Cours complet 09-10 UE2 Coste
Sommaire
- 1 COURS 1 : Le savoir et la science remis en question à la Renaissance
- 1.1 I)Les taxinomies traditionnelles
- 1.1.1 A)L’opposition entre l’Ars et la Scientia
- 1.1.2 B)l’opposition entre le savoir universel et spécialisé
- 1.1.3 C)l’opposition entre savoir public et savoir privé.
- 1.1.4 D)l’opposition entre savoir légitime et savoir interdit
- 1.1.5 E)l’opposition entre les arts libéraux (scientia) et les arts mécaniques (ars)
- 1.2 II)Un nouvel ordre des choses
- 1.1 I)Les taxinomies traditionnelles
- 2 COURS 2 : L’invention et le développement de l’imprimerie à l’époque moderne
- 3 COURS 3 : L’évolution de la science médicale à l’époque moderne
- 4 COURS 4 : Les évolutions de la botanique à l’époque moderne
- 5 COURS 5 : La grande révolution de l’astronomie
- 6 COURS 6 : Un nouveau visage du monde
COURS 1 : Le savoir et la science remis en question à la Renaissance
- P. BRIOIST, La Renaissance, 1470-1570, 2003.
Au Moyen Âge le savoir est classé (reflétant la mentalité médiévale) dans un esprit scholastique. La connaissance, héritée de l’Antiquité, est diffusée en grande partie par les universités. Le philosophe phare est Aristote, tout le système de classification est directement inspiré par sa réflexion. Au XVIe siècle, tout le système de classement est perturbé par la découverte de nouveaux textes antiques suite à la chute de Constantinople en 1453, avec la mise au jour de textes grecs qui n’étaient connus qu’en Orient. Par ailleurs, de grandes trouvailles marquent la période, consécutives à la découverte du Nouveau Monde (nouvelles civilisation, faune, flore). En outre, de plus en plus de savants et de techniciens s’aperçoivent que les mathématiques peuvent avoir des applications pratiques.
I)Les taxinomies traditionnelles
Le système du savoir reposait sur des oppositions et des hiérarchies : certains sont considérés comme plus nobles que d’autres.
A)L’opposition entre l’Ars et la Scientia
Il existe un savoir théorique, la scientia, qui l’emporte sur le savoir pratique, les ars. On a une suprématie du savoir intellectuel. Ainsi, ses détenteurs ont la prééminence : l’architecte est supérieur au maçon. La mécanique est mal considérée. Dans la noblesse on déroge si l’on pratique un métier « vil et mécanique ». Cette échelle de valeurs est toute droite venue d’Aristote. On la retrouve chez Platon. Pour beaucoup, ce sont deux mondes séparés, pour d’autres en revanche l’ars a besoin de la scientia, mais non l’inverse : « l’art sans la science est vide de sens ». D’autres enfin contestent la primauté de la scientia sur les ars, notamment les techniciens de la guerre.
B)l’opposition entre le savoir universel et spécialisé
L’idéal du savoir au Moyen Âge est le savoir universel. L’humaniste est l’homme qui sait tout. Il doit pouvoir traiter de n’importe quel domaine. Un personnage en est devenu le symbole : Pic de la Mirandole (1463-1494). Ange Policien (1454-1492) privilégie lui aussi le savoir universel. Cette idée perdure. Même au XVIIIe, les rédacteurs de l’Encyclopédie se défendent d’attaquer le savoir universel.
C)l’opposition entre savoir public et savoir privé.
C’est une opposition simple. Le savoir public est généralement le plus répandu car accessible à tout le monde. Il peut être mis entre les mains de n’importe qui étant donné qu’il ne représente aucun danger. Le savoir privé est par définition plus restreint. Il prend deux formes distinctes :
- le savoir d’Etat, ne peut être connu que par les hommes d’Etat. Les informations sont protégées.
- Le savoir scientifique, alchimique (secrets de la nature) ou technique (secret de fabrication).
Un paradoxe apparait clairement lorsque ces savoirs mystérieux se diffusent à la Renaissance. Auparavant, seuls des érudits connaissaient ce savoir qui a des implications politico-religieuses, donc une élite d’initiés : les gnostiques (textes sacrés), l’hermétisme (savoirs secrets révélés par Hermès, qui ne doivent pas être divulgués au commun des mortels). L’invention de l’imprimerie permet la parution d’ouvrages, l’idée étant que de toute façon seul un petit nombre peut les comprendre. Le plus célèbre ouvrage en la matière est le Corpus hermeticus, élaboré au IIe siècle dans les milieux gnostiques, traduit et commenté notamment par Marsile Ficin (1453-1499) en 1464. Beaucoup de médecine et de pharmacopée sont concernés par cette diffusion plus large.
D)l’opposition entre savoir légitime et savoir interdit
Certains savoirs sont autorisés tandis que d’autre, dont la connaissance peut être dangereuse, ne le sont pas. Pour certains auteurs de l’époque tout savoir peut être dangereux car la connaissance n’appartient qu’à Dieu. Pour Giovanni Dominici (1356-1419), la curiosité est diabolique, surtout en ce qui concerne l’astrologie et la magie.
- L’ASTROLOGIE est à la charnière, car astronomie et astrologie ne sont pas tout à a fait séparées, certains aspects sont ainsi considérés comme légitimes : ainsi de l’astrologie naturelle (les astres influencent la Terre, le climat…), au contraire de l’astrologie judiciaire (destin et caractère d’une personne déterminés en fonction des astres) qui est interdite, notamment par un traité espagnol de 1483, puis de façon égale par protestants et catholiques au XVIe siècle car seul Dieu doit disposer du destin du monde. C’est un savoir blasphématoire. Seules les autorités utilisaient ce savoir interdit.
- La MAGIE (noire particulièrement) est interdite car elle est supposée être le résultat d’une initiation faite par le démon : pratiquer la magie, c’est donc avoir apostasié (renié Dieu). En 1484, le pape Innocent VIII fulmine la bulle Summis desirantes affectibus recommandant de réprimer les légions du diable à l’œuvre. L’Inquisition recherchait les sorcières, les dominicains ont même publié un manuel à ce sujet en 1487 : Le marteau des sorcières de Sprenger et Institoris. L’accusation de magie noire n’est pas vraiment réfutable : même si on nie on reste suspect. Un test probatoire pratiqué couramment est de piquer le suspect avec une aiguille sur la marque que le démon est sensé lui avoir laissé à son initiation : s’il n’a pas mal il est coupable ! Même si l’épreuve est réussie on peut rester accusé de complicité.
E)l’opposition entre les arts libéraux (scientia) et les arts mécaniques (ars)
Les arts mécaniques sont subalternes car manuels, pratiqués par ceux qui ne peuvent faire autre chose. Les arts libéraux, au contraire, caractérisent l’homme libre. Cette mentalité élaborée dès l’Antiquité, a été christianisée par le MA d’où est ressortie la définition de sept arts libéraux divisés en deux parties. Cette taxinomie a servi de fondement à l’enseignement dans les collèges et les universités au MA.
- TRIVIUM contient les matières nécessaires à l’éloquence : grammaire, rhétorique, logique (construction de l’argumentation).
- QUADRIVIUM contient les arts des nombres : arithmétique, géométrie, astronomie, musique.
Ce système, très rigide, est secoué à partir du XIIe XIIIe siècles, qui voient des tentatives de nouvelles classifications, entreprises notamment par les philosophes arabes du pourtour méditerranéen : Al Farahi et Ibn Sina y ont ainsi apporté la physique et les sciences morales et politiques.
II)Un nouvel ordre des choses
A)une transformation des études universitaires
Les universités sont classées, structurées, avec au sommet la science suprême, la théologie et tout en bas les arts. On trouve quatre facultés dans ce système : théologie, droit, médecine, arts (formation préliminaire. Les trois autres sont celles qui donnent un métier). C’est un système très figé. On commente des textes anciens, il n’y a que peu ou pas de livres, pas de quoi écrire. L’apprentissage est ainsi basé sur l’écoute d’où un aspect répétitif des cours. A la Renaissance, s’il perdure, le système est critiqué. Certains professeurs ont la volonté de rehausser le prestige du quadrivium et de sortir du schéma binaire et réducteur existant. Dès la fin du XVe siècle, on le constate avec Politien et Pic de la Mirandole qui veulent qu’on enseigne de nouvelles matières : économie, histoire, politique. Politien a dans ce sens écrit le Ponepistemen. Certaines universités s’adaptent à ces innovations. Ainsi, à Rome en 1513 est ouverte une chaire de philosophie. En 1533 à Padoue une chaire de botanique. A Heideberg la géographie (dont est chargé Sébastien Münster). Beaucoup restent cependant figées, contournées par de nouvelles structures ne dispensant pas un savoir universitaire. Parfois, celles-ci sont créées à l’initiative des souverains : en Angleterre, Henri VIII crée « Trinity house » pour former à l’art de la navigation. François Ier en France encourage Guillaume Budet à enseigner de nouvelles matières (hébreux).
B)Une remise en cause des disciplines traditionnelles
Apparaissent ainsi à la Renaissance de nouvelles disciplines, descriptives (botanique, anatomie) ou relevant d’applications pratiques des mathématiques (mécanique, dynamique). Cet essor se fait au détriment des anciennes disciplines. La botanique reposait jusqu’à là sur le De natura rerum de Pline. On critique désormais Pline, ses traductions, certaines de ses remarques, tout en restant tributaire de sa méthode. Pour l’histoire naturelle, on utilise deux méthodes : l’observation directe et les témoignages (voyageurs, autorités). Il peut ainsi y avoir des ouvrages révolutionnaires vis-à-vis de Pline mais comportant des témoignages farfelus. On s’intéresse à la nature, aux animaux. Guillaume Rondelet s’est lancé dans l’observation des poissons dans la mer méditerranée : c’est lui qui différencie les mammifères des poissons. Dans la botanique, on constate que Pline n’est pas complet : il manque les plantes du Nouveau Monde. Utilisant les méthodes de Pline, les botanistes ont des difficultés à classer celles-ci. D’où la rupture de certains avec les méthodes de classification traditionnelle. Ainsi avec l’espagnol Monardes en 1565 dans un ouvrage en langue vulgaire où il parle de toutes les plantes nouvelles : cacao, rhubarbe (des Indes), tabac. Les polygraphes diffusent les savoirs. Un parisien Jacques Gohory le traduit et publie en 1572 Instructions sur l’herbe Petum ditte en France l’herbe de Rome.
C) Les mathématiques
C’est une discipline considérablement perturbée à la Renaissance. Pour Aristote, les mathématiques se rapportent au monde céleste, parfait et incorruptible, donc un savoir qui ne peut être que théorique. Peu à peu, à la Renaissance, on en tire un enseignement pratique, l’image de la discipline change. On se base sur les mathématiques pour la cartographie, la construction des machines (notamment pour la guerre), la balistique (avec le développement de l’artillerie) etc. Les mathématiques ne sont alors plus considérées comme une science inférieure. Il y a un grand débat au début de la Renaissance pour déterminer comment classer les sciences ayant un rapport aux mathématiques. Ange Politien et Georgio Valla utilisent comme base un mathématicien de l’Antiquité redécouvert, Germinus de Rome, qui les avait classé en deux groupes : les mathématiques pures (géométrie et arithmétique) et les mathématiques sensibles (optique, astrologie). Des débats majeurs secouent alors la communauté des savants. Léon Batista Alberti, mathématicien italien, considère que dès que l’on mesure quoi que ce soit on fait des mathématiques. Federico Commandino utilise, lui, le système de l’arborescence, très à la mode à la Renaissance. Pour lui, l’arbre a deux branches majeures :
- Arithmétique : science des quantités continues
- Géométrie : science des quantités discrètes
La géométrie est elle-même subdivisées en sous-branches : la géométrie abstraite, la géométrie sensible (géodésie) et la géométrie intellective (théorèmes).
