Agostino UE4 1er cours 19/01/07

De Univ-Bordeaux

Qu’est-ce que l’histoire contemporaine ?

[on s’appuie sur le texte de Benedetto CROCE]

I. Le champ de l’Histoire contemporaine

A. Chronologie de la contemporanéité

B. Croce est un philosophe idéaliste italien de la fin du XIX° siècle, début XX° siècle ; on lui doit la célèbre maxime « Il n’y a d’histoire que contemporaine. » Les spécialistes d’épistémologie de l’Histoire sont très attachés à cette sentence. Tout historien est forcément contemporain, il juge à l’aune de son vécu.

La notion de modernité : quelle division chronologique de l’Histoire ?

-Histoire Ancienne : de la fin 476 avec la prise de Rome par Odoacre. Beaucoup font finir cette période au VI° siècle.

-Les historiens de la Renaissance comme Machiavel ont parlé d’un âge moyen entre la chute de Rome et la chute de Constantinople en 1453 : point de départ de l’histoire Moderne. Une période de pré-capitalisme (Braudel) se substitue à l’économie du troc.

-Pour la France, l’histoire contemporaine naît avec la Révolution française (1789 à nos jours) mais la notion de contemporanéité est très discutée. Cum temporaneus : « celui qui vit en même temps » : c'est-à-dire l’histoire que l’on est train de vivre et ses conséquences.

Pourquoi débuter avec la Révolution française ? Certains y voient un parti pris idéologique vers les années 1850 quand l’Ecole historique française (Ecole de la Revue Historique fondée en 1876 par Gabriel Monod) a envisagé l’histoire contemporaine commençant avec la Révolution, celle-ci est le point de départ d’un monde nouveau. D’autres y voient la possibilité par les derniers contemporains de la période révolutionnaire, vers les années 1880, de raconter cette période (on applique le principe cum temporaneus : la Révolution fait partie de leur vécu). Ainsi, les observateurs d’épistémologie évoquent la contemporanéité vers 1876-1880 car elle se prolonge dans ces années-là.

Mais, cette conception est confrontée à quelques limites :

1) Actuellement, l’historiographie est double sur la Révolution française ; certains y voient une novation, d’autres y voient une continuité.

Ex : Tocqueville, L’Ancien Régime et la Révolution, la Révolution ne fait que prolonger l’Ancien Régime, elle et une étape supplémentaire dans l’accomplissement de l’œuvre de l’Ancien Régime. Tous les acteurs de la Révolution avaient vécu sous l’Ancien Régime. Par exemple, le régime de type sacral qui commençait à se réformer sous Louis XV, avec la réforme Maupeou ; l’édit de tolérance protestant ; Louis XVI, réformes de Turgot, de Necker…, est appliqué avec la Révolution.

La Révolution française est-elle donc un point de départ ou une simple étape ? Tout dépend de la durée que l’on accorde à l’étendue et au champ de l’analyse historique. La Révolution française doit être comprise dans l’évolution plus longue pour beaucoup de domaines sans tomber dans la « longue durée » (Braudel). Elle fut surtout une révolution politique et une révolution des valeurs mais fut-elle novatrice ? Oui, si on considère que la Révolution apporte des notions nouvelles : elle peut être le début d’une ère nouvelle, de l’ère contemporaine.

Ex : La DDHC : ce n’est pas une nouveauté en soi, beaucoup l’avaient pressenti comme le christianisme. La nouveauté est qu’on ajoute à ces droits, la notion de « citoyen » qui a des devoirs=> apport d’une nouveauté mondiale.

Aujourd’hui, l’historiographie actuelle voudrait aller jusqu’aux années 1850-1880. La date communément retenue est 1815 avec l’apparition du prolétariat et la Révolution Industrielle. La Révolution n’est pratiquement plus la base de l’histoire contemporaine, pas même l’Empire, si, comme dans ce cas là, on prend en considération la question sociale. Cf : Georges Dupreux qui étudie la Société française, passage excellent sur le XIX° siècle. Après la Révolution, il constate que la société est divisée entre les « victimes » et les « bénéficiaires », parmi eux ceux qui ont acquis les biens nationaux.

