Cours complet 09-10 UE1 Guillaume

De Univ-Bordeaux

UE1: Tronc Commun: cours de Sylvie GUILLAUME

Cours 1

Il s'agit pour ce cours de replacer la discipline historique au sein des sciences humaines et sociales. Pour cela la question se pose de savoir ce qu'est la démarche historique, son évolution, comment l'histoire doit utiliser les outils et les problématiques des sciences proches. L'histoire est une discipline que l'on peut qualifier de traditionnelle, faisant partie du bloc littérature sciences humaines et sociales (LSHS). La spécificité de la démarche historique s'inscrit dans deux aspects: la prise en compte de la temporalité et le soucis de travailler à partir des archives.

Le soucis de temporalité est peut être ce qu'il y a de plus important. Par rapport aux politologues ou aux sociologues, les historiens cherchent à travailler sur un plus long terme, allant jusqu'à aujourd'hui même. Cette approche par le long terme permet à l'historien de se distinguer du journaliste, dans le sens où il lui est possible de faire comprendre à la société civile qu'il peut y avoir une continuité dans l'Histoire (cet aspect est particulièrement prégnant dans les travaux historiques sur la violence, par exemple). L'histoire est aussi la science du relatif puisqu'elle montre le changement ou la continuité sur le long terme.

I)Histoire et démarche historique: minoration des changements.

On touche ici à la différence fondamentale entre historiens et journalistes, ces derniers ayant plutôt tendance à majorer les changements de par leur sensibilité au scoop, même si, évidemment, les historiens se servent aussi de ces écrits. Ceux-ci expliquent les évènements sur le long terme. Prenons par exemple le Rwanda, l'historien recherche à la fois les causes, les manifestations, les effets, les acteurs, et minimise ainsi les ruptures. Toute cette démarche doit beaucoup à l' École des Annales (gloire de la science historique française), qui plonge l'historien dans le long terme, en réaction à «l'histoire bataille» d' Ernest Lavisse, dans laquelle les faits s'échelonnent, bref une histoire très proches de la chronologie, aucune analyse, réflexion ou synthèse des évènements ne sont effectuées, une sorte d'histoire héroïque, dans laquelle on met l'accent sur les grands hommes. Par ailleurs, celle-ci joue beaucoup sur le sentiment nationaliste (à droite [Mauras], comme à gauche [républicaine]) et notamment sur l'évènement dateur qu'est la bataille de Valmy. A contrario, l' École des Annales pratique une histoire à trois dimensions:

  • le long terme
  • plus seulement les grands hommes, mais aussi les «gens de peu» (par exemple les Sans-Culottes pendant la Révolution, c'est le travail de Saboul. Le fait que l' École des Annales ait été influencée par le marxisme après la Deuxième Guerre Mondiale a beaucoup joué sur cet aspect.
  • La prise en compte des dimensions économiques et sociales de l'Histoire, avec par exemple l'entrée en jeu en histoire de la démographie.

Cette prise en compte du long terme modifie les démarches de travail et la vision des évènements historiques. Ernest Labrousse, travaillant sur la période révolutionnaire a modifié la perception traditionnelle de la Révolution causée par une société inégalitaire, basée sur les privilèges. Pour lui, cette seule explication ne suffit pas: à cette prise de conscience des inégalités s'est ajoutée une misère plus aigüe qu'auparavant à la suite de l'augmentation des prix du froment. Ainsi E.Labrousse a étudié la courbe des prix du froment avant, pendant et après la Révolution française et en a dégagé des conséquences sociales. L'histoire n'est pas une science neutre, certains ont cherché à minimiser les conclusions de Labrousse. Attention! On peut faire à peu près tout dire aux sources quantitatives, pourtant nécessaires au travail de l'historien. Il faut croiser les sources autant que possible. Le long terme a surgit d'une réflexion notamment économique et sociale. Fernand Braudel a mené une recherche très vaste sur le monde méditerranéen. Il distingue trois temps:

  • le temps court (auquel il ne s'intéresse pas d'ailleurs)
  • le moyen terme, souvent applicable à l'histoire économique
  • le temps long («immuable») qui est le temps du social au, point de départ qui peut s'articuler avec le politique et l'économique.