CONCLUSION : Ainsi, la Renaissance est une période de foisonnement intellectuel et scientifique qui a pu déboucher sur nombre d’innovations, pérennes ou non. Chez beaucoup de savants, on trouve un désir de surpasser les héritages médiévaux, qui sont très critiqués voire contestés, alors même que les scientifiques restent dépendants de la pensée du Moyen Âge. Peut-on, pour autant, parler d’une science de la Renaissance ? Certes, il y a une vision nouvelle, mais les contemporains ne la perçoivent pas. Ce sont les historiens qui, a posteriori, ont reconstruit le processus de révolution scientifique de la Renaissance. Le commun des mortels reste soumis aux savoirs traditionnels.
Pour compléter :
- Pierre BHEAR, Les langues occultes de la Renaissance, 1996
- Laurent PINON, Livres de zoologie de la Renaissance, 1995
- Shinishiro HIGASHI, Pensée des mathématiques au XVIe siècle, thèse de l’université de Toulouse, 2006
COURS 2 : L’invention et le développement de l’imprimerie à l’époque moderne
- Jean de LA CAILLE, Histoire de l’imprimerie et de la librairie, 1629 (consultable sur le site de la BNF)
- Henri-Jean MARTIN, Histoire de l’édition française, 1989
- Revue : Revue française d’histoire du livre
Le XVIème siècle est marqué par la diffusion d’une innovation majeure datant du milieu du XVème siècle : l’IMPRIMERIE. Le développement du livre est la réponse technique au problème de la fin du Moyen Âge qui est la saturation du système du manuscrit. Celui-ci reposait sur le travail des copistes qui, face à une demande croissante, ne parvenaient plus à la satisfaire. Par ailleurs, l’imprimerie permet une diffusion du savoir, même si le monde moderne est marqué par l’analphabétisme.
I)Des innovations technologiques (ars artificialites scribendi)
A) La révolution technique de l’imprimerie
Pour le grand public, l’inventeur de l’imprimerie est Gutenberg (Johann GENFLEISH de son vrai nom), au milieu du XVème siècle. Ses concurrents, Janszoon COSTER et Procope VALDVOGEL, l’auraient inventée simultanément (ou avant) mais c’est Guttemberg qui est passé à la postérité. Toujours est-il qu’en 1454, celui-ci publie une Bible, la B42, tiré à environ deux-cents exemplaires. Cette invention repose sur l’association de trois outils réunis :
- Le PAPIER : c’est une invention chinoise parvenue en Occident au XIIème siècle. La production en grande quantité est possible car c’est un outil peu cher. Il servait auparavant de brouillon aux copistes avant l’écriture sur les parchemins (autrement plus coûteux). Le papier n’est alors pas obtenu à partir de bois mais de tissus, notamment des chiffons en lin et chanvre (importance dans ce processus des chiffonniers) produisant un papier bien plus solide que de nos jours. Ces tissus sont déchirés, découpés en lanières, mis dans une eau savonneuse et on laisse pourrir. La pâte obtenue est mise à chauffer que l’on verse sur une sorte de moule rectangulaire composé d’un cadre de bois et de fils de laiton. La cellulose va, par ce procédé, constituer une fine couche à la surface. On la laisse sécher puis on l’enduit d’une sorte de colle qui permettra à l’encre de rester sur le papier. La feuille ainsi obtenue n’est pas vraiment lisse, elle garde des traces : épaisses ce sont des pontuseaux, fines des vergeures. Petit à petit, les fabricants de papiers ont mis au point des techniques pour être reconnus en faisant apparaître un motif sur les feuilles grâce aux fils de laiton, c’est le filigrane qui l’on voit bien à la lumière (représentant un cœur, une fleur de lys ou un lion). Henri III en 1583 a règlementé le système en imposant la traçabilité des ouvrages par l’utilisation systématique des filigranes (très utile dans les enquêtes sur les ouvrages interdits, on peut ainsi remonter jusqu’à l’imprimeur).
- L’ENCRE : celle utilisée pour les parchemins est à base d’huile de lin et de fumée et n’est pas adaptée au papier. Une encre plus grasse est mise au point à partir d’un mélange de suie, de vitriole, d’essence de térébenthine et de gomme arabique.
- La PRESSE : elle n’est pas inventée par Guttemberg (le système existe depuis l’Antiquité). En fait, la grande innovation qu’il apporte est, qu’à partir de son expérience en tant qu’orfèvre, il réussit à fondre des lettres en métal et met au point un moule permettant d’obtenir des lettres de taille identique. En les mettant dans un système de presse, avec une pression équivalente partout, on obtient une écriture régulière. On imprime feuille par feuille et nettement plus rapidement que la production des copistes. Ainsi, la multiplication des exemplaires est beaucoup plus aisée. La technique connait un grand succès, la limite étant que les lettres s’usent très rapidement.
B)l’impression du livre
Dans un atelier d’imprimerie, la COMPOSITION des textes se fait avec des caractères que les ouvriers, devant de grands casiers de bois avec des compartiments appelés casses, disposent dans chacun d’eux. Ces casiers ont deux parties, une haute, le HAUT DE CASSE avec les lettres les moins employées ; une basse, le BAS DE CASSE, avec les lettres les plus employées [anecdote : le @ proviendrait du a rond bas de casse]. L’ouvrier place les lettres dans une ligne et compose ainsi une page qui sera imprimée à plusieurs reprises. Très vite, on voit un problème technique apparaître à savoir la non-coïncidence entre la taille des feuilles fournies par les fabricants et la taille des livres. Ils fournissent de grandes feuilles mais les éditeurs impriment des livres de taille moins grande. Pour y remédier on plie les feuilles. Plusieurs pages sont ainsi imprimées sur la même feuille. L’ouvrier doit alors faire attention à la composition : la page 1 est à côté de la page 4. C’est pour cela qu’il arrive de trouver des livres avec des pages à l’envers. Le nombre de ces pliages a donné son nom aux formats des premiers livres :
- dans les grands livres (de droit, de théologie), les feuilles sont pliées en deux (formant quatre pages), on les dit in folio.
- Les livres où les feuilles sont pliées deux fois (donc en quatre, huit pages) sont des in quarto, etc.
Il existe tout un système de repères pour ne pas se tromper basé sur des marques et des symboles. En ce qui concerne les LETTRES, les imprimeurs s’adaptent aux usages locaux. On imite l’écriture du lieu où l’on imprime (elle peut différer de façon importante selon les endroits). Guttemberg utilisait la textualis cursiva, une lettre de somme (gothique), qui est celle des textes religieux. Il en existe une grande diversité : à l’antique, les capitales (dites de Trajan), la lettre romaine. Cette dernière s’est peu à peu imposé. Certains imprimeurs inventent des caractères qui parfois perdurent (le Français Garamond invente le caractère éponyme, l’Italien Manuce invente les lettres penchées : l’italique).
Au départ, les pages imprimées reproduisent les parchemins. Le texte est en latin, une langue qui ne nécessite pas de ponctuation (cas) ce qui est d’ailleurs pratique vu la cherté des parchemins. Peu à peu, des symboles de ponctuation sont mis au point : les accents, la cédille, les trémats, la virgule etc. Cela dit, on garde la manie de vouloir gagner de la place ce qui explique l’usage de la perluette [&]. Par ailleurs, le savoir repose aussi sur l’Antiquité grecque. De ce fait, on fabrique des caractères grecs ou hébreux pour les livres savants. Au début, on ne met pas de titre (comme pour les manuscrits), même cette innovation arrive très rapidement puisqu’on en trouve déjà dans les incunables (les livres imprimés de 1454 à 1500). Les éditeurs vont aussi ajouter les informations nécessaires aux lecteurs à la fin du livre dans le colophon (qui signifie achèvement) : auteur, titre, nom de l’imprimeur, lieu d’édition, date (en chiffres romains). Vers le XVIème siècle, le colophon migre en début d’ouvrage et devient la page de titre avec en haut le titre et l’auteur, en bas l’éditeur, le lieu d’édition et la date. On assiste au développement d’un décorum sur la page de titre, colonnades et les portes antiques très souvent, symbolisant l’entrée dans l’œuvre. Suit une page de présentation du privilège (de l’auteur), une dédicace parfois (au protecteur), puis rédaction d’un petit texte incitant à la lecture de l’œuvre : la captatio benevolenta. Les premiers livres n’ont pas de numéro de page. On trouve un système d’index et de numérotation en chapitres sur le modèle de la Bible. La numérotation des pages apparait aux alentours de 1470, mais seul le folio est numéroté. De temps en temps on trouve de petits résumés du texte dans la marge. Parfois on attire l’attention du lecteur par une petite main pointant un passage important, c’est la manchette. C’est au XVIe siècle qu’apparaît le titre courant et que se développent les titres de manière générale (titre, sous-titre) qui donne lieu à la création de la table des matières. Beaucoup d’ouvrages sont illustrés. Dès le milieu du XVIe siècle, les livres qui sont imprimés ressemblent aux nôtres. Cela-dit, les ouvrages ne sont pas reliés. Il faut se rendre chez le relieur. Ainsi, c’est l’acheteur qui décide de la qualité de la reliure. Généralement, la plus simple est la couverture en parchemin (souvent c’est une réutilisation). On trouve aussi la reliure en basane faite en peau de brebis, ainsi que la reliure en maroquin faite en peau de chèvre, procédé venu d’Espagne emprunté aux Marocains (comme son nom l’indique). Parfois on ajoute des dorures sur la tranche ou ses armoiries. On peut aussi trouver des annotations manuscrites qui indiquent le possesseur (ex libris) ou le nom du donateur (ex doro).
II)le développement de l’imprimerie.
A)l’expansion géographique de l’imprimerie.
Gutenberg étant l’inventeur, la diffusion de l’imprimerie part des pays rhénans (Mayence, Strasbourg, Cologne). C’est à partir de là que les imprimeurs vont s’installer dans toute l’Europe. L’Italie accueille le premier imprimeur à Rome en 1465, la France à Paris en 1470 (l’humaniste Guillaume Fichet lié à la faculté de théologie de Paris-Sorbonne). Puis elle se diffuse aux Pays-Bas en 1473, en 1474 en Espagne, en 1503 en Catalogne. Aux alentours de 1500, environ 240 villes d’Europe disposent d’un ou plusieurs imprimeurs. Puis sa diffusion se poursuit dans les marges de l’Europe, dans l’empire Ottoman en 1503, en Roumanie en 1508, en Moscovie en 1553.
Un marché européen du livre se crée, d’autant plus que la langue d’écriture est commune (latin). Ainsi se créent les lieux de rencontre que sont les foires aux livres de Leipzig ou de Francfort pour le monde germanique, à Lyon en France, à Pérouse en Italie ou en Espagne à Medina del Campo.
