Lacour BxIV M1 5ème cours 06/03/07

De Univ-Bordeaux

De la main invisible à la main visible, de Smith à Chandler.

Intro : C’est quoi la question

Trop souvent les économistes font un double pari qu’ils perdent mais qu’ils persévèrent à faire : la firme nous suffit pour expliquer les phénomènes économiques, et la concurrence pure et parfaite est un schéma qui permet d’expliquer la réalité. La concurrence pure et parfaite au fond c’est l’institution de référence, le modèle ultime mais impossible à atteindre. La firme pour les économistes c’est métaphysique, c’est le lieu de combinaison des facteurs de production, là où les comportements des uns et des autres se ramènent au calcul d’un optimum. Mais la firme est faite aussi de rapports de force, de syndicats, les politiques…

La main invisible. C’est une organisation optimisante. Or les organisations sont tout sauf optimisantes, elles sont perturbatrices mais en même temps elles assurent la régulation. C’est l’idée de la crise à la fois destructrice et créatrice. La crise c’est un déséquilibre entre l’offre et la demande pour Schumpeter, cela détruit les alliances, elle modifie les comportements, et en même temps la crise créée une nouvelle organisation, qui prend à un moment donnée le bon chemin ou qui empêche de le prendre.

L’idée d’une pulsion rationnelle (boucher, boulanger). Ce qu’il nous faut étudier ce n’est pas cela mais les passions libératrices (inside), passion récente des mangers pour l’éthique. ( ?) Elen Stenberg, le just business, un business plus juste, plus éthique. Le capitalisme compassionnel.

I Une prédilection pour l’outside

Ouside : ce qui est visible, ce qui est extérieur, (modèle de la firme) pas l’étude de la décision que je prends mais à un moment je prends une décision qui implique tant de personnes, tant d’argent. Problème de l’inside : boîte noire ne nous concerne pas.

A. La notion de firme

  • Théorème de la baignoire, flux d’entrée/flux de sorties et un stock. Si on adapte cela au chômage, ce qui m’intéresse ce sont les gens qui vont sortir. Ce qui se passe à l’intérieur c’est de l’inside donc pas d’intérêt.
  • La théorie des organisations, comment gérer au mieux un certain nombre d’organisations ?

-Chandler, entre le marché et la hiérarchie : comment le marché s’organise au mieux ? Y a t il des formes plus efficaces (aujourd’hui déstructuration horizontale = pôles de compétitivité) L’objectif est de comprendre les adaptations, faut-il réduire le temps de travail, faire les 3x8, faut il un modèle hiérarchique ?

-Galbraith, la technostructure, la grande dimension, c’est très performant. La grande taille permet des économies d’échelle, des effets d’externalités, loi des rendements croissants dans le cas de la téléphonie. technostructure : l’influence des cadres et des ingénieurs dans les entreprises tend à supplanter le pouvoir des propriétaires de l’entreprise (rôle des compétences mais intérêt financier direct moindre). Conséquence sur le prix et la variété des produits de la concurrence oligopolistique et monopolistique. D’où création de besoins par le système de production ; ce n’est plus l’offre qui répond à la demande mais la demande qui suit l’offre.

On observe les extérieurs des groupes.

-Loi des trois secteurs dans les années 1960, de l’Australien Colin Clark et de Jean Fourastier :

  • on va décomposer l’économie en trois secteurs,
  • ces trois secteurs ont des relations avec le progrès technique. Le primaire affecte d’une incapacité à produire du progrès, idem pour le secteur tertiaire. Le secondaire, à l’inverse, est créateur de progrès d’où une grande taille pour le secteur industriel, conglomérat va être le modèle, la plus grande taille relevant de la puissance étatique. Modèle contesté par la sociologie des organisations : Chandler et Lintzberg. La théorie des organisations dite contingente, la grande taille pour la référence. La grande entreprise est adaptée pour les innovations incrémentales. Les innovations fondamentales sont le produit des petites entreprises.

Thomas Riedman : quelle est l’organisation la plue efficace aujourd’hui ? et quelles en sont les composantes ?

1.avec l’ouverture au monde, la concurrence est d’emblée mondiale et commande la gouvernance des groupes (infinité d’acheteurs et de vendeurs)

2.Don d’ubiquité : fondateur de la concurrence pure et parfaite : être capable de se déployer d’un marché à l’autre sans coût.

