voyages, la façon dont sont perçues les choses = étude des stéréotypes. Exemple : les Français voyageant en Europe de l’Est dénoncent la consommation excessive de sel : décalages révélateurs des consommations.

C.Alimentation et religion :

Voie d’accès pour comprendre les pratiques religieuses : respect ou non du Carême (interdiction de manger de la viande opposée à la période du charnage).

Cf. Article de R. ABAD : sur le marché de la viande à Paris au Carême au XVIII°, jusqu’en 1760-1770. L'interdiction de vendre de la viande est respectée puis nombreuses dispenses et fraudes se multiplient (déchristianisation). Des micro-analyses permettent cette étude.

D.Histoire sociale des consommations alimentaires.

On trouve ici différentes problématiques.

Distinctions sociales : cas des élites européennes du XVIII ; notion de « bon goût » apparaît (raffinement, choix qualificatif) pour se distinguer du peuple, des époques antérieures et au sein même du groupe des élites :

  • spécialisation des objets de la table (couverts…)
  • évolution des matières de la vaisselle (étain au XVII°, faïence et porcelaine fin XVIII° ; développement du verre à boire et des bouteilles.)

ex : Le déjeuner des huîtres 1735 de Tray (Musée Condé), commandé pour la cour de L XV (on note les bouchons en liège aux bouteilles de vin / présence de « rafraîchissoirs » : consommation de vin frais…) Qualité de la table qu’on retrouve dans les menus : dominations des viandes (volailles surtout, sauces se distinguent des plats ; dinde : origine américaine devenue symbole de la gastronomie française).

E.Alimentation et politique.

Repas vécus comme étant des cérémonies politiques.

=> Banquets des corps de villes (instances politiques) : repas de cérémonie (célébration nationale, ouverture du Parlement ; fêtes religieuses ; réceptions…). Hiérarchisation des convives : intendant, seul à une table ; entouré des échevins sur une autre table. Plats servis pas forcément identiques (not. pièces d’apparat : truffes) : mise en scène des pouvoirs.

Les cadeaux alimentaires contribuent à l’entretien des réseaux politiques : vins de Bordeaux offerts aux grands commis : moyen d’obtenir des faveurs politiques. Éclaire les enjeux des clientèles politiques.

L'histoire de l’alimentation conduit à s’interroger sur les dynamiques politiques et les mécanismes économiques.


III.Les chantiers de l’histoire de l’alimentation à l’époque moderne.

Beaucoup de champs de recherche restent dans l'ombre, comme les campagnes et les petits commerces.

A.Les consommations alimentaires urbaines.

Les consommations urbaines sont les plus faciles à connaître. La ville est un lieu d’innovation, de changements qui rayonne vers l’extérieur. Elle a un rôle moteur.

Le thème de l’approvisionnement des villes concerne l’étude des aires d’approvisionnement, l’étude des réseaux/circuits et des acteurs de l’approvisionnement.

1.L’approvisionnement des villes.

Au début, seules les céréales sont étudiées puis on prend en compte l’ensemble des produits.

  • 2 villes ont beaucoup été étudiées : Paris et Londres car elles concentrent une dynamique vis-à-vis du marché national et international.
    • S. Kaplan sur l’approvisionnement en grains (plaine de France, blés de la Baltique en temps de crise, sinon marché national suffit).
    • R. ABAD : Etude d’autres produits : Paris et le marché national, XVIII° : dilatation de la zone d’alimentation de Paris: intérêt pour l’ensemble de l’approvisionnement (provenance, itinéraires, intermédiaires, quantité au cours des siècles, interventions publiques : Roi, municipalité de Paris => travail global sur les habitudes alimentaires.

Exemple de Paris: poisson (1 jour maigre tous les 3 jours), vient de la mer, ports de la Manche (transport sur la Seine ; « chasses marées » en voiture ; pêche dans la Seine : « poissons de conserve » séchés, salés, marinés (morues, sardines, harengs venant d’Europe du Nord, de Terre Neuve via les ports basques.) : consommation populaire car moins chers. Pour les élites tous les poissons sont disponibles (étangs de la Dombes) transportés vivants dans des tonneaux ; huîtres fraîches. Rythme des variations annuelles (augmentation avec le Carême : le marché s’adapte au besoin, diminution de Mai à Juillet).

Les « menues denrées » qui ne sont ni les viandes, ni les poissons, ni les céréales, c'est à dire le lait : augmentation de la consommation en ville au XVIII° à cause de l’augmentation de la consommation de café ; diversification de la provenance des fromages (brie) avec le développement des transports et l’amélioration de la fabrication (spécialisations régionales : couchage en herbes du Pays d’Auge ; fruitières dans les Jura…). Toutes les provinces fournissent leurs spécialités (huile d’olive de Provence, truffes du Périgord…) => Ce système économique est mes en place dans les campagnes car il y a une demande parisienne.

Exemple de Londres : 1700 : 575 000 habitants/ 1801 : 950 000 habitants.

C’est la plus grande ville du monde. Même mécanismes ; rôle unificateur, stimule l’agriculture, le commerce : marché spécialisé (Bedford : viande ; Farnham : céréales…) : zone d’hinterland (= arrière-pays) nationale. Dans la ville, marchés spécialisés : Convent garden : spécialisé dans les légumes ; Smithfield dans le bétail XVIII° : mise en place du 1° marché national unifié grâce à Londres.

2.Une analyse sociale.

Aujourd’hui les études portent sur leur analyse sociale ; sur leurs productions (qualité, contraintes…). Avant, l’étude se faisait via une approche anecdotique, à travers quelques grands personnages (genre cuisinier).

  • Les métiers de bouche : un paysage social de l’alimentation dans la ville :
  • Exemple de Bordeaux :
    • Produits façonnés : cabaretiers (vin) ;
    • pâtissiers (sucré, salé) ;
    • rôtisseurs ;
    • traiteurs ;
    • marchands ambulants (châtaignes, pâtés) ;
    • domesticité spécialisés (cuisiniers, maîtres d’hôtel…)

=> 1762 : 82 hôteliers, 65 pâtissiers 1780-1790 : 1 pâtissier-traiteur-rôtisseur pour 1500 habitants.

Bordeaux accueille bcp de voyageurs, de gens de passage. Il y a beaucoup de métiers de bouche. 1770-1785 : concentration dans le quartier Saint-Pierre, autour du Grand Théâtre, Place Dauphine (actuelle Place Gambetta) car c’est là où habitent les élites. Spécialisation des rues, quelques établissements dans le faubourg Saint Seurin.</br> Répartition en fonction des élites dans la ville (noblesse, parlementaires, négoce…). Nouveaux établissements : les CAFES (allées de Tourny nouvellement aménagées). Hiérarchisation : les hôtels (Hôtel d’Angleterre Cf. A.YOUNG) plus de prestige que les auberges des faubourgs.