2) Jusqu’à quand peut-on parler d’histoire contemporaine ?

A partir d’une certaine date, on a dit que l’histoire contemporaine se confond avec le journalisme, la sociologie, la politologie : l’histoire très récente relève de ces trois approches. Les politologues estimaient que 50 avant notre époque, on peut étudier un événement en temps qu’histoire. Aujourd’hui, il y une méthodologie de l’histoire pour le temps très actuel appelée « l’histoire immédiate » puis « histoire du temps présent » avec l’IHTP qui aborde la question du XX° siècle encore en cours. La spécificité de l’histoire du temps présent est qu’elle se sert comme point d’appui de la presse.


Ce sont des limites fortes qui engagent des points de vue épistémologiques, politiques…

La notion de contemporanéité sous-tend les problèmes des autres pays que la France : les dates évoquées sont-elles universelles ou existe-t-il des dates propres à chaque pays ?

Ex : En Espagne, l’époque contemporaine débute en 1808.

    En Italie, les profs d’histoire contemporaine sont aussi profs de science politique.

B. Quelques points de vocabulaire

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  • « époque » : point fixe et déterminé dans le temps ; événement marquant servant de point de départ à une chronologie particulière ; elle peut-être une période définie par un événement important, un style, un homme important…

ex : « c’est à l’époque de Pompidou… » a-t-il pour autant caractérisé un style ? une ère ? ex : « époque romantique » avec une notion de chronologie ex : « style d’époque » sous-entend l’idée de noblesse ex : Belle-Epoque

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  • « période » : espace de temps important qui marque l’histoire (soit général ; soit marqué par tel ou tel point).

ex : « période romantique » : notion plus vague. « périodisation » : terme scientifique : comment diviser un sujet par périodes ? ex : quelle est la périodisation de l’ère gaullienne ?, mais on ne peut pas diviser une époque. C’est J. B DUROSELLE qui, le premier, a l’idée de réfléchir sur ces termes.

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  • « temps » : suite d’éléments qui donne une continuité à une société donnée.

Ex : temps contemporains : période ou époque Ex : la vie quotidienne au temps de… Ex : in illo tempore dans les Evangiles : magnification de ce temps.

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  • « siècle » : peut être caractérisé par tel ou tel personnage

ex : le « siècle de Périclès »

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  • « moment » : événement en histoire contemporaine

ex : le moment De Gaulle (1958) espace limité par rapport au fait qui le caractérise ex : Verdun : moment du Général Pétain.

C. Les champs de recherche

1. Quelle concrétisation de la recherche en contemporaine ?

Cf : les sujets des grands revues : XX° siècle, Revue Historique, Revue internationale.. évoquent les grandes tendances de la recherche. Surtout le Bulletin de l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie qui présente les programmes d’Agrég et du CAPES, montre de véritables sujets de recherche et une certaine inventivité des sources.

Ex de sujets : nations, nationalismes, nationalités XIX°-XX° siècles. On en profite pour mettre en valeur toutes les recherches faites sur ces notions.

Ex : religion et culture en Europe occidentale du XIX° siècle à 1914 : recherche très active dans le domaine de la prosopographie, papauté, art, culture…

Ex : sociétés, guerres et paix (1911-1946) ; bibliographie publiée dans Historiens et Géographes. A l’origine de cette question, Annette Beckel (Paris X Nanterre), mais le concept a été inventé par Mossé, la conclusion du premier conflit mondial prépare le second, cf. paix injuste. Selon Mossé, il faut parler de « brutalisation des sociétés » pendant le premier conflit mondial.

L’aspect international, européen n’a pas beaucoup été travaillé sauf les pays comme la France, L’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie pour l’histoire médiévale. L’Espagne a été étudiée avec la notion de nations, nationalités, nationalisme… mais pas avec la religion (cf : Inquisition).

Vision nouvelle, la recherche est rarement faite sur des pays étrangers et elle est rarement comparative.

