Meyzie UE7 4eme cours 16/10/08
Sommaire
Les enjeux de l'histoire de l'alimentation à l'époque moderne. (suite)
III-Les chantiers de l’histoire de l’alimentation à l’époque moderne.
A.Les consommations alimentaires urbaines.
On a plus de sources mais elles concernent une minorité de la population. Villes ont un rôle moteur dans les modes alimentaires.
1°Approvisionnement des villes.
Etudes des circuits d’approvisionnement, des réseaux (marchands, distributeurs, acteurs publics qui contrôlent).
1ères recherches :
S. Kaplan sur l’approvisionnement en grains (plaine de Fce, blés de la Baltique en temps de crise, sinon marché national suffit).
Autres produits : Paris et le marché national, XVIII° : dilatation de la zone d’alimentation de Paris, R. ABAD : intérêt pour l’ensemble de l’approvisionnement (provenance, itinéraires, intermédiaires, quantité au cours des siècles, interventions publiques : Roi, municipalité de Paris => travail global sur les habitudes alimentaires.
Ex : poisson (1 jour maigre tous les 3 jours), vient de la mer, ports de la Manche (transport sur la Seine ; « chasses marées » en voiture ; pêche dans la Seine : « poissons de conserve » séchés, salés, marinés (morues, sardines, harengs venant d’Europe du Nord, de Terre Neuve via les ports basques.) : conso populaire car moins chers.
Pour les élites tous les poissons sont disponibles (étangs de la Dombes) transportés vivants dans des tonneaux ; huîtres fraîches.
Rythme des variations annuelles (augmentation avec le Carême : le marché s’adapte au besoin, diminution de Mai à Juillet).
Ex : les « mens denrées » qui ne sont ni les viandes, ni les poissons, ni les céréales, cad le lait : augmentation de la conso en ville au XVIII° à cause de l’augmentation de la conso de café ; diversification de la provenance des fromages (brie) avec le dvpment des transports et l’amélioration de la fabrication (spécialisations régionales : couchage en herbes du Pays d’Auge ; fruitières dans les Jura…). Toutes les provinces fournissent leurs spécialités (huile d’olive de Provence, truffes du Périgord…)
Londres : 1700 : 575 000 habitants/ 1801 : 950 000 habitants.
C’est la plus grande ville du monde. Même mécanismes ; rôle unificateur, stimule l’agriculture, le commerce : marché spécialisé (Bedford : viande ; Farnham : céréales…) : zone d’hinterland (= arrière-pays) nationale. Dans la ville, marchés spécialisés : Conventgarden : spécialisé dans les légumes ; Smithfield dans le bétails.
XVIII° : mise en place du 1° marché national unifié grâce à Londres.
Les métiers de l’alimentation en ville.
Aujourd’hui les études portent sur leur analyse sociale ; sur leurs productions (qualité, contraintes…).
2° Une analyse sociale :
« métiers de bouche » dans la ville, ex de Bdx. Produits façonnés : cabaretiers (vin) ; pâtissiers (sucré, salé) ; rôtisseurs ; traiteurs ; marchands ambulants (châtaignes, pâtés) ; domesticité spécialisés (cuisiniers, maîtres d’hôtel…)
1762 : 82 hôteliers, 65 pâtissiers
1780-1790 : 1 pâtissier-traiteur-rôtisseur pour 1500 habitants.
Bdx accueille bcp de voyageurs, de gens de passage => bcp de « métiers de bouche ».
1770-1785 : concentration dans le quartier Saint-Pierre, autour du Grand Théâtre, Place Dauphine (actuelle Place Gambetta). Spécialisation des rues, quelques établissements dans le faubourg Saint Seurin.
Répartition en fonction des élites dans la ville (nobless, parlementaires, négoce…). Nvx établissements : les CAFES (allées de Tourny nouvellement aménagées). Hiérarchisation : les hôtels (Hôtel d’Angleterre par ex) plus de prestige que les auberges des faubourgs.
3° Une analyse de la production :
analyse des goûts urbains : aliments disponibles et savoir-faire. Apparition au XVIII° d’annonces publicitaires dans les journaux (Annonces, Affiches et Produits divers pour la ville de Bdx). Par exemple l'annonce de Catin dans le Journal de Guyenne. Les corporations garantissent la qualité.
35 % des plats sont des plats de viande dans les chef-d’œuvres des futurs maîtres (veau en 1° ; pigeon en 2°). Les pâtissiers au début du XVIII° : tourtes, terrines de volailles, gibier : SALE ; seconde moitié : évolution et spécialisation dans le sucré.