3.Une analyse de la production :

Analyse des goûts urbains : aliments disponibles et savoir-faire. Apparition au XVIII° d’annonces publicitaires dans les journaux (Annonces, Affiches et Produits divers pour la ville de Bordeaux). Par exemple l'annonce de Catin dans le Journal de Guyenne.

Les corporations garantissent la qualité. 

35 % des plats sont des plats de viande dans les chefs-d’œuvre des futurs maîtres (veau en 1° ; pigeon en 2°). Les pâtissiers au début du XVIII° : tourtes, terrines de volailles, gibier : SALE ; seconde moitié : évolution et spécialisation dans le sucré.

Apparition de nouveaux lieux et de nouveaux métiers comme le café (1° à Paris en 1686, le Procope)= nouvelles formes de consommation, nouvelles sociabilités : clientèle variée. Lieux de rencontre pour les élites, philosophes…On consomme du café, des limonades, des liqueurs sucrées d’origine espagnole (rhum…). XVIII°, le café reste le lieu dédié aux élites, aménagements luxueux (miroirs, fauteuils, jeu –billards-). Bordeaux, café bourgeois ; Café des Menus Plaisirs (Allées de Tourny).

Diffusion ensuite du café dans les campagnes. Apparition des cafés populaires début XIX ème. Le café devient alors un produit de consommation courante. Apparition du restaurant vient du mot ‘bouillon’ pour restaurer ses forces (invention française 1760-1770 à Paris) puis ce sont des endroits où l’on propose des plats à la carte : liberté de choix. Essor surtout au XIX°.

=> Les métiers de bouche sont donc à l’origine de la diffusion des nouveautés, des innovations. Ils répondent à la demande des élites, s’adaptent à la clientèle. Ce sont des intermédiaires culturels : s’inspirent des élites pour innover mais ont une clientèle variée => nouvelles formes de consommation se diffusent dans le reste de la société.

B.Alimentation et innovations.

Alimentation est en perpétuelle mutation (pas forcément rapide, s’inscrit dans la durée). Les transformations se font sur 50 voire 100 ans.

  • Différents niveaux d’innovation :
    • de débouchés (économiques),
    • de diffusion (socioculturelles)
    • au niveau des goûts, des techniques.

1.De nouveaux goûts (XVI°-XIX°)

Quels sont les mécanismes de transformation ?

  • Avec la « nouvelle cuisine » du XVIII° siècle, on abandonne les derniers restes de l’alimentation médiévale (théories humorales, recul des épices, des sauces acides : verjus, mélange sucré-salé). Méron 1746 : La cuisinière bourgeoise synthétise cette cuisine :
    • principes de base : préservation des saveurs des aliments : cuissons plus courtes ;
    • augmentation de la consommation de beurre : développement de sauces plus onctueuses.Ce changement intervient d’abord au sommet de la hiérarchie sociale. Des élites nobles vers les notables vers les élites de campagnes.
    • diffusion des aromates indigènes ;
    • succès des légumes verts (petits pois à la Cour de LXIV et L XV) ;
    • essor des viandes de boucherie (bœuf au départ, viande du peuple).

La « Nouvelle cuisine » a connu un grand succès partout en Europe, France : rôle de précurseur.

2.De nouveaux produits.

(Perspective sociale plus large) la diffusion s’accélère.

  • Processus d’acculturation :
    • ex1 : la dinde dans les années 1750 diffusée à Toulouse, vient d’Amérique ; XVIII ème produit courant dans les campagnes françaises et anglaises. Elle remplace l’oie (niche d’alimentation) à partir du XVII° => oie devient produit de conso populaire. Dinde au XVIII° célèbre dans les livres de cuisine.
    • ex2 : le haricot : vient aussi d’Amérique ; arrive en Languedoc fin XVI°, c’est plutôt un aliment de conso populaire. Il s'inscrit dans le même registre que les poids et fèves.
    • ex3 : produit nouveau et révolutionnaire : le sucre (élargissement de la conso) au MA : consommé sous forme thérapeutique, fin XVIII°, élargissement aux élites et aux catégories populaires. Succès d’un nouveau goût => répercussions économiques => développement économie de plantation (Antilles) => essor du transport.
    • ex4 : boissons exotiques : café plus largement répandu fin XVIII° (originaire d’Arabie, implanté dans le Nouveau Monde, approvisionne le marché européen) : influence de la demande sur la production => hiérarchisation des cafés (élites se différencient socialement : le 1°, le moka, puis Saint Domingue et les Antilles). 

Thé : très limité : élites portuaires quand il y a des colonies anglaises. En Angleterre, boisson courante.

Chocolat : très limité en France, reste un médicament (vendu par les apothicaires). Succès en Espagne (boisson courante).

Les processus d’acculturation ne sont pas linéaires, comme le chocolat qui a un très grand succès chez les élites fin XVII°-début XVIII° jusqu’à la Régence (phase de surconsommation chez les élites). De la mi-XVIII° jusqu’en 1789, il y a au contraire une sous-consommation de ce produit. Au XIX°, remontée de la consommation grâce au développement industriel du chocolat qui fait baisser son prix.

  • Il existe aussi des produits qui n’ont jamais été adoptés sous l’Ancien Régime :
    • la tomate (origine américaine) connue en Europe dès le XVI° siècle, pas adoptée car produit à cultiver à part (pas de niche alimentaire). Ne se diffuse qu’au XIX°.
    • la pomme de terre : conso animale => résistance des hommes à les manger, risque de maladies car mangées crues et pas panifiables.
    • le piment connu dès le XVIème, mais ne sachant pas le cuisiner, son acceptation est beaucoup plus longue.

3.Les transformations techniques.

  • Spécialisation des pièces : 
    • cuisine de plus en plus une pièce à part, meilleur équipement, plus d’hygiène.
    • salle à manger à Paris : 14 % au XVIII°, elle se développe : pièce de réception chez les élites. Auparavant, pas de pièces spécialisées (salon…), grandes tables sur tréteaux pour transformer la pièce en salle de bal, ajuster en fonction du nombre de convives ; fauteuils, placards avec argenterie, vaisselier : mise ne évidence de la richesse par la vaisselle.
  • Modes de cuisson : 
    • Apparition du réchaud : on cuisine debout (progrès techniques et conforts), apparition du potager : « fourneaux » pour faire cuire les potages et les ragoûts : séparation des casseroles et du feu : cuisson plus douce => développement des sauces servies à part.
    • Les verres et la manière de boire : progrès dans la fabrication du verre, charbon => verre moins cher et plus résistant. Entraîne des transformations dans les manières de boire : les « verres à boire » entre 1700-1750 dans le Sud-Ouest: 13 % ; 1800-1850 : 68 % : innovation technique fondamentale. XVIII° : le service de la boisson évolue avec l’individualisation des verres et le développement des bouteilles (goulot étroit grâce au verre plus résistant). Avec cette évolution technique, le vin peut vieillir. Bouchon en liège et tire-bouchon venu d’Angleterre.
  • Révolution technique : révolution des goûts -> grands crus ; méthodes de dégustation : œnologie avec le développement des « tasses à vin ».

