Meyzie UE7 3eme cours 09/10/08
Sommaire
- 1 Les enjeux de l'alimentation à l'époque moderne
- 1.1 I-De l’histoire de la gastronomie à l’histoire des consommations alimentaires.
- 1.2 II-L’histoire de l’alimentation : une histoire globale.
Les enjeux de l'alimentation à l'époque moderne
S'alimenter est un acte très courant, comme dormir, et il laisse peu de traces.
Consommation alimentaire :
- approvisionnement
- stockage
- préparation
- utilisation
Histoire de la consommation ou plutôt des consommations à l’époque moderne. Les pratiques socio-culturelles sont déterminantes. L’histoire de l’alimentation appartient à l’histoire des consommations et a la même évolution que l’ensemble des autres champs historiques.
A partir de l’histoire de l’alimentation, on peut dessiner le point de départ de l’histoire de toute une société.
BRILLAT-SAVARIN, La physiologie du goût.: "Dis-moi ce que tu manges, je te dirais qui tu es."
Alimentation : « fait social total » (Marcel MAUSS) à propos du don alimentaire : point de rencontres entre de multiples problématiques à partir duquel on peut observer une société.
Caractéristiques de la conso aux XVII°- XIX° siècles : étude de l’évolution et des mécanismes mis en œuvre. Comment l’histoire de l’alimentation a-t-elle gagné sa légitimité ? Interaction histoire de l’alimentation avec les problématiques de l’histoire économique/ culturelle/sociale ?
I-De l’histoire de la gastronomie à l’histoire des consommations alimentaires.
Evolution de l’historiographie française :
- XIX° : histoire locale
- 1950-1960 : tournant avec histoire quantitative
- 1980 : histoire des mentalités.
A.Une histoire anecdotique (fin XVIII° à la 2° GM)
Histoire de l’alimentation a fait l’objet très tôt d’ études.
-1° histoire : 1782 : P. J. B. Le Grand D’aussy Histoire de la vie privée des François de l’origine de la Nation jusqu’à nos jours, Paris (3 vol.) Il note une permanence de la cuisine française depuis les Gaulois : cuisine originale, modèle réputé. Grandeur de la Fce. Se base sur des traités de civilité ; livres de cuisine notamment ceux du Marquis de Paulmy. L’histoire de la cuisine fondée sur des livres.
-1889 : A. Franklin ,La vie privée d’autrefois : les repas. Paris. Même idée mais élargissement social : cuisine bourgeoise (évolution des élites.) C’est une histoire par le haut qui se fonde sur le même type de documents : des menus comme celui servi à Louis XV dans son château de Choisy (1751). « Service à la Française » : tous les plats en même temps sur la table (50 taine), cahque convive peut choisir les plats qu’il souhaite. Ce service dure jusqu’en 1840-1850 pour les repas d’apparat dans la société des élites. Puis "service à la russe" qu’on connaît aujourd’hui. Donc on ne mange pas tant que ça, c'est juste que l'on mythifie le passé.
L’histoire par le bas est celle des érudits locaux (1860-1880) : cuisine régionale :
- XIX° phénomène de patrimonialisation (recenser les produits et les cuisines locales ; idem pour vêtements, costumes régionaux…)
- XX° ; phénomène de monumentalisation : on met en avant des produits locaux emblématiques. Ex : du Sud Ouest : dans les revues locales (ex : Bulletin archéologique et historique du Périgord) s’intéressent à la cuisine du SO : travail sur les menus mais les érudits locaux vont avoir le regard tronqué (repas pantagruéliques, âge d’or de l’abondance : discours nostalgique mais histoire décalée ne prenant pas en compte la réalité des choses).
Ex 2 : XX° le mouvement du Félibrige de Frédéric Mistral ou encore la Fce de Vichy (prônant la Révolution nationale) : même discours de nostalgie.
Valorisation des produits du « terroir » : le but est de mettre en avant les produits en les associant avec des personnages célèbres : à Bdx, le Maréchal de Richelieu ; les terrines de perdrix de Nérac associées à Schopenhauer (1804) => construction de mythes gastronomiques. Cf : histoire du camembert, symbole de la Fce et du Pays d’Auge (Normandie), début XX° : légende autour de Marie Harel (1791) : fabriquer des fromages dans des moules à bois conseillé par un prêtre réfractaire. La légende s’élabore dans les années 1920 quand la Normandie est confrontée à une cce très forte => légende sert de plus-value commerciale.
Aujourd’hui qu’en est-il de ce discours nostalgique ? Discours encore plus prégnant (marketing valorise des produits de qualité).
B.Les premières tentatives de cette histoire (1950-1970)
1°L’impulsion vient de l’Ecole des Annales.
Cf : Febvre 1938 ; article « Répartition géo des fonds de cuisine en Fce » : oppose Fce du Nord (beurre) à celle du Sud (huile ou saindoux)
Cf : Bloch 1954 article des Annales sur « les aliments de l’anciennes Fce » : diffucion de nouveaux produits en Europe comme la pomme de terre => mais premières pistes sans lendemain.
