Cours complet 10-11 UE7 Bouneau
Sommaire
- 1 L’économie du tourisme en Europe occidentale depuis l’époque moderne.
- 1.1 I) La genèse du tourisme élitiste.
- 1.2 II) La diffusion d’un tourisme de classe.
- 1.3 III) Une révolution organisationnelle : un système d’acteurs en réseau.
- 2 La promotion de l’économie touristique, levier de la politique d’aménagement du territoire en France, des années 1950 aux années 1980.
- 2.1 I) Les Trente Glorieuses de l’économie touristique française : démocratisation ou massification ?
- 2.2 II)la diversification des entreprises touristiques : un système d’acteurs en réseau.
- 2.3 III) les missions littorales interministérielles : les ambigüités de la mystique modernisatrice de l’aménagement du territoire.
L’économie du tourisme en Europe occidentale depuis l’époque moderne.
Une première remarque : le tourisme passe de l’extrême marge au cœur de l’économie et de la société. C’est un terme qui n’existe pas avant le XVIIIe siècle. Cette non-dénomination prouve l’inexistence de l’activité (même si on peut trouver quelques traces dans l’Antiquité qui tendraient à s’apparenter au tourisme). Elle naît quand elle est dénommée et structurée.
Le tourisme est une activité qui fait le lien entre le statique : la villégiature (terme d’origine italienne, en référence à un art de vivre), le séjour ; et le dynamique : le voyage, le transport.
Le tourisme a une trajectoire qui s’étale sur trois siècles cadre d’étude d’une innovation globale, d’un fait social nouveau.
Un ouvrage de référence sur le sujet :
- BOYER Marc, L’histoire du tourisme de masse, Paris, Presses Universitaires de France, Que Sais-Je ?, 1999.
Le tourisme est un excellent terrain pour voir l’interaction entre la logique de l’offre et de la demande. L’offre se trouve dans le transport (compagnies de chemin de fer), l’industrie hôtelière, et est structurée par l’invention de politiques touristiques. Les sociologues, comme Jean-Didier Urbain (qui a notamment travaillé sur la sociologie des plages), montrent que le désir du tourisme est très rarement enfermable dans une stratégie anticipée de l’offre. Le touriste (consommateur) est extrêmement mobile dans ses choix de destination et dans ses stratégies de consommation touristique. Deux exemples : la consommation touristique est particulièrement sensible à la situation géopolitique des pays de destinations, à la carte des conflits (la Première Guerre Mondiale par exemple détruit toute une époque touristique), a une très grande sensibilité, est très exposée aux cycles (à la différence de l’électricité par exemple qui est un secteur contracyclique), totalement exposé à la conjoncture (de tout type : climat, guerres). Par ailleurs, le touriste diffère très fréquemment du modèle du tourisme de masse. Même le tourisme des Baléares, tourisme de masse par excellence, est en réalité très différencié et très segmenté.
Le tourisme en tant que fait de consommation repose sur des stratégies de communication et d’information ; il faut en effet susciter le désir du consommateur. C’est un désir tarifé et hiérarchisé, marqué par une imprévisibilité permanente.
I) La genèse du tourisme élitiste.
Globalement, l’étude des trajectoires du tourisme comporte trois âges : élitiste, une moyennisation et enfin une massification. Chacune correspond à des modèles nationaux différents. Le berceau du tourisme élitiste est la Grande-Bretagne avec le modèle du gentleman.
A) Une préhistoire humaniste et littéraire
Le tourisme existe avant l’invention du mot. La première phase renvoie à l’esprit de la Renaissance, à la dynamique scientifique et aux grandes découvertes qui la parcourent. Les voyages font partie de la formation de l’ingénieur. S’y adjoint une invention très lente de la vitesse (cf Christophe Studeny, L’invention de la vitesse, Paris, Gallimard, 1995). Avant cela, la connaissance de l’étranger passe par les échanges de lettres (avec notamment l’invention de la poste par Louis XI). Tout ceci suscite l’envie de voyage.
L’Universalisme et l’esprit même de l’Université sont porteurs de l’idée de voyage. On peut considérer que les premiers touristes sont les artistes et les étudiants en Arts et Humanités de la Sorbonne à Bologne. Jean BODIN (1529-1596), un mercantiliste, a d’ailleurs écrit la chose suivante : « Il n’y a de richesse que d’Homme. Voyager est un devoir humaniste ». C’est en outre le XVIe siècle qui voit la naissance des ancêtres des guides de voyages qui sont en fait des guides de transports qui décrivent les chemins. L’un des tout premiers est celui de Charles ESTIENNE en 1561 : Guide des chemins de France. Le voyage en Italie devient un modèle obligé. Joachim Du Bellay (1522-1560), mais surtout Montaigne (1533-1592) écrivent les premiers récits de voyage. En 1581, ce dernier écrit un ouvrage dans lequel il multiplie les descriptions d’itinéraires. A cela, il ajoute une description très précise de la villégiature italienne (balnéaire ou rurale) et du modèle des villas du XVIe siècle. Les villas palladiennes peuvent en effet être considérées comme les ancêtres des résidences secondaires.
Le voyage est aussi une tradition de la Cour, s’accompagnant d’un art épistolaire. Louis XIV a d’ailleurs eu beaucoup de mal à fixer sa Cour à Versailles. En outre, il est un art de la noblesse. Ainsi, cette fixation n’est pas propice au développement du tourisme en France.
B) L’omniprésence du modèle britannique.
Etymologiquement, le tourisme est une invention de la fin du XVIIe et surtout du XVIIIe siècle issue du concept de « tour » ou de « grand tour ». C’est un renversement de paradigme à l’époque où la noblesse pratique le Français. Le « Tour » est en fait un rite initiatique imposé consistant en un voyage sur le continent avec un « mentor » (un maître d’étude) ou avec la famille, généralement des rives de l’Atlantique jusqu’à Rome. Jusqu’en 1750 on se contente de la France et de l’Italie mais ensuite on pousse plus loin sur les rives de la Méditerranée, ce qui est à l’origine de l’orientalisme. Le voyage dure de six mois à un an, accompagné d’un précepteur avec une liste de lectures obligatoires. Le but est la transformation du jeune homme en gentleman. Il a là l’occasion de découvrir les mythes européens qu’il peut confronter avec la pratique : Rome, Grèce antique, homme malade d’Orient… On a ici l’invention du voyage circulaire européen et du « jeune » européen.