Il y a innovation s'il y a une demande pour cette innovation. Ici le poids des élites est déterminant et entraîne des révolutions techniques. C’est aussi le moyen d’affirmer son identité.

C.Alimentation et identité.

C'est un champ de recherche très fécond. Question de l’originalité par groupe, par région : pb de la comparaison. La notion sous-tend la conscience de cette identité, conscience de la représentation, de l’appartenance (=regard extérieur). L’identité est souvent plurielle : un même groupe, selon les circonstances, peut voir évoluer son identité.

1.L’identité sociale.

  • Les consommations et habitudes alimentaires d’un groupe :
    • Le clergé : prendre en compte les contraintes liées à son état (respect des jours maigres 3/ semaine ; temps du Carême, de l’Avent, et vœu de pauvreté pour certains ordres, vie en communauté => repas collectifs). Cpt, les contraintes affichées ne sont pas forcément appliquées dans la réalité : ex, les Feuillants de Bdx (ordre mendiant) : on a retrouvé dans leurs archives des factures de traiteurs pour des repas individuels ; on est donc très éloigné du vœu de pauvreté. Conso originale : part des laitages importante ; poisson, œufs = « gastronomie du maigre » : fruits secs très énergétiques (cf. : prières la nuit, travaux => besoins énergétiques importants) ; chocolat.
    • Diversité ville/ campagne.
  • Ex : noblesse : besoin de distinction sociale para rapport au peuple ; par rapport aux autres élites (négociants) : art de recevoir à table très prégnant : cf. : chiffres vaisselle et linges de table exceptionnels.
    • goût du gibier à plumes
    • luxe de la table : choix des matières : argenterie ; variété des mets ; consommation hors-saison (fruits en primeur)
    • à la pointe des modes alimentaires.

Mais encore une fois il y a une distinction ville/ campagne.

Le noble est un mangeur pluriel : ses consommations varient selon le moment (le repas de fête n’est pas le repas quotidien).

2.L’identité culturelle.

C'est l'ensemble des pratiques et des valeurs en rapport avec l'alimentation.

La culture nationale à distinguer de la culture régionale. Cf. : Massimo Montanari sur la cuisine italienne.

Existe-t-il une identité culinaire du SO au XVIII° ? C'est une synthèse originale entre enracinement et ouverture (nouvelles boissons) ; des savoir-faire spécifiques (saucissons, jambons, confits…)

L'Italie est connue pour les pâtes et la charcuterie, voir les ouvrages de A. Capatti et M. Montanari.

Le sud-ouest se fait connaître par des emblèmes (vin à Bordeaux ; chocolat et jambon à Bayonne)

En 1809 : la carte de France des régions en fonction de leurs spécialités propose en regard extérieur sur chacune des régions.


Conclusion

La consommation alimentaire est complexe et ne peut se résumer au seul acte de se nourrir. C’est un « fait social total » aux dimensions plurielles (économiques, sociales, culturelles…)

XVII°-XVIII° : des phénomènes prennent une ampleur nouvelle (Nouveau Monde, culture des apparences, fin des famines).

Il y a aussi une multiplication des échanges : programmes alimentaires, nouvelles modes. Nouveaux dynamismes : l'Ancien Régime n’est pas une économie fermée, elle est en mouvement, ouverte. La consommation est le terrain d’échange de cette économie.


Cours n°3. Consommation et apparences.[ 03 déc.]

Introduction

Cf. Daniel Roche, La culture des apparences, 1989.

Dimensions sociale des apparences/objets essentielle pour comprendre l’économie de l’A.R.

L’économie de l’AR n’est pas qu’un jeu d’offre et de demande. La notion d’apparence et la consommation dans une perspective sociale est aussi très importante.

Evolution de la culture des apparences entre XVI et XVIII ème

Deux exemples : l’habitat et le vêtement.


I.L’habitat : de la fonctionnalité au prestige social.

Habitat : sujet étudié via les élites sous l’aspect architectural.
La fonctionnalité est mise de côté jusque dans les années 70’-80’.
L’habitat est le lieu de vie, de loisir : rôle de l'archéologie dans son étude.


A.La répartition dans l’espace de l’habitat.

Dans la ville, des formes variées. Évolution au fil du temps.
Selon sources fiscales, il n’y a pas de ségrégation urbaine horizontale : pas de quartiers réservés aux élites

La logique résidentielle n’est pas une logique sociale.

  • On constate une distinction sociale dans la verticalité : à l’intérieur de l’habitat, le rang social est différent selon les étages :
    • Artisans au rez de chaussée,
    • élites commerçantes aux 1er et 2ème,
    • domestiques au 3ème et 4ème.

La consommation de l’espace varie selon la taille des villes et leur proximité par rapport aux lieux d’échanges. Est-ce un port ? Un carrefour ?

Ex : Aix et Marseille sont deux villes portuaires qui ont une consommation de l’espace très différente.

On constate également une variation de l’apparence urbaine selon les époques. Les édifices publics marquent cette apparence, comme les beffrois et les palais épiscopaux.

B.Hôtels particuliers et châteaux.

Consommation ostentatoire amène une économie spécialisée (ex. artisanat spécialisé.)

1.La maison du négociant, un habitat d’élite avec des spécificités.

Bordeaux :

Le quartier des négociants correspond à l’habitat des Chartrons. Présence d’un comptoir. Double fonction de l’habitat : professionnel et privé.</br> => Réussite sociale : habitat en pierre, portes cochères, armoires, frontons.
Parallèle avec l'habitat noble : on a là un habitat de l’apparence. Tout est visible.

Cadix :

Maisons des négociants sont partout dans la ville. Forte verticalité (Trois étages en moyenne)
Beaucoup de grilles sculptées avec tour mirador de style baroque.
Habitat est organisé autour d’un patio.
Des pièces spécialisées : escritorio // comptoir.

2.Les hôtels particuliers : de belles demeures urbaines

Entre le palais princier et la maison bourgeoise.
Souvent avec des portails qui portent les armoiries de la famille+ des escaliers majestueux, cour pavée et jardin.
XVIème-XVIIIème : modèle de l’hôtel particulier = entre cour et jardin.
Porte cochère- porche- cour- bâtiment principal à deux ailes-jardin- pièce d’accueil avec des portraits de famille.
Très grand soin porté à l’aspect extérieur.

3.Les châteaux : modèles du XVII-XVIIIème

C’est la maison de plaisance, comme les Folies vers Paris, les chartreuses vers Bordeaux. Idée d’incarner la noblesse du lignage. Superposition des styles, abondance du mobilier.

Les châteaux sont au cœur des circuits commerciaux. Sont un mélange entre enracinement local et ouverture.

Permet la diffusion des styles grâce aux domestiques notamment.

Idéal d’autoconsommation : des stocks alimentaires le prouvent.

Château peut être un lieu de production (céréales, vin) mais c’est aussi un lieu de sociabilité, un relai de l’influence des modes urbaines.