La production de livres va en s’accroissant :
- C’est avant 1500 que sont produits les incunables (du latin incunabila : les langues, correspond à l’enfance du livre). Ils sont essentiellement en latin. On estime que 30 000 livres ont été imprimés en cinquante ans, à une hauteur de 15 millions d’exemplaires pense-t-on.
- Au XVIe siècle, cinq fois plus de titres sont édités : environ 15 000 titre. Dans le même temps, dix fois plus d’exemplaires sont imprimés, représentant 150 millions de livres. Le latin reste présent en tant que langue d’écriture mais est en recul (phénomène variable selon les pays). On assiste progressivement à un développement de l’impression en langues vernaculaires. L’un des pays où ce processus est le plus fort est l’Italie, où environ la moitié des ouvrages sont publiés en italien.
B)L’intérêt des autorités.
Les autorités interviennent pour protéger les imprimeurs des contrefaçons. Mais cette surveillance intervient surtout pour contrôler le contenu des ouvrages, dans le contexte de l’époque de l’Humanisme et de coupure religieuse de l’Europe.
- Le premier livre imprimé étant la Bible, la première autorité à s’intéresser de près à l’imprimerie est donc l’Eglise. Deux bulles sont ainsi émises : Intermultiplices par Innocent VIII en 1487 et en 1508 Inter Sollicitudines par Léon X. Il en ressort que tout ouvrage religieux doit être examiné par l’Eglise et doit recevoir « l’imprimatur ». C'est-à-dire qu’une autorisation officielle doit être donnée par une autorité de l’Eglise catholique pour pouvoir paraître (autorisation suivie d’une signature nihil obstat ou imprimi potest). En 1542, le pape Paul III établit une liste de livres interdits : index librorum prohibitorum (d’où l’expression « mettre un livre à l’index »).
- La plupart des souverains mettent en place, à leur tour, un système de contrôle. En France, François Ier commence en 1521 en exigeant l’aval de la faculté de théologie. En Italie, les princes multiplient les législations. En Espagne, la censure royale date de 1502 et, à partir de 1551, l’Inquisition espagnole dresse son propre index. Dans les pays protestants, la censure apparaît dès 1522. A Genève en 1539. En Russie dès l’ouverture de la première imprimerie en 1553, sous le règne d’Ivan le Terrible. Cela-dit, les lois peuvent être contournées par quelques subterfuges : arrangement avec les autorités, publications clandestines avec faux lieux de parution (par exemple Diderot pour Les bijoux indiscrets donne pour lieu de parution Monomotapa en Afrique).
III)les mutations du XVIIIe siècle.
A)les innovations typographiques.
De l’invention de l’imprimerie jusqu’au XVIIIe siècle il n’y a que peu d’innovations technologiques. Plusieurs éléments préfigurent une révolution dans l’imprimerie, notamment des innovations typographiques (donc dans les formes de l’écriture). Celles-ci concernent avant tout la France, l’Angleterre et l’Italie. En Angleterre, un écrivain imprimeur John Baskerville innove, mais cela déplaît, il exporte donc son offre en France. En France, les frères Didot – et surtout Firmin parmi eux – mettent au point une mesure : le point Didot. Ils font disparaître le f ressemblant au s. En Italie, Gianluca Bodoni, travaillant pour les princes et le Saint-Siège, publie à la fin du XVIIIe siècle le Manuale tipografico qui recense plusieurs centaines de types de caractères, d’ornements. Il expose dans son ouvrage les grands principes qui doivent régir un imprimeur lorsqu’il invente un caractère d’imprimerie ou en utilise un déjà existant :
- uniformité de dessin
- caractères élégants (caractères très fins, même mesure)
- bon goût (beau, avec simplicité)
- du charme (œuvre d’art)
B)les progrès de l’outillage.
Les progrès sont longs. Ils touchent d’abord la fabrication du papier qui compte pour 50% du prix du livre. Cela reste artisanal, on utilise toujours du lin et du chanvre, ainsi qu’un peu de coton. On fabrique toujours les feuilles une à une, à l’aide de près de 900 moulins à papier. Un nouveau papier est créé : le papier vélin, une technique qui permet de fabriquer le papier sans faire apparaître les vergeures ou les pontuseaux. C’est une technique plus coûteuse, réservée aux éditions luxueuses ressemblant à du veau. Elle est mise au point par John Baskerville en Angleterre. On note également l’invention du cylindre, une machine qui permet de déchirer le tissu (futur papier) de façon plus rapide pour réduire les coûts. Dans la dernière décennie du XVIIIe siècle, on invente les techniques de blanchiment de papier en le décolorant au chlore, mais leur développement n'intervient qu’au XIXe siècle en raison de leur coût.
CONCLUSION
Après les grandes innovations du début de l’époque moderne, il faut attendre les débuts de la Révolution industrielle pour voir l’imprimerie opérer une nouvelle mutation. Les techniques progressent pour augmenter les quantités produites et abaisser les coûts, favorisant ainsi par exemple l’essor de la presse (en 1812 mise au point de presses cylindrique, puis invention de la machine à écrire dans les années 1860 par l’Américain Scholl cédant ses droits à Remington). Ces techniques sont restées valables jusqu’à la moitié du XXe siècle et l’invention du numérique où les caractères demeurent basés sur ceux de l’époque moderne dans la forme du livre, notamment.
COURS 3 : L’évolution de la science médicale à l’époque moderne
De nombreux travaux portent sur le sujet :
- R. DACHEZ, Histoire de la médecine, de l’Antiquité au XXe siècle, 2004
- JC. SOUNRIA, Histoire de la médecine, 2004
- R. VIAL, Chronologie de l’histoire de la médecine, 1995
- JP. GOUBERT, Initiation à une nouvelle histoire de la médecine, 1998
Site internet de la bibliothèque de Médecine Paris V.
La médecine de l’époque moderne n’a pas une bonne réputation. Elle a été qualifiée de « médecine de charlatan » et il n’y a qu’à lire les œuvres de Molière pour trouver ce type de représentations. En effet, le dramaturge, décrit un corps médical particulièrement incompétent, se cachant derrière des formules latines. Il est vrai que la médecine quotidienne de l’époque n’a pas une grande efficacité. Le savoir est limité. Pour autant, il existe des découvertes, des innovations mais cantonnées à un cercle étroit. La plupart des gens se contentent d’une médication traditionnelle.
I) une tradition peu à peu remise en question.
A) Le primat du savoir antique.
La médecine est un domaine dans lequel le prestige de l’Antiquité est très grand. Le savoir est effectivement hérité de la médecine grecque dont les grands penseurs sont Pythagore (VIè siècle AC), Empédocle, Hippocrate (IVè Siècle AC). Ce savoir a été mis en forme, restructuré à l’époque romaine, avec au IIè siècle Galien. C’est à travers lui que ces connaissances médicales parviennent jusqu’au Moyen Âge.
L’idée de base est la théorie des humeurs : le corps humain est traversé par des fluides que l’on appelle humeurs cardinales. Chacune de ces humeurs est associée à un organe : le sang au cœur, la bile jaune au foie, le flegme au cerveau, l’atrabile à la rate. Chez une personne, certaines humeurs l’emportent sur d’autre et, de ce fait, son caractère diverge : sanguin, bilieux, flegmatique. Cette divergence se fait selon les individus eux-mêmes, leur sexe, leur âge, leur profession. Par exemple, les femmes sont réputées pour être plus flegmatiques que les hommes, les jeunes sont plus sanguins, les vieux ont un caractère dominé par la mélancolie (plus d’atrabile). Chez chaque individu s’établit un équilibre entre les humeurs. C’est un déséquilibre qui provoque la maladie. Plusieurs raisons à ces troubles :
- Les influences extérieures, notamment climatiques (chaud, froid…).
- La présence dans l’air de semences pesteuses.
- Un mauvais régime alimentaire.
Le médecin a pour mission de rétablir l’harmonie entre les humeurs. C’est une opération complexe qui réunit plusieurs sciences. On se sert de l’astrologie. Pour expulser les humeurs trop présentes on pratique la saignée ou la purge. Le médecin doit aussi élaborer un bon régime alimentaire donc connaître la diététique. Celle-ci a un rôle important à tel point qu’en 1514, Arnaud de VILLENEUVE écrit Le régime de santé.
B) La difficulté des remises en cause.
Tandis que des savants vont le contester, d’autres restent sensibles au savoir antique. Plusieurs contestataires :
- PARACELSE est un médecin allemand. Son véritable nom est Théophrast Von Hohenheim. Plus précisément, celui-ci est pharmacologue, fils de médecin, un homme curieux des sciences, il voyage, s’intéresse à la métallurgie et à la botanique. Chirurgien militaire, il voyage beaucoup et a l’occasion de pratiquer des expériences. Il se fixe à Bhal où enseigne à la faculté. Il est dubitatif à l’égard de la théorie des humeurs. Il a l’intuition que la maladie vient de l’extérieur, d’où l’importance du médicament qui vient combattre le mal. Il fabrique ainsi des médicaments à base de plantes, de façon classique. L’innovation importante qu’il amène de sa connaissance des métaux est la fabrication de médicaments à partir de ceux-ci, ce qui pourrait s’apparenter en quelque sorte à la chimie. Il avance aussi l’idée que certaines maladies sont professionnelles : les mineurs seraient prédisposés à la tuberculose et à la silicose. D’autres sont congénitales.
- Léonard DE VINCI est plus traditionnel dans sa vision de la médecine, mais il dessine beaucoup, en particulier des planches anatomiques. Il s’intéresse de près à la circulation du sang. Il reprend les idées de Galien : le sang passe dans le cœur d’un ventricule à l’autre par l’intermédiaire de pores (ce qui est faux). Il dessine ses cœurs selon cette idée.
- VESALE est un personnage plus iconoclaste. Il remet en cause le savoir antique et également sa transmission. Il est né en 1514 et est nommé à l’université de Padoue dans les années 1530 où il est chargé des leçons de chirurgie qui se font à partir de dissections. A la Renaissance les dissections peuvent se pratiquer à l’université, elles ne sont pas encore interdites par l’Eglise. Ce n’est qu’au XIIIe siècle que l’on trouve un texte de Boniface VIII présentant des réticences à l’égard du démembrement. La dissection n’est simplement pas encouragée. Elles se font dans l’université sur un cadavre exposé devant les étudiants, une personne coupe, une autre montre tandis que le professeur, sur sa chair, de loin, fait son cours. Cette étude dure plusieurs jours, dans un ordre précis (les parties qui se putréfient passent en premier) et n'est qu'une illustration du savoir livresque. Vésale rompt avec cette pratique. Il innove en utilisant la dissection comme principal outil d'enseignement, réalisant le travail lui-même, tandis que ses étudiants sont regroupés autour de la table. L'observation directe est devenue la seule source fiable de connaissance et cette révolution entraîne une rupture considérable avec la pratique médiévale. A partir de 1539, un juge de Padoue met à sa disposition les cadavres des condamnés à mort. Il arrive à la conclusion que les descriptions anatomiques de Galien ne sont pas faites à partir d’êtres humains mais à partir de singes. En 1543, il publie De humanis corpore fabrica, en sept volumes illustrés par de belles planches anatomiques. Cet ouvrage déclenche les protestations des défenseurs de Galien. Les erreurs viendraient des copistes.
II) les progrès de l’esprit scientifique.
A) Les progrès de l’expérimentation.