Le modèle britannique s’appuie également sur la villégiature. Dans les deux premiers tiers du XVIIIe siècle on redécouvre les stations thermales, notamment en 1740 la ville antique de Bath. Cette innovation urbanistique est l’œuvre d’un docteur ingénieur, Richard Nash (1674-1762), qui a proclamé les vertus thérapeutiques majeures des eaux de Bath. Les médecins ont toujours joué un rôle considérable dans les trajectoires touristiques. On voit d’ailleurs la multiplication de chaires universitaires d’hydrobiologie. Ceci entraîne la création d’une économie de la cure. Cette dernière consiste en un espace de déambulation et une journée pleinement occupée. C’est en même temps une économie de loisir qui se crée. Les cures durent toujours 21 jours. Cette économie touristique exploite le divertissement codifié qui passe par des rituels journaliers (la déambulation a plus pour but de se montrer que de se soigner), les casinos et les jeux de hasard. On assiste à la reconstitution d’un véritable microcosme urbain. En outre, les nouvelles constructions se font en style romain. Le modèle thermal reste en vigueur jusqu’à la fin du XXe siècle. Bath est supplantée par Spa (Belgique) à la fin du XVIIIe siècle, puis le thermalisme arrive en France (Vichy, Coterait, Luchon, Bannière de Bigorre etc.) et en Suisse. L’économie touristique suit le chemin de diffusion de la Révolution Industrielle. Les stations les plus réputées se situent désormais dans le monde germanique (exemple : Baden-Baden, qui a eu aussi l’utilité de servir de refuge à un De Gaulle en plein doute…). Dans ce système économique ce qui compte est la consommation touristique. Les eaux embouteillées ne sont pas encore exploitées. La vogue des stations thermales est attestée par la fréquentation par l’aristocratie, plus encore lors de la venue d’un souverain.
Les britanniques ne réinventent pas que le thermalisme. Ils remettent au goût du jour le tourisme balnéaire. La première station balnéaire à se développer est Brighton à l’extrême fin du XVIIIe siècle. Elle ne prend son essor définitif qu’en 1940 avec l’arrivée du chemin de fer. La ville balnéaire est en partie copiée sur la station thermale. La différence réside au centre ville : à la place de la buvette on trouve la jetée (pier en anglais) sur laquelle s’implantent des magasins et des restaurants. Les bains de mer, qui sont courageusement testés en Grande Bretagne, ne progressent que très lentement.
Les Britanniques adaptent au tourisme le concept d’association et de club. Le premier club date des années 1840 : le Club Alpin Britannique.
C) Le premier âge d’or romantique.
Il débute à partir des années 1830 et est très largement européen grâce à la multiplication du genre littéraire des récits de voyage. Parmi les plus célèbres, celui de Lord Byron, contribue à l’orientalisme. Stendal est un auteur majeur de ce genre, avec au moins deux recueils : Mémoires d’un touriste (1838) et Promenades dans Rome (1829). C’est lui qui introduit définitivement le mot de « touriste » en France. Victor Hugo s’y est également essayé en 1858 lorsqu’il publie Voyage aux Pyrénées. Il contribue d’ailleurs à faire de cet espace réputé hostile et barbare un lieu de curiosité. Et il en est ainsi de l’âge d’or romantique durant lequel les auteurs transforment les espaces sauvages en endroits attractifs. On a appelé cela l’économie du « génie du lieu ». Ce qui est sauvage magnifie l’Homme selon l’idéal romantique. La même représentation s’applique au rivage (cf Alain Corbin, Le territoire du vide. L’Occident ou le désir de rivages 1750-1840, Paris, Aubier, 1988). L’espace barbare devient ainsi attractif, le meilleur exemple étant peut-être la Bretagne région où la langue est très différente de celle du reste du pays, où les habitants ont une réputation d’alcooliques et de profonds arriérés. Son image subit une transformation profonde.
Cet âge d’or est soutenu par l’invention pérenne du guide de voyage. A partir des années 1850 une compétition fait rage entre trois guides : deux britanniques, le guide Murray et le guide Baedeker ; et un français, le guide Joanne (futur guide Hachette). Tous ont des structures semblables et proposent des voyages types, avec une hiérarchisation de la valeur des sites (système d’étoiles). Par exemple le touriste qui se rend à Lourdes et ne va pas voir le cirque de Gavarnie n’a rien vu. Ces guides sont également constitués de chapitres sur le folklore et l’architecture. Ils n’ont en revanche qu’une utilité professionnelle limitée (peu ou pas d’hôtels ou de restaurants indiqués). Le premier guide à en avoir une est le Michelin et ne paraît qu’en 1900.
On assiste à une diversification des formes touristiques :
- La forme la plus ancienne est la station thermale, puis peu à peu le tourisme balnéaire est courageusement inventé dans la Mer du Nord.
- On voit l’apparition progressive d’un tourisme climatique qui est une sorte de synthèse entre les tourismes balnéaire et thermal. Le climat de la montagne, exposé au Soleil, est considéré comme le plus favorable. L’air y aurait des vertus thérapeutiques (multiplication de stations : Pau, Font Romeu etc.). Arcachon fait figure d’exception. C’est une station climatique uniquement jusqu’aux années 1930. On vient dans la ville d’hiver pour soigner ses maladies respiratoires grâce à une synthèse de senteurs balsamiques issues de la pinède landaise et de l’océan. Pendant près de soixante ans de riches tuberculeux viennent se soigner dans les luxueuses villas arcachonnaises.
- Une nouvelle forme apparaît dans la massification du tourisme de pèlerinage. L’emblème en est Lourdes : grande invention/innovation et fait macro-économique suite à l’apparition de la Vierge à Bernadette Soubirous en 1858. L’eau de source coulant dans la grotte est progressivement déclarée miraculeuse (l’archevêché était resté prudent). En 1858, la Vierge apparaît, de façon particulièrement pratique, en même temps que le chemin de fer. Ainsi, Lourdes devient le premier centre chrétien de pèlerinage, dépassant Rome certaines années. De 1880 à 1940, Lourdes est la troisième gare de la Compagnie des Chemins de Fer du Midi. On y trouve une économie de trains spéciaux, de restaurants, d’hôtels… On a là une entreprise économique avec ses leviers classiques, chaque diocèse y organisant des pèlerinages.
- L’ultime forme de tourisme inventée à cette époque est celle des sports d’hiver. C’est un héritage des sports nordiques et scandinaves. Ils sont mis au point dans les Alpes dans les années 1880 et dépassent très largement le ski (luge, raquettes etc.). Les Pyrénées n’y sont convertis que tardivement vers 1907-1908.
II) La diffusion d’un tourisme de classe.
Il faut prendre la notion de masse à la fois dans son sens marxiste et post-marxiste ; cf Thorstein VEBLEN., The theory of the leisure class, 1899, économiste et sociologue américain qui a beaucoup travaillé sur le rôle des entrepreneurs et sur les formes de la société contemporaine.
La classe cosmopolite élitaire joue un rôle économique et culturel majeur dans la diffusion de la seconde révolution industrielle et dans le développement d’une économie touristique et de loisirs. C’est une classe qui est constituée jusqu’à la Deuxième Guerre Mondiale d’aristocrates, de rentiers et souvent de membres du clergé ; on y trouve aussi une composante féminine importante : de riches veuves ou des héritières à la recherche d’un parti convenable.
Veblen insiste sur le caractère ostentatoire et somptuaire de cette classe de loisirs. Il ne s’agit pas simplement de micro économie mais bien de macro économie puisqu’elle est créatrice de toute une grappe de stations balnéaires et climatiques de la Méditerranée à l’Atlantique ouest. 1914 est l’année de l’apogée du tourisme de classe. Ce dernier crée tout un système de produits et de procédés dont la géographie est très largement internationale, notamment européenne. On voit une diversification des formes et des territoires touristiques, avec une hiérarchisation des sites de distinction. Celle-ci répond à des cycles de vogues de stations obéissant à des mécanismes de consécration ou de disgrâce, de la part des monarques mais également, déjà, à celle des personnalités du spectacle (par exemple Sarah Bernhardt qui consacre Belle-Ile et le Pays Basque ; elle est l’archétype de la très grande vedette internationale). On peut prendre l’exemple de Pau, dont l’apogée précoce (1840-1850) en tant que station climatique a subit une concurrence très forte qui se retrouve dans les sports d’hiver ou la fête.
