Lacour BxIV M1 3ème cours 13/02/07

De Univ-Bordeaux

II : Autour de l’homo aeconomicus à l’exubérante rationalité

Le théorème de BBMB (le boucher, le boulanger et le marchand de bière) d’Adam Smith. De la Richesse des Nations : « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière, du boulanger que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu’ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité mais à leur égoïsme<self love>. » L'hymne à l'égoisme , abandonner toute idée de sympathie. Homo aeconomicus a été théorisé dans les années 1870, en tant qu'homme du Marginalisme, c'est une construction la plus rationnelle possible de l'homme. L’homo aeconomicus existe-t-il ? Il aurait existé dès la préhistoire avec Homo Sapiens et la division du travail et l’échange. En 2007, 2 tendances en économie :

  1. Pour Steve Lewis, les hypothèses de l’Homo oeconomicus peuvent être réactivées avec des outils nouveaux: l'ultra rationalité est atteinte.
  2. Retour aux sources: considérer l’homme, ses passions,ses pulsions, cela est nécessaire au marketing et pour les ressources humaines.

Les comportements de la vie de tous les jours sont normaux mais pas forcément rationnels au sens de l'homo aeconomicus: Opposition entre l’ « exubérance rationnelle » (Marc Smith) et l’exubérance irrationnelle des marchés dans les années 90(Allan Grinspan). Aux XVI°-XVIII° : triomphe de l’utilitarisme avec Bentham (autour de 1789) et John Stuart Mill (autour de 1860). Démarche par laquelle on explique comment atteindre le bonheur. Pour l’Abbé Bayes, autour de 1770, il faut tenir compte du fait que l’individu sait s’adapter à son environnement et n’a pas une rationalité fixée.

Les trois « P » :

Von Mises et la praxéologie : tous les comportements se ramènent à des principes simples qui sont les règles de l’optimisation : hiérarchiser ses besoins, affecter à ces besoins certains moyens…

Marx et la praxis : l’objectif de l’économie est de gagner la lutte des classes.

Keynes et la pratique : comment résoudre nos problèmes?

A : Le théorème du boucher

A. Smith parle de « sagesse économique » : dans le Traité des Sentiments Moraux, 1759, il dit qu’il faut définir des règles éthiques de vie sociale. L’égoïsme et l’appât du gain sont les règles communes entre nous qui mènent au bonheur. De cette constatation, Smith ne tire pas une lecture tragique ni comique, mais magique.

Le « je-jeu » : le je doit tenir compte des autres, et ce par un contrôle social/ théorie des jeux du révérend Bayes (philosophe moraliste(= sciences sociales) du XVIIIe siècle) pour qui la répétition, la confiance font partie du processus de recherche du gain.

Théoriser l’utilitarisme :

  1. utilitarisùe simplifié : préférer le bonheur,éviter les peines
  2. utilitarisme éducateur : comment vivre avec ses peines
  3. utilitarisme calculateur : comment obtenir des résultats quelqu’en soient les moyens.
  4. utilitarisme praxéologie : Comment arriver à une société lisse, pacifiée, harmonieuse.

B : Homooaconomicus.com

S : Rationalité substantielle. C’est le cœur de l’homo aeconomicus. Nous pouvons tout expliquer en terme de rationalité. Tout est quête du gain. La rationalité totale s'articule autour de points forts :

  1. Optimisation (j’ai des données sur tout).
  2. Anticipation rationnelle.
  3. Autoréalisation.

Pourtant, on sait bien qu’on n’a pas toutes les informations et qu’on n’est pas dans la pure concurrence. Rationalité substansielle est discutée par l’école de Chicago, théorie appliquée à la théorie du capital, du travail et du mariage. Rationalité procédurale : certains comportements ne sont pas rationnels mais leur procédure l’est (ex du passager clandestin (Free Rider théorie du sociologue américain Mancur Olson); hasard moral : qd on est assuré tout risque, on peut tout faire).

