Lachaise UE1 3eme cours 10/10/08

De Univ-Bordeaux

Les archives

Qu’est-ce qu’une archive ?

Définition officielle : « l’ensemble des documents, quels que soient leur date, leur forme et leur support matériel, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l’exercice de leur activité. »

On distingue :

  • le fonds d’archives : « ensemble des documents provenant d’une personne physique ou morale et dont l’accroissement s’est effectué d’une manière organique dans l’exercice de ses activités »
  • la série d’archives : ensemble d'archives déterminé de manière conventionnelle, soit d'après la matière (administration d’un département=> série M) ; soit d'après la période (période révolutionnaire => série L) ; soit d'après la provenance (archives provenant des dons privés : série J, ou AP dans les archives nationales)

Le fonds d’archives correspond donc aux archives d’un organisme : fonds d’une famille, commune, entreprise. Cela donne une unité aux archives.

Il faut toujours se demander comment un fonds d’archives a été constitué, ce qui suppose de connaître le fonctionnement de l’organisme et donc d’opérer une réflexion sur celui qui a produit le fonds. Il est impératif de croiser les sources, tout en mentionnant leur origine, le type de source dont il s’agit.

Il y a trois âges des archives :

  • archives courantes : documents d’utilisation quotidienne par l’organisme qui les produit ou les reçoit. Ils ont obligation de les garder
  • archives intermédiaires : documents qui ont cessé d’être considérés comme archives courantes et ne peuvent faire l’objet de tris et d’éliminations pour des raisons d’administration. Elles sont conservées sur place ou dans les archives publiques. Cela dépend des moyens en personnel
  • archives définitives : documents qui ont subi les tris et éliminations prévus par la loi et qui sont à conserver sans limite de durée. Elles doivent être versées dans les archives publiques (les tris et éliminations ne concernent que les archives sérielles : dossiers de baccalauréat, permis de conduire)

Deux ministères conservent leurs archives de façon autonome : celui des affaires étrangères (archives diplomatiques) et celui de la défense (service historique de la défense). Ce-dernier est divisé entre le service d’histoire de l’armée de terre, celui d’histoire de la marine et celui d’histoire de l’armée de l’air.

Les archives de France sont sous la direction du ministère de la culture. Elles sont organisées en trois niveaux :

  • archives nationales (dir. Isabelle Neuschwander)
  • archives départementales (dir. Louis Bergès)
  • archives communales (Agnès Vatican)

Les archives de France ont d’abord été dirigées par Jean Favier, puis par Martine de Boisdeffre. Ce système organise un contrôle hiérarchique, par échelon du haut vers le bas. Le problème se pose pour les archives municipales, particulièrement dans les campagnes, en raison des manques de personnels liés à la décentralisation.

Dans chacun de ces dépôts, on ne conserve que ce qui est lié à l’activité de l’espace géographique concerné. En raison de l’inflation de papiers, il y a plusieurs centres. Ainsi, pour les archives nationales :

  • Paris, le CHAN dans le quartier du Marais
  • Fontainebleau, le CAC (postérieur à 1958)
  • Aix-en-Provence, l’AOM (Outre-mer)
  • Roubaix, l’AT (monde du travail)
  • Saint-Denis, vaste projet prévu pour 2010-2011 pour regrouper les archives du CHAN et du CAC, et une partie de celles du ministère des affaires étrangères

Jusqu’en 1979, il n’y a pas de loi réglementant les archives. La demande d’histoire immédiate a considérablement enflé dans les années 1970, notamment à partir du débat sur la seconde Guerre mondiale amorcé par Robert Owen Paxton en 1973 avec La France de Vichy. La révolution paxtonienne a répandu l’idée que la France a demandé la collaboration et qu’elle n’était pas résistante dans sa totalité.

Henri Michel, à la tête du Comité d’histoire de la seconde Guerre mondiale, collectait jusque là des récits de guerre, provenant surtout de résistants. Mais cela ne suffisait pas, les archives restaient indispensables… Son Comité est intégré à la création en 1978 de l’Institut d’histoire du Temps présent (IHTP). François Bédarida, Robert Franck, Denis Peschanski et Fabrice d’Almeida s’y sont succédé.

Une loi « libérale » est votée le 3 janvier 1979 : « Les archives sont librement communicables à l’exception d’un délai de trente ans ». Mais il y a des restrictions :

  • 30 ans pour tous documents administratifs non publiés
  • 60 ans pour les documents pouvant porter atteinte à la vie privée des individus et à celle de l'État : à compter de la date de l'acte pour les documents qui contiennent des informations mettant en cause la vie privée ou intéressant la sûreté de l'État ou la défense nationale.
  • 100 ans pour l'état civil, les minutes et répertoires des notaires, les dossiers de procédure judiciaire et les documents du service de l'enregistrement :à compter de la date de l'acte ou de la clôture du dossier pour les documents relatifs aux procédures judiciaires ; les dossiers provenant des établissements pénitentiaires ; les registres d'état civil, de l'enregistrement, les minutes et répertoires de notaires et officiers ministériels, les documents contenant des renseignements individuels ayant trait à la vie privée collectés dans le cadre des enquêtes statistiques des services publics.
  • 120 ans pour les dossiers de personnel : à compter de la naissance de l'intéressé.
  • 150 ans pour les dossiers ayant des renseignements à caractère médical : à compter de la date de naissance de l'intéressé pour les documents comportant des renseignements individuels de caractère médical.

Des dérogations sont possibles. La démarche reste longue (3mois) et lourde (paperasse). Beaucoup de dérogations sont accordées, en moyenne les ¾. Et s’il y a refus, une possibilité de recours existe devant la CADA représentée par Antoine Prost.

Les restrictions ont été mal vécues, il y a une part d’arbitraire dans la détermination de ce qui relève de la vie privée ou de la sûreté d’Etat. L’organisme qui a produit l’archive est appelé à donner son avis. L’archiviste et historienne Sonia Combes a dénoncé ce système discriminant face à l’accès aux documents.

Ces restrictions sont faites pour les organismes producteurs d’archives, afin de les inciter à ne pas détruire les documents pouvant générer un malaise.

La loi du 15 juillet 2008 assouplit le régime existant. Alors que le projet du gouvernement réduisait les délais mais rendait certaines archives incommunicables (sécurité des personnes + armes de destruction massive), le Sénat a fait quelques ajustements allant dans un sens « réactionnaire ». Les pressions des milieux notariaux ont bien fonctionné. Mais les chercheurs en histoire se sont indignés et ont fait pression à leur tour, sur l’Assemblée nationale cette fois, qui est revenue sur quelques modifications.