Minvielle UE9 2ème cours 15/02/07
Sommaire
- 1 A/ Le patrimoine noble, l'exemple de Bordeaux au XVIIIè siècle
- 2 B/ Le patrimoine négociant, l'exemple de Bordeaux au XVIII
- 3 C/ Un modèle d'accumulation patrimoniale dans les paysanneries, les chantiers du Plessis Gassot
- 4 L'agriculture française au XVIIIè siècle : simple croissance ou révolution ?
A/ Le patrimoine noble, l'exemple de Bordeaux au XVIIIè siècle
XVIII, domination économique des nobles est mise à mal par la concurrence du négoce. Mais maintient de la prédominance nobiliaire économique.Importance des sources fiscales, le vingtième (créé après la guerre de succession d'Autriche).
Membres du Parlement = élite locale. 1755, revenu moyen annuel est de 12 500 livres. La majorité touche entre 5 000 et 12 000 livres. Trois nobles ont un revenu supérieur à 30 000 livres : Marquis de la Tresne, Président du Parlement Verthamon et le conseiller au Parlement Castelnau.
D'où viennent ces revenus ? Terre, de l'exploitation de propriétés viticoles. Fortune ne venait pas de leurs charges car celles-ci fournissent un revenu modeste (un parlementaire, 375 livres/an et le Président, 1 400 livres/an. En plus, le paiement par le Trésor Royal est irrégulier. Il existe des cas de spéculation où l'on revend sa charge plus cher.
Il existe 250 exploitations viticoles pour l'ensemble des parlementaires (qui sont environ 100). Dans les terroirs les plus réputés, Médoc, Graves, Sauternet. Toutes ces propriétés font environ 3 200 hectares dans les 30km environnant Bordeaux.
Au XVIII, vignoble bordelais connaît une prospérité éclatante grâce à la demande intérieure et extérieure. Amélioration des techniques et amélioration des vins. Les grands crus naissent et les prix augmentent pour ces vins.
Le patrimoine immobilier est une caractéristique nobiliaire. Pas seulement rural, aussi seigneuries exploitées par les paysans. On retrouve des banalités avec des fours, des pressoirs, etc. Les revenus seigneuriaux représentent moins de 5% des revenus des nobles et pèse donc assez peu.
Il est plus rentable de posséder des immeubles en ville et ce mouvement s'accentue au cours du XVIIIè avec la construction d'immeubles particuliers et de maisons mises en location. François-Armand de Saige (1er maire de Bordeaux) a 12 propriétés, il investit dans les faubourgs de St-Seurin et de St-Bruno. en 1770, il achète pour 200 000 livres de terrain à Bordeaux. Pour lui-même, hotel particulier derrière le grand théâtre. Le Président Daugeard suit une politique inverse. Il vend ses terres de Ste-Eulalie en 37 lots. Grâce à leurs investissements immobiliers, ils deviennent les promoteurs de l'émergence d'une ville nouvelle. Ces patrimoines sont souvent des prolongements antillais. Ces biens coloniaux génèrent d'importants revenus.
J. B. Dupuy, trésorier général de France à Bordeaux, marie sa fille en 1788. Sa dot est composée pour moitié de biens aux antilles (dont le revenu annuel est estimé entre 60 000 et 80 000 livres). Ces patrimoines antillais sont fragiles et volatiles. Il est nécessaire de s'investir dans le grand commerce et il existe de nombreux aléas ; climatique (risques pour les plantations), diplomatiques (guerres nombreuses), navigation difficile. Il existe des cas de faillite à cause de ces aléas. De nombreuses personnes se séparent de leurs possessions coloniales. Alexis Prunes vend en 1775 un domaine à la Martinique pour 300 000 livres pour couvrir une dette de 128 000 livres.
Entre 1740 et 1789, 58 navires partent de Bordeaux et ont été armés par des nobles. On y exploite des mines, des activités métallurgiques, de la verrerie (Pierre Mitchell gagne plus de 13 000 livres/an avec ces verreries).