C. L’habitat populaire.

Est lié à de plus fortes contraintes financières et professionnelles.

1.La maison urbaine.

Dans la maison urbaine, il n’y a pas de spécialisation des pièces. Elles sont multi usage.

Ces maisons sont étroites et élevées (7 étages) Souvent, elles sont en bois (plus de souplesse du matériaux et pus facile à réparer)

A l’intérieur, on trouve les écuries, étables, élevage domestique.

L’habitat pèse sur le peuple. IL est très couteux. C’est une source d’endettement : la maison urbaine du peuple est donc une maison de locataires.

2.La maison rurale.

Elle est plus diversifiée. C’est un lieu de résidence et d’exploitation. Le bâtiment d’exploitation est souvent difficile à distinguer. C’est un lieu de transformation de la production.

Au cours de la période on constate une évolution de la toiture (de chaume à tuile).

La pièce ou il y a la cheminée est la pièce centrale.

  • Grande variation de ce modèle de régions à régions selon :
    • la structure de la famille.
    • matériaux utilisés
    • hiérarchie sociale

Cependant, pas d’évolution au cours de la période.

=> L’habitat est l’affirmation de l’identité, c’est un investissement important.


II.Vêtement et identité.

A.L’économie du vêtement.

Différents circuits économiques permettent de ce vêtir.C'est d’abord une confection familiale « domestic system » ensuite, manufacture (XVIIème : Lyon, Toulouse, …)

  • D’autres circuits :
    • Mi XVIII ème : ¼ des produits provient du vol de vêtement. Le marché de l’occasion est très développé et il en est de même pour les monts de piété.
    • Avec le vêtement, on assiste à une forme d’anti consommation. Jusqu’au XVII ème, il faut faire durer le vêtement. Le vêtement est un objet qui dure : d’un point de vue économique pas de développement des manufactures avant le XVIIIème.
    • XVIII ème : diversification de l’offre : Amélioration de la qualité.

Il existe des inspecteurs des manufactures : évaluation de la production de vêtement/
Face aux progrès techniques : liberté de choix.


B.Vêtements et distinctions.

1.En costumes féminins et masculins

Le dimorphisme est atténué dans les milieux populaires mais la garde robe féminine reste néanmoins la plus coûteuse.

  • Il y a cinq pièces principales pour la femme :
    • la jupe
    • le jupon
    • le manteau
    • le tablier
    • la cape
  • Pour l'homme :
    • chemise
    • culotte
    • veste
    • bas
  • Du côté des vêtements professionnels, les spécificités viennent tardivement. Dans l'Armée de Terre, les uniformes ne sont adoptés seulement depuis Louis XIV autour de 1750, avec des couleurs différentes suivant la fonction.

2.L'habit ecclésiastique :

L'habit ecclésiastique est un conservatoire des modes anciennes avec la soutane et la soutanelle. Il y a une volonté de se distinguer avec la perruque en Bretagne, parfois du maquillage. Les prêtres s'habillent en noir, les évêques en violet, les cardinaux en rouge.

Le clergé rural recherche la distinction mais aussi la praticité, lui qui est soumis à des contrainte, comme monter à cheval (doit porter des bottes...). Mais dans tous les cas il garde toujours quelques éléments de distinction comme un mouchoir en soie, le port de la perruque.

3.Les élites

Elles sont critiques du luxe comme le laissent à penser les lois somptuaires ainsi que leur adhésion à la morale chrétienne disant que l'habit est une contrefaçon du corps.

Néanmoins, les faits montre une certaine accumulation au sein des élites, comme par exemple pour la Duchesse de Fitz-James qui entre 1781 et 1783 possède 50 paires de chaussures.

Les élites recherchent elles aussi la distinction par les matières (soie, mousseline, progrès du coton sur la période), et recherchent aussi le plaisir des sens dans l'habillement.

4.Des variations régionales

  • Par exemple, au sein de la noblesse polonaise : au sommet, les magnats sont sous influence française, surtout pour ce qui est des femmes. La mode est aussi un signe de distinction par l'ouverture. En même temps, il y a une influence de l'habit traditionnel et de la culture saunate, ce qui mène à une culture figée et une expérimentation des styles orientaux avec des chapeaux en fourrure, des sabres en or ou en argent. Les élites polonaises se font représenter sur les tableaux dans cette tenue plus que dans une tenue étrangère au milieu du XVIIIème.
  • Les vêtements régionaux s'inscrivent dans des contextes et des moments : ils sont le fruit de la modernité, puisqu'il a fallu l'élargissement des textiles et des couleurs (dès la mi-XVIIIème avec la progression du coton). Il a aussi fallu recourir à de vastes circuits d'approvisionnement. Ainsi, les vêtements régionaux n'apparaissent réellement qu'au XIXème siècle.

=> L'habillement est une nécessité afin de pallier au froid et à la nudité, mais aussi afin d'afficher son rang et son statut dans la société. Le XVIIIème apporte plus de liberté dans l'habillement grâce aux modes et aux nouvelles matières/couleurs : le jeu des apparences est alors aussi guidé par le goût.


III.Des apparences en mouvement.

A.Confort et hygiène.

Le mot « confort » signifie à ‘origine l’aide, la consolation. Au XVIII ème, le terme évolue. Il s’assimile à la notion de bien-être matériel.

Il est facilité par des progrès : la cheminée est de plus en plus fiable, on chauffe mieux.

Progrès aussi dans l’éclairage : développement des lampes et des miroirs.

Séparation de l’espace privé et de l’espace public.

Progrès également du système hydraulique.

Confort et hygiène passent par le soin du corps.

Au XVIIIème, l'eau est à nouveau valorisée.Les cabinets de bain se multiplient. On construit des bains publics.


B.Les modes.

Nouvelle donne : renouvellement des objets. Élargissement du paraître : goût du détail.

  • Définition du terme « mode » par Furetière en 1690 : «  se dit de tout ce qui change selon les temps et les lieux ».
  • Il y a une tendance masculine de la mode. Jeu de mode : une menace de l’ordre social chez Sébastien Mercier. Dans l’économie du luxe, les prescripteurs ont un rôle fondamental.
  • Les cosmétiques : transformations radicales.
    • Dès la Renaissance, idée de blanchiment de la peau qui s’oppose au travail de la terre qui correspond au bas de la société
    • Traitement au mercure, au citron, au plomb.
    • 1660 : renversement des techniques et utilisation de choses végétales : développement du rouge donc des fards ainsi que des pommades pour cheveux.

C.Le goût des loisirs.

  • Naissance du shopping au XVIII ème en Angleterre.
  • Consommation des villes d’eau (Bath)
  • Goût du jeu : dame, billard, tric-trac.


Conclusion.

Du XVI au XVIIIème : temps de la prégnance de la culture des apparences. Celles–ci évoluent au fil du temps.

La liberté individuelle devient essentielle. Phénomène de mode : développe la société de consommation. Paraître a alors une signification sociale.