A) La dynamique des nouveaux produits : bains de mer, cure d’air et sports d’hiver
Le modèle britannique est de plus en plus diversifié grâce à l’émergence d’autres modèles nationaux. La Suisse et la France ont un rôle majeur notamment. Alain Corbin, dans son ouvrage Le territoire du vide. L’Occident et le désir de rivage 1750-1840, montre la place précoce de la France dans la « balnéation atlantique » à partir de 1820 et dans le développement progressif du désir de rivage. Cette innovation de comportement décisive est liée à une révolution dans la perception de l’espace, un renversement des perspectives. Ces années 1820 sont en France cruciales. C’est dans cette période que les premiers bains de mer, qui se font en roulotte sur la côte normande, ont lieu (influence de la duchesse de Berry). Arcachon et Royan voient le même type de bains avoir lieu à peu près simultanément en 1824. Le premier âge touristique français se retrouve avec l’invention du climatisme qui crée un processus de distinction des lieux correspondant à une qualité supposée supérieure de leur air. L’économie médicale est ici convoquée. Toute station bénéficie de la caution d’un docteur (corruption fréquente). Cette distinction des lieux correspond à une nouvelle segmentation du temps qui n’est possible que pour cette leisure class (qui est en quelques sortes une version précoce de la « jet set »). On invente la cure d’air en lien avec les bienfaits supposés de la villégiature hivernale. Il existe une extrême hétérogénéité des distinctions climatiques :
- Méditerranéenne : avec les villégiatures de Hyères et de Nice notamment.
- Altitude (Fon Romeu, Massif Central)
- Vivifiant atlantique (plus rare) avec Arcachon.
De nouveaux produits touristiques sont mis au goût du jour comme les sports d’hiver. Ils sont une innovation complète à partir d’inventions radicales et incrémentales des Britanniques dans les Alpes, à partir des années 1880, en partant des acquis de l’alpinisme. Ce mouvement international de grande ampleur se développe entre 1770 et la fin du XIXe siècle à travers la sociabilité des clubs (il existe deux acceptions dans cette notion de clubs : le sens révolutionnaire d’une minorité agissante ; ou l’association d’une élite pratiquant le même sport et qui crée le gentleman, le sportman). Deux conséquences de tout cela : la démocratisation avec l’élargissement par mimétisme social et la diversification (jusqu’à la Deuxième Guerre Mondiale on pratique des sports très divers).
Chronologiquement, la France est une suiveuse. Le berceau se trouve en Suisse et en Autriche (la réunion de Davos en est un symbole). En France, la station de Megève émerge au début des années 1920. Elle a été créée de toute pièce par les Rothschild. L’Hexagone, en tant que « Fille aînée de l’Eglise » voit également la création de tout un complexe touristique de pèlerinage, surtout à partir de l’apparition de la Vierge à Bernadette Soubirous en 1858. C’est, comme on l’a déjà vu, une activité économique majeure.
Entre 1840 et 1914, se met en place en France, une très grande diversité de produits touristiques, supérieure même à celle de l’Angleterre, sur la base des modèles helvétique, germanique et italien. Cette offre est multi-saisonnière : les quatre saisons peuvent s’organiser dans une mobilité aristocratique à l’intérieur même de l’Hexagone.
B) De nouveaux procédés industriels : la manne du chemin de fer et la modernisations des systèmes préexistants.
La révolution des transports est antérieure à la révolution ferroviaire. L’invention de la vitesse (cf Christophe Studeny) est très progressive. La première étape est l’invention de la diligence dans les années 1770-1780 (la France est dotée d’un excellent réseau en 1820), dont la fonction est la poste, les affaires et déjà l’émergence d’une fonction touristique. On trouve également le tourisme fluvial.
L’invention du chemin de fer est d’emblée une invention touristique. Elle est née dans les années 1830 de façon concomitante pour les transports de pondéreux et avec une fonction d’attraction (« train de plaisirs »). La première ligne ouverte aux voyageurs en France est la ligne du Paris-Saint Germain en Laye. Elle est inaugurée par Rothschild et les ingénieurs qui la mettent au point sont les Pereire (1837-1839). La deuxième ligne est celle du Bordeaux-La Teste (1842-1845). Il existe là une forte dimension de l’attraction ludique. Les Pereire sont les premiers entrepreneurs globaux d’innovation touristique, qui est l’un des premiers leviers de leur empire. Ils sont les inventeurs de la station touristique d’Arcachon et de la côte basque. Ils redécouvrent les Pyrénées. Ils mettent au goût du jour le dépaysement rural grâce à la Compagnie du Midi. Le chemin de fer représente pour l’économie touristique la main visible du manager et en est son accélérateur. Il est une manne financière aussi. Il permet la création de stations par le cercle vertueux de la desserte (comme à Lacanau, Soulac, Mimizan…). Le chemin de fer entraîne l’intervention économique sur différents registres :
- Accessibilité (desserte) ; autrefois il fallait plus d’une journée pour aller à Arcachon.
- On investit sur la Compagnie ferroviaire car elle est prestataire de services. Bien souvent elle est aussi entreprise immobilière (les Pereire sont des spéculateurs hors pair).
- Aménagements urbanistiques : les compagnies ferroviaires sont génératrices de services publics (éclairage, eau…) et d’équipements collectifs (casinos, parcs, complexes sportifs et ludiques).
C) Un stade suprême du culte de l’innovation technologique.
L’innovation technologique est une attraction en soi, un facteur d’exhibition. Dans les affiches ferroviaires de promotion des destinations touristiques, on insiste fréquemment sur la forte concentration d’innovations technologiques. Les stations, aussi bien thermales que balnéaires, sont souvent les premières à bénéficier du confort moderne : eau courante, chauffage central, ascenseurs, ainsi que tous les usages de l’électricité. Elles sont des microcosmes urbains à la pointe de la modernité et de l’innovation avec le cumul des réseaux ferroviaire et électrique. Par exemple, Cauteraits est l’une des premières stations électrifiées, dans les années 1890. Elle concentre les innovations de la traction électrique : en 1898 c’est l’ouverture de la première ligne de train électrifiée d’Europe (qui ne soit pas un tramway). Celle-ci est prolongée dans Cauteraits par un tram électrique qui dessert les établissements thermaux. La gare est tout à fait évocatrice : elle emploie massivement le bois et est construite sur le modèle du chalet suisse monumental. C’est une patrimonialisation, la création d’une identité montagnarde. On assiste à une fertilisation croisée des innovations. On trouve une accumulation spatiale des innovations technologiques dans les stations touristiques. Le modèle suisse se diffuse très largement en Europe (cf Laurent Tissot) fondé sur un croisement de la trilogie chemin de fer, électricité, tourisme.
III) Une révolution organisationnelle : un système d’acteurs en réseau.