Patrimoines peuvent être très importants. Daugeard ≅ 2 millions de livres tournois, 90% de biens immobiliers qui génèrent des revenus sûrs et qui augmentent au XVIIIè. Le problème est que le capital est indisponible et cela pose des problèmes pour se procurer du numéraire. Il essayent de limiter l'émiettement de leur patrimoine.
B/ Le patrimoine négociant, l'exemple de Bordeaux au XVIII
Assez différent de celui des nobles :
- Plus faibles part des biens immobiliers dans les patrimoines,
- Patrimoine mobilier est réinvesti dans le commerce, et comporte un risque commercial,
- La majorité du patrimoine se compose de créances qui sont des sommes dûes, extrêmement difficiles à recouvrer.
Ce sont des propriétaires terriens mais les terres sont différentes de celles des nobles. Une résidence en ville et une à la campagne. Il n'y a pas de comparaison possible avec les nobles, patrimoine immobilier est largement inférieur. Des stratégies se mettent en place pour développer ce patrimoine immobilier car cela comporte des avantages : fixe du capital et rapprochement de la noblesse.
1/4 du patrimoine total = patrimoine immobilier, proportion inverse à la noblesse.
Pour devenir noble, il faut soit :
- marier sa fille à une famille noble en apportant une grosse dot,
- acheter une terre noble,
- acheter une charge de conseiller au Parlement.
Les revenus du commerce, beaucoup d'immobilisation du capital pour l'achat, l'armement des navires, etc. L'investissement de départ est lourd et les fruits de ces investissements arrivent lentement. De plus, les créances sont longues à se faire rembourser.
1780, J. J. Boyer liquide son entreprise commerciale. Il est associé avec ses soeurs qui abandonnent leurs droits car elles estiment que cela prendrait trop de temps pour recouvrer les fonds qu'elles ont investi dans l'affaire car les créances sont à l'étranger.
François Bonnaffé possède 4 à 5 millions de livres au début de la Révolution Française. Il meurt en 1809 et sa fortune est réduite à néant. 1790, soulèvement à Saint-Domingue, créances disparaissent. Les négociants se constituent un patrimoine très rapidement mais leur chute peut être tout aussi rapide.
C/ Un modèle d'accumulation patrimoniale dans les paysanneries, les chantiers du Plessis Gassot
Exercice fait en cours
L'agriculture française au XVIIIè siècle : simple croissance ou révolution ?
En complément de ce cours, la lecture du chapitre L'agriculture française au XVIIIè siècle de Paul Butel dans l'ouvrage L'économie française au XVIIIè siècle a été conseillée. Vous pouvez retrouver ce chapitre ici : http://univbordeaux.free.fr/docs/Butel.pdf (8,3mo)
Introduction
Histoire économique du monde rural, dans les années 1970-80, abandon presque total des études de grande ampleur. Cela explique que les études soient très anciennes ou très récentes. J.M. Moriceau a travaillé sur les fermiers de l'Ile de France ce qui constitue un retour. La revue Etudes rurales s'est créée dans les années 1990. Le champ agricole tient une place essentielle dans les nouveaux champs de l'histoire économique.
XVIIIè, croissance de l'agriculture française, relative prospérité. Atténuation de l'amplitude des oscillations au niveau des récoltes. Les études des années 1950-1960 ont mis en avant une révolution agricole ce qui a provoqué de vives critiques et de vifs débats. En 1971, Michel Morineau, Les faux semblants d'un démarrage économique, remet en cause la révolution agricole qui serait une simple construction des historiens ne correspondant pas à la réalité.
Quatre phénomènes se sont produits :
- recul de la jachère,
- recul de la part des surfaces cultivées consacrées aux céréales,
- hausse sensible des rendements,
- croissance de la productivité du travail.