Pourquoi critique-t-il le temps court? Braudel est très influencé par le Structuralisme et conçoit, de ce fait, l'Histoire en termes structurels par opposition au conjoncturel (qui induit des temps courts). L'étude des structures économiques et sociales implique le temps long, d'aller en amont. Ainsi est minimisé le changement. Sa pensée influence grandement les historiens de l' EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales), au sein de laquelle on trouve le noyau dur des Annales. Emmanuel Leroy Ladurie a parlé d' «Histoire immobile»: «Malgré des changements, finalement les familles du XVIIIe siècle sont très proches de ce qu'elles étaient trois quarts de siècle auparavant. Les paramètres principaux, démographiques, économiques, ont oscillé entre temps, ils n'ont pas changé pour autant». Les historiens des Annales s'attachent à faire l'histoire des mentalités qui évoluent très lentement. Par exemple P. Aries a travaillé sur la mort et l'enfant, et dans cette étude, il est évident que le temps long prévaut. François Furet parle de «l'histoire des inerties». L' École des Annales a été très influente de l' Entre-deux-Guerres jusqu'aux années 1960 et même jusqu'aux années 1970. Ils influent même sur les autres écoles de par la contestation qu'elles vont mener contre eux (écoles marxiste ou libérale).

II)La sensibilisation de l'historien au changement.

L'influence de l'idéologie marxiste sur les intellectuels français a été très importante (cf M. Lazard, Le communisme, une passion française). Malgré le déclin du parti communiste, le communisme reste donc une «passion française». L' École marxiste est ainsi très vigoureuse dans les années 1950-1960. (des compagnons de route du PC connus: Sartre, Signoret, Montant). L' École marxiste privilégie le changement et mettent en exergue deux évènements dateurs, 1793 et 1917. Ils choisissent des évènements qui marquent un changement brutal. Ainsi, cette école, bien qu'influencée par les Annales, privilégie les ruptures. Dans cette sensibilisation au changement, l' École marxiste est très importante pour expliquer l'Histoire de France basée sur une culture de conflits, entre ceux qui possèdent et ceux qui sont exploités. Cette Histoire est mémoire. En France, on a l'impression qu'il est impossible de réformer sans révolution, ce qui s'oppose au pragmatisme anglo-saxon. Cet état d'esprit se retrouve dans les champs de recherches qui voient réapparaître le clivage droite/gauche (sur le centrisme les recherches sont très récentes), classe ouvrière/grand patronat, il n'existe pas, en France, d'entre-deux. Le renouvellement de la recherche historique est le fait d'une évolution due au renouvellement des champs historiques et chronologiques.

III)Une histoire plurielle.

Sirinelli a parlé d'une «reviviscence» de l'histoire politique. En effet, avec l' École des Annales, l'histoire politique était tombée en disgrâce. Elle renaît dans les années 1970 à partir de lieux spécifiques comme Paris X Nanterre dont le département d'histoire est dirigé par René Rémond. Ce renouvellement se fait sous l'égide de Serge Berstein et Jean-François Sirinelli (directeur de l' IEP de Paris). Cette renaissance se fait par une démarcation de l' École des Annales, qui regroupe surtout des modernistes (qui se sont beaucoup interrogés sur la Révolution française), l'histoire politique est ainsi reprise en main par les contemporanéistes. Cela-dit, ils reprennent quand même certains traits des Annales: le temps long est pris en compte tout en n'excluant pas les crises ou les révolutions (donc le changement), par exemple dans l'histoire des partis politiques, on est en fait dans un «temps à géométrie variable» selon l'expression de Sirinelli. L'approche tend à être globalisante: on part du cadre régional puis on élargit. L'inverse est également possible mais c'est là plus une démarche de politologue. L'histoire politique est articulée au social et même à l'économique. On diversifie les sources qui ne sont plus seulement les archives écrites, mais également orales au travers d'entretiens, emprunt à la sociologie, adapté à la démarche historique. Cela pose évidemment une problématique générationnelle, il faut aussi croiser les sources orales, on cherche en fait le chaînon. Le champ chronologique de l'histoire politique est élargit considérablement au fil des années.