Entre 1880 et 1914, se met en place un système d’acteurs en réseau : les stakeholders (toutes les parties prenantes, qui s’opposent aux shareholders qui sont les actionnaires, dans une approche entrepreneuriale). La notion de stakeholder repose sur la reconnaissance d’un secteur économique et social à part entière, et le tourisme le devient. Il se transforme en un secteur économique doté d’une approche collective qui dépasse largement celle de l’entreprise, notamment avec la genèse d’une politique publique concernant les stakeholders. On peut regrouper sous cette dernière appellation les hôteliers, les ingénieurs, les investisseurs, les collectivités locales et l’intervention tardive structurée de l’Etat. Sur ce dernier point, la thèse de B. Larique en 2007 (non publiée) montre que c’est une phase de reconnaissance essentielle. En France, elle se fait sur le modèle germanique (Allemagne/Autriche-Hongrie). Un des aspects organisationnel du tourisme est donc public mais il ne faut pas oublier la dimension entrepreneuriale de tout cela. L’exemple type en est l’organisation d’évènements sportifs, de compétitions comme le Tour de France avec des innovations marketing majeures. C’est la naissance des tours cyclistes et automobiles (exemple : Paris-Bordeaux-Paris, avec des morts de spectateurs à chaque édition, ce qui montre que l’engouement ne se dément pas, malgré les quelques soucis de sécurité).
A) La confirmation du modèle organisationnel alpin.
A l’exception de certains tours, le massif alpin confirme qu’il est le berceau de l’organisation touristique européenne. La première date marquante est 1890 avec la création du Touring Club de France. C’est là un acte fondateur pour l’économie touristique française qui se place alors sous le signe de l’initiative privée. Le TCF devient la première association généraliste jusqu’à la Deuxième Guerre Mondiale pour l’encadrement du tourisme français. Son berceau est principalement alpin et dépasse largement les compétences de l’auto-club ou du club alpin. L’effet de club se fait là en opposition avec la notion élitiste sous-tendue auparavant : le TCF permet un élargissement sociologique, une moyennisation relative (en 1914 il compte plus de 20 000 adhérents). Ce sont les « couches nouvelles » de Gambetta qui y adhèrent (notamment les instituteurs et les professeurs), les classes moyennes éduquées.
En outre, le massif alpin voit l’invention des syndicats d’initiative (invention française). Le premier SI est créé à Grenoble en 1889. On y trouve une forte influence suisse. D’emblée, les SI s’imposent comme des innovations municipales de communication qui servent à montrer toutes les structures touristiques et à faire la promotion de tous les éléments de l’économie touristique des communes. Les SI sont financés par les municipalités et donc soumis aux aléas politiques. Ils renferment une double dynamique organisationnelle qui obéit au mythe de la supériorité germanique (mieux organisés, plus ordonnés).
En 1910, c’est la création de l’Office National du Tourisme qui est le premier organisme mixte (public/privé) chargé d’organiser une politique touristique. C’est une initiative d’Alexandre Millerand (socialiste), ministre des travaux publics, membre actif du TCF. Son discours est très patriotique : le but est la valorisation des ressources nationales.
Déjà, avant la Première GM on assiste à un premier effort d’organisation du tourisme qui reste encore une activité élitaire. C’est là le tout début de la moyennisation.
B) La vague des Années Folles : le renforcement d’un système d’encadrement touristique.
Le début des années 1920 est totalement marqué par l’expérience organisationnelle que représente la Première GM. Celle-ci renforce l’interventionnisme (dont le stade suprême est le dirigisme) avec une multiplication des rapports économiques qui montrent que le tourisme est un gisement économique et mettent en lumière la compétition touristique internationale. Tout un discours nationaliste se met en place dans le tourisme : on parle de « stations boches ». On s’inspire du modèle germanique avec la volonté de vaincre l’Allemagne économiquement et de faire de la France une grande puissance touristique. On assiste alors à une très grande vague d’encadrement du secteur touristique. Le terme même de « tourisme » commence à être utilisé pour décrire un secteur à part entière. Une série de lois sont promulguées alors que Léo Lagrange est secrétaire d’Etat aux Sports et aux Loisirs :
- 13 avril 1910 : la loi classe les stations hydrominérales et climatiques et autorise la perception d’une taxe de séjour (le modèle est allemand).
- Les loi des 14 mars et 24 septembre 1919 prolongent la loi précédente en donnant un classement plus complet des stations qui peuvent alors être thermales, climatiques et touristiques (la distinction reste peu évidente cela-dit). La taxe de séjour devient obligatoire.
- 1920 : Création de l’Union Nationale des Associations de Tourisme.
- 1922 : Confédération Nationale du Thermalisme, du Tourisme et du Climatisme.
- 1923 : création du Crédit Hôtelier qui a pour but de favoriser l’hôtellerie française (le modèle est suisse). Le CH permet de créer un réseau d’hôtels modernes (eau courante, électricité). Le TCF multiplie les actions pour créer des hôtels classés avec le label du Touring Club de France. C’est le début des attributions d’étoiles (depuis 1900 les guides Michelin recommandent certains hôtels mais ne leur attribuent pas d’étoile).
- 10 juillet 1924 : aménagement, embellissement et extension des stations touristiques. Cette législation reste dans l’idéologie esthétique qui garde un vocabulaire proche de celui d’Ancien Régime. Les stations touristiques sont comme des modèles, des vitrines de la Modernité. Dans les années 1920, le tourisme est l’un des moteurs de la croissance économique. Toutes les formes de tourisme bénéficient de cette croissance.
- 2 mai 1930 : protection des sites et monuments naturels et historiques. C’est au cœur de la Grande Crise que le tourisme est reconnu comme secteur économique à part entière. En 1935 le Conseil National Economique dans un rapport (le premier du genre) propose la création d’un Commissariat Général au Tourisme. Ceci est le résultat de la prise de conscience.
A priori, le tourisme est un secteur très exposé aux crises mais, paradoxalement, il est souvent utilisé comme stratégie de luttes contre ces crises.
C) La construction commerciale du désir touristique : du luxe aristocratique à la mise en scène du Front Populaire.
Dans le tourisme, on trouve une innovation essentielle : l’innovation de communication, commerciale. Elle est cruciale pour l’économie touristique. On parle de « propagande touristique » jusqu’aux années 1950 pour en arriver à la notion de marketing touristique. Les politiques commerciales du tourisme sont largement des politiques de l’offre. Le tourisme est considéré comme superflu, il faut donc éveiller le désir du voyageur. On assiste à l’élaboration de stratégies pour construire ce désir.
1) Rapport entre innovation touristique et artistique : le pouvoir des affiches.