Apparition de nvx lieux et de nvx métiers comme le café (1° à Paris en 1686, le Procope)= nouvelles formes de consommation, nouvelles sociabilités : clientèle variée. On consomme du café, de limonades, des liqueurs sucrées d’origine espagnole (rhum…). XVIII°, le café reste le lieu dédié aux élites, aménagements luxueux (miroirs, fauteuils, jeu –billards-). Bdx, café bourgeois ; Cfé des Menus plaisirs (Allées de Tourny).
Apparition du restaurant vient du mot ‘bouillon’ pour restaurer ses forces (invention française 1760-1770 à Paris) puis ce sont des endroits où l’on propose des plats à la carte : liberté de choix. Essor surtout au XIX°.
CCL :
« métiers de bouche » à l’origine de la diffusion des nouveautés : capacité d’innovations. Ils répondent à la demande des élites, s’adaptent à la clientèle. Ce sont les intermédiaires culturels : s’inspirent des élites pour innover mais ont une clientèle variée => nouvelles formes de consommation se diffusent dans le reste de la société.
B.Alimentation et innovations.
Alimentation en perpétuelle mutation (pas forcément rapide, s’inscrit dans la durée). Différents niveaux d’innovation : -de débouchées (économiques), -de diffusion (socio-culturelles) -au niveau des goûts, des techniques.
1°De nouveaux goûts (XVI°-XIX°)
Quels sont les mécanismes de transformation ?
Avec la « nouvelle cuisine » du XVIII° siècle, on abandonne les derniers restes de l’alimentation médiévale (théories humorales, recul des épices, des sauces acides : verjus, mélange sucré-salé).
Méron 1746 : La cuisinière bourgeoise synthétise cette cuisine :
-principes de base : préservation des saveurs des aliments : cuissons plus courtes ;
-augmentation de la conso de beurre : devient graisse des élites (évolution du bas vers le haut) ;
-diffusion des aromates indigènes ;
-succès des légumes verts (petits pois à la Cour de LXIV et L XV) ;
-essor des viandes de boucherie (bœuf au départ, viande du peuple).
Les milieux de cour à la pointe du changement, puis diffusion chez les élites nobiliaires et les élites marchandes. Diffusion géo en parallèle : Paris vers les villes de province puis vers les campagnes.
« Nouvelle cuisine » a connu un grand succès partout en Europe, Fce : rôle de précursseur.
2°De nouveaux produits.
(Perspective sociale plus large) la diffusion s’accélère. Processus d’acculturation :
ex1 : la dinde 1750 diffusée à Tlse, vient d’Amérique ; XVIII° : produit courant dans les campagne françaises et anglaises. Elle remplace l’oie (niche d’alimentation) à partir du XVII° => oie devient produit de conso populaire. Dinde au XVIII° célèbre dans les livres de cuisine.
ex2 : le haricot : vient aussi d’Amérique ; arrive en Languedoc fin XVI°, c’est plutôt un aliment de conso populaire. Il s'inscrit dans le même registre que les poids et fèves.
ex3 : produit nouveau et révolutionnaire : le sucre (élargissement de la conso) au MA : consommé sous forme thérapeutique, fin XVIII°, élargissement aux élites et aux catégories populaires. Succès d’un nouveau goût => répercussions économiques => dvpment économie de plantation (Antilles) => essor du transport.
ex4 : boissons exotiques : café plus largement répandu fin XVIII° (originaire d’Arabie, implanté dans le Nouveau Monde, approvisionne le marché européen) : influence de la demande sur la production => hiérarchisation des cafés (élites se différencient socialement : le 1°, le moka, puis Saint Domingue et les Antilles).
Thé : très limité : élites portuaires quand il y a des colonies anglaises. En Angleterre, boisson courante.
Chocolat : très limité en Fce, reste un médicament (vendu par les apothicaires). Succès en Espagne (boisson courante).
Les processus d’acculturation pas linéaires :
Ex le chocolat : grand succès chez les élites fin XVII°-début XVIII° jusqu’à la Régence (phase de surconso chez les élites), mi-XVIII° jusqu’en 1789 : sous-conso.
XIX° : remontée de la conso (dvpment industriel du chocolat => moins cher).
Il existe aussi des produits qui n’ont jamais été adoptés sous l’Ancien Régime :
-la tomate (origine américaine) connue en Europe dès le XVI° siècle, pas adoptée car produit à cultiver à part (pas de niche alimentaire). Ne se diffuse qu’au XIX°.
-la pomme de terre : conso animale => résistance des hommes à les manger, risque de maladies car mangées crues et pas panifiables.
-le piment connu dès le XVIè, mais ne sachant pas le cuisiner, son acceptation est bcp plus longue.
3°Les transformations techniques.