- Tournant dans les années 1960-1970 : enquête sur la vie matérielle et les comportements biologiques Braudel. Etudier les structures de l’alimentation : article en 1961 fondateur ; 1° à donner à l’histoire de l’alimentation sa pleine place dans la recherche historique. Insiste sur les structures et sur la longue durée (nécessité pour comprendre les comportements).
L’enquête débouche sur un n° spécial "Pour une histoire de l’alimentation" 1970, on voit apparaître les problématiques de l’époque : ravitaillement, calcul des calories… primat de l’histoire quantitative, étude de l’alimentation selon les groupes sociaux, influence 1/3 mondiste (pb de la famine dans le monde) rejaillit sur la nutrition => cuisine et gastronomie, histoire de la conso des élites exclues car c’est des l’histoire anecdotique.
2°Recherches ponctuelles par le biais d’autres thématiques.
Grandes monographies de l’histoire rurale : Alsace étudiée par J.M Boehler Se nourrir : note la rareté des fourchettes, du porc, prépondérance des haricots.
Travail sur la production agricole : Kaplan sur les approvisionnements en pain et en céréales à Paris au XVIII°. Dans histoire sociale 1966 : J. Meyer fait un travail sur la noblesse bretonne XVII°-XVIII° : consommation de beurre est importante ; importance du sel pour la conservation…
Par l’histoire urbaine : J.C. Perrot (1975) Caen, genèse d’une ville moderne (approvisionnement : 1° études sur les réseaux et les aires d’approvisionnement : plusieurs cercles : maréchages, céréales, cidre, bétail, épicerie).
Mais pas de problématique propre à l’histoire des consommations alimentaires ; c’est un moyen pour étudier un groupe social, l’histoire de la vie quotidienne jusque dans les années 1980.
C.L’alimentation : un champ de recherche à part entière dans les années 1980.
Gagne en légitimé et en autonomie.
1°Grâce à l’apport des autres disciplines : ethnologie et anthropologie.
1960-1970 : Lévi-Strauss dvpe sa théorie et son principe de l’ « incorporation », la signification de l’aliment, sa valeur symbolique (cf : oiseau= aliment noble). Dvpe opposition entre cuit et cru : ce qu’il appelle le « triangle culinaire » ROTI; BOUILLI Côté de la Nature, Acquis, savoirs. CRU Côté de la Nature Inné
Les influences extérieures viennent de la géo : inscrire la conso alimentaire dans un espace. Zones frontières : mélanges ou originalité ? Ex : travail sur la châtaigne dans le Massif Central : implique l’existence d’une civilisation originale : forêts => influences sur les structures agricoles ; usages communaux des forêts.
- Apport de la sociologie surtout dans les années 1970 : influence plus décisive vient de Norbert Elias. A travers la société de Cour, étudie évolution des manières de table (« processus de civilisation ») : élites à partir du XVI° siècle vont se contraindre, maîtrise de soi => abandon des pratiques du M.A (dvpment des plats, des couverts et assiettes individuels).
Apports de Pierre Bourdieu : « le repas est une cérémonie sociale » , à table, il y a une hiérarchie des convives, on est en représentation. L’alimentation sert à se différencier des groupes sociaux : moyen de distinction des élites. Notion d’ « habitus » : en fonction de sa naissance, on a des habitudes sociales données par notre éducation (ex : manger du gibier chez les élites du XVIII° siècle).
- Apport de la linguistique : travaux de Roland Barthes : alimentation considérée comme un méta-langage : menu, repas comme autant de faits culturels riches de sens, on peut les analyser comme on analyse un texte.
2°Les premières études.
Dvpment des études sur l’histoire de l’alimentation : d’abord en histoire ancienne : cuisine du sacrifice (anthropologie historique, phénomène de l’incorporation).
- A partir des années 1980, deux directions fondamentales :
- l’histoire des goûts alimentaires (travaux de J.L Flandrin) fin des années 1970-1980 : selon lui, mise en avant de la dimension culturelle de l’acte de manger (perspective socio-culturelle). S’appuie sur des livres de cuisine et des récits de voyage : note progrès des légumes chez les élites, à partir du XVII° : séparation sucre/sel).
Article fondateur en 1983 : « diversité des goûts… » article programmatique : idée de la variation des goûts selon les pays, les groupes sociaux, les époques.
- histoire de la culture matérielle nous parle de l’objet (habitat, meuble, nourriture)/ Michel Vovelle parle d’une histoire de « la cave au grenier », histoire bénéficie des progrès de l’archéo et d’une nouvelle grille de lecture : référence pour l’histoire de la conso : Daniel Roche : utilise les inventaires près décès pour l’étude des vaisselles… Cette histoire permet l’élargissement social des perspectives : accéder à l’alimentation du peuple, comparaisons sociale : « permet de mettre en évidence les topographies sociales », vois quels sont les comportements, les modes de conso d’un groupe à l’autre.