L’époque voit une plus grande diversité de choix, de consommation, de production car évolution culturelle du rapport à l’objet qui est éphémère et s’inscrit dans le changement.

Accélération du phénomène en deux siècles. Stimulation économique : essor d’une économie de l’échange. => Idée principale de ce cours : le renouvellement.


Cours n° 4. Consommation et échanges à l’époque moderne.[ 10 déc-...]

Introduction

La société moderne est une société en mouvements, mouvements qui prennent la forme d'échanges, de contacts avec l'extérieur.

  • Échanges ont lieux entre différents espaces :
    • Villes/ campagnes
    • Pays
    • Nouveau monde/ Europe
    • France/ reste de l’Europe…

Quel rôle pour les intermédiaires ? Quels sont les circuits empruntés ? Quels sont les mécanismes de ces échanges ?

La réflexion se fait autour des acteurs des échanges.


I.Mise en place d’une nouvelle société de consommation.

A. Amélioration du transport des marchandises.

1.Amélioration du transport routier.

Avant le XVI ème, les espaces sont cloisonnés et les horizons de consommation sont bloqués. Au début du XVIII ème, les transports routiers sont très lents.

Le réseau est faible en densité. Il n’y a pas d’échanges entre les provinces car le réseau est concentrique autour de Paris.

  • XVIIIème (1730) : amélioration du transport (cf. Trudaine)
  • 1756 : création de l’école des Ponts et Chaussées.
  • 1700 : 0,86% du budget de l’Etat est consacré aux transports, en 1789 c’est 4,16%.
  • 50 000 kms de grands chemins entretenus en 1789.

=> En un siècle, le temps de trajet est divisé par deux en moyenne.

  • XVIII ème : mise en place du système des postes et messageries. Les postes de chevaux sont pour les lettres : le courrier rapide. Les messageries sont pour les petits colis.
  • 1776 : création de la ferme générale des postes. Des relais de postes avec des maîtres qui assurent la stabilité du système est mis en place ainsi qu’un réseau européen.

Ainsi, certains produits de luxe circulent rapidement. C’est le cas des bouteilles de vin de Champagne.
NB : Dans la même région, le vin rouge ordinaire est expédié par voie fluviale.

2.Le développement du trafic maritime.

Il reste primordial. L’essor des échanges favorise le développement des viles portuaires (Bordeaux, Rouen, Liverpool). Les bateaux sont plus rapides avec un meilleur tonnage.

Les villes portuaires sont un relais dans la consommation. Ce sont des interfaces. D’un côté, il y a connexion avec l’arrière pays (hinterland) avec le blé et de l’autre, l’avant port qui communique avec les Antilles et toutes les autres villes portuaires.

  • Le développement des voies fluviales permet le transport de tous les produits :
    • 1715-1789 : En France, le trafic commercial maritime est multiplié par 5
    • Bordeaux : c’est un port important car l’arrière pays est bien relayé par les voies d’eau (ville d’estuaire comme Nantes et Rouen) ?

=> XVIIIème : lubrification des échanges.

B.Villes et campagnes : des consommations imbriquées.

1.Les campagnes au service des consommations urbaines.

Les campagnes fournissent des produits, de l’argent et de la main d’œuvre. Le prélèvement des villes est un prélèvement en argent puisque les terres sont en location.

[Cf. document sur l’approvisionnement de Paris]

2.La diffusion des modes urbaines dans les campagnes.

Le réseau de foires et marchés joue le rôle de relais entre la ville et la campagne.

  • Pendant le XVIII ème siècle, il y a des foires et des marchés dans 9000 agglomérations.
  • A la veille de la révolution, on compte 16 000 jours de foires/an et 160 000 jours de marchés.Le maillage est très serré.

Ex. en Angleterre, les market towns.

Les foires sont moins fréquentes mais rassemblent un plus large choix de produits. Une redistribution s’opère et il y a une complémentarité entre les villes et les campagnes.

Différents indices montrent la diffusion des modes à la campagne.

a) Pénétration des produits exotiques dans les campagnes

Les landais consomment ainsi du beurre salé, des sardines séchées…

1730 : 7,5% de la population des campagnes consomme du café ; en 1789 c’est 38%.

b) Les modes vestimentaires.

Diversification de l’habillement dans les campagnes. Pénétration de la consommation de l’apparence.

Augmentation du budget dédié aux vêtements. La presse jour un rôle important dans la diffusion de ces nouvelles modes/ 20 titres spécialisés entre 1710 et 1790 : nouvelle circulation des consommations. Il y a une influence certaine des consommations urbaine sur les consommations de la campagne.

Les consommations sont façonnées par les échanges. Les consommations sont plus diverses et se dégagent plus facilement de la nécessité. Le fait qu’il y ait plus d’échanges augmente la rapidité de transmissions de ceux-ci.


II.Echanges, intermédiaires et processus d’appropriation : un élargissement des consommations.

A.Adoption des produits du nouveau monde en Europe.

La rencontre entre les deux mondes est essentielle pour la transformation des consommation.

1.Succès des plantes américaines.

Le maïs sert d’abord à nourrir le bétail puis au XVII ème, dans les pays ibériques, il nourrit l’homme. En même temps, il arrive en Europe par les Balkans également.
Le maïs est un succès car se substitue bien au millet (proximité culturelle) et de plus, il n’est pas soumis à l’impôt de la dîme. De plus le maïs a un haut rendement de production.

Le haricot : proximité culturelle avec la fève.

La pomme de terre : succès plus lent et mitigé. En France, sert d’abord pour le bétail mais introduction par les pouvoirs publics en temps de crise alimentaire plus diffusion par les curés.

Processus de réinterprétation : le chocolat. En Europe, il est consommé avec du sucre car trop amer.

Le tabac : un succès en Europe. A la fin du XVII ème, les marins en consomment. Fin XVIIème, c‘est une mode. Le tabac est d’abord utilisé comme une drogue. La colonie de la baie de la Chesapeake est une grosse productrice.

2.Les échanges fonctionnent à double sens :

L'introduction des chevaux dans le nouveau monde permet le développement des transports.

Le sucre et le café ne sont pas originaires du nouveau monde. Ce sont les européens qui les introduisent en Amérique pour le développement du système des plantations et la circulation de produits.


B. Consommation et zones frontières.

1.France/Espagne.

Perméabilité des consommations.

  • Critère pour évaluer cette perméabilité :
    • Les produits : vins espagnols, sardines de galice, huile d’olive/
    • Goûts partagés : consommation limitée de fromage.
    • Savoir-faire : salaison dans le s-o/ Esp, idem.

Les modes de préparation sont partagés. La cuisine est plus relevée.

A Bayonne, proximité du vêtement espagnol/ Tendance forte de consommation d’agrumes et d’olives.

Consommation de cidre est partagée comme l’est la consommation de chocolat.

50% des intérieurs bourgeois possèdent du chocolat ou une chocolatière.