[étude de documents:

  • Jean-Pierre Rioux, revue Vingtième Siècle, janvier 1984, n°1 «Déclaration de naissance»: trois questionnements: la légitimité de la revue du contemporain? Que veut dire la question du temps présent? Archives et liens avec les autres sciences sociales?
  • René Raymond, Pour une histoire politique, point seuil histoire, 1996.
  • Claude Lévi-Strauss, 1949, «Histoire et ethnologie», Revue de Métaphysique et de Morale, n°3-4, p 363-391. Repris dans Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1958, p 9-39.]

Cours 2

I) L'histoire et la science politique.

Les historiens s'appuient sur les faits. Le politologue, lui, catégorise les choses, fait des modélisations, à la différence du premier qui part du bas. Historiens et politistes ne s'entendent pas toujours même si les convergences entre eux sont nombreuses. La science politique est la science du pouvoir. Ceux qui ont fait avancer cette science sont les sociologues politiques comme Pierre Birnbaum, Max Weber, Lasswell, Robert Dahl. La définition du pouvoir est multiforme: il peut être à la fois l'influence, la puissance. Il est aussi générateur d'une certaine forme d'inégalité. En outre, le pouvoir peur être qualifié d'autorité ce qui induit la notion de légitimité. Celle-ci prend plusieurs formes:

  • traditionnelle, qui donc repose sur la tradition comme le régime féodal, dans lequel il y a des droits et des devoirs de part et d'autre.
  • Légale, rationnelle, qui est la forme que le pouvoir prend dans les États de droits, dans les démocraties, qui incluent un consentement par ceux qui sont gouvernés.
  • Charismatique, souvent lié à la coercition, mais peut se retrouver parfois au sein des démocraties.

Le tout repose sur la personnalisation du pouvoir. Stanley Hoffman (américain) parle même d' héroïsation. Le travail des politistes débouche sur une modélisation, une analyse systémique comme celle de D. Easton:

inputs:associations, syndicats ====> Président de la République, Parlement ====>outputs: réformes, lois


cette modélisation du pouvoir décrit la dynamique demandes-sorties. La démarche historienne d'étude du pouvoir est différente. Par exemple Serge Berstein dans La république sur le fil, a une démarche de description du pouvoir qui n'est pas dans la dynamique, comme ce que l'on vient de voir mais verticale.

  • IIIe République
  • IV e République
  • Ve République

Pour Berstein, la République repose sur un système de valeurs: méritocratie, laïcité, antiracisme, colonisation, patriotisme...des valeurs de la Troisième République portées notamment par les radicaux. Pour cet historien, on arrive à un modèle quand il y a consensus entre dirigeants et dirigés et parle d' «écosystème», un état d'équilibre entre les valeurs proposées par les politiques et les attentes de la société civile. Pour lui la Quatrième République est une réaction à Vichy et, en partie, à la Troisième République, notamment en ce qui concerne l'instabilité ministérielle. Elle est un phénomène de transition. Il n'y a pas écosystème. On a simplement un mélange de modernité (en ce sens qu'elle est sociale) et d'archaïsme (dans ses institutions, dans la résolution des problèmes politiques). La Cinquième République s'est construite sur le changement et la modernité. On assiste à un changement institutionnel puisqu'avant 1962 la république est parlementaire, après 1962 on est passé à l'élection du président de la république au suffrage universel. On voit également, une bipolarisation de la vie politique (la modernité se double d'efficacité, on voit l'adhésion des fonctionnaires à la Cinquième République, il n'y a plus d'instabilité). En 1968, une rupture se fait jour: «la France s'ennuie», selon la formule de Crozier. Les conclusions des politologues sont similaires mais la démarche utilisée n'est pas la même.

L'étude des élites:

Ce concept a suscité chez les politologues un système de modélisation qui suit la définition d'une élite comme un groupe cohérent dans son organisation, son recrutement, sa socialisation, le plus souvent à la tête d'un groupe social plus vaste et qui peut incarner une certaine autorité, avoir des fonctions de pouvoir, d'influence:

  • fonction politique: regroupe le personnel politique
  • fonction économique: chef d'entreprise, PDG, jusqu'au syndicaliste.
  • fonction normative: ce sont les administrateurs
  • fonction socio-culturelle: ce sont les intellectuels, les éducateurs etc.