La Renaissance voit se multiplier les expérimentations. Or, dans le domaine médical, elles sont rarement le fait du corps médical, car la médecine est une scientia, un savoir théorique, tiré des livres. Le travail sur le terrain est pratiqué par des subalternes. Les chirurgiens sont à l’époque des barbiers, donc considérés comme inférieurs.
Ambroise Paré (1509-1590), est un fils de barbier originaire de Laval. Il débute sa carrière comme marmiton chez le comte et la comtesse de Laval. Leur chirurgien le prend sous son aile et l’envoie à Paris, à l’Hôtel Dieu. Ainsi, il peut voir des malades, faire des dissections. Le comte doit partir faire la Guerre d’Italie en 1537, Ambroise Paré l’accompagne. Il s’intéresse particulièrement aux blessures faites par arquebuse (arme à feu). On pensait jusque là que la poudre empoisonnait les blessés. Pour les chirurgiens il n’y avait alors qu’une solution : ébouillanter la plaie et cautériser au fer rouge. Au début Ambroise Paré utilise cette méthode, mais il manque de matière première et prépare un mélange de son invention : huile de rose, essence de térébenthine et jaune d’œuf. Il constate que les blessés souffrent moins et n’ont pas de fièvre. A la suite de cette observation il met au point toute une série de pommades et de baumes efficaces, notamment « l’huile des petits chiens » (on fait bouillir des chiots avec de l’essence de térébenthine et des vers de terre). En 1542, le maréchal de Brissac est blessé par balle à l’épaule. Personne n’arriva à retirer le projectile. Ambroise Paré fait placer le maréchal dans la posture dans laquelle il avait été blessé et parvient à retrouver la balle. A son retour en France, le chirurgien fait publier ses expériences et provoque un tollé à la faculté de médecine de Paris. Mais grâce à la protection de François Ier, Ambroise Paré fait paraître en 1545 La méthode de traiter les plaies. Dans cet ouvrage il remet en cause la hiérarchie des savoirs. La médecine repose sur le livre mais il montre que le savoir pratique est parfois plus efficace.
Ainsi, on constate que l’expérimentation bouscule les savoirs antiques et remet en question la domination des intellectuels. La connaissance de l’anatomie humaine progresse. Le signe en est qu’un certain nombre d’organes du corps humain portent le nom d’expérimentateurs : Bartolomeo Eustachio découvre au début des années 1580 la trompe d’Eustache (dans l’oreille), G. Fallopio trouve dans les années 1560 les trompes de Fallope.
B) La grande découverte de la circulation du sang.
La découverte de la circulation du sang a été faite au XVIIe siècle en Angleterre par William Harvey (1578-1657). Il est en fait le personnage le plus connu, une notoriété qui a éclipsé d’autres savants ayant travaillé sur le même thème. C’est un homme qui a beaucoup voyagé (France, Italie, Allemagne…). Il s’installe à Londres en 1604 où il devient professeur d’anatomie et de chirurgie et devient le médecin personnel des rois d’Angleterre, Jacques Ier puis de Charles Ier Stuart. Il s’appuie en premier lieu, dans ses recherches, sur les travaux novateurs d’un médecin du XVIe, Miguel Serveto, mort sur le bûcher (pour ses idées théologiques considérées comme hérétiques). Il s’intéresse à la « petite circulation », au niveau du cœur, c'est-à-dire au passage de l’oxygène dans le sang par les poumons. William Harvey fait les mêmes expériences et en déduit qu’il doit exister une « grande circulation » du sang grâce aux battements du cœur. Pour prouver son intuition, il pratique de nombreuses dissections de cœurs et mesure que deux onces de sang peuvent entrer dans les ventricules. Il étudie les battements du cœur et calcule qu’en moyenne le cœur bat 70 fois par minutes. Donc le cœur brasse 8400 onces de sang par heure. Le corps humain peut en contenir autant, il en déduit donc que c’est le même sang qui revient au cœur. C’est une théorie nouvelle, qui n’a jamais été formulée avant. Il publie en 1628 le résultat de ses expérimentations dans Exercitation anatomica de motu cordis… Cette parution suscite la contestation d’une grande partie du corps médical (par exemple Guy Patin) qui dénonce William Harvey comme un « circulator », autrement dit un charlatan. Mais il reçoit quand même le soutien d’un certain nombre de savants : Descartes, Malebranche. En France, Louis XIV impose l’enseignement de cette théorie par le professeur Pierre Dionis. La première tentative de transfusion a lieu en 1667. C’est un échec. Parallèlement à ces travaux, d’autres savants s’intéressent aux circulations parallèles à la circulation sanguine : Thomas Bartholin (Danois) découvre le système des vaisseaux lymphatiques. Gaspard II Bartholin (le fils du précédent) découvre le canal de Bartholin qui relie les glandes salivaires à la bouche et publie en 1684 De ductu salivali actenus.
C)La mise au point du microscope et ses répercussions.
Le microscope est une innovation majeure du XVIIe siècle. Il permet d’accéder à l’infiniment petit. On comprend ainsi des phénomènes qu’il était impossible d’observer auparavant :
- En 1658 suite à l’observation de sang de malades atteints par la peste, le médecin Kircher voit des milliers de petits vers (bacilles).
- Malpighi découvre les pyramides éponymes dans le rein.
- Le personnage le plus important est Anthony Van LEEUWENHOEK. Ce Hollandais qui n’est pas un médecin mais un drapier, était un perfectionniste qui regardait toujours ses draps à la loupe. Par ailleurs il était passionné de sciences. Il met ainsi au point un microscope grossissant trois cents fois. Il fait part de ses observations à la Royal Society de Londres qui l’admet parmi ses membres en 1680. Il devient une célébrité en découvrant les globules en 1673, les bactéries en 1683. Il observe aussi que les mouchent ne naissent pas spontanément mais d’œufs microscopiques. En 1677 il observe des spermatozoïdes et relance le débat sur la procréation. Van Leeuwenhoek s’oppose aux théories de la préformation et de l’épigénèse. Ce qui domine à l’époque c’est la théorie de la préformation : l’embryon préexiste à sa conception. C’est une idée qui est liée à celle de l’emboîtement des germes à savoir que Dieu a déjà tout créé. Les enfants à naître préexistent ainsi dans leurs géniteurs (cette idée va d’ailleurs perdurer jusqu’au XIXe siècle, notamment avec Bonet). Puisque l’être humain préexiste il est impossible qu’il vienne de l’union de l’homme et de la femme. Mais cela pose problème : où les enfants sont-ils préformés ? Deux théories qui s’opposent tentent de répondre à cette interrogation. La théorie de l’ovisme (celle défendue par William Harvey) dit que les embryons sont préformés dans les ovules, la semence masculine n’apporte qu’une essence vitale (« aura seminalis »). Au milieu du XVIIe on se met à parler d’ovaires et plus de testicules femelles (Johan van Horne). En 1672, un autre médecin hollandais, Renier Degraff publie Histoire anatomique des parties génitales de l’homme et de la femme. Son collègue (toujours un hollandais) Théodore Kerkrine affirme qu’il a vu une tête déjà formée dans un œuf de 3 ou 4 jours.
La théorie animalculiste affirme l’exact inverse. Elle reprend avec vigueur les découvertes de Van LEEUWENHOEK pour pouvoir dire que l’embryon est préformé chez l’homme. Un physicien hollandais décrit, à la fin du XVIIe un fœtus observé dans un animalcule (spermatozoïde). L’ovule servirait à nourrir l’animalcule pour son développement.
Ces deux théories sont battues en brèche par les partisans de l’épigénèse qui se développe au XVIIIe et dont les chantres sont Maupertuis et Buffon. Cette théorie considère que la naissance de l’être humain repose de façon égale sur l’homme et sur la femme. Elle s’appuie sur l’observation de la naissance d’enfants métisses qui rendent impossible la préformation, ces enfants n’ayant ni exclusivement les caractères de leur père, ni de leur mère. Cette intuition n’est démontrée de façon irréfutable que dans les années 1870.
Ces débats et découvertes du XVIIe siècle sont extrêmement importants pour la science médicale. Cela-dit, le peuple est très loin d’y prendre part étant donné qu’aucune pratique directe n’en découle.
III) La lente évolution du XVIIIe siècle.
A) des progrès à la diffusion limitée.
Cela-dit, le XVIIIe siècle voit la mise en place des premières politiques de santé publique, qui sont, d’ailleurs, plus ou moins efficaces. On tente d’enrayer les épidémies, notamment la peste et le bacille de Yersin qui infecte la puce du rat et peut se transmettre à l’Homme (deux façons d’avoir la peste : bubons = excroissances noires ; poumons : transmission par la toux). Face à cela on ne sait pas vraiment ce qu’il conviendrait de faire. Finalement on met en place des cordons sanitaires pour isoler les populations infectées. On parvient ainsi à enrayer les épidémies. Les saignées et les purgations persistent. Le thermalisme se développe : on se soigne avec les eaux minérales. En 1785, la Société Royale de Médecine confie à Joseph Carrère, inspecteur des eaux minérales, le soin de dresser une liste des stations thermales existant en France. Le XVIIIe siècle est aussi un siècle de débats dans le monde savant dans le prolongement de ceux qu’a connu le XVIIe siècle (par exemple celui vu précédemment sur le développement de l’être humain), essentiellement cantonnés au sein des facultés de médecines, notamment à Montpellier et Paris. Les débats portent autour du vitalisme. Cette théorie considère qu’un principe vital anime le corps. Elle a des résonances métaphysiques au travers de la question du rôle de l’âme. Stahl est le chef de fil du courant vitaliste animiste. Il explique de l’être humain par la présence de l’âme. C’est une position qui est critiquée, contestée, nuancée. Le Docteur Barthez, de Montpellier, est un collaborateur de Diderot dans le projet de l’Encyclopédie, le médecin des grands (notamment de Louis XIV). Pour lui, il y a un principe vital distinct du corps matériel. On peut être en mauvaise santé, sans mourir, et inversement. D’autres ont une vision plus mécaniste de la question, tels Broussais, Magendie ou Laënnec, tous des médecins de Paris. Selon eux, la maladie vient d’un dysfonctionnement d’un ou de plusieurs organes.
B)la mise au point de la vaccination.
La mise au point de la vaccination est issue d’un long processus de recherche visant à protéger les êtres humains de la variole. C’est une maladie très redoutée avec des maux de tête, une forte fièvre et des tâches sur le corps, elle se transmet par les voies respiratoires. La petite vérole est virale et provient probablement d’extrême Orient, elle s’est diffusée dans le monde arabe puis en Europe. En Asie, depuis le Moyen-âge, on pratique la variolisation en inoculant une variole bénigne pour éviter d’attraper la plus dangereuse. Cela se pratique notamment à Istanbul avec des médecins comme Emmanuel Timoni, par ailleurs rattaché à l’ambassade anglaise. Il fait connaître ses idées dans un traité publié par la Royal Society et véhiculé par la femme de l’ambassadeur, Mary Wortley Montaigu, qui l’importe en Angleterre. De là, ses idées passent en France par l’intermédiaire du médecin suisse Théodore Tronchin qui variolise les enfants du duc d’Orléans, mais des risques existent.