Les affiches ferroviaires, à partir des années 1880, deviennent à la fois un art et une technique. Elles sont à la fois une publicité pour la compagnie de chemin de fer et pour les destinations. Elles font entièrement partie d’un art populaire. Leur âge d’or se situe entre 1895 et 1905. Il correspond à la floraison de l’Art Nouveau, autrement appelé Art 1900 ou Modern Style (la ville de Nancy est le centre de cette impulsion, tout comme Barcelone ou Riga, à Paris, les entrées d’Hector Guimard sont Art Nouveau). Pour ce qui est des affiches ferroviaires, celles d’Alphonse Mucha ou d’Henri Gray sont très représentatives. Elles sont diffusées à des centaines d’exemplaires et sont des invitations au voyage. Elles se doivent donc de montrer la qualité de la desserte (Paris-Arcachon 12h seulement !), des infrastructures, l’attrait naturel des sites et les multiples indications thérapeutiques. Ces affiches ont une trilogie nature, luxe et mondanité (par référence à Baudelaire : « luxe, calme et volupté »). En 1898, la revue L’affiche est créée et théorise tous ces éléments. On a la recréation d’un microcosme, d’une innovation spatiale fantasmée ce que montre Michel Butor dans Le génie du lieu (1958). L’affiche est un support majeur de la propagande touristique.
Elle rebondit dans l’Entre-deux-guerres avec le mouvement artistique des Arts Déco qui se caractérise par une recherche de l’épure et est un art très fonctionnaliste (Saint-Jean de Luz, Biarritz).
Les guides touristiques assurent également cette promotion. Cette nouvelle dynamique est portée par l’entreprise Michelin qui combine toutes les catégories d’innovation. Ils publient le premier Guide Rouge en 1900, complété en 1910 par l’édition des Guides Bleus (très bien pour réviser l’agrégation). La trilogie est formée avec le Guide Vert dont l’apparition date de l’Entre-deux-guerres. Ce dernier a pour clientèle la classe moyenne démocratisée (instituteurs). Il est synthétique. Michelin est une entreprise totale depuis les années 1880. Michelin a même créé un logo pour promouvoir ses pneumatiques (bibendum), des cartes à partir des années 1910 (avant on ne trouve que des cartes d’état major ou presque). L’ensemble de la France est cartographié dans les années 1930. L’entreprise met aussi en place les bornes des routes départementales, nationales, des services de renseignement aux voyageurs, des partenariats sportifs…
2) La diffusion de l’offre touristique : la marche à la moyennisation.
La moyennisation du tourisme est le troisième stade et correspond à l’élargissement du tourisme élitaire par un phénomène de mimétisme (cf Thorstein Veblen). Cet élargissement contribue à distinguer les classes moyennes supérieures, les « couches nouvelles » de Gambetta : enseignants, commerçants. Les piliers sont posés pendant l’Entre-deux-guerres dans deux registres : celui des pays démocratiques (Grande-Bretagne, Autriche, France du Front Populaire) et celui des pays totalitaires (Italie et Allemagne).
Pour ce qui est du registre du tourisme totalitaire, le fascisme a joué un grand rôle dans la création d’un tourisme social. Se met en place un encadrement du berceau au tombeau pour l’ensemble des structures de la société, les loisirs et le tourisme en font partie intégrante. Les fins sont idéologiques. Le but est l’endoctrinement. En 1925 le Parti National Fasciste crée le Dopolavoro (Œuvre Nationale du Temps Libre). Celui-ci contrôle les loisirs ouvriers par l’organisation de voyages et de séjours éducatifs vantant la grandeur romaine et italienne (visite de ruines romaines, chorales, lecture du Duce). En 1929, la doctrine du fascisme est exprimée par Gentile dans la formule : « Tout dans l’Etat, rien contre l’Etat ». Ainsi, le fascisme aménage la côte adriatique (qui est une côte sablonneuse), et assainit les marais (par exemple à Rimini). C’est la création de stations balnéaires de masse. Celles-ci accueillent très tôt des milliers de Teutons dans le cadre de l’axe Italo-germanique.
Hitler, dès 1933, pratique le même type de politique en créant l’équivalent du Dopolavoro : le KDF (Kraft Durch Freude). Il développe le même genre d’aménagements sur la mer du Nord.
Dans les régimes démocratiques, le tourisme social se développe en Grande-Bretagne mais le Front Populaire français est clairement une phase d’accélération. Le tourisme se démocratise grâce à l’action de Léo Lagrange et dans le cadre de la loi du 20 juin 1936 sur les congés payés. Cette dernière donne une assise sociale définitive au tourisme. C’est un nouveau droit fondamental aux vacances pour tous et une marche à l’augmentation du temps libre. Attention ! Cette politique ne s’accompagne que très progressivement d’une moyennisation du tourisme, malgré la réduction des tarifs ferroviaires.
Ainsi, le tourisme social reste très expérimental avant la Deuxième GM et on ne peut pas parler de départs massifs en vacances des salariés français avant les années 1960.
La notion même de tourisme social correspond à sa moyennisation grâce à sa diffusion par des militants de valeurs attachées au tourisme. Ces dernières revêtent des fonctions sociales d’hygiène, philanthropique, culturelle.
Le tourisme social est une invention britannique de la fin du XIXème siècle, développée par des pasteurs avec plusieurs tendances convergentes :
- Elargissement du repos dominical au samedi après midi puis toute la journée. C’est là l’invention du week-end. En 1914, la majorité des salariés sont en week-end à partir du samedi après-midi. En France, c’est la loi de 1906 qui établit le repos dominical. Elle est très en retard sur la GB puisque le week-end ne s’impose qu’après la Seconde Guerre Mondiale.
- L’invention des voyages de groupes par le pasteur COOK qui utilise les chemins de fer pour organiser des voyages jusqu’en Suisse via la France. Cette invention a une fonction religieuse d’éducation en plus d’une dimension philanthropique (voir les travaux de Laurent Tissot).
- Développement de nouvelles pratiques touristiques en lien avec la nature. C’est l’apparition du « sentiment de nature » qui entraîne le retour du pique-nique (déjà pratiqué sous Henry VIII). Les mouvements de jeunesse voient le jour avec le scoutisme qui a une vocation d’édification sociale.
- Naissance du camping, avec le mouvement des happy campers créé dans les années 1910. Son développement se fait dans les années 1920 et 1930 sur les plages d’Hastings, Brighton et Porthmouth qui sont des plages au départ plutôt aristocratiques. Après le camping c’est la naissance du caravanning (dès 1890) qui prend son essor dans les années 1920. Les années 30 sont celles de l’invention des bungalows dont le grand entrepreneur est Billy Butlin. Ces bâtisses permettent une stabilisation des campeurs dans d’immenses parcs où l’on trouve très souvent des machines à sous qui permettent un déversement sectoriel du salaire des ouvriers. L’industrialisation du camping intervient dans les années 1920 et 1930. De ce fait, à cette époque, tous les étés, vingt villes balnéaires dépassent les 100 000 habitants.
Le tourisme social n’est, cela dit, véritablement diffusé qu’après la Seconde GM. Un des modèles est la Belgique dans les années 1950.
La promotion de l’économie touristique, levier de la politique d’aménagement du territoire en France, des années 1950 aux années 1980.