3.La lumière circule plus vite que les marchandises, le pouvoir est au cœur du processus ; celui qui commande l’envoie en temps réel d’un commandement. Modèle de la chimie qui mise tout sur l’info et le savoir.

4.Accélération de l’accès à la connaissance (open source), d’où difficulté de préserver un monopole de connaissances.

5.Délocalisation, capacité à délocaliser :les sièges sociaux mais aussi les entreprises, les usines (théorie de Ricardo sur l’avantage comparatif).

6.Retour de l’importance de la hiérarchie. Le modèle le plus autoritaire, hiérarchique est le plus efficace.

7.Organisations de plus en plus dépendantes de la recherche. Faire faire le plus de recherches par le consommateur : déléguer au client une partie du travail de l’entreprise (ex : recherches de billets de train sur Internet).

8.In sourcing : il ne faut pas désespérer les petits, les faibles. Une chance s’ils se regroupent, réhabilitation de l’entreprise familiale.

Lecture en termes industriels domine dans les années 1960-1970 et même 1980’, de nouveaux champs de littérature d’intéressent à l’organisation des marchés. Cluster : fondement théorique des SPL (Systèmes Productifs Locaux) reposant sur des pôles de compétitivité ou d’excellence. Il y a des lieux qui privilégient l’efficacité des entreprises collectivement (Sillicon Valley, Troisième Italie, Pôles universitaires de Recherche). Quelles sont les raisons qui poussent les entreprises à travailler ensemble ?

Paul KRUGMAN : Il est l'un des principaux auteurs de la nouvelle théorie du commerce international, qui repose sur le commerce intra-firme et intra-industrie, les effets de réseau, et les situations de compétition imparfaite. En 1991, il reçoit la médaille John Bates Clark de l’American Economic Association (attribuée tous les deux ans à un économiste de moins de 40 ans ayant apporté une contribution substantielle aux sciences économiques), ce qui fait de lui un candidat potentiel au Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel. Il est co-auteur avec Maurice Obstfeld de International Economics: Theory and Policy, le livre de cours le plus utilisé dans ce domaine aux États-Unis, ainsi que d'une vingtaine d'autres ouvrages. Il théorise les phénomènes de concentration, en privilégiant une lecture de l’outside : quels sont les facteurs, l’ambiance ?

B. Ces questions sont issues d’un héritage ancien :

  • dans la première moitié du XIX° siècle, les économistes ingénieurs avaient une pensée économique portée sur des problèmes concrets : comment financer certains types d’entreprises (création des SA en 1867), quel rôle pour les actionnaires ? cf : Cournot et le duopole. Comment financer le développement des chemins de fer ?
  • dans les années 1920, la référence est A. Marshall, membre de l’Ecole marginaliste, Cambridge, contemporain de Pigou. Il crée le concept d’« économies d’agglomération » : quelles sont les raisons pour lesquelles des entreprises se concentrent dans certains lieux ? Elles peuvent être dues à la proximité des matières premières (mines/ ports) : localisations pré déterminées. Au début du XXI° siècle, on redécouvre Marshall, la proximité à l’intérieur des entreprises ne garantit pas forcément une plus grande efficacité.
  • dans les années 1980/90, l’idée forte, théorisée par J. Stiglitz, conseiller économique de Clinton, est que la mondialisation n’a pas que des avantages. Chamberlin, dans l’Entre-deux-guerres, soutient l’idée que la réalité économique, l’outside des entreprises, est tout sauf de la concurrence pure et parfaite. La réalité des marchés est oligopolistique, donc le modèle de concurrence pure et parfaite ne tient plus. Les prérequis en matière de concurrence pure et parfaite ne tiennent pas, notamment deux dont Stiglitz souligne l’inoppérence :
  1. l’idée de l’information parfaite est fausse : le consommateur n’est pas du tout informé (cf : rationalité limitée d’Herbert Simon). L’analyse micro économique travaille sur le prix, or c’est un élément superfétatoire : qu’est ce qui est déterminant si le prix et le coût n’ont pas d’importance ? ou ne sont pas tout le temps mécaniquement déterminant ?
  2. l’idée que ce qui compte c’est l’organisation des marchés ou organisation industrielle ou économique pour les théoriciens de la gestion. On nous parle de la priorité à l’industrie (au sens anglo-saxon : « ensemble des activités ») mais PORTER souligne le problème des barrières à l’entrée d’un marché. Le rôle de l’Etat protectionniste structure un marché en contrôlant les secteurs déterminants. Les barrières à l’entrée en terme de masse : le marché s’organise pour interdire l’entrée (ainsi le modèle de concurrence pure et parfaite ne tient plus) ; exemple : concentration des entreprises (notamment verticale). La théorie contemporaine prône la déconcentration verticale. Avec l’intensification de la concurrence, le marché va se déplacer vers des secteurs où la concurrence est la plus faible. Aujourd’hui, on glisse vers la notion de barrières éthiques.