E : Rationalité expérimentale : théorie élaborée autour de 1988 par Maurice Allais et Vernon Smith. Dans le comportement de tous les jours, sur quoi réagissons nous ? dans la culture de l’ « homme social », la dimension culturelle est supérieure à la dimension sociale et à la dimension économique.

I : Rationalité institutionnelle : Nous sommes dépendants de nos institutions (voir III).

L : Rationalité limitée : Herbert Simon (prix Nobel 1978). Pour lui, notre rationalité est limitée en deux sens :

  1. La rationalité subsiste quand on donne une version allégée à la thèse néoclassique : je n’ai pas toutes les infos possibles et pourtant je me comporte rationnellement et même si je les avais, je ne les utiliserais pas.
  2. Idée de « satisfaction suffisante » nous permet de survivre. Il montre l’importance de la routine, de la rationalité habituelle. . Cela permet de tenir compte du hasard et nous aide à comprendre le comportement des autres.

C : Les instincts exécutifs

Un agent libre

En effet, je suis un agent libre dans un environnement codé par des normes, des tabous…L’appartenance à un groupe me marque beaucoup, d’où la segmentation des marchés >> le « user user filtering » : ma connaissance d’un marché vient le la connaissance d’un certain nombre d’usages d’une population/ en contrepartie, le « item item filtering » : j'ai un produit = j'ai un tel comportement, les gens du même groupe social que moi devrait avoir le même comportement.

Certes, j’ai une préférence pour le connu (inertie), d’où la très grande difficulté de l’innovation et la quête de la fidélité. Certes, j’ai besoin de références socialement admises et j’ai un comportement tribal. Mais d’un autre côté, j’ai une extraordinaire capacité à l’oubli. En effet, nous sommes profondément adaptables face aux situations extrêmes de bonheur total ou de peines extrêmes (utilitarisme). L’idée selon laquelle l’homo aeconomicus serait stable dans ses comportements est fausse.

Qu'est ce que nous enseigne la littérature moderne sur l'homme libre et rationnel?

On est adaptable face aux situations extrêmes.

  1. Pour la routine de tous les jours, je fais appel à ma rationalité rationalisée.
  2. En cas extrême, je fais appel à ma rationalité d'adaptation.

Exemples : le comportement bobo (volonté d’ostentation, de reconnaissance, mais aussi de repli discret, pudeur , modestie); études sur l’homme moyen et la femme moyenne (Lily Pearl théorie de la rationalité comportementale), les valeurs des sociétés varient (études sur l’importance des contingences, théorie des climats de Montesquieu, études récentes sur le 4° âges, sur les goûts des adolescents pour la musique et la mode). Certaines catégories ont une bonne image sociale (infirmières, routiers), d’autres, une mauvaise (enseignants, la SNCF), on attend de ces images une certaine rationalité, image des mannequins = il est rationnel d'être mince. Influence de l’occulte : plus on nous impose de rationalité, plus on cherche des références occultes.

D : La rationalité par la confiance d’Herbert Simon

Je n’ai pas et je n’ai pas besoin de toutes les informations. Les biens de confiance, les AOC, la parole des experts, aimée ou haïe, me donnent des repères. L’expert profite parfois du fait d’avoir plus d’informations que les autres, ex : les médecins subissent moins d’opérations que les autres mais ils opèrent plus que nécessaire. Les femmes d’avocats sont moins opérées que les autres, à cause du phénomène de judiciarisation de la société. Les enseignants n’ont pas confiance dans les autres enseignants. Le consommateur a donc besoin de la confiance de l’expert tout en s’en méfiant. Ceux-ci par exemple font des tarifs plus faibles sur les gros travaux mais se répercutent sur les petits travaux. Les phénomènes de mimétisme interviennent aussi, selon Gary S. Becker (théorème du restaurant) : la fonction de demande est positive car plus le prix augmente, plus la demande augmente (si le restaurant est plein, c’est preuve de sa bonne qualité, donc je paierai plus cher ou j’attendrai plus longtemps, mais j’irai quand même dans ce restaurant). On parle aussi de Buzz marketing (info par la rumeur, le secret), fondé sur l’information par la rumeur qui veut rester secrète. Credens good : si beaucoup de demande c'est que c'est bon. Rationalité implicite : même si ce n'est pas bon je ne le dirais pas au risque d'être grotesque.