Spécialisation des pièces :
-cuisine de plus en plus une pièce à part, meilleur équipement, plus d’hygiène.
-salle à manger à Paris : 14 % au XVIII°, elle se devpe : pièce de réception chez les élites. Auparavant, pas de pièces spécialisées (salon…), grandes tables sur tréteaux pour transformer la pièce en salle de bal, ajuster en fonction du nombre de convives ; fauteuils, placards avec argenterie, vaisselier : mise ne évidence de la richesse par la vaisselle.
Modes de cuisson :
apparition du réchaud : on cuisine debout (progrès techniques et conforts), apparition du potager : « fourneaux » pour faire cuire les potages et les ragoûts : séparation des casseroles et du feu : cuisson plus douce => dvpment des sauces servies à part.
Les verres et la manière de boire : progrès dans la fabrication du verre, charbon => verre moins cher et plus résistant. Entraîne des transformations dans les manières de boire : les « verres à boire » entre 1700-1750 dans le SO : 13 % ; 1800-1850 : 68 % : innovation technique fondamentale.
XVIII° : le service de la boisson évolue avec l’individualisation des verres et le développement des bouteilles (goulot étroit grâce au verre plus résistant). Avec cette évolution technique, le vin peut vieillir. Bouchon en liège et tire-bouchon venu d’Angleterre.
ðrévolution technique : révolution des goûts -> grands crus ; méthodes de dégustation : œnologie avec le dvpment des « tasses à vin » (=tastes-vin).
Innovation s’il y a demande. Ici le poids des élites est déterminant et entraîne des révolutions techniques. C’est aussi le moyen d’affirmer son identité.
C.Alimentation et identité.
Champ de recherche très fécond. Question de l’originalité par groupe, par région : pb de la comparaison. La notion sous-tend la conscience de cette identité, conscience de la représentation, de l’appartenance (=regard extérieur).
L’identité est souvent plurielle : un même groupe, selon les circonstances, peut voir évoluer son identité.
1°L’identité sociale.
Les conso et habitudes alimentaires d’un groupe :
le clergé : prendre en compte les contraintes liées à son état (respect des jours maigres 3/ semaine ; temps du Carême, de l’Avent, et vœu de pauvreté pour certains ordres, vie en communauté => repas collectifs). Cpt, les contraintes affichées ne sont pas forcément appliquées dans la réalité : ex, les Feuillants de Bdx (ordre mendiant) : on a retrouvé dans leurs archives des factures de traiteurs pour des repas individuels ; on est donc très éloigné du vœu de pauvreté.
Conso originale : part des laitage importante ; poisson, œufs = « gastronomie du maigre » : fruits secs très énergétiques (cf : prières la nuit, travaux => besoins énergétiques importants) ; chocolat.
Diversité ville/ campagne.
Ex : noblesse : besoin de distinction sociale para rapport au peuple ; par rapport aux autres élites (négociants) : art de recevoir à table très prégnant : cf : chiffres vaisselle et linges de table exceptionnels.
-goût du gibier à plumes ;
-luxe de la table : choix des matières : argenterie ; variété des mets ; conso hors saison (fruits en primeur) ;
-à la pointe des modes alimentaires.
Mais encore une fois distinction ville/ campagne.
Le noble est un mangeur pluriel : ses conso varient selon le moment (repas de fête n’est pas le repas quotidien).
2°L’identité culturelle.
C'est l'ensemble des pratiques et des valeurs en rapport avec l'alimentation.
Culture nationale à distinguer de la culture régionale.
Cf : Massimo Montanari sur la cuisine italienne.
Existe-t-il une identité culinaire du SO au XVIII° ?
synthèse originale entre enracinement et ouverture (nouvelles boissons) ;
savoir-faire spécifiques (saucissons, jambons, confits…)
L'Italie connue pour les pattes et la charcuterie, voir les ouvrages de A. Capatti et M. Montanari.
Le SO se fait connaître par des emblèmes (vin= Bdx ; chocolat et jambon= Bayonne.)
1809 : carte de Fce des régions en fonction de leurs spécialités propose en regard extérieur sur chacune des régions.
CONCLUSION GENERALE :
La conso alimentaire est complexe et ne peut se résumer au seul acte de se nourrir. C’est un « fait social total » aux dimensions plurielles (éco, sociales, culturelles…)
XVII°-XVIII° : ampleurs nouvelles (Nouveau Monde, culture des apparences, fin des famines).
Multiplication des échanges : programmes alimentaires, nouvelles modes. Nouveaux dynamismes : Ancien Régime n’est pas une économie fermée, elle est en mouvement, ouverte. La conso est le terrain d’échange de cette économie.
90.16.232.151Amandine90.16.232.151