Il peut y avoir un cumul de plusieurs ou de toutes les fonctions. Les historiens, comme les politologues sont confrontés aux problèmes des interrelations entre les quatre fonctions. Les politologues distinguent trois modèles:

  • modèle élitaire pluraliste (1)
  • modèle élitaire élitiste (2)
  • modèle élitaire marxiste (3)
  • (1)est le modèle décrit par Max Weber, Schumpeter, Dahl ou Raymond Aron. Cette thèse dit que les élites ont des stratégies autonomes pour défendre leurs territoires. Ce fonctionnement peut être conflictuel, ce qui explique la dynamique des élites qui peuvent ainsi se renouveler.
  • (2)Est un modèle beaucoup plus pessimiste, développé par deux Italiens, Pareto et Mosca. Ils mettent l'accent sur le blocage des élites qui lorsqu'elles se reproduisent puisent dans les mêmes origines sociales, une sorte d'auto-reproduction. Pareto et Mosca se contentent de cet état de fait.
  • (3)Ceux-ci raisonnent de la même façon que les précédents mais déplorent cet états de fait. Ils remplacent le terme élite par un système de classes. Selon eux c'est une situation qui doit changer (Grand Soir).

Dans la démarche historienne les modèles sont utilisés comme des outils. Par exemple, pour étudier les parlementaires de la Troisième République on formule une hypothèse: la démocratisation des élites parlementaires en Aquitaine? Pour y répondre on utilise des méthodes prosopographiques et peut-être ensuite on peut se servir des modèles proposés par les politologues. Un autre exemple se trouve dans l'étude des réseaux [cf document: la diaspora mendésiste].

Les partis politiques.

M. DUVERGER (un juriste), Les partis politiques,1951 D. SEILER, Partis et familles politiques, 1995 La méthode suivie est de dresser une typologie. Duverger a distingué les partis de masse, des partis de cadres. Les partis de masse reposent sur le militantisme, ont une mission de socialisation de la population et jouent beaucoup de la pédagogie. Le PC et les PS en sont les archétypes, nés à gauche à la fin du XIXe siècle (par exemple le SPD en Allemagne qui compte un million d'adhérents en 1914). Les partis de cadres sont moins organisés et se mobilisent seulement au moment des élections, ce sont des «partis de notables», en général de droite. Cette typologie pose un problème: où placer les partis fascistes? On a tendance à les classer dans les partis de masse mais l'historiographie allemande a fait du parti nazi un parti de masse interclassiste. Le grand reproche qui peut être fait à cette typologie est qu'elle n'est pas valable après la Deuxième Guerre Mondiale. La tendance a été que la plupart des partis devenaient les deux. L'exemple des Verts est parlant: un parti minoritaire avec une volonté d'éducation, donc piochant dans les caractéristiques des partis de masse et des partis de cadres.

La méthode historienne est différente de celle présentée précédemment: cf René Rémond, Les droites en France, 1954. Il dresse une typologie dans laquelle on retrouve la verticalité.


  • Droite légitimiste: Ultras (monarchie de droit divin); contre-révolutionnaires ; Restauration ; Extrême droite
  • Droite orléaniste: Monarchie constitutionnelle; orléanistes; Libéraux, recherche du compromis entre monarchie et libéralisme politique; IV e République: Antoine Pinay; UDF => Valérie Giscard d'Estain
  • Droite bonapartiste: Héritière de la Révolution française, césarienne, s'appuie sur un personnage charismatique; Suffrage universel et plébiscite (Napoléon III);Présidentialisme: Gaullisme, pratique du referendum.