Il faut voir les circulations et les échanges : élites -> peuple / civilisation américaine -> civilisation européenne. Histoire de la culture matérielle : « confrontation des coutumes et des novations selon des pratiques socialement différenciées ». Etudes se multiplient sur les groupes sociaux et les villes, espaces mais rarement limitées à l’alimentation.
Histoire le l’alimentation à la croisée des problématiques, des disciplines, des sources => phénomène complexe. Légitimité de cette histoire reconnue en 1996 : biblio annuelle de Fce apparaît l’entrée « gastronomie » dans l’index.
II-L’histoire de l’alimentation : une histoire globale.
Histoire de l’alimentation : point nodal où se regroupent plusieurs disciplines.
A.Alimentation et économie.
Etude des produits agricoles surtout Etude de la diffusion des nvx produits (thé, café, safran…) Etude de la diffusion des produits alimentaires quotidiens. Etude de la qualité des produits : quelles normes de production ? quelle renommée ?
Etude des marchés alimentaires : plusieurs problématiques :
- confrontation marché et autoconsommation (en dehors des circuits commerciaux). Elites dominent le marché et l’autoconso : position de supériorité : forts moyens financiers (chasse, pêche, métayage, droits seigneuriaux : céréales, volailles, sucre…), + pratique du don : lorsqu’on est invité, on porte du gibier, du rôti…
- étude des mécanismes du marché not. du marche de luxe : effets de l’historiographie anglo-saxonne : Brewer : dans la société moderne, la demande a un rôle déterminant, la société élitiste crée de nvx goûts, de nouvelles formes de conso (ex : thé, boisson à la mode => dvpmt du commerce, stimule l’économie, dvpment des plantations…).
relecture sociale et culturelle de l’histoire économique de l’Ancien Régime.
B.Alimentation, culture et société.
Tendance forte de l’historiographie française.
Livres de cuisine et évolution de la gastronomie (apparition dans la langue française début XIX°, art de bien manger, conso distinguée) : réflexion dans le champ de l’histoire culturelle et intellectuelle (forme des livres et des contenus : usage plus ou moins quotidiens.
Ex : Le cuisinier roial et bourgeois de Massaliot (1705, 1691 pour la 1° édition) :
-livre destiné aux professionnels
-on note recul des épices mais dvpment des aromates indigènes (oignons, ciboulette…) ; essor des viandes de boucherie entre le XVII° et le XVIII°. XVIII° : certaines parlent même de « nouvelle cuisine » (1750-1760).
- Histoire de l’acculturation.
Ex : le Livre de Platine : De honesta voluptate et valitudine (XV°), traduit du latin à l’itatlien, abandon du langage technique et digression savante : on en fait un livre pratique à usage quotidien. 1505 : traduit en français : c’est encore une adaptation (influence de la culture alimentaire française : évocation des fromages français…)
- Histoire des représentations :
façon dont sont perçues les choses = étude des stéréotypes. Français voyageant en Europe de l’Est dénoncent la conso excessive de sel : décalages révélateurs des conso.
- Alimentation et religion :
voie d’accès pour comprendre les pratiques religieuses, respect ou non du Carême (interdiction de manger de la viande opposée à la période du charnage). Article de R. ABAD : sur le marché de la viande à Paris au Carême au XVIII°, jusqu’en 1760-1770 : interdiction de vendre de la viande est respectée puis nombreuses dispenses et fraudes se multiplient (déchristianisation). Des micro-analyses permettent cette étude.
- Histoire sociale des conso alimentaires.
Ex : élites du XVIII° dvpent le « bon goût » pour se distinguer du peuple, des époques antérieures et au sein même du groupe des élites :
- spécialisation des objets de la table (couverts…)
- évolution des matières de la vaisselle (étain au XVII°, faïence et porcelaine fin XVIII° ; dvpment du verre à boire et des bouteilles.)
ex : Le déjeuner des huîtres 1735 de Tray (Musée Condé), commandé pour la cour de L XV (on note les bouchons en liège aux bouteilles de vin / présence de « rafraîchissoirs » : conso de vin frais…) Qualité de la table qu’on retrouve dans les menus : dominations des viandes (volailles surtout, sauces se distinguent des plats ; dinde : origine américaine devenue symbole de la gastronomie française).
C.Alimentation et politique.
Repas vécus comme cérémonies politiques.
- banquets des corps de villes (instances pol) : repas de cérémonie (célébration nationale, ouverture du Parlement ; fêtes religieuses ; réceptions…). Hiérarchisation des convives : intendant, seul à une table ; entouré des échevins sur une autre table. Plats servis pas forcément identiques (not. pièces d’apparat : truffes) : mise en scène des pouvoirs.
- cadeaux alimentaires contribuent à l’entretien des réseaux politiques : vins de Bdx offerts aux grands commis : moyen d’obtenir des faveurs politiques. Eclaire les enjeux des clientèles politiques.
Histoire de l’alimentation conduit à s’interroger sur les dynamiques politiques et les mécanismes économiques.
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