En France, la reconnaissance du tourisme comme secteur économique à part entière a été très progressive. Celle-ci a commencé au tournant des années 1920 et 1930 avec une révolution organisationnelle associant l’ensemble des acteurs (stakeholders). Il y a association entre les aménageurs publics et privés (souvent des ingénieurs), les investisseurs et toutes les entreprises de loisirs. Le tourisme est reconnu comme une industrie à partir des années vingt et, pendant plusieurs décennies, on emploie l’expression « industrie touristique ». Pourtant, les acteurs appartiennent majoritairement au secteur tertiaire. Cette appellation signifie en fait que le tourisme est un système avec ses territoires propres. Il lui est nécessaire de séduire les consommateurs. L’innovation joue un rôle majeur et elle seule permet le passage d’un tourisme aristocratique à un tourisme moyennisé voire à une massification. Cette question est cruciale pour la période de haute croissance de l’après seconde guerre mondiale. L’expression « Trente Glorieuse » établie de manière erronée pour l’économie française par Jean Fourastié a un sens pour le tourisme. C’est la grande question de la société post-industrielle comme celle de « l’avènement des loisirs » selon l’expression d’Alain Corbin, alors de plus en plus visible. A tel point que le tourisme a, à partir des années 70 et 80, un rapport ambigu avec le superflu de la loi d’Engel. Joffre Dumazedier, un sociologue, intitule même en 1962 son ouvrage Vers une civilisation du loisir ? Il publie en 1974 Sociologie du loisir. Critique et contre critique de la civilisation du loisir.
I) Les Trente Glorieuses de l’économie touristique française : démocratisation ou massification ?
Le cycle du tourisme est souvent décalé par rapport au cycle économique en général, et le secteur peut être contracyclique. Cela se vérifie notamment pendant la crise des années 1970.
Globalement, le tourisme est, à partir des années 1950, un des leviers majeurs de la construction d’une politique nationale d’aménagement du territoire. Trois éléments sont à retenir pour l’aménagement du territoire depuis soixante ans : les centrales nucléaires, les autoroutes et les aménagements touristiques.
Les années 50, 60 et 70 sont celles de l’âge d’or d’une conception d’un tourisme de masse soutenu par des politiques publiques. Indiscutablement, ce sont les trente glorieuses du tourisme pour l'inscription territoriale, parce qu'il y a une conception sociale et une croyance politique de modèle incitatif d'aménagement du territoire. Cette touristification du territoire nécessite la création du consommateur de tourisme moyen. Les années 50, 60 et 70 voient la diffusion sociale du départ en vacances et d’un phénomène nouveau : la migration estivale massive dont l’âge d’or est 1968. On peut parler de phénomène civilisationnel. Celui-ci est spécifiquement français. On ne le retrouve pas aux Etats-Unis notamment. Ces trois décennies de développement touristique sont lancées par la haute croissance des années 50 et 60 qui enregistrent une très forte augmentation du PIB par habitant et une élévation générale du niveau de vie, une modification du mode de vie et l’allongement des congés payés.
Cette modification du niveau de vie est celle de la littoralisation. On assiste à une valorisation du littoral sous la pression des nouvelles pratiques socioculturelles et des nouveaux modes de consommation qui se retrouvent dans la trilogie « Sea, sand and sun » à laquelle on ajoute le « sex » dans les années 1970.
L’expansion des congés payés :
- Deux semaines accordées par le Front Populaire en 1936 (jusque là seuls les privilégiés en bénéficient, notamment les enseignants).
- La troisième semaine est accordée en 1956 sous le gouvernement de Guy Mollet.
- La quatrième date de mai 1969.
- La cinquième, enfin, est adoptée en 1981 dans l’euphorie de la victoire de François Mitterrand. Le premier gouvernement de
Pierre Mauroy compte un éphémère ministère du temps libre détenu par André Henri.
De 1936 à 1981 on constate une dilatation énorme des congés payés. La dilatation du temps libre est d’ailleurs triple : vacances, rétraction de la semaine de travail, 35 heures et RTT. L’enrichissement de la population ajoute une pierre à l’édifice.
Pour répondre à ces nouvelles logiques issues de la société de consommation il est nécessaire d’aménager des infrastructures adaptées.
Le tourisme social a de multiples origines. Il peut être l’œuvre des Maisons Familiales de Vacances (créées en 1954) et des VVF (1958). Ceux-ci sont financés par la caisse des dépôts et consignation qui dans les années 60 va jusqu’à aménager dix villages par an, avec un souci d’économies maximales. En 1981, le tourisme social offre 770 000 places (ensemble de villages et de colonies de vacances). C’est un mouvement européen beaucoup plus large. En 1956 est créé le BITS (Bureau International du Tourisme Social).
On tend vers une démocratisation/massification. Pour qu’il y ait massification il faut qu’il y ait peu ou pas d’exclus.
Le mouvement est continu. Le trend est impressionnant :
- Entre 1936 et 1939, deux millions de Français partent en vacances.
- En 1951 ils sont 7 millions. La progression est sidérante. Même pendant la 2GM on continue à partir en vacances.
Les ¾ des départs ont lieu l’été. Il y a une large démocratisation et une large diffusion socioprofessionnelle du départ en vacances (mais pas de massification pour autant). En 1981, 70 % des ouvriers partent en vacances. La proportion monte à 86 % pour les cadres et les catégories sociales supérieures. Les agriculteurs et les personnes âgées sont les plus défavorisées en la matière. On peut considérer qu’il y a un optimum. Certaines catégories sont inatteignables.
Le tropisme littoral se renforce. En 1981, 85 % des Français passent leurs vacances en bord de mer, tandis que 20 % seulement partent à la montagne. Paris concentre la majeure partie des touristes étrangers du fait de son rayonnement multiforme. La France a une balance commerciale touristique très largement excédentaire. En 1981, sept millions de Français sont partis en vacances hors de l’Hexagone tandis que plus de 30 millions d’étrangers ont séjourné en France (il faut prendre en compte un biais statistique important toutefois. La situation géographique de la France en fait un pays de transit). En 1981, le solde de la balance touristique a procuré 8 milliards de francs de recettes faisant de la France la première puissance européenne en la matière, voire mondiale selon les années. Elle est la seule puissance européenne à voir partir en vacances la majorité de sa population et à accueillir en masse les touristes étrangers. La France est un modèle au début des années 1980. En 1981, 500 000 personnes sont employées dans le secteur du tourisme. Indirectement on en compte même 800 000 (construction de matériel et d’équipement touristique).
Il faut souligner les limites à la démocratisation, celles qui empêchent la massification. Le tourisme n’est pas induit par l’allongement des congés payés. Les difficultés sont particulièrement visibles au niveau des sports d’hiver. Ceux-ci restent chers donc très sélectifs. En 1983, 10% de la population part en vacances de sports d’hiver. tourisme intègre le spectre plus large de l'économie des loisirs, extrêmement large. Dans le secteur des loisirs, les dépenses des Français ont été multipliées par 4 de 1970 à 1984. Il y a des arbitrages au sein de l'économie des loisirs.
II)la diversification des entreprises touristiques : un système d’acteurs en réseau.
Sous la IVème et Vème Républiques il y a un volontarisme modernisateur qui intègre le tourisme. La politique d’aménagement touristique est une innovation globale. Le cœur chronologique peut être situé entre 1959 et 1963 :
- le statut des campings est édicté par une loi du 7 février 1959.
- La création des parcs nationaux : loi du 22 juillet 1960.
- Un décret de 1963 crée les parcs naturels régionaux.
Dans cette période, un ministère du tourisme se construit progressivement :
- En juillet 1959 création du Comité interministériel du tourisme.