E : De l’Etat ni-ni à l’Etat nany

L’Etat ni-ni, c’est l’idée selon laquelle l’Etat n’est ni inexistant, ni superpuissant.

Pour Protagoras (représentant des marchands)et les sophistes, l’Etat doit être absent en économie. Conception de l'homme aimable, laissons le faire son travail.

Avec Smith, le boucher, en recherchant son intérêt amène à un état satisfaisant.

A l’opposé, la cité idéale de Platon est parfois interprétée comme une préfiguration du communisme. Pour lui en tout cas, l'homme est méchant, avidehomo homini lupus, donc il faut un Etat fort.

Dans Le Prince, tous les moyens sont bons pour accroître la puissance économique de l’Etat, même la colonisation et le pillage. Avec le mercantilisme français à la Colbert, l’Etat doit intervenir:

  1. A cause du manque d’initiative de la noblesse française, marquée par une logique patrimoniale et foncière(à la différence de la noblesse anglaise)
  2. Il est légitime que le roi de France ait une action économique marquée, qu'il prenne des décisions fondamentales et impose l’intérêt général.

Avec le communisme, la rationalité du peuple, incarnée par le Parti doit s’imposer pour créer un homme nouveau.

Pour Smith, on a besoin d’un Etat réduit à ses fonctions régaliennes : police, armée, justice, administration. Mais toutes les autres activités doivent être assurées par le marché. Il peut y avoir une exception pour l’école, par ex en Ecosse, au XVIII° siècle où la population est pauvre et dispersée. On a besoin d’un Etat régalien qui définisse le cadre, mais pour les autres activités, c’est le marché qui est la règle et l’Etat n’intervient que de manière exceptionnelle. Pour Friedrich Von Hayek, économiste autrichien réfugié à Londres, l’Etat nous conduit à la « route de la servitude », de l’assistance et non de la liberté. Pour Milton Friedman, même les fonctions régaliennes se discutent. Par ex, il ne voit pas pourquoi les prisons devraient relever de l’Etat. De même pour l’école, qui est la réponse d’un producteur de service à un demandeur de service (voir la rémunération des enseignants aux Etats-Unis). Il semble que nous penchions actuellement plutôt du côté pro - libéral.

Une nouvelle vision de l’Etat apparaît avec le nany state. L’Etat est paternaliste, sympathique, qui donne des conseils, mais n’est pas fonctionnel. Il tente de lutter contre l’inertie, contre l’ignorance et l’imprévoyance (l’interdiction de fumer par exemple), mais n’est pas forcément efficace. L’économie et la cognition : la cognition est la réflexion qui va au-delà de la connaissance et se situe entre le mimétisme, la rationalité calculée et une forme d’individualisme. J’oscille entre le routinier et le zapping. Selon le théorème d’Anderson , si je préfère A à B et B à C, alors je préfère A à C. Je suis capable dans toutes les situations de faire un classement stable. Mes choix sont stables dans le temps.

Notre rationalité est aussi marquée à la fois par la sympathie et une forme d’égoïsme. Ces quatre composantes (zappeur, routinier, bienveillant, égoïste) dépendent de notre environnement et de nos institutions. On ne peut plus opposer aujourd'hui les deux grands types de rationalité :

  1. L'individualisme méthodologique ,la rationalité de l’homo aeconomicus, fondée sur l’individu, l'homme par sa volonté de commander ses choix, sa hiérarchie
  2. La rationalité holiste, c'est la rationalité des groupes sociaux.

Je ne suis ni Robinson Crusoë, ni l’homme de Durkheim. C’est pourquoi nous étudierons le rôle des institutions, qui ne sont pas seulement les institutions étatiques ou les syndicats, mais aussi, l’ensemble des codes, des cadres, des images référentes et des tabous des sociétés.