Si l'on oppose cette évolution à l'Angleterre, les historiens disent que la France a pris le même retard que dans le domaine industriel vis-à-vis des anglais. On le voit à travers les écrits d'Arthur Young qui écrit la façon dont il voit l'agriculture française.
Après Morineau, idée de révolution agricole est quelque peu oubliée. Aujourd'hui, on utilise cette expression seulement pour quelques régions : Ile de France, Alsace, Flandre. Marchés sont plus régulièrement approvisionnés, etc. On produit mieux. Il y a des progrès dans la gestion des parcelles, etc. Joseph Goua parle d'une accumulation de petits progrès. La hausse de la production a été étudiée par J.C. Toutain. Il estime cette croissance en 1961 à 60% entre 1701-1710 et fin XVIII. Mais la décennie 1701-1710 est considérée comme étant mauvaise donc la démonstration est faussée. Les comparaisons plus justes nous donnent une augmentation de 25 à 40% de la production sur le siècle. On constate également une amélioration des conditions climatiques après le grand hiver de 1709 et la sortie du petit âge glacier. Il y a aussi une augmentation de la production par l'augmentation des terres mises en culture par les défrichements. Le 13/08/1766, le roi invite à défricher des terres abandonnées depuis 40 ans ce qui représente environ 600 000 hectares de terres soit ~2,5% des terres cultivées. Comment expliquer 25-40% de croissance avec une augmentation de 2,5% de la surface cultivable ?
Avant-propos : une agriculture encadrée par le système seigneurial
Institution médiévale qui existe jusqu'à la révolution. La seigneurie a largement évolué jusqu'à son abolition en août 1789 (lors de l'abolition des privilèges). Toutes les seigneuries d'Ancien Régime n'appartiennent pas à des nobles, on peut être roturier par exemple. Il faut payer un droit de franc-fief qui correspond à 5% des revenus de la seigneurie tous les 20 ans. La seigneurie ne donne pas la noblesse.
C'est une structure fondamentale dans l'Ancien Régime :
- d'un point de vue administratif, unité de base du territoire,
- c'est une unité de base du point de vue juridique,
- et c'est la cellule de base dans l'encadrement des hommes et de l'économie puisque c'est à ce niveau qu'on décide les types de cultures, etc.
L'étude de ces seigneuries sont souvent délaissées par les modernistes car celles-ci ont une mauvaise réputation à la l'époque moderne. Cette structure est vue comme archaïque, injuste et oppressante. On la voit comme un obstacle au développement économique et agricole parce qu'elle découragerait l'innovation, etc. Les seigneuries sont accusées de tous les maux. Pour ceux qui ont une vision marxiste de la révolution, cette structure serait une des causes de la Révolution Française.
L'abolition a d'ailleurs été l'une des premières décisions prises par les révolutionnaires. Ceux-ci supprimant les droits seigneuriaux et tous les privilèges, les droits sur la terre sont déclarés rachetables à la révolution. Les révolutionnaires reconnaissent l'utilité et la légitimité en n'abolissant pas tous les droits.
L'époque moderne laisse trois espaces différents aux seigneuries :
- Domaine ou réserve du seigneur. Propriété dominant et exploitant ; soit le seigneur fait exploiter par des corvées ou il paye la main d'oeuvre, soit il met ses terres en fermage.
- Les censives ou les tenures. Propriété éminente du sol, redevance de ceux qui exploitent.
- Les communaux. Terres incultes soumises à des usages collectifs.
Les droits que le seigneur exige :
- droits féodaux : paiement d'un cens ou d'un champart
- droits seigneuriaux : obligations qui peuvent constituer un revenu important pour le seigneur.
Cette autorité est vue comme parasitaire dans l'agriculture. Malgré cet aspect, cette structure reste utile dans l'Ancien Régime.
Tous les tenanciers ne sont pas soumis aux mêmes droits. Le système est de plus en plus mal supporté par les paysans et de nombreuses querelles apparaissent.