=>tout cela structure un marché de type oligopolistique.

  • la théorie des coûts de transaction : le marché ne résout pas tout. Comment fonctionne le modèle de concurrence oligopolistique ? Le rôle de l’Etat est dangereux. Entre le modèle hiérarchique et le modèle horizontal de concurrence pure et parfaite, on n’a rien. L’Etat ne joue plus son rôle, les grands groupes n’ont pas de fonction hiérarchique dominante, la concurrence pure et parfaite n’existe pas. Cependant, pour Coase et Williamson, entre les deux, il y a quelque chose, c’est ce qu’ils appellent les coûts de transaction : permettent d’expliquer comment on doit tout faire en interne ou si on a intérêt à externaliser et ainsi ne rien produire du tout sur son territoire (Nike), d’où pas besoin d’entreprises de grande taille.
  • Théorie de l’Agence (Jensen) [définition : La théorie de l'agence est la branche de l'économie qui s'occupe des conséquences du problème principal-agent en particulier à l'intérieur d'une même unité économique, administration ou entreprise. En tant que telle, elle constitue un domaine à cheval entre l'économie industrielle et la théorie des organisations.

La théorie de l'agence se base sur une opposition entre deux agents : D'une part, le détenteur des moyens de production, alors appelé "actionnaire", ou de manière générale, "le principal". D'autre part, l'agent qui exploite les moyens de production du premier à sa demande. Dans le monde de l'entreprise, il existe plusieurs relations de cette nature :

  • Employeur -- Salarié
  • Epargnant -- Banque
  • Actionnaire -- Gestionnaire.

Une telle relation, établie dans le but de maximiser le profit de l'actionnaire, permet à l'agent d'en tirer en échange des bénéfices (salaire, options d'achat d'actions...). Malgré le consentement mutuel, il y a une opposition des intérêts : L'actionnaire compte rentabiliser son capital. L'agent veut tirer des bénéfices de son action, ce qui signifie entamer la part du capital. D'un point de vue plus général : Le principal va mettre en place un système qui poussera l'agent à réaliser l'action tout en dévoilant la totalité des informations. L'agent voudra garder le pouvoir décisionnel qu'il peut tirer, notamment, de ses informations. Par conséquent, une telle relation présente des risques : asymétrie de l'information (qu'elle soit volontaire ou non) aléa moral (non-respect de l'ensemble des règles et accords passés) antisélection (une asymétrie d'information trop importante peut inciter le principal à choisir par souci de rentabilité un bien ou service de moins bonne qualité, et l'agent à adopter un comportement dit de "passager clandestin" - "free rider"). Mais aussi des coûts : coûts liés à la surveillance de l'agent (par exemple, un conseil d'administration), appelés "coûts d'agence".] Il faut essayer de trouver l’entreprise représentative d’un type de marché et les liens entre l’agent principal et les secondaires.

D’où l’idée de réflexion contractuelle : idée que les relations strictement hiérarchiques ou marchandes par les prix doivent être dépassées. Ainsi, on aboutit à une invention d’une nouvelle organisation des marchés par le contrat (entreprises sont à la fois concurrentes et solidaires) ; mais comment l’organiser de façon efficace ? -la concentration ? mais c’est inefficace. -une organisation informelle ou mafieuse des marchés ? or le contrat est censé permettre une organisation efficace, transparente dans l’intérêt final du marché.