Ce triptyque met l'accent sur la temporalité. Il part de l'évènement dateur qu'est la Révolution française. On peut y apporter des critiques, par exemple le Front National ne colle pas dans la case légitimiste, car ce parti ne rejette pas la république puisqu'il accepte le jeu des élections. Dans une réédition René Rémond y a intégré ces éléments. Un autre avantage qu'apporte la démarche historienne est que le long terme peut faire apparaître les continuités, les filiations. L'histoire des partis politiques s'est considérablement renouvelée parce qu'ont été pris en compte des éléments propres aux politologues et aux sociologues:

  • une prise en compte des acteurs (à travers la prosopographie), avec une analyse plus fonctionnelle
  • une prise en compte des catégories: la jeunesse par exemple, les femmes (gender history) [cf C. BART]
  • une prise en compte des mouvements associatifs, des groupes qui gravitent autour des partis politiques (clubs, associations...).
  • Une approche comparative: les partis politiques français par rapport aux partis politiques allemands, PS par rapport au SPD par exemple.
  • Une prise en compte de la culture politique, c'est à dire d'un ensemble de normes et de valeurs qui identifient une nation, une démocratie.

Cours 3.

II) Partis Politiques et Cultures Politiques

Dans le cadre de l’étude des partis politiques, on s’intéresse également au domaine électoral, aux acteurs et aux stratégies. Cela persiste mais a été complété par les cultures politiques : « ensemble de représentations porteuses de normes et de valeurs qui constituent l’identité des grandes familles politiques » (S.Berstein)    Les familles politiques sont différentes des partis politiques car les frontières peuvent être floues, c’est un domaine plus large et cela permet de comprendre les mouvements.    Les partis politiques ont des lignes qui bougent. Il y a des va et vient à gauche comme à droite. De nos jours à gauche, les socialistes sont attachés à l’économie de marché et à droite le gouvernement engage des réformes sociales. Il y a des partisans du communautarisme à gauche comme à droite. Par contre, certains points font consensus : Etat Providence, suffrage universel…    La droite et la gauche sont toujours présentes. On assiste à une sorte de bipolarisation. Attention, bipolarisation et bipartisme ne désignent pas les mêmes choses.    Il y a un brouillage des cartes qu’il n’y avait pas en 1789. Gauche et Droites sont issues de la révolution. Il y a eu un fort clivage avec le problème de la laïcité. Il n’y a pas eu de sociale démocratie avec un rapprochement entre les socialistes et les chrétiens en France. Ce n’est pas comme en Allemagne.    Etudier la sociologie électorale et faire des fiches biographiques sur les acteurs ce n’est pas toujours suffisant. Il faut également analyser les discours. Les français ont toujours eu pour objectif l’universalisme (différent des Etats-Unis 1776). Le clivage droite/gauche est qualifié « d’exception française ». Il est cependant difficile de parler « d’exception française ». En effet une exception est toujours exception par rapport à une autre. Les Français ne sont pas au dessus des autres. Et ce d’autant plus qu’arrive des Etats-Unis « la global history »/ « la world history ». C’est la mise en musique de l’Histoire mondialisée.    On est passé d’une étude des partis à celle de l’étude des familles, des cultures politiques, qui évoluent dans le temps.

  • Prenons l’exemple de la culture républicaine : En France elle est étroitement liée à la démocratie qui découle du droit de suffrage, à la séparation des pouvoirs, au multipartisme. (Rappel sur les modes de scrutins : majoritaire uninominal : avantage les grands partis car évite la dispersion des voix/scrutin à la proportionnelle : avec une liste, favorable aux petits partis).

Les valeurs républicaines sont les suivantes : la laïcité, l’école, la méritocratie (Antoine Prost, Mona Ozouf). Lors de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, il faut apporter une nuance, il manquait des femmes institutrices et on est donc allé chercher des religieuses… Cette culture républicaine a servi de socle à cette III° République, « écosystème » de Berstein.   C’est une culture dominante mais il y a des sous cultures qui ont émergées et d’autres persistent :

  •        La culture traditionnaliste: monarchistes et royalistes n’ont pas disparu
  •         Le radicalisme
  •         La culture marxiste, fin XIX°

  Il y a une évolution avec le temps en même temps que celle des familles politiques.  

  • La culture politique libérale : elle devient de plus en plus étrangère à la France. Elle fait peur aux français alors qu’au XIX° elle a connu un temps fort. Elle n’a cependant pas bonne presse en France puisqu’elle a toujours été confondue avec le libéralisme économique.