2.Les colonies françaises/les colonies anglophones.

Une infime minorité des colons pour beaucoup d’indiens.

Les échanges sont très intenses. Phénomène d’ensauvagement des canadiens qui font le commerce des fourrure notamment.

Indianisation des français (Vidal/Harvard) : adoption des pratiques des indiens. Utilisation des canaux, des raquettes.

=> Le choix de l’échange est le choix de la nécessité.

C- Le rayonnement français dans l’Europe des Lumières

Rayonnement = influence, échanges, contact, aculturation. Mais le terme est spécifique, il ne caractérise pas que les déplacements d'objets/personnes, ça peut être une image: pratiques de consommation, modes, etc.

Louis Réaud : L’Europe française au siècle des Lumières (1938)

D’après le titre de cet ouvrage, on se rend compte du mythe de l'impact de la France sur l’Europe au XVIIIème siècle. P. Beaurepaire a travaillé sur ce thème et il conclut que certes, il y a une forte influence de la France en termes de consommation mais ce n’est jamais un modèle repris à l’identique dans son ensemble, il n'y a pas une Europe française. Les élites sont globalement sensibles à ce qui se passe à Paris. Ils font preuve d’adaptation et non de copie, ils se réapproprient, réinterprètent le modèle français.

1) Le succès des modes françaises

- le vêtement : au XVIIIème, un réseau commercial de produits de luxe se constitue autour du vêtement (boutiques rue Saint Honoré à Paris) : des échantillons sont envoyés, des mannequins en bois habillés sont même envoyés en Italie, déplacements de représentants de commerce. Succès de la mode française chez les élites féminines polonaises.

Le pôle diffuse et attire. Un phénomène d’attraction est exercé par Paris : le Palais Royal, avec ses boutiques de vêtements, est fréquenté par les élites européennes (anglaises, hollandaises, germaniques, polonaises, etc.). Création d’une consommation de luxe.

- La cuisine de cour : dès le mi-XVIIème siècle, et encore plus au XVIIIème, le service à la Française est modèle en Europe, et cela va croissant On mange comme à Versailles: mêmes produits, mêmes modalités de service. Déplacement des monarques: exemple de Christian VII du Danemark qui mange sur le même modèle que la cour française (avant: modèle allemand, plus austère) après avoir séjourné en 1768 en France. Les Européens copient les Français sur les manières, et utilisent aussi des objets et ustensiles français (orfèvres français, etc.). Ils font aussi appel à des cuisiniers français. Arthur Young : « En Europe, tout homme qui peut s’offrir une grande table prend soit un cuisinier français, soit un qui a été formé à cette école ».

Exemple de Vincent de la Chapelle, auteur de traités culinaires au début du XVIIIème : il a été au service de Lord Chesterfield (Angleterre) ; du Prince d’Orange (Hollande) et de Stanislas Lewinsky (Lorraine).


2) Cette influence suscite des critiques et des réactions

En Angleterre, la haute noblesse (duc de Newcatle, etc.) adopte le service et la cuisine à la Française, alors que la gentry le rejette et prend le contrepied du modèle. La cuisine française a toujours une influence, elle fait que la cuisine anglaise se construit en réaction à la cuisine française, en élaborant un contre modèle. (La gentry : conception politique terrienne -/- noblesse qui a une conception politique plus ouverte). Rapport différent à la nourriture: les voyageurs anglais dénoncent souvent le luxe excessif de la cuisine française.

3) Quelle influence de la France en Europe Centrale (Autriche-Hongrie, Pologne et Lituanie) ?

Quels indicateurs utiliser pour mesurer l'influence de la France sur l'Europe central?

  • Le regard des Français sur les repas d’Europe Centrale : le décalage (qui génère un dérangement) est l’élément le plus souligné, avec une utilisation massive d’épices, notamment le safran, et une consommation excessive de boissons (vin, bière, vodka) en fin de repas.
  • Les produits français que l’on trouve dans cette zone : le champagne, les vins français sont prépondérants, au point qu’à Dantzig au XVIIIème, 80% des vins qui rentrent sont français.

On trouve, dans les bateaux qui quittent Bordeaux pour Dantzig : des vins, de l’eau de vie, des prunes de l’Agenais, des jambons, des amandes, parfois des huîtres (séchées dans des barils), et au XVIIIème du café (Bordeaux étant un relais entre l’Europe et Saint Domingue). La France apparaît ainsi soit comme un producteur qui fournit des produit, soit en termes de consommation, soit comme relai.

  • Les circulations des hommes : on retrouve des professionnels de la table: des cuisiniers français chez les magnats (grands nobles) polonais (ils sont un marqueur du prestige social), des traiteurs dans les villes, à Vienne notamment, des restaurants à la fin du XVIIIème siècle à Varsovie (sur le modèle français créé en 1760, ce qui indique une diffusion rapide de l’innovation). Il y a aussi des circulations d'éléments de la cour, d'élites, comme Marie de Gonzague, princesse française qui devient reine de Pologne en 1676 et amène avec elle ses courtisans.
  • La circulation des livres : des livres de cuisines sont traduits en polonais, avec toutefois des adaptations et des suppressions des recettes.

Beaucoup de transferts donc, limités à quelques privilégiés.

=> La France devient synonyme de luxe à cette époque, et de distinction sociale; elle sert de référence. => Le rayonnement de la France à l’étranger a un effet retour : entre le XVIIème et le XVIIIème siècle, il y a une multiplication des recettes dites « à la polonaise » ou « à la Varsovie » dans les livres de cuisine. => En 1740 dans les Dons de Comus, livre de cuisine, il y a une douzaine de recettes à la Polonaise, avec beaucoup de bœuf et de ris de veau, des sauces avec des œufs. La culture émettrice subit aussi une influence.

D – Le commerce du vin

Ce commerce apparaît surtout entre le XVIIème et le XVIIIème siècles, c'est un secteur très actif : c’est quelque chose de peu fragile qui se conserve. C’est donc adapté aux échanges lointains. C’est un des premiers grands secteurs qui a une grande sensibilité à la demande. Au XVIIIème siècle, multiplication des échanges de vin.

  • On exporte du vin de Bordeaux :
    • en Bretagne
    • en Angleterre / aux Pays-Bas
    • vers la Baltique (notamment la Pologne)
    • sur le marché des colonies (Antilles)

Élargissement des réseaux commerciaux, multiplication des volumes échangés, diversification des destinations.

  • Le champagne est diffusé dans toute l’Europe. Traditionnellement vers le Nord (Hollande), désormais en Italie, en Russie, en Angleterre, etc.
  • Le développement du vin de Madère (d'abord destiné à la péninsule ibérique) s’accélère au XVIIIème siècle : essor de son commerce avec les XIII Colonies d’Amérique du Nord. il y a transformation de la production. En effet, c’est un nouveau marché où il n’y a pas la même concurrence (sauf Porto) que sur le marché européen, de plus les colons ont un goût pour le vin fort qui se conserve bien. En outre, l’Angleterre ne produit pas de vin, il n’y a pas de production locale et la France ne peut pas y exporter en raison de ses conflits avec les Anglais.
  • Dans les Provinces Unies, 90% des vins importés sont français : le vin s’inscrit dans le circuit du commerce international.