Etude du texte de Benedetto CROCE : les historiens français n’aimaient pas l’historiographie, elle est longtemps négligée dans les travaux. A l’inverse, en Italie, on se place toujours dans l’historiographie. En France, l’historiographie appartient à une approche historique. Les courants historiques ne sont pas toujours définis. Un des premiers historiens français à s’y être intéressé est Camille Jullian qui avait publié les grands textes des grands historiens. L’historiographie doit être comprise comme des apports successifs de l’histoire à la vérité.

L’histoire contemporaine met en route l’historien qui va faire de l’historiographie, il rend contemporaine l’histoire qu’il écrit. Toute histoire est contemporaine dans la mesure où elle se fait dans l’action et toute histoire est action. L’histoire ne serait pas accomplie et se continuerait sans cesse.

L 21-24 : si l’histoire n’est pas narrative, elle n’est qu’une collection de documents (Ecole méthodiste, ce à quoi s’oppose l’Ecole des Annales. L’histoire est une vue de l’esprit, son discours est fondé sur les faits, à l’inverse de la philosophie. On ne peut appréhender que ce qui s’offre à nous mais que nous cherchons aussi. L’historien connaissant le résultat cherche les origines.

Quelles est donc la place de l’historien,de l’observateur ?

L 29-30 : Cicéron : « L’histoire est maîtresse de vie ». La France est très marquée dans sa politique par l’histoire.

2. Dans quel sens les recherches peuvent-elles s’orienter ?

La réflexion historiographique aux XIX° et XX° siècles connaît de grandes étapes. Pendant longtemps, l’histoire a été chronologique, fondée sur l’imagination, sur des sources officielles. Puis au XIX° siècle, à la suite de Michelet, de Quinet, de Renan, il y a un retour aux sources. Ensuite, phase de l’histoire positiviste ou objective fondée sur le document et surtout sur les documents objectifs sur lesquels, il était possible de travailler : comme les archives mais il y certaines limites, il s’agit de trouver les bonnes. L’histoire positiviste admettait l’archéologie à condition qu’elle soit critiquée, pour l’histoire ancienne, on a l’épigraphie.

Langlois et Seignobos : méthode d’étude du texte historique. Au début de XX° siècle, il y a un rapprochement entre les historiens et les autres sciences humaines. Michelet commence son Histoire de France par un tableau géographique (idem pour Labrousse). Durkheim et Simiand : la recherche historique se fait dans l’interdisciplinarité. Le mouvement s’épanouit avec l’Ecole des Annales (Febvre et Bloch) : l’histoire doit être plus vaste que les simples archives (témoignages oraux et légendes doivent être pris en compte) et aboutir aux comportements collectifs, à l’histoire des mentalités. Aujourd’hui, l’histoire des mentalités est très en vogue. Selon, Michelet, l’histoire est « la reconstruction intégrale du passé », y compris donc les aspects sociologiques.

Après les Annales, on a jeté l’anathème contre l’histoire événementielle ou l’ « histoire-bataille ». C’est le grand moment de l’histoire quantitative ou sérielle.

Aujourd’hui, on constate un retour à un kaléidoscope des recherches historiques : l’histoire économique est tout à la fois une histoire globale, un phénomène explicatif. L’histoire des mentalités est celle des comportements collectifs, elle regroupe plusieurs champs dont l’histoire sociale.

L’histoire culturelle étudie les réseaux culturels et l’histoire de la civilisation d’une société (Ory, Sirinelli développent la notion d’histoire des « générations »). On constate en outre, un renouveau de l’histoire politique qui avait été négligé (on s’appuyait sur les résultats d’élections), le genre biographique, longtemps décrié, est réhabilité par René Rémond (histoire des droites) ; Jean Marie Mayeur (thèse d’Etat sur l’abbé Lemire, prêtre démocrate, député du Nord).

L’histoire des relations internationales (la catégorie de l’histoire diplomatique se rattache à tout) : Renouvain, Duroselle, Vaisse : c’est un genre particulier qui appartient à la fois au politique, au culturel et aux mentalités.

Histoire religieuse.