   Le libéralisme politique a donné lieu à toutes les réformes démocratiques depuis la Révolution Française. Il s’incarne dans le parlementarisme.  Libéralisme=progressisme. Le Parlement a l’essentiel des pouvoirs. Il a été très fort jusqu’en 1962 ; ceux qui se sont opposés à l’élection du Président de la République au suffrage universel étaient des libéraux, parlementaristes.    En général les libéraux se sont trouvés en opposition aux extrêmes. Ils sont les républicains opportunistes, des « Jules » (Ferry, Simon, Grévy). C’est un courant qui a compté dans la France de la III° république. Cependant il s’est vite confondu avec l’illébrisme. Dans la dénonciation du libéralisme, il y a de l’antiaméricanisme, de l’anti « anglo-saxon ». Les libéraux en France ont toujours eu du mal à se réclamer du libéralisme, mais en plus soft… A.Pinay, VGE.   Le libéralisme inclut cependant l’Etat Providence, ce qui est différent des Etats-Unis. En 1986, Jacques Chirac devient Premier ministre de François Mitterrand, c’est la première cohabitation. Le RPR de Chirac vient de remporter les élections législatives. En réaction à la gauche il a fait campagne sur le néo-libéralisme. (Dérèglementation) avant de revenir par opportunisme politique à « la fracture sociale ».    Les gaullistes (sauf en 1986) se sont démarqués du libéralisme. C’est une sorte de sujet tabou en France. Il y a aussi des libéraux à gauche, des gens qui se réclament de l’économie de marché : dénationalisation, « social libéralisme » : Strauss Kahn, Rocard, Blair, Schröder. Il y a une sorte d’inadéquation entre la culture libérale et la culture politique française.   Est-ce qu’il y a un discrédit du libéralisme comme exception française ?

  •        Il y a un discrédit : un libéral se veut au dessus du clivage gauche/droite or la politique française est scindée par ce clivage.
  •        Il y a de plus une forte tradition étatique française de Colbert à Sarkozy, quand ça va mal on se tourne vers l’Etat. Ce qui est contraire à l’esprit du libéralisme. Dans les rapports sociaux par exemple il est très difficile d’instaurer une contractualisation interne (entreprises/salariés/syndicats). L’Etat entre alors en jeu. (lois Auroux en 1982)

      En France, il y a un vieux fond catholique ou marxiste réticent vis-à-vis de l’argent. Alors que les libéraux sont pour la globalisation, la dérèglementation. On ne peut pas dire non plus que les libéraux sont conservateurs car sont à l’origine de grandes avancées => grandes réformes de la III° République : Ecole, travail. Sous la IV° également : S.Weil, Giscard. Souvent imprégnés de libéralisme économique. Les libéraux ont une culture polymorphe, difficile à identifier, moins combattus par socialistes que par marxistes.  

  • Le communisme, la culture marxiste :

  Marc Lazar, Nicolas Werth, Stéphane Courtois (Le livre noir du communisme). Marc Lazar démontre le déclin inéluctable du PC alors qu’il était le premier parti de France en 1945. En 1947, le Premier ministre socialiste Paul Ramadier renvoie les ministres communistes du gouvernement. Guy Mollet : « Les communistes ne sont pas à gauche, ils sont à l’Est ».

  •       1956 : déstalinisation
  •        1958 : début du déclin du PC (mode de scrutin)
  •        1972 : alliance PC/PS : programme commun

Depuis il s’en est suivi un déclin inéluctable. Cependant, à travers ses travaux, M.Lazar tend à montrer que malgré ce déclin, la culture communiste reste forte en France ; il y a les fêtes de « l’Huma », fêtes populaires. Cela dépasse même le seul cadre du PCF. C’est une culture qui imprègne tous les partis de gauche, même des hommes qui ne sont pas marxistes. D’autres socialistes ne veulent pas non plus rompre avec le marxisme.   Pourquoi le communisme est-il une passion française ? Marc Lazar distingue 5 passions :            