Avant le XVIIIème siècle, le commerce du vin est le fait des négociants. Au XVIIIème siècle, du côté du consommateur, il y a une identification plus importante entre le produit (vin) et le producteur. Le contrôle de la qualité devient central. On lutte le frelatage (mélangé avec l'eau, d'autres vins, l'eau de vie, et même du plomb et de la résine). A l’époque moderne, la qualité du vin se mesure à sa couleur, non au goût. Chaque consommateur, selon les pays, a des attentes différentes.

En Hollande, au tournant XVIIème-XVIIIème siècle, il y a un recul du goût pour le vin blanc en faveur du vin rouge. Pour preuve, les producteurs du Béarn exportant en Hollande changent leur production.

Ce sont les acteurs du marché eux-mêmes qui contrôlent la qualité, c'est un auto-contrôle, il n'y a pas d'autorité objective. La confiance entre les acteurs est essentielle, elle est indispensable au bon fonctionnement du marché du vin fondé sur la qualité. On met en avant une relation personnelle, amicale entre les négociants.

=> Il y a un élargissement des horizons des consommations du XVIème au XVIIIème. Il y a l'impact de la découverte du Nouveau Monde, mais aussi les progrès économiques. Au XVIIIème, il y a une meilleure qualité, une plus grande diversité, de même qu’un rapport différent avec la nouveauté (capacité d'appropriation supérieure).

III – Les dynamiques sociales de la consommation

L’alimentation des élites entretient une distinction sociale très importante dans les mécanismes de consommation. C'est vrai aussi dans les domaines de l'habitat et du vêtement. On est dans une société d'ordres.

Les élites sont un modèle social, une référence, il y a donc une copie qui s'opère (les uns se distinguent, les autres imitent). Mais il ne faut pas s’enfermer dans le schéma diffusionniste de Norbert Elias (qui dit que tout se diffuse de haut en bas de la société), la réalité est plus complexe: il peut y avoir influence du bas vers le haut (pomme-de-terre), ce n'est pas une circulation par pôle unique (tabac en même temps chez les marins et chez les femmes de la Cour, bien que la qualité diffère).

A – Diffusion et imitation

1) Le vêtement

Il constitue un processus de mimétisme social classique. A la suite des élites, le peuple diversifie et modernise ses vêtements.

  • Au XVIIIème il y a une hausse de dépenses d’habillements qui se traduit par une réduction de la part de l’alimentation dans le budget.

=> Durant le siècle, la valeur de la garde robe des salariés parisiens augmente de 215%, et la part du vêtement dans le patrimoine passe de 5 à 7,5%.

  • Le linge a une place croissante au sein du peuple, ce qui est signe de modernité et d’hygiène.
  • Le dimorphisme sexuel est assez marqué. Le renouvellement des vêtements est plus fréquent chez les femmes. Le vol de vêtements (notamment d'élites) est surtout le fait des femmes, qui sont responsables de l’habillement de la famille et qui ont un goût pour l’habillement.
  • Les couleurs se transforment lors du siècle : recul des couleurs sombres, il y a une certaine diversification, un succès des rayures et des carreaux, multiplication des robes, et une individualisation des pratiques.

=> Le XVIIIème prend le contre-pied des lois somptuaires. Celles-ci s'arrêtent en 1760 en France. C'est la remise en cause d'un type de consommation d'Ancien Régime plus figé.

2) L’habitat

Habitat = consommation de l'espace. Il n’y a pas de ségrégation sociale dans la ville, au contraire, tout est propice aux échanges. Dans la maison, la répartition sociale est verticale, par étages: par exemple, artisan au rez-de-chaussée, bourgeois au premier, noble au deuxième, etc. Tout le monde se côtoie, même si les conditions sont différentes.

Des transformations ont lieu, le peuple copie : amélioration du chauffage et de l’éclairage dans la seconde moitié du XVIIIème avec des fenêtres plus grandes et une multiplication des ouvertures, ainsi qu'une diffusion du poêle (d’abord dans le peuple anglais). Cela aboutit à un recul des matières en fourrure, car il fait plus chaud dans les intérieurs.

3) Le marché de l’occasion

Le marché classique ne suffit pas à comprendre les consommations. Surtout les plus pauvres y recourent.

Par la nourriture, il y a la diffusion des goûts alimentaires des élites. A Paris existe le système du regrat : les marchands obtiennent les restes des repas auprès des domestiques de grandes maisons (l'opulence engendre beaucoup de pertes, les domestiques les consommant ou les revendant: chapons, etc:). Ces plats sont récupérés, réassemblés, réchauffés et vendus. C'est un traiteur du marché de l'occasion. C’est un système qui est très organisé qui fournit un revenu substantiel aux domestiques et permet au peuple d'accéder à ces nourritures. Louis-Sébastien Mercier évoque la table d'un évêque dont les restes sont revendus par les domestiques puis mis à disposition du peuple par des marchands ambulants. Il montre les excès des élites et le peu de qualité de cette nourriture, proposée un ou deux jours plus tard au peuple. C'est un commerce illicite des domestiques, à l'insu des élites.

Les friperies revendent quant à elles les vêtements (de mauvaise qualité) et les étoffes (usées) ayant appartenus aux élites. C'est une diffusion du haut vers le bas. On jette peu, il y a un recyclage permanent (pas en fin de chaîne), une notion d'anti-consommation. Tout est utilisé au maximum, les vêtements ont deux ou trois vies. La dernière étape sera la nourriture aux animaux.

4) Les lieux d’échanges : exemple du mont-de-piété d’Avignon

Madeleine Ferrières: Le Bien des pauvres. La consommation populaire en Avignon (1600-1800): elle étudie le mont-de-piété d'Avignon. Le mont-de-piété permet de saisir les objets en possession du peuple, de valeurs diverses. Elle étudie les registres d'engagement. Dans les 58 000 objets recensés à Avignon, on trouve majoritairement du linge de maison, de l’argenterie, de la vaisselle. Ca permet de saisir un "luxe de l'ordinaire", les gens gagent ceux qui ont pour eux le plus de valeur. Dans les 3/4 des cas, ce sont des femmes qui s'y rendent.

On voit aussi que le peuple a un besoin croissant de crédit (les banques n'existent pas), qui traduit un désir de consommer. La population touchée par le mont-de-piété est une population aux limites de la pauvreté, un entre-deux social difficile à analyser souvent.

On distingue un succès des robes en coton, blanches ou claires.

La diversité s’accroît au fil du siècle : il y a plus de bijoux, d’argenterie (cuillères et fourchettes surtout) qui constituent le luxe du pauvre. Ce qui appartient à l'univers des élites. Dès 1670, l’utilisation de la fourchette est bien diffusée dans le peuple. Il y a une modernisation des consommations populaires. De nouveaux objets: la batterie de cuisine passe de 29 à 38 pièces, la vaisselle de table augmente de 110%.