II. La « main visible » de l’inside (Chandler).

La « boîte noire »

On va entrer dans l’entreprise, dans l’Etat et démontrer que l’opposition hiérarchie/ marché ne tient pas. Qu’est ce qui se passe dans mes comportements ? Comment est-on en vrai ? Quelles sont nos véritables pulsions ? Comment mieux comprendre les comportements des managers ? Quelle est la technique à employer pour arriver à la meilleure pratique de la gestion ? le mimétisme (solution la moins coûteuse et la moins risquée) ? Igor ANSOFF (1965) : théorise le phénomène de mimétisme comme stratégie de développement d’une entreprise : Igor ANSOFF, dans Corporate Strategy, 1965, en français Stratégie du développement de l’entreprise, Editions d’Organisation, 1969, distingue trois types de décisions dans l’entreprise

  1. décisions stratégiques
  2. décisions « administratives », ou d’organisation
  3. décisions opérationnelles

Edith PENROSE(1959) : idée qu’il y a une croissance des firmes, comment réagir face à cela ? Le premier chercheur a avoir proposé la connaissance comme une variable explicative de la croissance et du développement des organisations est Edith Penrose (1959). Pour cet auteur, la différence de croissance entre les firmes peut s’expliquer par les ressources uniques qu’elles développent, et surtout par l’expérience unique que possèdent ses managers et qui se concrétisent en une connaissance inscrite dans les services accompagnant l’offre. Elle note : « Les véritables processus d’expansion et d’opération sont intimement liés avec le processus par lequel la connaissance est augmentée dans l’organisation » (1959, p. 48). (…) « L’expérience développe une connaissance accrue des possibilités d’action et des façons dont ces actions peuvent être entreprises par la firme. Cette augmentation dans la connaissance est la source des opportunités productrices de changement » (p. 53). De fait, Penrose a posé dès 1959 les fondations de l’école qui a dominé depuis la recherche sur la connaissance dans les organisations : l’approche fondée sur les ressources.

Approches en termes de ressources

1) Point de départ : il y a 20/ 30 ans, le terme des « ressource » désignait le capital, le travail, la terre, cette dernière étant le principe clé des Physiocrates. Pour eux, il y a 2 ou 3 lois en matière d’économie : -la Nature est bonne fille (agriculture), c’est une ressource naturelle ; -la Nature n’est pas productive en soi, il faut ajouter les facteurs capital et travail ; -la Nature est fragile (elle n’est pas reproductible à l’infini, elle se détruit si elle est mal respectée).

2) Jean Bodin, « il n’est de richesses que d’hommes », la principale ressource c’est l’homme. Adam Smith reprend cette idée, Marx la glorifie (homme = force physique).

3)Au début du XXI° siècle, cette idée de ressource veut dire beaucoup : il ne suffit pas d’avoir un stock de facteurs de production pour que ça devienne une ressource. J’ai des facteurs de production potentiels, mais ce n’est pas encore une ressource (principe des Physiocrates), les facteurs de production ne sont forcément bien utilisés, les facteurs s’épuisent ou ils deviennent obsolètes. =>idée de facteurs de production donné est un concept fragile.

Disponibilité et utilisation des ressources (informations tacites/ codées) : je peux avoir la connaissance mais je ne sais qu’en faire : quel usage, quelle organisation dans l’entreprise ?

L’entrepreneur ou l’homme invisible

BAUMOL : celui qui fait le capital est absent de la théorie économique ; on parle de chef d’entreprise. Celui qui transforme est ignoré de la théorie car on ne sait pas l’expliquer : on parle d’un D travail, d’un D capital, amélioration de la production comme résultat de processus donné, venu de l’extérieur. Les économistes pensent en D P (pour Prix), D Q, ou en R.D mais les innovations relèvent du « rêve, du démon, de la folie », l’entrepreneur est un fou, il n’est pas explicable par les modèles de rationalité.

Théorisation définitive de l’inside

Théorisation de la croissance endogène. C’est à l’intérieur des systèmes, des groupes, des villes que la croissance se réalise ou pas.

  • On fait appel à la théorie du capital humain (ROMER)

Le capital dont nous disposons et les modalités pour l’acquérir (capital social, humain) et le valoriser puis le partager.

  • On fait appel à de nouvelles analyses de l’innovation. Une attention plus grande est portée aux thèmes de l’apprentissage et du transferts de connaissances. C’est moins le D Q que l’on va favoriser, on va plutôt chercher à voir quels sont les mécanismes par lesquels les idées circulent. On repense donc le rôle de l’entreprise familiale, il y a des formes juridiques plus efficaces que d’autres.
  • On fait appel à une nouvelle économie géographique (P. KRUGMAN). Le pouvoir, le capital sont concentrés dans des lieux décisionnels en matière de finances, le reste est secondaire. On comprend donc les avantages et les inconvénients et on peut reprendre la question sur les évolutions des marchés, les découpages nationaux.