  •      Dans le fond,  il y a un attachement à l’URSS puis à la Russie pour son antiaméricanisme. La passion française du communisme est très présente chez les intellectuels français. (Urss représentant une utopie). Même si G.Marchais a pu déstaliniser, il y a toujours cet attachement fort.
  •      Le PCF a su se réapproprier le patrimoine national. Il y était très attaché : la RF de 1793, celle de Robespierre, La Résistance (parti des 75000 fusillés), la Commune de 1870  et le mur des fédérés. Il commémore toutes ces dates. Il est emprunt de nationalisme, il s’oppose comme de Gaulle à l’OTAN.
  •      Le PC a toujours été défenseur de la tradition étatique et a toujours favorisé le rôle omnipotent de l’Etat. Très antiparlementaire « tous pourris ».
  •      Il y a au sein du PC une forte passion du social qu’il a notamment incarné dans le mythe des 200 familles. Il place l’égalité avant les libertés. (égalitarisme appartient bien à la culture française).
  •      Le PCF a toujours promis un avenir radieux du socialisme. Il entretien un certain optimisme. Il est l’un des plus grands défenseurs du village gaulois face à la mondialisation.
  • Le socialisme :

  Pascal Lamy est directeur de l’OMC et Dominique Strauss Kahn est directeur du FMI, tous deux sont socialistes.   La France se distingue par un faible taux de syndicalisation, seulement 16%. Cela s’explique en partie car le syndicalisme plonge ses racines dans l’anarcho-syndicalisme. (En Allemagne ses racines sont plutôt religieuses). Le syndicalisme se réclame autonome par rapport aux partis politiques. (Autre différence avec l’Allemagne). Le pluralisme syndical est autonome et divisé. L’idéologie passe avant tout. La politisation des syndicats mène à leur éparpillement. En France il y a une diabolisation du corporatisme. De plus, les syndicats sont obligés de récupérer des mouvements spontanés qui ont commencé sans eux. Les syndicats agissent aussi en concurrence : l’un ne peut pas apparaître plus modéré que l’autre, caractéristique de la radicalité de la culture française.   On retrouve également le thème de la rupture. Lorsqu’un camp arrive au pouvoir il veut systématiquement détruire ce que l’autre a fait.  La gauche est tributaire de la RF, il y a une force des idées marxistes en France, et du PC. Il n’est pas possible pur la SFIO de se détacher de la Révolution.   Dans le texte, il y a également une référence au SPD allemand (1959) Bad Godesberg. Il y a une vague réformiste très forte du socialisme allemand. Il a été renforcé dans l’entre-deux-guerres jusqu’au traumatisme de la révolution spartakiste que les socialistes ont réprimé dans le sang. De fait, les communistes semblent préférer Hitler au moment des élections aux socialistes.   Le PCF ne connaît pas cette cassure et reste fort après 1945. Le PS est alors obligé de faire de la surenchère. C’est le parti de la classe moyenne, de la fonction publique même si dans le discours il reste le parti de la classe ouvrière (idem pour le PS italien). D’où la difficulté à s’en détacher. Il connaît un problème d’entre-deux, attiré par l’extrême gauche, et le centre. Parti social-démocrate européen est passé par cette réforme (Neue Mitte). La plateforme idéologique n’est pas évidente à atteindre, il y a une question d’espace politique primordiale dans l’histoire politique. De fait, le centrisme connaît des difficultés pour trouver un espace autonome. Le Remembrement est toujours difficile en France, on a l’exemple de la gauche plurielle. L’UMP réussi la ou la gauche a échoué.  

  • Conclusion :

              Les cultures politiques permettent de dégager des traditions qui s’enracinent dans le long terme qu’un historien travaillant même sur la période contemporaine ne peut négliger. Il y a une transmission de l’héritage politique. A droite, il vient à la fois du gaullisme et du libéralisme. (Il semble que l’UMP ait réussi à rassembler les deux). A gauche, il y a un fort courant marxiste revendiqué par le PC mais aussi par des formations plus extrêmes qui prennent dans le marxisme la notion de « lutte des classes » et qui revendiquent le terme de la rupture. Le deuxième héritage est du au réformisme social, démocrate qui connaît des difficultés pour se faire entendre car associé à l’idée de compromis. C’est la conjonction de gens préoccupés par le social, héritiers du socialisme à la Jaurès et de ceux préoccupés par le socialisme chrétien. L’héritage de l’extrême droite, idéologie respectable et légaliste, adhérent aux principes de la République mais il y a dans le même temps un héritage du populisme, ce qui lui permet une certaine adhésion de la classe ouvrière grâce à un nationalisme aigüe et au jeu avec « les peurs ».