C’est ici qu’intervient Edward Jenner (1749-1823), fils d’un pasteur, qui s’intéresse à la médecine et à la chirurgie. Après avoir travaillé dans des hôpitaux, il s’installe comme médecin de campagne. On lui dit que les paysans travaillant dans les laiteries ne sont jamais contaminés par la variole car ils ont attrapé la vaccine (variole des vaches) au contact des vaches. Jenner observe alors le phénomène, des garçons de ferme, livreurs de ferme, etc. attrapent la cow-pox. La Variolisation ne marche pas. Jenner a aussi été informé d’une situation similaire en France, les garçons de ferme attrapent la picote, qui les protège de la variole. En 1796, Jenner inocule donc du pus prélevé sur une pustule de vache à un garçon de 8 ans : l’enfant présente une petite pustule au niveau de l’inoculation, mais guérit très vite de la vaccine. Là encore la variolisation ne marche pas, l’enfant est protégé de la maladie. Après une trentaine d’expériences, Jenner publie ses résultats en 1798 dans une Enquête sur les causes et effets de la vaccine. Il adresse un rapport à la Royal Society qui refuse de l’imprimer. Il le fait donc imprimer à ses frais : le rapport se diffuse, de même que la vaccination. En 1802, le Parlement britannique le remercie en lui offrant une pension de 10 000 £.
CONCLUSION :
La médecine a fait des progrès sensibles à l’époque moderne, dus à des recherches du corps médical et a des découvertes, parfois fortuites, qui bouleversent les théories scientifiques en vigueur. Mais la plupart de ces découvertes ne débouche pas sur des applications concrètes. Des progrès réellement effectifs ne verront pas le jour avant la deuxième moitié du XIXe siècle (Pasteur).
COURS 4 : Les évolutions de la botanique à l’époque moderne
- Adrien DAVY de VIRVILLE, Histoire de la botanique en France, Paris, 1954.
- Joëlle MAGNIN-GONZ, Histoire de la botanique, 2004.
Sites internet :
- www.lamark.cnrs.fr (concerne les travaux de Lamark).
- http://classe.bnf.fr (biographies)
- www.mnhn.fr (muséum d’histoire naturelle)
- www.tela-botanica.org
- www.jardins-botaniques-lyon.com
- www.linean.org (site anglais)
- www.msn.unifi.it/CM-I-S-8.html
- www.dipbot.unict.it/erbario
L’époque moderne est marquée par de profonds bouleversements dans la connaissance du monde, notamment en ce qui concerne les plantes et les végétaux : la botanique. Ce savoir se développe tellement qu’il s’autonomise par rapport à la médecine dont il était une branche depuis l’Antiquité. Un des objectifs de l’époque est de faire un inventaire de toutes les plantes qui existent et de les classer.
I) L’héritage médiéval et antique.
A) les origines.
Les Grecs sont les premiers à tenter d’organiser et classer le vivant, notamment Aristote dans son ouvrage Des plantes. Ses disciples poursuivent son entreprise : Théophraste dans Histoire des plantes, ainsi que Dicearque et Phanias. La botanique, on l’a dit, est une science étroitement liée à la médecine. De ce fait les ouvrages comprennent généralement deux volets : une description précise de la plante et une description de ses vertus au niveau médical. Ce principe se retrouve chez les Latins. Au Ier siècle après JC Dioscoride écrit De materia medica et Pline Historia Naturalis, en 37 volumes, dont les chapitres 12 à 27 concernent la botanique. Ce savoir est récupéré par le monde médiéval qui y apporte le terme Botanica. Deux savants dominicains se concentrent particulièrement sur le sujet : Albert Le Grand et Thomas De Cantimpré.
B) Le choc des grandes découvertes
Les voyages vers l’extrême Orient et la découverte de l’Amérique mettent les Européens en contact avec des plantes nouvelles, inconnues des anciens. Certaines de ces plantes exigent un climat chaud mais d’autres sont importées et acclimatées comme le riz au XVe siècle en Italie. Le maïs est une plante du Nouveau Monde très tôt implantée en Espagne et au Portugal puis, à partir du XVIe siècle dans le Sud Ouest de la France. D’autres plantes sont adoptées par les Européens : la tomate en Italie et sur le pourtour méditerranéen, la patate (met plus longtemps à s’implanter), le piment, le haricot mexicain. Le café et le cacao sont des curiosités et ne se diffusent qu’à partir du XVIIe siècle dans les milieux aisés.
C) Les innovations de la Renaissance.
L’invention de l’imprimerie et la diffusion du livre jouent un rôle très important pour la botanique. La Renaissance voit la multiplication des ouvrages, notamment des ouvrages illustrés. Quelques uns sont célébrissimes comme Gart der gesunheit (le jardin de santé), publié par Caub en 1485. Ce livre connait un immense succès et est traduit en plusieurs langues, dont le français vers 1500. Leonard Fuchs (1501-1566, universitaire : Ingdstadt et Tübingen) publie De historia stinpium commentarii insignes, en 1542, dans lequel 512 planches sont dessinées.
Le problème est la classification. Fuchs classe les plantes par ordre alphabétique. En 1583, Césalpin (1519-1603), un Italien, publie De plantis, ouvrage dans lequel il établit un classement plus scientifique, réfléchi. Les plantes sont classées en fonction de leurs fruits. En 1587, Jacques Daléchamps publie Historia generalis plantarum. Il a une autre optique : le classement des plantes est fait selon leur utilité médicale. Au début du XVIIe siècle deux ouvrages remarquables tentent de faire la somme des connaissances en la matière : l’Exoticum libri X de Clusius (de l’Escluse) et l’ouvrage de Jean Bauhin, Historia universalis plantarum (ouvrage dans lequel sont décrites plus de 5000 plantes).
II) les nouveaux moyens d’action.
A) L’ortus siccus (l’herbier).
L’herbier est une collection de plantes séchées pressées entre des feuilles de papier. C’est l’alternative au dessin, au travail des copistes et permet d’avoir l’original sous les yeux pour conserver les plantes, pour illustrer et pour classer. Si on veut garder les couleurs de la plante il faut sécher vite. Au début, on collait ou on agrafait les plantes sur une feuille de papier et on inscrivait son nom directement sur la feuille. Par la suite on colle une étiquette.
L’idée de l’herbier est lancée au Moyen Âge par un humaniste italien. Le premier est constitué, semble-t-il, par Luca Ghini, botaniste à l’université de Bologne, dans les années 1520-1530, mais n’a pas pu être conservé. Parmi les plus anciens retrouvés on a celui d’Ulysse Aldrovandi qui est conservé aujourd’hui encore à Bologne, ou celui de Césalpino conservé à Florence. Puis tout le monde se met à herboriser, à collectionner. Il se constitue alors un véritable réseau d’échange européen à la fin du XVIe siècle, au début du XVIIe, centré autour d’un très grand érudit : Fabri de Peirex (un provençal).
Parfois, les souverains favorisent les expéditions scientifiques, mais la connaissance de la botanique doit beaucoup aux couvents et aux ordres dont de nombreux membres, passionnés de botanique, circulent et peuvent ainsi constituer des herbiers plus vastes. Dans les années 1690 un père minime, Charles Pluminier, herborise les plantes des Antilles et rédige Description des plantes de l’Amérique. Dans les années 1700, sur recommandation de Louis XIV, Joseph Pitton de Tournefort se rend au Proche-Orient (en Crète, dans les Cyclades, au bord de la mer Noire…) et ramène plus de 8000 plantes. A la fin du XVIIIe siècle, Pierre Desfontaines voyage en Barbarie (Afrique du Nord).
Tous ces herbiers ont été récupérés et sont toujours étudiés de nos jours. On peut y trouver des plantes qui ont disparu.
B) Ortus vivus : le jardin botanique.
Le jardin botanique permet l’étude des plantes au travers de tentatives d’acclimatation. Il est aussi une réserve de médicaments ainsi qu’un théâtre d’expériences visant à créer de nouvelles espèces.
Les premiers jardins botaniques ont été mis en place en Italie, à Pise en 1544 par Luca Ghini et dans les années 1560 à Padoue par Aldrovandi. A partir de là, les ortus vivus se diffusent dans toute l’Europe. Leur nombre reste cependant plus limité que celui des herbiers pour la simple raison qu’ils sont plus chers à mettre en œuvre. Ils sont, de fait, liés avec une université ou des princes. Dans les années 1580, le duc de Wurtenberg fait créer de magnifiques jardins à Montbéliard. En 1587, Clusius érige un jardin botanique à Leyde dans les Provinces-Unies. En France, le premier ortus vivus est créé à Montpellier à l’initiative d’Henry IV, en 1593, par le botaniste Pierre Richer de Belleval. C’est avant tout un ortus medicus. Il est détruit en 1622 par Louis XIII lors du siège de Montpellier (guerres de religion). Malgré cette destruction, le monarque est inspiré par ce jardin et fait créer à Paris un jardin royal en 1626. Ce n’est qu’au début du règne de Louis XV que le jardin de Louis XIII ne devient généraliste (c’est en fait l’ancêtre du jardin des plantes). A Bordeaux, deux médecins de la ville, Maures et Lopes, créent un petit jardin botanique en 1623, dans l’enclos d’Arnaud Guiraut (autrefois destiné à accueillir les pestiférés). Le jardin change plusieurs fois d’emplacement et se fixe en 1856 au Nord du jardin public. A Lyon, c’est dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle qu’est érigé le jardin botanique, à l’époque du développement des serres chaudes (pour l’acclimatation de plantes tropicales).
III) les grandes avancées de la botanique.
A)Les débuts de la classification.
C’est à la fin du XVIIe siècle que le milieu scientifique cherche à trouver une méthode de classement fondée sur l’observation, donc, en fait, à appliquer les avancées de la médecine à l’étude des plantes.
Après des tâtonnements, un Anglais, John Wray, présente, à la fin du XVIIe siècle, 18 000 plantes qu’il classe en fonction de leurs racines, de leurs tiges et de leurs fleurs, dans un ouvrage Plantarum historia universalis. Joseph Pitton de Tournefort, dans Eléments de botanique, étudie les organes des plantes, notamment la corole pour classifier les plantes.
B) Les avancées décisives du XVIIIe siècle.
On classe et on nomme définitivement les plantes. Alors que le latin recule comme langue scientifique elle devient la référence pour les botanistes et sert à la taxinomie des plantes (permet une nomenclature précise). Le nom peut être une référence à un aspect de la plante, à ses vertus thérapeutiques, à sa région ou en l’honneur d’un botaniste. Par exemple, Leonard Fuchs donne son nom au fuchsia, un intendant du jardin des plantes de Montpellier, P. Magnole, au magnolia, le gouverneur de Saint Domingue, Michel Bégon, au bégonia, un botaniste suédois Andreas Dahl au dahlia, le jésuite botaniste Georges Camel au camélia etc.
Enfin on parvient à les classer. Le botaniste suédois Linné (1707-1778) met au point un système et décrit définitivement la sexualité des plantes (dans un langage qui reste fort pudique). La reproduction est le fait des étamines et des pistils (mâles et femelles). Le classement est binominal : un nom pour le genre et un pour l’espèce. Ce système fait l’objet de débats. Il n’est adopté que par une partie des botanistes français, notamment par A. Gouan (directeur du jardin des plantes de Montpellier). Partout se créent des sociétés linéennes pour défendre ses idées (à Londres, Paris, Bordeaux…). Par la suite, la dénomination évolue. Le genre et l’espèce sont toujours utilisés mais les plantes sont regroupées en familles par Jussieu.
Exemple :
- Règne : plantes
- Classe : magnoliopsida
- Ordre : Violales
- Famille : Begoniaceae
- Genre : Begonia
- Espèce : begonia imperialis
C’est le même système qui est utilisé pour le règne animal.