- En 1962, un Commissariat au tourisme est placé sous l’autorité directe du premier ministre Georges Pompidou.
En 1969, pour ce qui est de l’échelle internationale, l’ONU proclame l’année « année du tourisme, passeport pour la paix ».
Dans ce contexte, l’aménagement du territoire prend forme par la création en 1963 de la DATAR (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale) dirigée par Olivier Guichard de 1963 à 1968 puis par Jérôme Monod de 68 à 75. La DATAR intègre pleinement le tourisme dans son champ de compétences. L’aménagement touristique est polarisé par les littoraux. Un élément décisif a été l’organisation des jeux olympiques d’hiver en 1968 à Grenoble. L’impulsion des sports d’hiver pour l’aménagement touristique est cruciale. L’or blanc s’impose comme un marqueur de discrimination sociale. Ce sont les classes moyennes supérieures qui vont skier. En 1981, 36 % des classes moyennes et supérieures partent aux sports d’hiver, 4 % des employés, et 2 % des ouvriers. Se pose la question du choix de la stratégie d’aménagement des stations. L’utilisation de noyaux villageois préexistants est la première. Dans les années 1960, des stations intégrées sont créées de toutes pièces comme à La Plagne (immeubles de 19 étages, galeries marchandes chauffées, parkings, altiports…). Une contestation de ce modèle nait rapidement, dès la fin des années 1970, portant que la préservation de l’équilibre des milieux montagnards. Ainsi, dans les années 1970 on abandonne la construction de stations sur ce modèle. En 1977 il est interdit de construire des stations au dessus de 1400 mètres dans les Pyrénées et au dessus de 1600 mètres dans les Alpes. La station troisième génération voit le jour. C’est le cas de Val Morel construite en 1976 à 1400 mètres d’altitude. Plusieurs hameaux sont regroupés avec la construction de chalets et d’immeubles de style savoyard. En théorie, le tourisme multi-saisonnier est permis.
Le secteur du camping reste l’illustration du tourisme populaire. Il connait une croissance anarchique dans les années 50 et 60. C’est un grand succès du tourisme français puisque les campeurs passent de un million en 1961 à 12 millions en 1981. Grâce à la loi de 1969 une amélioration considérable des terrains de camping est enregistrée. Le parc atteint 1,7 million de places. La France est la seconde puissance européenne du camping après la GB. Les adeptes du camping appartiennent à un éventail social très large dans les années 1980. On note une diversification sociale du camping avec les 4 étoiles, les bungalows, les caravanes luxueuses. Le camping-car n'apparaît qu'à partir des années 1970.
Le club de vacances est une innovation totale avec l’invention en particulier par Gilbert Trigano du Club Med. C’est en 1959 que le premier est aménagé. Il représente l’avènement d’une nouvelle sociabilité, plus permissive. L’industrialisation du tourisme se fait avec les tour operators (invention allemande de la fin des années 1950). En France, en 1980, il y a 11 entreprises françaises de Tour Operator qui transportent plus de 11 millions de passagers (le modèle est l’entreprise FRAM, originaire de Toulouse).
La diversification des équipements et de la consommation touristiques français durant les années 1950-1970 repose aussi sur la diversification du réseau hôtelier, obsolète jusqu’à la 2GM par rapport aux modèles suisses et autrichiens. On trouve une notable exception quand même dans l’hôtellerie de luxe mais on ne trouve quasiment pas d’hôtellerie intermédiaire. En 1981, la France dispose d’un parc total de 430 000 chambres, première en Europe. La modernisation de l’hôtellerie est inscrite dans plusieurs plans, notamment dans le 4ème de 1962 à 1965 qui prévoit un gros effort financier. L’hôtellerie est considérée comme un vecteur de l’aménagement du territoire. L’accent est très clairement mis sur la construction d’hôtels pour les classes moyennes. Dans les années 1960, la classification des hôtels est revue et stabilisée avec des normes strictes. La France est un des pays les plus sévères. Elle reste fidèle au système des cinq étoiles. Une nouvelle génération d’hôtels de luxe se développe dans le même temps, en particulier des hôtels de luxe internationalisés à l’américaine (exemple : Hilton à Paris en 1966). Les compagnies aériennes investissent dans l’hôtellerie de luxe. Air France investit dans sa filiale Méridien consacrée. On voit aussi une moyennisation par le haut à travers l’histoire du groupe Novotel qui table sur la gamme moyenne supérieure. Il ouvre son premier établissement à Lille en 1961. La chaîne a pris le contrôle de 1981 de 192 hôtels dont 66 à l’étranger. En 1980, Novotel est le cinquième groupe mondial derrière les géants américains, grâce à son réseau de deux étoiles avec le développement de sa filiale Ibis. L’hôtellerie française est très compétitive. A partir des années 80, elle est concurrencée par l’hôtellerie espagnole (rapport qualité prix le meilleur au monde).
L’expansion des résidences secondaires est également un phénomène en cours dans ces années là, entourée de la mystique du retour aux racines. Elle entraîne la construction de grands programmes immobiliers, notamment sur les côtes (comme en Vendée). Le groupe Merlin en est l’un des grands entrepreneurs. C’est un signe de distinction sociale pour les élites et les classes moyennes. En 1954 seulement 450 000 résidences secondaires sont recensées par l’INSEE. En 1981 elles sont 1,7 million.
On assiste à un phénomène d’étirement de l’espace de consommation accompagné d’une progression du temps libre (un siècle continu de réduction du temps de travail). Tout ceci est suivi de nouvelles pratiques sociales ludiques, sportives et familiales. C’est une moyennisation du tourisme français que l’on voit. En outre, celui-ci est utilisé comme levier de l’aménagement et d’équipement. Cette moyennisation est permise par une offre segmentée de produits.
III) les missions littorales interministérielles : les ambigüités de la mystique modernisatrice de l’aménagement du territoire.
Le développement du tourisme balnéaire à partir des années 1950, accompagné de sa célèbre trilogie « sea, sand and sun » (+sex), peut être assimilé à un phénomène de consommation de masse.
Ce type de tourisme s’est développé dès la fin du XIXème siècle à partir d’initiatives privées. Dans le cadre de la politique d’aménagement du territoire de la IVème République puis de la Vème, il en devient le levier. Pour aménager les littoraux on part pratiquement du « territoire du vide » selon l’expression d’Alain Corbin, pour passer au cœur de l’économie occidentale des deuxième et troisième révolutions industrielles. Le poids de l’économie touristique française est supérieur à celui de son économie agricole. En même temps que ces politiques prennent de l’ampleur, contrairement à l’Espagne, une préoccupation environnementale voit le jour. L’environnement est pris en compte de façon très globale à la différence de l’écologie.
On trouve quatre modèles de tourisme littoral :
- tourisme aristocratique littoral hérité du XIXème siècle (Deauville, La Baule, Arcachon).
- le modèle d'urbanisation galopante de la Côte d'Azur qui fait de la Riviera une immense conurbation qui dès les années 1950 est déjà très largement bétonnée, où chaque interstice d'une côte rocheuse a été aménagé. L'aménagement est terminé à la fin des années 1960, avec la plus grande concentration à Monaco. Le mythe de Saint-Tropez est dû au maintien du village.