=> Le mont-de-piété, par son système de crédit, est une voie d’accès au superflu. De nouveaux besoins se créent pendant le siècle. Se diffuse un goûts des consommations, du renouvellement, y compris dans le peuple.

B – Des intermédiaires sociaux et culturels

1) Les populations migrantes

Le déplacement de population favorise l’échange. A Paris, il y a une population flottante d’environ 100 000 habitants, dont beaucoup d’artisans. Etudié par Daniel Roche, Jacques-Louis Ménétra, vitrier travaillant pour les élites, fréquente le peuple et sert d'intermédiaire social et culturel. L'installation de populations venues d'ailleurs est un facteur essentiel.

  • A Lyon au XVIème, les marchands italiens diffusent les olives, les macaronis, les vêtements…
  • A Bordeaux, il y a des colonies étrangères (allemandes, anglaises, hollandaises) qui influencent: la consommation de thé est très présente : anglomanie et présence anglaise forte dans la région. La production de bière de luxe est aussi importante pour les élites, notamment étrangères. A Bordeaux, la bière est une boisson distinctive, le vin une boisson populaire. A Lille, c'est l'inverse.
  • A Bayonne, les juifs portugais produisent et diffusent du chocolat.

2) Le clergé

Le clergé est l’intermédiaire entre les élites et le peuple. Leur niveau social est bas mais par leur fonction, les prêtres côtoient les élites. Le prêtre est l'un des rares personnages vivant sous le regard de l'ensemble de la population et ayant des contacts avec les élites par sa fonction, même si sa position sociale est modeste. C'est donc un intermédiaire.

Les prêtres polonais, dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle, ont des tellières et des verres à vin, ils sont sensibles à la modernité et ont une influence sur le reste de la société.

Le prêtre d’Agen en 1749, Paul Robert de St Amand, possède 2 ou 3 habits complets, une dizaine de chemises, de l’extrait de jasmin pour se parfumer, des perruques, qui le font se rapprocher d’un petit bourgeois parisien. Sa consommation est proche de celle des élites et en même temps il inspire le reste de la population.

3) Les domestiques

  • C’est un groupe social fondamental durant l’Ancien Régime. Ils constituent 5 à 7% de la population urbaine. Leur rôle est difficile à évaluer cependant, il y a peu de sources les concernant.
  • C’est un milieu populaire (origine et revenus) mais qui est en contact avec les élites. Daniel Roche dit qu’ils ont un rôle de « vulgarisation des micro-progrès ».
  • Ils possèdent des théières, des cafetières, dès le début du XVIIIème siècle, et reçoivent des dons de vêtements de leurs maîtres.
  • Dans la littérature du XVIIIème, il y a une dénonciation du luxe des domestiques qui s’habillent trop bien, c'est dénoncé comme une usurpation des rangs. Ils dépensent en effet deux fois plus en vêtements personnels qu’un salarié. On est dans une "culture des apparences".

=> Il y a diffusion des consommations par "capillarité sociale".

C – Le rôle de la presse

  • Il y a une multiplication des journaux d’annonces et articles publicitaires depuis Paris jusqu’en Province.
    • 1751 : journaux d’annonces, affiches et articles divers à Paris
    • 1757 : création à Nantes
    • 1758 : création à Bordeaux
    • 1759 : Toulouse.
  • Ces journaux mettent en avant des produits, des fabricants, on cherche à séduire le consommateur avec les mêmes arguments utilisés: la nouveauté, la mode, le juste prix, l’anglomanie, la variété des produits. La presse a donc un rôle incitateur, elle crée de nouveaux besoins, mais contribue aussi à diffuser des modes de consommation de Paris vers la province, ce qui contribue à la multiplication des échanges. Se développe à côté la presse spécialisée.
  • On retrouve dans le journal d’annonces de Metz des produits de la mer, ce qui est un luxe pour cette ville éloignée de la côte.


Conclusion

  • Au XVIIIème, il y a une accélération des transformations des consommations, une multiplication des échanges, une accélération des modes. Ca permet de compenser les limites de l'histoire économique sérielle. Si les courbes évoluent, c'est parce que les besoins de produits plus divers augmentent, c'est parce que les comportements changent.
  • Il faut prendre en compte la relation entre l’objet et l’individu, qui a un aspect culturel, économique et social.
  • Dans la notion d’échanges, le poids de la demande est très important. Cette prise en compte de la demande ne peut avoir lieu que si elle s'élargit au-delà des élites.


CONCLUSION GENERALE

A l’époque moderne, on a une histoire DES consommations, il n’y a pas de phénomène unique:

  • Les modèles sont différents en Angleterre, France, ce sont des sociétés dynamiques qui favorisent l’essor de la consommation.
  • Il faut retenir la diversité régionale et le rôle moteur des villes qui sont les foyers de modernisation et d'innovation des consommations(cf. Louis Sébastien Mercier). Les campagnes restent à l’écart même si une ouverture à de nouvelles modes et pratiques s’observe. Il y a aussi un décalage entre Paris et la province. La façade atlantique est plus dynamique, comme toutes les façades maritimes (Hollande), de même que les vallées fluviales qui leur servent souvent de relai.
  • Luxe, ostentation, distinction sont des éléments moteurs: opulence, diversité, abondance. Importance de la privation, de l’anticonsommation : on cherche à faire durer l’objet: recyclage, occasion, etc. Sauf peut-être l'Angleterre.
  • Les catégories intermédiaires (artisans, boutiquiers) sont difficiles à saisir. La principale transformation à l’époque moderne s’effectue dans ces catégories là: ces groupes participent au marché de consommations. C'est une nouveauté française et anglaise. Ils deviennent eux-mêmes des passerelles entre les élites et le peuple.
  • C'est une histoire en mouvement, un reflet des transformations structurelles comme le progrès agricole, le transport, le commerce maritime, l’essor des villes. L'histoire des consommations est donc totale, elle se confond avec le choix. Ces transformations permettent une multiplication du choix qui permet l’histoire des consommations : effet d’offre et surtout importance de la demande (évolution culturelle). L'objet n'est plus seulement possédé, il peut être renouvelé. Il y a de nouvelles attentes vis-à-vis de l'objet. Le choix est de plus en plus individuel.
  • Il y a des transformations certes, mais c’est un processus très lent au XIXème siècle permis des innovations techniques: le chemin de fer sous la monarchie de Juillet (rétrécissement des espaces d'approvisionnement), standardisation des produits (textile, etc.), la mise au point des processus de conservation et du froid (changement du rapport à la nourriture et à l'objet avec la division internationale du travail), et le développement de la population urbaine, qui est un pré-requis de la consommation de masse (opérée au XXème siècle). Au XXème siècle, on peut parler d’histoire de LA consommation, qui a des mécanismes très différents.