C) la physiologie végétale.
En dehors de la dénomination et de la classification, les botanistes tentent d’étudier le système de fonctionnement des plantes et leur cycle de vie. Un théologien d’Oxford, S. Hales, étudie la respiration des végétaux. Un autre Anglais, J. Plistley découvre la purification de l’air par les plantes. Le Hollandais Y. Ingenhouz s’intéresse au rôle de la photosynthèse dans la croissance des plantes.
CONCLUSION :
Depuis le XVIe siècle, la curiosité des botanistes les a poussé à constituer un véritable réseau européen, d’échanges de spécimens, de correspondances. A la fin du XVIIIe siècle, tous les éléments sont en place pour permettre de parfaire la connaissance de la botanique, notamment avec les travaux de Mendel au XIXe siècle.
COURS 5 : La grande révolution de l’astronomie
La Renaissance, comme on a déjà pu le voir, est marquée par des avancées majeures dans le domaine scientifique. Le savoir des Anciens, qui servait de base, a été dépassé, les horizons élargis. Ce processus concerne aussi l’astronomie, qui connait également des découvertes d’importance qui, en plus, ont bouleversé la représentation que les Hommes se faisaient de l’univers. Ces changements ont eu une dimension religieuse d’où l’âpreté des débats qui ont entouré ces progrès.
Bibliographie :
- Paul COUDERC, Histoire de l’astronomie, 1974
- Marie-Christine de la SOUCERE, Une histoire de l’astronomie, Paris, 2005
- JP. VERDET, Une histoire de l’astronomie, 1990
- Site de la SFHST (Société Française d’Histoire des Sciences et des Techniques)
I) L’héritage antique : le système aristotélico-ptolémaïque.
A) La position d’Aristote.
Aristote est en effet la référence pour l’astronomie. Il expose ses théories dans deux ouvrages : La physique et Les météores (IVè siècle AC). Dans un premier temps, il élabore une vision de la physique, il explique pourquoi les choses sont telles qu’elles sont à partir d’observations. Aristote avait établi un système cohérent, logique. Pour lui, il existe deux mondes, l’un qu’il nomme sublunaire, qui est sous la lune, celui dans lequel vit l’homme, nécessairement imparfait puisqu’il s’y produit des accidents, des variations. L’autre monde est le monde céleste, au-delà de la Lune, un monde parfait. Dans le monde sublunaire chaque corps est composé par quatre éléments, la terre, l’eau, l’air et le feu. Ils ont chacun un lieu naturel où ils doivent se trouver et où ils vont s’ils ne rencontrent aucun obstacle pour les en empêcher. Ces lieux sont répartis de manière concentrique. On a parfois cherché le cinquième élément, la quintessence. La terre et l’eau font partie des éléments dits graves, ils sont lourds et ont plutôt tendance à tomber. L’air et le feu sont dits subtiles, ils ont tendance à monter, à s’élever. Ainsi, le mouvement est expliqué par le désir de chaque élément, à un moment donné, de rejoindre son lieu naturel. Les mouvements violents sont dus à des causes extérieures venant perturber le mouvement naturel.
Cette philosophie a servi d’inspiration à une école de savants de l’époque hellénistique : l’école des mécaniciens d’Alexandrie dont font partie Archimède, Héron, Pappus, le pseudo-Aristote. Ils se servent de l’enseignement d’Aristote pour mettre au point des machines utilisant la force des quatre éléments pour faciliter le travail de l’homme (visse, poulie, levier…). Ils donnent à cette philosophie un aspect pratique et concret.
Cela dit, Aristote et ses successeurs n’ont pas tout expliqué. Un point obscur reste l’explication de la notion d’accélération. Celle-ci intéresse quelques penseurs au Moyen Âge, notamment aux XIVe-XVe siècle, un parisien Nicole Oresme (professeur au collège de Navarre, puis évêque de Lisieux), ainsi qu’un Anglais, professeur à Oxford puis archevêque de Canterburry, Bradwardine.
B) Ptolémée.
Ptolémée est un géographe et astronome grec d’Alexandrie ayant vécu au IIe siècle après JC. Il reprend les grands principes d’Aristote. Il est l’auteur de l’Almageste. Pour lui aussi, le monde céleste est un monde parfait, immuable, dans lequel les astres se déplacent. Ptolémée élabore un modèle géocentrique. Dans ce système, la Terre est au centre de l’univers, entourée par des cercles concentriques où circulent les planètes. Cercle parfait sur lequel il y a des astres et toutes les planètes connues, qui se meuvent selon des trajectoires régulières qui permettent de prédire certains faits météorologiques, de fixer le calendrier et de déterminer les horoscopes. C’est un système géocentrique qui pose des problèmes pour l’explication des phénomènes de précession (mouvement apparent d’astres donnant l’impression de revenir en arrière). Ptolémée en a donné une explication par la théorie des épicycloïdes. Pour lui, le fait qu’on voie des astres reculer vient du fait qu’ils tournent sur eux-mêmes autour d’autres astres. Le principe de la circularité parfaite est donc maintenu.
C’est un système que l’on retrouve au Moyen Âge et à la Renaissance. En 1524, l’astronome allemand Appian publie Cosmographicus liber, dans lequel il christianise le système de Ptolémée (en dessinant de jolis petits anges). La pensée d’Aristote et Ptolémée est devenue prépondérante, voire unique, même si, au demeurant, les avis des astronomes antiques n’étaient pas aussi convergents. Aristarque, par exemple, qui a vécu au IIIe siècle AC à Alexandrie avait fait des observations remarquables. Il multiplie les mesures et calcule la distance Terre-Lune, Terre-Soleil. En plus, il avait tenté de calculer les diamètres de la Lune et du Soleil. Il se trompe mais pas dans les proportions. Il avait quand même remarqué que le Soleil était un corps nettement plus gros que la Terre. Comme il lui paraissait logique que les petites planètes tournent autour des grosses, il a élaboré un système héliocentrique. Cela-dit, comme il est peu précis, il fait l’objet de critiques virulentes et la théorie est abandonnée.
II) Les découvertes de la fin du Moyen Âge et du début de la Renaissance.
A) Les premières remises en cause.
Les premières remises en cause interviennent à la fin du XVe siècle en Europe. Jusque là, l’astronomie reposait sur des grands principes vus précédemment. Il existait des tables astronomiques calculées au Moyen-âge pour donner la date des équinoxes, dans le monde rural comme dans le domaine religieux (pour le calcul de la fête de Pâques) et pour les astrologues, les plus célèbres étant les tables alphonsines du XIe siècle. Elles sont calculées à partir des travaux de Ptolémée. Mais, au XVe siècle, on s’aperçoit qu’elles contiennent des erreurs. On met en cause les copistes, non les Anciens. Pour les corriger on multiplie les observations du ciel grâce à l’élaboration d’instruments. Parmi ces observateurs, on trouve quatre grands astronomes au XVe siècle : Paolo Toscanelli (Italien), Nicolas de Cues, Georges Peuerbach et Regio Montanius. Ils utilisent le système de la parallaxe pour étudier les comètes, notamment. Ce système permet de calculer des distances en jouant sur les angles. Regio Montanius étudie les comètes dans les années 1470-1480. Ses observations lui montrent que ces comètes sont situées extrêmement loin. Puisqu’elles sont autant éloignées de la Terre, elles appartiennent au monde céleste. Or, Aristote considérait que ces comètes étaient des accidents et ne pouvaient exister que dans le monde sublunaire imparfait. Ainsi, ces observations remettent en cause les grands principes hérités de l’Antiquité. Ces résultats sont publiés en 1496 dans l’Epitomé, ouvrage qui a un grand retentissement.
B) La révolution copernicienne.
C’est Nicolas Copernic qui établit la rupture la plus grande avec le système aristotélico-ptolémaïque. Il est né en 1473 à Torum, il est chanoine, donc homme d’église, et a beaucoup de loisirs. Il s’intéresse à l’astronomie. De ce fait, il se rend en Italie, à Bologne notamment, où il suit les cours de Domenico Maria Novara. De retour en Pologne, il fait construire en 1513 à Frombork un petit observatoire. Il multiplie alors les observations et les calculs, utilise la méthode de la parallaxe qu’il souhaite appliquer aux étoiles. Il n’y parvient pas et en déduit qu’elles sont trop éloignées de la Terre. L’univers est plus vaste que ce que l’on pensait jusqu’alors. Il étudie beaucoup les mouvements de la Lune et en déduit que l’on comprendrait beaucoup mieux le système des planètes si on plaçait le Soleil au centre, les planètes tournant autour. L’impression que le Soleil tourne autour de la Terre vient de la relativité de notre position, explique-t-il. Ainsi, il élabore un système héliocentrique, mais toujours en formant des cercles parfaits pour les orbites des planètes. Il peut désormais faire des tables astronomiques qui sont justes.
Copernic précise bien souvent dans ces travaux que ce qu’il propose sont des hypothèses qui lui paraissent parfois à lui-même ridicules. Un certain nombre de problèmes se posent à lui : si la Terre tourne autour du Soleil, elle est donc un astre en mouvement et il ne comprend pas pourquoi alors il n’y a pas plus de catastrophes. Si le Soleil est au centre les planètes devraient lui tomber dessus, pense-t-il ; d’où sa septicité. Il esquive les arguments religieux qui pourraient lui être posés en dévoilant ses calculs mais pas sa théorie.
En 1540, un de ses amis Lauchen, dit Rhéticus, publie un ouvrage, Narratio prima, dans lequel il avance l’idée d’héliocentrisme tout en précisant qu’il la tient de son ami Nicolas de Thorn. L’accueil des milieux scientifiques est plutôt positif. Ainsi, en 1543, Copernic se laisse convaincre de publier De revolutionibus orbium celestium. Cet ouvrage paraît quelques semaines après sa mort. La préface écrite par l’éditeur précise que la théorie est sans fondement, dans une optique de protection. A partir de là, les savants européens, en toute hypocrisise, puisent dans les calculs de Copernic sans reprendre sa théorie. Seuls quelques astronomes anglais reprennent ses principes (l’Angleterre a rompu avec le Catholicisme, ils sont plus libres), tels John Dee ou Thomas Digges. Ce dernier publie en 1576 Prognostication everlasting, dans lequel il avance que contrairement à ce que pendait Aristote, les étoiles ne sont pas fixes mais se déplacent et s’étendent dans toutes les directions. Il est le premier à émettre l’idée d’un espace infini. La découverte de Copernic n’a donc pas un impact majeur immédiat.
III) les progrès décisifs de l’astronomie.
A) une grande effervescence intellectuelle (fin XVIe-début XVIIe).
Les systèmes géocentrique et héliocentrique commencent à être en opposition. Certains tentent de concilier les deux comme Tycho Brahé (1546-1601). Ce Danois a fait construire un observatoire à Uraniborg grâce au soutien financier de Frederick II (roi du Danemark). Il est opérationnel en 1580. Son système géo-héliocentrique est inhérent à une représentation de l’univers comme relativement clos, avec l’idée que la Terre est au centre de l’univers. La Lune tourne autour de la Terre, ainsi que le Soleil mais les autres planètes tournent autour du Soleil.