Les deux suivants sont le Languedoc-Roussillon et l’Aquitaine.
Dès les années 1960, des missions interministérielles sont chargées de réguler l’aménagement des littoraux pour les rendre accessibles à tous les acteurs régionaux dans une démarche de démocratisation des équipements. Les deux régions ont été l'objet de deux missions d'aménagement touristique du littoral avec deux expériences antithétiques. Pourtant elles ont deux points communs importants : ce sont des côtes sablonneuses et pratiquement pas aménagées. Au début des années 1960, la côté languedocienne accueille des citadins de l’arrière-pays et les paysans du vignoble. Les stations les plus connues sont Le-Grau-du-Roi, Palavas-les-Flots, Valras. Ce sont des stations artisanales, populaires, avec une prolifération du camping individuel plus ou moins sauvage. C'est un littoral infesté de moustiques, une zone qui nécessite d’être traitée par des insecticides. En 1963, la DATAR crée la Mission Interministérielle pour l’Aménagement touristique du Littoral du Languedoc-Roussillon (la MIATLLR). L’objectif est d’édifier de nouvelles stations intégrées équipées de ports de plaisance. Le financement est assuré par la caisse des dépôts et consignation. L’aménagement requiert au préalable des travaux d’assainissement et d’adduction d’eau considérables. Ils sont mis en œuvre à partir de 1955 par la Compagnie Nationale d’Aménagement du Bas-Rhône et du Languedoc qui est un modèle d’économie mixte. Le premier aménageur est Philippe Lamour soutenu par Georges Pompidou alors premier ministre. C’est d’ailleurs lui qui crée la DATAR sur le modèle américain de la modernisation. Les missions sont rattachées directement au Premier ministre. La MIATLLR fut créée avec à sa tête Pierre Racine, qui a bien été le promoteur d'un aménagement global. Il veut créer des « villes de vacances », dans « une région moderne de grand tourisme ».
Le plan directeur de 1964 est basé sur un zonage du littoral qui distingue cinq grandes unités touristiques, séparées par des espaces dédiés à d’autres vocations, surtout la préservation du milieu naturel. G. Pompidou et la MIATLLR font une campagne de propagande internationale autour d'un modèle d'hypermodernité touristique. Il faut offrir une infrastructure globale clés en main. La côte du Languedoc-Roussillon fait 210km de littoral, avec un lit d'eau sableux, associé à des lagunes, des étangs. Le Languedoc-Roussillon est une région des plus défavorisée de France, seule la Corse est plus pauvre. C'est présenté comme un modèle de développement global. Chaque nouvelle station apparaît comme une ville champignon avec un style, un architecte en chef qui est un véritable maître d'œuvre. Les grandes stations sont la Grande Motte, avec les immeubles en pyramides (architecte : Jean Balladur) ; Port-Leucate, dessinée par Georges Candilice ; Port-Barcarès, le Cap d'Agde, avec ses maisons de village, et Port-Camargue. La mise en service est échelonnée entre 1968 et 1971. Ce sont les cinq stations les plus importantes qui sont mises en valeur mais au début des années 70 on compte une vingtaine de stations. Pour chacune l’équipement est réalisé par une société d’économie mixte. L’aménagement est accompagné de travaux autoroutiers : l’A9 entre Orange et Narbonne, notamment. En 1975, l'objectif de capacité d'accueil a été atteint, avec 328000 lits. Le tourisme devient le premier secteur d’activité de la région avec 65 000 emplois.
Pourtant, les externalités négatives sont rapidement pointées du doigt. Dans les années 1960 des protestations s’élèvent contre les conditions d’insertion des aménagements dans leur environnement. On pointe leur caractère artificiel ainsi que le fait qu’ils soient surimposés à une économie et une société traditionnelles. Les autochtones critiquent la mono-activité et la durée insuffisante de la saison. A cela s’ajoute les rapports difficiles entre les touristes et les locaux. Les résidences secondaires deviennent très largement majoritaires. Les conflits d’usage se multiplient (touristique face aux usages agricoles, pêche, aquaculture…). Au milieu des années 1970 on assiste à un renversement de perspectives pour les grands ensembles et les pyramides, autrefois perçus comme synonymes de modernité.
Paradoxalement, la chance de l’Aquitaine est un aménagement plus tardif, trop tardif. Pourquoi ? L'aménagement naturel, technique, physique est encore plus compliqué que celui du Languedoc-Roussillon. Ce n'est pas un lit d'eau mais une côte dunaire qui culmine au Pyla. Dans l'arrière-pays, on retrouve presque en permanence un espace forestier où les densités humaines sont très faibles. La densité globale de l'Aquitaine est faible, souffrant de l'hyperpolarisation bordelaise. Ces difficultés sont en partie levées par l’action modernisatrice de Jacques Chaban-Delmas, maire de Bordeaux, « duc d'Aquitaine », puis Premier Ministre. Toute une série de leviers d'action politique sont utilisés.
La MIACA (Mission Interministérielle pour l’Aménagement de la Côte Aquitaine) est mise en place en 1967 (dissoute en 1988). Elle est construite comme une antithèse de la MIATLLR, avec deux dirigeants différents. Le premier est Philippe Saint-Marc, imposé par le Premier ministre Georges Pompidou en mai 1966 dans un discours à Capbreton. L'histoire de la mise en place de la MIACA est longue. Un premier plan est élaboré en 1969 et prévoit d’atteindre une capacité globale d’accueil de 350 000 lits et la création ou l’extension de trois stations des Landes : Seignosse, Moliets et Biscarosse ; de trois autres dans le Médoc : Carcan/Maubuisson, Hourtin et Montalivet. Autour de ces 6 stations, l’accent est mis sur le tourisme social avec la création de bases de plein air à Bombannes (vers Carcan-Maubuisson) ou Hostens, ainsi que l’aménagement de nombreux villages vacances. L’aménagement littoral est ici conçu en profondeur.
Devant le retard pris par les opérations, Philippe Saint-Marc démissionne et est remplacé en février 1970 par Emile Biasini, un homme d'action, arrivant dans le programme d'action de Jacques Chaban-Delmas, la « Nouvelle Société », et bénéficiant du système chabaniste. Il s'engage contre la méthode languedocienne (déclaration de 1970), et revoit le plan. Il en résulte la création de 9 unités principales d’aménagement et de sept secteurs d’équilibre naturel. Le résultat en termes de lits est limité, seulement 145 000 en 1982 donc bien en dessous des espérances. Cela-dit, ces hébergements relèvent du tourisme social.
Emile Biasini s’est heurté à un front du refus. La MIACA bute constamment contre l’ONF ainsi que les propriétaires sylviculteurs privés, au mieux financièrement. Mais surtout, ce qui a freiné son action est la montée au créneau des associations de préservation de l’environnement qui réunissent de nombreux universitaires comme Robert Escarpit.
Le succès de la MIACA a posteriori est lié à son échec. Le tourisme en Aquitaine offre des conditions de densité limitées et un équilibre entre nature et tourisme, constamment souligné par la propagande du Conseil Régional. E. Biasini dans ses Mémoires en 1995 pense qu'il faut éviter la « zone léthale » de tourisme qu’il faut « la respecter », c'est-à-dire définir un optimum.