Ce système est rapidement mis de côté face à un combat de plus en plus dur entre les partisans des deux autres théories. Le débat sur les planètes devient même dangereux. En 1600, un autre astronome, Giordano Bruno, dans De l’infinito universo e mondi, affirme qu’il existe dans l’infinité de l’univers une multitude de mondes. Ses idées sont considérées comme hérétiques et il est brûlé sur le bûcher. Les idées de Copernic sont, elles aussi, sur la sellette.
B) Galilée.
Galilée est un astronome qui multiplie les observations. Il met au point une lunette astronomique et observe beaucoup la Lune. Il affirme que le système solaire se trouve au sein d’un ensemble, la Voie Lactée, composé d’étoiles impossibles à dénombrer.
En observant Jupiter, il voit quatre petites planètes qui tournent autour de cette planète. Il en déduit que chaque planète peut être le centre d’un mouvement qui lui est propre. Ce qu’il a donc pu observer de l’extérieur pour Jupiter doit pouvoir être vrai pour la Terre. Ainsi, il peut confirmer les idées de Copernic à propos de la Lune qui tourne autour de la Terre et de la Terre qui tourne autour du Soleil.
Galilée développe ses idées, entretient une correspondance fournie. Il s’aventure même sur le terrain religieux. Il écrit à Castelli, un autre savant, mais surtout à Christine de Lorraine en 1615, lettre dans laquelle il défend sa position. Pour lui, les Ecritures expliquent comment aller au Ciel mais pas comment il fonctionne; elles ont ainsi deux sens : l’un imagé, l’autre littéral. Il publie un ouvrage, Siderus nuncius, qui attire l’attention sur lui et notamment celle de l’Inquisition. Cela-dit, il a quelques soutiens, surtout le cardinal Bellarmin, qui lui conseille la prudence. Mais en 1616 son ouvrage est mis à l’Index. Galilée continue tout de même à travailler. Le cardinal Bellarmin et le pape Urbain VIII lui recommandent une précaution : préciser dans ses écrits que ce qu’il propose est une hypothèse, tout aussi valable qu’une autre. Mais en 1632, il enfreint ces recommandations dans son ouvrage Dialogo sopra idue massimi systemo de mondo… Il affirme la supériorité de l’héliocentrisme. Galilée est alors lâché par le pape et le cardinal et est convoqué par l’Inquisition en 1633 et est condamné à la prison et à abjurer. Il se rétracte ce qui lui permet de voir sa peine de prison commuée en une résidence surveillée à vie. Il meurt quelques années plus tard.
Un décret du Saint Office bloque les travaux de Galilée. Cependant, il n’est pas reçu partout, notamment en France. C’est d’ailleurs un religieux, le père Marin Mercenne, qui assure en France, la diffusion des idées de Galilée. Ce dernier ne pouvait pas prouver scientifiquement son hypothèse qui ne le sera qu’au XIXe siècle.
IV) les progrès de l’astronomie à la fin de l’époque moderne.
A) Les découvertes majeures du XVIIe siècle.
Parallèlement à la grande affaire de Galilée, les observations se poursuivent. Au début du XVIIe siècle, un disciple de Tycho Brahé, Johannès Kepler publie ses travaux en deux ouvrages en 1609, Astronomica Nova, et en 1619 Harmonices mundi. Il propose une théorie nouvelle à savoir que les planètes ne décrivent pas des cercles mais des ellipses.
Les progrès des lunettes astronomiques ont permis d’étudier des galaxies lointaines. En 1610, Fabri Peiresc découvre la nébuleuse d’Orion, en 1612 Simon Marius observe la galaxie d’Andromède. Le pasteur David Fabricius est, dans les années 1610, un des premiers à observer les tâches solaires. Il démontre ainsi la rotation du Soleil et peut calculer cette vitesse. Il publie ses travaux en 1611 : Maculis in Sole obervatis. En 1641 Hévelius fait paraître le premier atlas lunaire. En 1651, Riccioli commence à cartographier et à nommer les espaces sur la Lune. En 1655, Huygens comprend ce que sont les anneaux de Saturne. En 1670, Isaac Newton observe le ciel grâce à un télescope perfectionné et un de ses collègue, Flamsteed fait construire, en 1675, un observatoire à Greenwich.
B) Le XVIIIe siècle.
Là aussi les découvertes sont nombreuses. En 1705, Edmund Halley s’intéresse aux apparitions des comètes qui ont eu lieu en 1456, puis 1531, 1607 et 1682. Il émet l’hypothèse que la même comète reviendrait tous les 75 ans. En 1781, la planète Uranus est découverte et les savants commencent à élaborer les premières théories de la formation du système solaire (ce qui est une négation de la Bible…). En 1796, Laplace imagine l’idée que le système solaire s’est formé à partir de la condensation d’une nébuleuse.
CONCLUSION :
L’astronomie et ses observations aboutissent à une remise en cause de tout ce que l’on croyait auparavant ce qui débouche sur un affrontement entre savoirs scientifique et théologique.
COURS 6 : Un nouveau visage du monde
- Cartes et figures de la Terre, catalogue d’exposition, centre Georges Pompidou, Paris, 1980
- Grand atlas Universalis des explorations, 1991.
La Renaissance est marquée par un bouleversement considérable qui est l’élargissement des horizons géographiques des Européens. Deux évènements sont dateurs : en 1492, la première traversée officielle de l’Atlantique ; 1497, Vasco de Gama passe le Cap de Bonne Espérance. Des facteurs multiples sont favorables à ces découvertes : la recherche d’une route des épices, la recherche de l’or, raisons religieuses (volonté d’étendre la religion chrétienne), auxquelles s’ajoute la multiplication des innovations technologiques. Ainsi, aux XVe et XVIe siècles, les expéditions sont très nombreuses. Par la suite il y en a encore mais moins, elles sont surtout terrestre et ont pour objectif de consolider les grands empires, à partir du XVIIe siècle. Le XVIIIe siècle voit la reprise des grandes expéditions maritimes.
I) les facteurs techniques propices à l’expansion européenne.
Les grands voyages deviennent possibles grâce à de meilleures connaissances de navigation, dans la fabrication des bateaux, en géographie et en astronomie.
A) Les connaissances géographiques et cartographiques.
Les milieux savants connaissent la rotondité de la Terre, depuis l’Antiquité. La planète est déjà considérée comme ronde par Platon (Ve siècle AC) et par Aristote (IVè siècle AC). Mais c’est une connaissance toute théorique.
C’est Eratosthène (IIIe siècle AC), un Egyptien, qui a le premier tenté de mesurer la circonférence de la Terre, par une méthode purement géométrique. Il observe l'ombre de deux objets situés en deux lieux, Syène et Alexandrie, le 21 juin (solstice d'été) au midi solaire local. Ératosthène remarque qu'il n'y a aucune ombre dans un puits à Syène (ville située à peu près sur le Tropique du Cancer) ; ainsi, à ce moment précis, le Soleil est à la verticale et sa lumière éclaire directement le fond du puits. Il remarque cependant que le même jour à la même heure, un obélisque situé à Alexandrie forme une ombre ; le Soleil n'est donc plus à la verticale. Par des calculs de trigonométrie, Ératosthène déduit que l'angle entre les rayons solaires et la verticale était de 7,2 degrés. Il évalue ensuite la distance entre Syène et Alexandrie, en se basant sur le temps en journées de marche de chameau entre les deux villes : la distance obtenue est de 5000 stades, soit 787,5 km, mesure très proche de la réalité. A partir de là, Eratosthène pose une figure géométrique, très simple, et calcule que la circonférence de la Terre est à peu près égale à 39 375 km, mesure extraordinairement précise pour l’époque.
C’est ici la base scientifique utilisée par les savants du Moyen Âge. Au XVe siècle, le cardinal d’Ally rédige un grand ouvrage de géographie, faisant le point sur l’ensemble des connaissances de l’époque : Imago mundi. Ce livre a été lu par Christophe Colomb. Quand celui-ci avance son projet d’atteindre l’Asie en passant par l’Ouest, il est pris pour un fou, non pas parce que l’on craint qu’il chute dans le néant au bord d’une Terre plate, mais parce que l’on considère que son voyage serait beaucoup trop long. Le débat porte ainsi sur les distances. Pour Christophe Colomb, l’arc méridien est de 83 km (que l’on multiplie par 360 pour avoir la circonférence de la Terre). Il est en désaccord avec la théorie ptoléméenne d’un arc méridien de 92 km, qui est alors l’autorité dominante. En fait, les deux théories sont fausses. Eratosthène est celui qui en était le plus proche puisqu’il calcule un arc méridien de 110 km, il est de 111 en réalité. Ce sont des débats d’intellectuels qui n’ont pas eu d’effets immédiats sur la navigation mais participent à un climat favorable aux grands voyages.
Au Moyen Âge, le monde maritime fréquenté par les Européens se résume au pourtour méditerranéen, de la mer Noire, de la mer Baltique. Les navigateurs ne s’aventurent pas en haute mer et si la côte est en vue c’est mieux. On pratique en fait une navigation de cabotage. Or, si on veut aller plus loin, il faut s’éloigner des côtes, donc perdre ses repères. Le problème est alors de se diriger avec les instruments dont on dispose. Il y a la boussole, qui a une fonction d’orientation seulement. On navigue à l’estime : la pratique est alors de jeter des objets à la mer et au moyen d’un sablier de calculer la distance de laquelle on s’est éloigné de l’objet. Les navigateurs disposent aussi des ressources de l’astronomie. On tente de se guider à travers l’observation du ciel, en se basant sur les astronomies grecques et arabes. On utilise notamment l’étoile Polaire, mais au fur et à mesure que l’on s’approche de l’Equateur, elle disparait.
A la fin du MA, l’astrolabe est mise au point. Cet instrument permet de mesurer, de calculer sa position dans la journée par rapport au pôle et à l’équateur, calculer sa latitude. Le problème qui reste est alors la longitude. Il n’existe pas d’élément formel sur lequel se baser, seulement des repères artificiels (méridien de Greenwich). C’est d’ailleurs en raison d’un problème de calcul de la longitude que les cartes de Ptolémée sont fausses : il étire beaucoup trop la mer Méditerranée et le continent. Des tentatives de calculs sont faites par un Portugais, Diego Ribeiro dans les années 1530. Il produit une carte sur laquelle la longitude est indiquée mais elle n’est pas vraiment convaincante. Les progrès sont, cela-dit, bien nets, on arrive à bien mieux se situer à la fin du XVe siècle.
Les navires s’améliorent à la fin du MA, grâce à l’apparition d’un nouveau type de gouvernail. Par ailleurs, des progrès sont faits au niveau de la voilure avec l’association de voiles latines et de voiles carrées dans les caravelles et les caraques. Les navires du MA ont un faible tirant d’eau ce qui leur permet de remonter les fleuves. Petit à petit, les navires sont rendus plus puissants, avec un tirant d’eau beaucoup plus important. Ils peuvent, de ce fait, transporter des cargaisons plus importantes (hommes, marchandises, provisions, canons…).
D) L’importance de la pratique.
Les marins sont de plus en plus aventureux. Ils utilisent les progrès de la construction navale et de l’astronomie. Ils font dessiner les contours des nouvelles régions qu’ils abordent. Ainsi sont réalisées de magnifiques cartes marines, les portulans, des guides des ports. Les petites expéditions qui se multiplient permettent au marins de connaître la direction des courants et des vents (Alizées dans l’Atlantique, vents de mousson dans l’Océan Indien). Ils utilisent leur force pour aller plus vite, même si cela les dévie de la route la plus courte. Ces connaissances qui s’accumulent, diminuent les appréhensions. La plus forte perdure cependant à savoir l’approche de l’Equateur où l’on craint de tomber sur des eaux bouillonnantes environnées de terres desséchées.
II) les grandes découvertes et leurs conséquences.
A) L’apparition d’un nouveau monde.
Christophe Colomb, soutenu par les Rois Catholiques, effectue quatre voyages pour se rendre aux Indes. Fortuitement, il découvre Ispañola et Saint Domingue, lors de son premier voyage, Cuba et Porto Rico lors du deuxième, il longe les côtes du Venezuela lors du troisième et approche à côte du Mexique lors du dernier. Il a toujours été persuadé d’avoir atteint les Indes. Mais, le pensait-il vraiment, ou défendait-il jusqu’au bout son projet originel ?
Les Portugais n’acceptent pas les prises de possessions espagnoles. Ainsi, ils sont à l’origine d’une discussion en 1493 avec le Saint Siège de laquelle ressort une bulle papale : Inter Caetera, laquelle partage le monde à découvre entre les deux royaumes de la péninsule ibérique. La limite est repoussée à l’Ouest par le traité de Tordesillas en 1494 (sinon les Portugais n’auraient découvert que de l’eau). Ils se partagent l’Extrême Orient par le traité de Saragosse. Ces traités ne sont reconnus que par ces deux puissances. Les contestations viennent notamment de France : François Ier, qui a aussi soutenu des explorations, a commenté : « Je voudrais bien connaître la clause du testament d’Adam qui m’exclut du partage du monde. »
En 1500, le Florentin Amerigo Vespucci explore la partie méridionale de l’Amérique du Sud, qu’il appelle Venezuela (« petite Venise ») en raison des habitats sur pilotis. Il est le premier à considérer ouvertement la possibilité de la découverte d’un nouveau continent et non d’îles avancées d’Asie. C’est grâce à ces considérations que sous la plume du géographe cosmographe Waldseemüller le nouveau continent prend le nom d’America dès 1507. En 1513, l’explorateur espagnol Balboa traverse l’isthme de Panama et se dit convaincu de se trouver face à un nouvel Océan. Cela incite le Portugais Magellan à lancer une expédition de 1519 à 1522. Une centaine d’hommes part, il n’en revient qu’une dizaine. Cette troupe fait le tour du monde et prouve ainsi la rotondité de la Terre et découvre véritablement un nouvel océan : le Pacifique.
La connaissance progresse aussi en ce qui concerne l’Ancien Monde (Afrique et Océan Indien). En 1487-1488, Bartolomeo Diaz atteint le Cap de Bonne Espérance et c’est en 1498 que Vasco de Gama le contourne pour arriver aux Indes. L’efficacité réside là dans la découverte de la route maritime de la route des épices.
Aux alentours de 1500, Cabral atteint le Brésil (terre aux arbres couleur de braise). Cela-dit, un problème reste irrésolu. On ne trouve pas la Terra australis. Les hommes de l’époque ont constaté que l’hémisphère nord concentrait énormément de terres, or un équilibre entre nord et sud leur semblait logique.
B) la découverte de nouvelles civilisations.
On découvre au fur et à mesure des terres nouvelles, une flore inconnue, de nouvelles espèces d’animaux et de nouvelles civilisations. Les années 1520 voient la conquête du Mexique par Cortès et du Pérou par Pizarro. Ils entrent en contact avec des civilisations extraordinaires, avec d’autres façons d’envisager le monde. Avant cela, le contact avec les populations du nouveau monde avait donné lieu au développement du mythe du « bon sauvage », avec, pour certains, la sensation du paradis terrestre retrouvé. Ainsi d’Amerigo Vespucci en 1502 : « Ils n’ont de vêtements, ni de laine, ni de lin, ni de coton, car ils n’en ont aucun besoin ; et il n’y a chez eux aucun patrimoine, tous les biens sont communs à tous. Ils vivent sans roi ni gouverneur, et chacun est à lui-même son propre maître. Ils ont autant d’épouses qu’il leur plaît […]. Ils n’ont ni temples, ni religion, et ne sont pas des idolâtres. Que puis-je dire de plus ? Ils vivent selon la nature. »
Mais la découverte des Indiens pose un problème intellectuel et théologique de taille. Ils ne sont en effet pas mentionnés dans la Bible. Se pose alors la question de la nature humaine ou non de ces nouvelles populations. En 1519, un grand débat a lieu devant l’empereur Charles Quint entre l’évêque Juan de Quevedo et Bartolomé de las Casas. Ce dernier défend la nature humaine des Indiens. La papauté prend position en 1537, Paul III émet la bulle Sublimis Deus qui donne raison à Las Casas. Malgré tout, en 1550, a lieu la célèbre Controverse de Valladolid opposant Las Casas, une nouvelle fois, à un chanoine de Cordoue Sepulveda. Las Casas remporte le débat ce qui n’améliore pas pour autant le sort réservé aux Indiens par les conquistadors.
C) les progrès de la cartographie
Dès 1507, Waldseemüller inclut le nouveau continent America à ses écrits. Cela-dit, les progrès ne sont pas rapides dans les publications scientifiques. Ce n’est qu’en 1522 qu’un morceau de l’Amérique n’est représenté sur une mappemonde. Le premier globe à représenter le nouveau continent date de 1523. Les progrès sont plus rapides en ce qui concerne l’Afrique qui est représentée pleinement dès 1508. La représentation du monde ne change pas pour autant : l’Europe au Nord, l’Afrique au Sud, l’Asie à l’Est. Cette représentation permettait d’avoir Jérusalem au centre du monde.
Une grande nouveauté dans la connaissance et dont la représentation a dû tenir compte, la mer recouvre d’immenses surfaces de la Terre. Sur les cartes de Ptolémée la mer était minoritaire. Il y a des terrae incognitae que l’on tente de combler en faisant preuve d’imagination. Le Français Oronce Fine produit une mappemonde cordiforme avec une immense terra australis. Schöner varie selon les moments où il dessine : il met d’abord une vaste terre australe qui disparait après le voyage de Magellan, dix ans plus tard elle revient. Une incertitude persiste. Mercator marque sur ses cartes Terra Australis nondum cognita. A l’intérieur des continents, on invente des images quelque peu folkloriques pour combler les vides.
La publication d’ouvrages agrémentés de cartes se multiplie. En 1570 Ortelius fait paraître Theatrum orbis terrarum qui contient 53 cartes. L’édition latine rencontre un grand succès, à tel point que dès 1571-1572 s’ajoutent des éditions italiennes, allemandes, françaises… En 1585, un autre grand cartographe, dont on a parlé précédemment, Gerhard Kremer (dit Mercator) publie un grand livre de cartes intitulé Atlas Sive Cosmographicae Meditationes. Il innove avec l’appellation Atlas.
Le problème de la transposition d’un espace sphérique sur une surface plane se pose. On utilise un système de transition. Dès 1570, Mercator met au point une projection que l’on appelé, de façon appropriée « projection de Mercator ». Il s’agit de projeter sur un cylindre (tangent à l’équateur) que l’on étire ensuite. Le problème reste que plus on s’éloigne de l’Equateur plus la carte est fausse, car plus les surfaces sont étirées. L’avantage est que si elle se déforme au fur et à mesure, elle respecte les angles et reste donc très pratique pour les navigateurs.
III) Les avancées du XVIIIe siècle.
A) les explorations.
L’une des grandes recherches est celle du passage Nord vers les Indes, soit au Nord/Est, soit au Nord/Ouest. Dans les deux cas on se heurte au problème de la glace. La Russie finance l’expédition du Danois Vitus Béring qui mène des explorations terrestres et maritimes. Il passe le détroit qui deviendra éponyme, navigue dans le Pacifique Nord où il meurt en 1741. Les Russes prennent pied en Alaska grâce à lui. Dans le Pacifique Nord côté américain, des expéditions sont menées par Cook et Vancouver (qui donnera son nom à la ville des jeux olympiques d’hiver 2010) pour les anglo-saxons. Les Espagnols lancent aussi des expéditions, depuis la Californie notamment, avec Hezeta.
Dans le Pacifique des progrès importants sont réalisés. Au XVIIe siècle le Hollandais Tasman avait découvert des bouts de côtes de l’Australie, de la Nouvelle Guinée, de la Tasmanie et de la Nouvelle-Zélande. C’est dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle que des expéditions permettent de définir clairement la cartographie de cette zone : Cook reconnait la côte orientale de l’Australie, la Nouvelle Calédonie et fait le tour de la Nouvelle-Zélande (et donnera son nom à une marque de sardines en boîte). Un autre explorateur britannique, Wallis, découvre Tahiti. La France multiplie elle aussi les expéditions. JF de Gallot, autrement connu comme le comte de la Pérouse explore le Pacifique Sud et central.
B)Les problèmes de mesure.
Les problèmes de mesure sont de deux ordres. Ils ont trait à la longitude et à la forme de la Terre.
1) LONGITUDE :
Le grand problème persistant était de se situer à l’ouest ou à l’est. Le seul repère, comme la Terre tourne, est que des parties de la planète sont éclairées et d’autres non, d’où un problème d’heures, qui tient de l’horlogerie et de la définition d’un repère artificiel. Sur terre cela ne pose pas de problème mais le bateau, lui, bouge, tangue et dérègle ainsi les horloges. Les conditions atmosphériques s’ajoutent aux éléments de perturbation. Le Parlement britannique vote en 1714 le Longitude Act promettant une importante récompense au savant qui trouverait la solution. La compétition s’engage entre Anglais, Français et Suisses. En 1740, Harrison, qui est Anglais et, dans le même temps, Berthoud, qui est Suisse, mettent au point des horloges fonctionnant pour la navigation. La récompense ira au premier. La première est utilisée par James Cook en 1775.
2) LA FORME DE LA TERRE :
Différentes écoles s’affrontent au début du XVIIIe siècle. L’école française emmenée par la famille Cassini, a pour théorie que la pesanteur est la même en tous les points du globe, la Terre est donc sphérique. L’école anglo-néerlandaise, dont font partie Huygens et Newton, déduit de la rotation terrestre qu’une force centrifuge s’exerce et a pour conséquence une pesanteur variable selon les régions de la Terre, donc les pôles doivent être aplatis. Ils sont rejoins par le français Maupertuis. Une expédition est lancée pour vérifier. Richer avait découvert en 1672 que la pesanteur était moins importante à Cayenne qu’en France métropolitaine. Mais le Suédois Celsius est quand même envoyé dans le golfe de Botnie en 1736-1737, dans l’expédition de Laponie par l’Académie des Sciences de Paris. Les résultats obtenus confirment que Newton avait raison, que la forme de la Terre était bien un sphéroïde aplati aux pôles. Par la suite, le voyage de Charles de la Condamine, qui dure jusqu’en 1740, confirme définitivement l’hypothèse newtonienne, grâce à d’autres mesures de pesanteurs différentes.
CONCLUSION : Fin XVIIe-début XVIIIe la connaissance de la Terre est profondément remaniée par des grandes découvertes. D’importantes lacunes persistent en ce qui concerne les pôles et l’intérieur des continents, surtout pour l’Afrique. La preuve visuelle de la rotondité de la Terre date du XXe siècle avec l’envoi dans l’espace du premier satellite.